Chapitre 35
Je saute dans les bras de la jeune fille qui m'enlace à son tour, visiblement aussi heureuse que je le suis. Après quelques secondes, je la lâche enfin et je ne peux m'empêcher de la contempler. Elle est magnifique dans sa longue robe mauve. Ses cheveux d'un blond qui fait penser à l'or ondulent délicatement sur ses épaules.
— J'étais sûre que l'on se reverrait.
Bientôt, Lexa s'approche de moi, me prenant à son tour dans ses bras, pendant que les autres sont en retrait, derrière moi.
J'ai longtemps discuté avec Andrew. Il est sur le point de découvrir ce que prépare réellement Geoffrey et il sait qu'après ça, la guerre ne tardera pas à éclater. Certes, nous sommes nombreux à l'Immeuble, mais tous ne sont pas aptes à se battre. Il y a des enfants, des personnes âgées. De plus, nous ignorons combien de personnes sont rangées du côté de Geoffrey. Nous avons besoin du plus de guerriers possible. Et j'ai dû insister pendant des jours pour qu'enfin, il accepte ma demande. Les Terrilanéeins pourraient être des alliés de taille. J'étais certaine qu'en apprenant les plans diaboliques de Geoffrey ils ne resteraient pas indifférents, ils n'hésiteraient pas à se joindre à nous, du moins, c'est ce que j'espérais.
— À que dois-je l'honneur de votre présence ici, Andrew de Phandrès ? demande Lexa en se courbant en avant, comme si elle faisait face à un roi.
— J'ai à vous parler, répond Andrew en prenant le même air théâtrale, qui est pourtant tout à fait naturel pour eux.
Lexa hoche la tête et nous fait signe de les suivre. Andrew s'avance le premier, il paraît toujours méfiant malgré que je lui ai assuré qu'ils ne nous feraient aucun mal.
Je le suis, accompagnée de Erwan, Isack, Laurie et d'autres personnes dont je n'ai jamais fait connaissance. Des amis à Andrew, sûrement.
Nous grimpons les marches qui mènent au Palais Royal – puisque la dirigeante est considérée comme une reine. L'endroit est incroyablement grand, j'ai pu le constater la dernière fois, mais cela m'impressionne toujours autant. Lexa pousse une immense porte en bois et nous pénétrons dans une grande salle. Une longue table est placée au centre, celle-ci pourrait accueillir une centaine de personnes !
Lexa s'installe en bout de table, ses serviteurs à côté d'elle.
L'air se charge en électricité, je le sens. Andrew n'est pas serein. Il croit en moi, mais ce n'est pas à moi de faire ce choix. C'est à eux seuls. Et qui accepterait de participer à une guerre alors qu'elle ne les concerne en rien ? Les habitants de Terrilan sont des gens bien, mais pourquoi accepteraient-ils de se battre à nos côtés alors qu'ils n'ont aucun intérêt dans cette guerre ? Ils ne savent sûrement même pas qu'il existe un premier secteur. Maintenant, je commence moi-même à douter, je n'aurais pas dû être si sûre.
— Habitants de Phandrès, nous écoutons votre requête, lâche Lexa, toujours avec ses airs de moyen âge auxquels je ne me ferai sûrement jamais.
— Merci de nous recevoir dans votre cité, commence Andrew. L'une des nôtres a sauvé votre ville il n'y a pas si longtemps que ça. Sans elle, vous ne seriez pas ici aujourd'hui.
— Nous en sommes très reconnaissants. Où voulez-vous en venir ?
— Aujourd'hui, c'est nous qui avons besoin de vous. Une guerre se prépare. Une véritable guerre. Et nous sommes beaucoup trop peu. Nous allons tous mourir si nous ne réunissons pas plus de guerriers.
— Une guerre... Contre qui ?
— Il existe un endroit que peu de personnes connaissent ici. Un endroit nommé Altalie. Le...
— Le premier secteur, coupe Lexa.
— Comment êtes-vous au courant ? demande Andrew.
— Lorsque Victoire nous a sauvés, le Pharan qui menaçait notre cité a crié qu'elle venait d'Altalie avant de se faire atteindre par la foudre. Depuis, j'ai fait de nombreuses recherches.
— Vous devez donc être au courant de ce qui se trame là-bas ?
— Je ne sais pas ce qu'il s'y passe. Mais je me pose beaucoup de questions.
— Je vous en dirai plus si vous acceptez de nous venir en aide.
Ils se fixent un moment. Puis Lexa se lève dans toute son élégance.
— Très bien. Je dois réfléchir.
Ses serviteurs se lèvent à leur tour et ils quittent la pièce. L'échange se termine là. Andrew cherche mon regard et je lui souris faiblement, me retrouvant peu rassurée à mon tour.
J'avais tout de suite pensé que les Térrilanéeins n'hésiteraient pas à nous venir en aide. Ils étaient véritablement reconnaissant envers moi, mais je n'avais pas mesuré l'ampleur notre demande. Je n'aurais pas dû être si confiante.
Personne ne parle, nous sommes probablement tous trop profondément plongés dans nos pensées. Mais alors que je relève la tête pour confirmer ma pensée, je croise le regard sombre d'Erwan ancré sur moi. Il n'arrête pas pour autant de me fixer et je me détends instantanément. Sa présence est réconfortante. Je sais que même s'ils n'acceptent pas de nous aider, nous donnerons tout pour vaincre cette guerre. Même si nous devons nous battre seuls, mes amis seront à mes côtés, c'est le plus important. Que nous soyons unis.
Après ce qui me paraît au moins une demi-heure, Lexa pénètre à nouveau dans la pièce. Tout le monde se redresse et Andrew prend une grande inspiration.
— J'ai bien réfléchi et je ne m'engagerai pas dans une guerre dont je ne connais même pas la cause. Je veux tout savoir. Nous en reparlerons demain, en attendant, je vous invite à vous installer dans vos chambres pour la nuit. Layla vous y conduira.
Sur ce, elle s'en va. Encore une fois. Je passe une main dans ma nuque endolorie. Ne perdons pas espoir.
Andrew nous fait signe de nous lever et nous suivons Layla. Elle nous présente à chacun une chambre indécemment grande.
Un lit à baldaquin aux draps rouges trône au beau milieu de la pièce. En face de celui-ci, une baie vitrée qui apporte une touche de modernité à cette décoration pourtant antiquaire, donne sur la ville. Une immense bibliothèque en bois couvre tout le mur de droite. Les livres rangés à l'intérieur semblent avoir connu de nombreuses années. J'en prend un au hasard à la tranche verte où est gravé un symbole que je ne comprend pas. Je passe délicatement mes doigts sur le symbole couleur or. Ils semblent avoir une connexion particulière avec ce genre de symbole ici, je me demande ce que cela signifie.
Je repose rapidement le livre après avoir feuilleté quelques pages, je ne comprends rien. L'écriture est bien différente, c'est sûrement une autre langue.
Au pied du lit est posé un grand tapis gris, sur lequel sont éparpillés plusieurs coussins. Je rêve de m'y vautrer et de ne plus jamais me relever. D'oublier qu'une guerre s'apprête à éclater et que nous avons trop peu d'alliés. J'ai l'impression d'être une véritable princesse dans cette chambre. Sauf qu'en général, le prince charmant vient sauver la princesse. Aujourd'hui, c'est à moi de sauver mes amis, ma famille et tous ceux qui comptent sur moi.
Je m'allonge confortablement sur le tapis, fixant la ville à travers la baie vitrée. Les gens vivent. Les enfants jouent, je peux presque entendre les marchands crier pour vendre leurs légumes aux marchés, non loin.
Je soupire. J'aimerais rester là pour l'éternité.
Je finis tout de même par me relever. Nous avons passé des jours dans la forêt, il faut dire que l'eau m'a terriblement manqué.
Je pénètre dans la salle de bain, puis me rue vers la baignoire et m'empresse d'allumer l'eau chaude.
Dans la vie, je n'ai eu que peu d'occasion de me baigner dans une baignoire. Ça peut paraître complètement bête mais c'est un cadeau magnifique pour moi. Déjà parce que, à Altalie, c'est "légèrement" cher. J'ai eu l'occasion de tester lorsque j'allais dormir chez Shylay, mais l'occasion de n'est jamais représentée.
En attendant que la baignoire se remplisse, je me place face au miroir. Mon visage est plein de terre, mes cheveux sont complètement en pagaille. Je me demande comment Layla a eu le courage de me prendre dans ses bras...
Je pénètre enfin dans l'eau chaude et la sensation est délicieuse. Elle fait tout de suite effet. Tout mon corps se détend alors que je ferme lentement les yeux.
C'est si bon.
Après une bonne heure, je sors de mon bain totalement apaisée. Personne n'est venu me déranger, personne n'est venu me rappeler que nous avons un peuple à convaincre et j'avais presque oublié pourquoi nous sommes ici.
J'enroule une serviette couleur or autour de mon corps et ferme les rideaux de la baie vitrée. Dans l'armoire, il n'y a qu'une seule robe. Une robe à couper le souffle. C'est une longue robe rouge, bordée de dentelle de la même couleur. Une jupe large et volumineuse, style princesse. Si je ne me sentais déjà pas assez comme telle, et bien voilà. Je suis servie !
Je l'enfile avec toute la délicatesse du monde, j'ai bien trop peur de l'abîmer. En me contemplant dans le miroir, je constate qu'il y a une ouverture dans le dos, laissant paraître ma peau pâle. Il faut dire que ces derniers temps, je n'ai pas vraiment l'occasion de faire bronzette. Entre les entraînements avec Enzo, les réunions avec Andrew et les entrevues avec Simon pour essayer de le faire parler, je n'ai pas vraiment de temps pour moi. En parlant de Simon, son père a remarqué qu'il avait disparu, il sait que ça vient d'Andrew. Mais à part des menaces dans le vide, il n'a pas bougé un doigt pour tenter de récupérer son fils, et ça, Simon ne veut pas y croire. Je le comprends, ça doit être dur de se rendre compte que son propre père ne tient pas à lui. Enfin, peut-être moins dur que de savoir qu'il l'a oublié, comme le mien...
Je secoue légèrement la tête, chassant mes pensées moroses. Je pose mes doigts sur mon pendentif doré qui ressort parfaitement. Ce n'est pas le moment de penser à ça.
Alors que je sors de la salle de bain, manquant de trébucher à cause de cette robe foutrement longue, quelqu'un toque à la porte qui doit faire trois mètres de hauteur.
Je crie à la personne d'entrer en me vautrant sur mon lit. J'ai vraiment du mal à marcher avec ce truc. Et je ne suis que dans ma chambre, qu'en sera-t-il dehors ? Je n'ose même pas imaginer.
Une longue chevelure blonde se pointe devant moi et je devine tout de suite de qui il s'agit. Je me redresse légèrement sur les coudes dans une position peu élégante.
— Magnifique.
Je dévisage Layla qui me fait un énorme sourire, un plateau à la main sur lequel je devine une brosse à cheveux et plusieurs produits de beauté.
Je soupire en m'asseyant convenablement.
— Vraiment besoin de ça ? j'interroge peu enthousiaste.
— Tu n'aimes pas ?
— Si mais... ce n'est pas dans mes habitudes de mettre ce genre de... robe. Disons que ce n'est pas très commun.
— Il y a un début à tout, sourit-elle amusée.
Une début à tout... même à la guerre...
Je n'ai pas le temps de poursuivre mes pensées chaotiques, la porte s'ouvre brusquement.
Julie s'avance dans la pièce, le visage illuminé, dans sa longue robe jaune qui lui va à ravir. C'en suit de Laurie, qui se fait bien plus discrète. Elle semble mal à l'aise. Elle porte une robe bleue qui contraste parfaitement avec ses cheveux roux et ses yeux verts. C'est la première fois que je la vois en dehors d'un pantalon, elle est vraiment belle.
Les deux nous rejoignent, Julie bien plus enthousiaste que notre chère amie. Layla sourit elle aussi, ravie d'avoir plus de poupées à coiffer.
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