Chapitre 29

Même si le fait d'être à Altalie me perturbe, il faut avouer que j'ai incroyablement bien dormi et je crois bien que la présence de Erwan n'y est pas pour rien.

Après avoir petit déjeuné, nous nous sommes installés sur la grande table de la salle à manger, les plans de la ville sous nos yeux. Mais il y a toujours un problème : il manque le quatrième plan.

— Tu ne sais pas où il pourrait y avoir une copie ou un truc du genre ? demande Laurie.

Réfléchis Victoire...

Mais oui !

— Si ! Mon père travaillait en tant qu'ingénieur, c'est un travail assez important et qui nécessite le trajet jusqu'aux appartements des Halvarez. Je suis sûre d'avoir déjà vu un plan ou quelque chose du genre dans son bureau.

— Super, et comment on se rend chez toi ?







La petite allée menant aux immeubles et, en particulier, à mon ancien chez moi, me rappelle de nombreux souvenirs.

— Ok. Ma mère emmène mon frère à l'école à 08:30, j'explique en jetant un coup d'œil à ma montre. Il lui faut au moins dix minutes pour arriver là-bas et dix minutes pour revenir. Mon père sort en même temps pour aller courir un peu et s'acheter le journal du jour. En général, il ne revient pas avant 09:30. On a au moins vingt minutes.

— Fastoche, déclare Théo.

Bientôt, nous voyons la petite famille – la mienne se dire au revoir en se prenant dans les bras. Elliot dépose un bisous sur la joue de mon père, puis prend la main de ma mère et ils se séparent. Mon cœur se serre en pensant au fait qu'ils n'ont jamais remarqué mon absence...

— Allons-y.

Nous sortons de la voiture et nous précipitons vers l'entrée de l'immeuble. J'entre le code sur l'écran tactile et heureusement, il n'a pas changé. La porte en verre s'ouvre dans un cliquetis.

— Troisième étage, je préviens.

Nous nous retrouvons devant la porte de mon ancien appartement. Évidemment, elle est fermée.

— Poussez-vous, ordonne Julie.

On s'écarte pour la laisser passer et elle attrape une épingle accrochée dans ses cheveux. Elle la glisse dans la serrure et par je-ne-sais-quel-manipulation, la porte s'ouvre.

Les pièces sont d'un blanc immaculé, bien plus simples que là où nous avons passé la nuit. En passant devant ma chambre, mon cœur se serre. Je repense aux nombreuses après-midi passées avec Shylay, à faire un classement des plus beaux mecs de l'école, lorsqu'elle insistait sur le fait que Romain était amoureux de moi et que je lui répétais que ça n'arriverait jamais. Les disputes avec Elliot, qui finissait toujours bien pour moi puisqu'il était d'une naïveté propre à un enfant de six ans. Lorsque mes parents me criaient dessus pour que je me lève de mon lit, sous peine d'arriver en retard au lycée. Ma première fête d'anniversaire, quand mes parents avaient finalement accepté de me laisser l'appartement pour la journée et que la fête avait fini entre nous ; Romain, Shylay, Mila, Maël, Elliot et mes parents autour d'une soupe aux légumes parce que ma mère n'avait rien prévu.

— Ça va ? demande Julie, percevant sûrement mon trouble.

— Oui.

— Oh bichette, pourquoi tu pleures ?

Cette fois c'est Enzo qui pose la question. Je n'avais même pas remarqué que des larmes avaient coulé, alors que nous sommes devant la porte du bureau de mon père.

— Commencez à fouiller, on vous rejoint dans deux minutes, déclare Erwan à ma grande surprise.

— Oui laissons-les entre amoureux, plaisante Enzo.

Il ne peut pas se taire pour une fois celui-là ?

Pour toute réponse, Erwan lui montre son troisième doigt et me prend la main pour m'emmener au salon. Il me fait asseoir sur le canapé et descend sur ses genoux de sorte qu'il se trouve le buste à ma hauteur, calé contre le canapé et entre mes cuisses. Il prend mes deux mains dans les siennes et tout mon corps frissonne à ce simple contact.

— Tu veux continuer ? On peut partir si tu veux, je te ramène à l'extérieur et on continue la mission ici, tu n'es pas obligée de subir ça.

Il sait exactement ce que je ressens sans même que je n'ai besoin de lui en parler, et cela me trouble encore plus. Il a compris que les souvenirs m'envahissent sans même que j'ai le temps de l'expliquer. Mais je ne veux pas renoncer à cette mission. Je ne veux pas et je ne peux pas. Je dois continuer, je dois me prouver à moi-même pour une fois que je suis plus forte que je le pense, que je peux y arriver.

— Ça va aller. Merci Erwan.

Il me sourit tendrement et se relève après avoir essuyer mes larmes. Nous rejoignons les autres dans le bureau de mon père.

— Je crois que j'ai trouvé ! s'exclame Théo.

Il tient ce qui ressemble à une carte postale dans les mains. Je fronce les sourcils et m'approche pour observer.

Effectivement, c'est bien la pièce manquante. Je lui prend des mains.

— Ok, on s'en va.

Mais alors que je m'apprête à ouvrir la porte, je perçois des bruits de pas dans les escaliers. La voix de ma mère s'élève, elle semble parler au téléphone puisque personne ne lui répond.

— Ma mère !

— Mais on a pris moins de vingt minutes, qu'est-ce qu'elle fait là ? interroge Julie.

— Aucune idée, par la fenêtre vite !

— On est au troisième étage je vous signale, on va se casser la gueule, dit Théo.

— Oh, Théo, je te connaissais moins froussard.

— C'est pas de la frousse, on peut mourir !

Soudain, nous entendons un bruit provenant de la fenêtre. Nous nous regardons tous et nous précipitons vers celle-ci.

Erwan.

Il attend, les bras croisés, appuyé contre le muret qui entoure le mini jardin de l'immeuble.

— À moi !

Julie s'avance vers la fenêtre, monte sur le rebord et saute.

— Tout va bien ! crie-t-elle.

— Théo.

— Ok, souffle-t-il. Si je meurs aujourd'hui, sachez que je vous aimes mes chers amis. Et toi Vic, si je ne meurs pas tu me dois un bisous, allez, bye !

Il pousse un cri peu virile en atterrissant alors que je ne peux m'empêcher de pouffer de rire. J'entends ma mère devant la porte. Elle doit être en train de chercher la bonne clé dans son énorme trousseau.

— Accélérez le rythme, on n'a pas le temps pour les messages d'adieu.

Laurie passe à son tour. Il ne reste plus que moi et Enzo.

— J'ai pas peur mais je tiens quand même à la vie, et je sais que j'ai pas le droit à ce message mais sache que même si je te fais chier, je t'aime !

Je n'ai pas le temps de rétorquer qu'il passe par la fenêtre. 

Ma mère a sûrement dû remarquer que la porte était déjà ouverte et je suis sur le rebord de la fenêtre lorsque la porte s'ouvre et qu'elle entre dans le salon.  Son regard croise rapidement le mien.

— Vous !

Je ne pense pas à deux fois et saute. La chute est moins haute qu'elle en paraît et je parviens à me réceptionner sur mes deux pieds. Nous filons à toute allure, passons l'entrée et montons dans la voiture. Enzo démarre et met les gaz.

C'était moins une.

En arrivant à l'appartement, tout le monde souffle, à cran. Je pose la carte à côté des autres.

— Maintenant qu'on a ce qui nous faut, on fait quoi ? interroge Théo.

— Maintenant, on agit.

***

— Geoffrey a beaucoup de choses à faire pendant la journée. Je sais qu'à dix heures du matin, il avait tous les jours une interview avec sa femme qui passait à la télé. Elle durait à peu près une heure et demie. Ils allaient dans un café assez réputé pour l'interview. Ici, je désigne du bout du doigt.

Les regards se posent sur la carte.

— Il doit y avoir entre quinze et vingt minutes en voiture de chez lui jusqu'au quartier du commerce. Ce qui nous rajoute trente minutes.

— Donc on a deux heures pour envahir la maison du dirigeant de cette ville de fous, cherchez un laboratoire secret, trouver une quelconque preuve ou un indice sur ce que ce psychopathe prétend faire et partir comme si de rien n'était ? demande ironiquement Julie.

— Exactement, déclare Enzo.







Dans le hall de l'immeuble, une secrétaire est installée à son bureau et ne semble même pas nous remarquer.

— Enzo, à toi de jouer, j'intime.

Il s'avance vers la femme et se met à lui poser des questions. Il se fait passer pour un ami de Simon, le fils de Geoffrey. La femme n'y croit pas, mais peu importe, son attention est braquée sur lui.

Nous traversons le couloir pour rejoindre l'ascenseur.

— On trouve d'abord Simon, il nous mènera au laboratoire.

J'appuie sur le bouton du dernier étage, je me doute que Geoffrey ne se contenterait pas d'autre chose. L'ascenseur s'ouvre et nous nous approchons de la porte. Un boîtier est installé prêt de celle-ci. Il faut un code.

— Merde.

— Qu'est-ce que vous feriez sans moi ? demande ironiquement Théo en s'avançant vers la porte.

Lors de notre fugue il avait aisément manipulé la technologie de la porte pour l'ouvrir et la bloquer, je ne sais trop comment. Je ne sais pas ce qu'il a fait mais ça a fonctionné. La porte s'est entrouverte dans un cliquetis. Théo pousse la porte, passant devant et pénétrant le premier dans le luxueux appartement doté d'une technologie étonnante. Une voix robotique nous souhaite la « bienvenue chez Geoffrey Halvarez ». Des bras mécaniques nous proposent un verre d'eau, un jus d'orange, un shot de whisky. Théo accepte ce dernier et je lui donne un coup de coude pour le ramener à l'ordre.

Les lumières de la salle s'allument automatiquement sur notre passage. Après avoir exploré les différentes pièces dans le silence le plus complet, nous en venons à une conclusion. Il ne reste qu'une pièce : la chambre du fils Halvarez. Il doit y être.

Je sors mon petit pistolet – chacun à garder une arme plus discrète en cas de besoin – et pose ma main sur la poignée de la porte. Je lance un regard aux autres, comme pour leur demander s'ils sont prêts et ils me signalent que oui d'un hochement de tête unanime.

J'abaisse la poignée, prête à agir. J'ouvre brusquement la porte. Il est là, allongé sur son lit. Un casque sur les oreilles et profondément concentré sur son portable. Il n'a même pas remarqué notre présence. Je fais un pas dans la chambre et cette fois, il semble remarquer mon geste. Il bondit sur son lit, lâchant son portable et retirant par réflexe le casque sur ses oreilles.

— Q-qui êtes-vous ? Qu'est-ce que c'est que ce truc ? demande-t-il d'une voix peu assurée en faisant référence à l'arme que je tient fermement dans sa direction.

Erwan et Théo s'avancent dans sa direction alors que je maintiens ma position initiale. Ils lui attachent les mains et le jeune homme se laisse faire, sachant probablement qu'il est inutile de s'agiter lorsqu'il est seul contre six.

— Où est le laboratoire de ton père ? je demande avec le plus d'assurance possible.

— J-je ne vous dirais rien !

Théo s'apprête à lui asséner un coup de poing mais Julie l'arrête. Elle s'avance vers l'adolescent et se baisse à sa hauteur. Il fuit son regard. Il faut dire que Julie est vraiment adorable mais quand elle veut, elle peut faire vachement autoritaire.

— Écoute-moi bien mon grand. Je pense que tu n'as plus cinq ans, n'est-ce pas ?

— Alors pourquoi tu me parles comme si c'était le cas ?

Aïe. Celle-là, je l'ai sentie passer.

Mais au lieu de s'énerver et d'en coller une au malheureux qui a osé lui répondre de cette manière – comme tout le monde s'y attendait sûrement, Julie se redresse, un sourire collé aux lèvres.

— Je commence à bien l'aimer.

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