Chapitre 26

Je suis dans le hall avec Erwan lorsque la porte s'ouvre sur Isack. Il est avec une grande rousse, qui a les mains liées.

— Erwan !

C'est la fille qui a hurlé.

Erwan se retourne et la fille se jette dans ses bras. Au début, il reste immobile, surpris. Mais il finit par enlacer la fille. Et ce geste me brise le cœur. Je ne comprend rien à ce qui est en train de se passer.

Je suis là, debout à côté d'eux, mais c'est comme si je n'y étais pas. Comme si j'étais invisible. Je me sens de trop. Isack est toujours planté devant la porte. Il me fixe avec incompréhension. Soudain, la fille s'écarte d'Erwan pour déposer un long baiser sur ses lèvres.

Et c'est la goutte de trop.

Je sens mes yeux se remplir de larmes, alors je m'empresse de retrouver ma chambre.

Je me vautre sur mon lit après avoir fermé la porte à clé et me tourne vers la fenêtre. De là, j'aperçois le ciel qui se couvre à nouveau. L'orage gronde et les oiseaux s'envolent à la recherche d'un abri. Bientôt, le ciel se brise dans un éclair et je sens tout au fond de moi que c'est la même chose qui vient d'arriver à mon pauvre cœur. Évidemment je n'ai pas réussi à contenir mes larmes, on le sait déjà, je suis faible. Et comme dirait Erwan, pleurer c'est pour les faibles.

Merde.

Je me sens tellement vide,  pourquoi ça fait si mal ? Je n'ai jamais ressenti ça auparavant, pourquoi maintenant ? Peut-être parce que je ne suis qu'une idiote, Isack a toujours eu raison. Je m'en veux tellement de ne pas l'avoir écouté, combien de fois m'a-t-il mise en garde ? Je ne les compte même plus.

Il a joué avec moi, depuis le début. Et bon sang, pourquoi ai-je baissé ma garde ?! J'avais raison de me méfier, de ne pas croire en lui. Peut-être que ça n'aurais pas fait si mal si, ce jour-là dans la forêt, j'avais été moins faible et avais eu la force de le repousser.



Des coups se font entendre sur la porte, me ramenant à la réalité. Ce n'est pas seulement ma chambre, c'est celle de Laurie aussi et je n'ai pas le droit de m'enfermer comme ça ici.

Je me lève à contrecœur pour ouvrir la porte. C'est bien Laurie. Quand elle croise mon regard, je sens la compassion dans ses yeux et je sais qu'elle a tout vu, elle aussi. Je n'ai pas la force de la regarder, ma douleur me submerge et je fond en larmes. Elle s'empresse de me prendre dans ses bras.

— Je suis tellement désolée Victoire, dit-elle avec douceur.

Je ne parviens pas à articuler quoi que ce soit. Je préfère me taire. Elle reste avec moi et ne me lâche pas jusqu'à ce que, épuisée, je sombre dans le sommeil.




Je me suis réveillée quelques heures plus tard, dans l'après-midi. Julie, qui a appris ce qu'il s'était passé – sûrement par l'intermédiaire d'Enzo ou de Laurie – est venue me voir elle aussi. Elle m'a offert un joli médaillon où sont gravées les initiales V, E, H, C.

Victoire, Elliot, mon petit frère, Hélène, ma mère et Cédric, mon père.

Il faut dire que ça m'a vraiment fait chaud au cœur et l'espace d'un instant, j'en ai oublié ma tristesse. Elle m'avait proposé d'organiser une fête pour oublier ce « connard », mais je lui ai répondu que c'était ce dont j'avais le moins besoin actuellement.

Elle est ensuite repartie, me laissant à nouveau seule avec mes pensées douloureuses. Je ne suis pas sorti de ma chambre depuis, la possibilité de croiser son regard me terrifie.

On toque à nouveau à la porte, pourtant elle n'est pas fermée à clé cette fois. Je ne répond pas et préfère faire semblant qu'il n'y a personne, de peur que ce soit lui.

Sauf qu'après quelques secondes, la porte s'ouvre quand même. C'est Isack.

Je ne sais pas quoi faire, quoi dire. Alors je reste là, en boule sur mon lit. Il s'avance jusqu'à moi, sans prendre la peine de refermer la porte. Il me fait m'asseoir et me prend dans ses bras. Je ne peux rien faire pour empêcher mes larmes de couler à nouveau.

— Je m'en veux tellement de ne pas t'avoir écouté... Je ne suis qu'une idiote, tu avais raison depuis le début, mais j'étais tellement aveugle, j'articule entre quelques sanglots.

Pour toute réponse, il caresse doucement mon dos et dépose un bisous sur le haut de mon crâne.

Lorsque je m'écarte de lui, je ne pense pas deux fois. J'ai besoin de ravaler cette douleur, et il est le seul qui m'aidera à le faire. Je soutiens son regard et lis une douceur infinie dans ses yeux.

Mes lèvres s'écrasent avec envie contre les siennes, mais lorsque je commence à tirer sur son tee-shirt, il me stoppe.

— Je ne crois pas que ce soit la solution Victoire...

— S'il te plaît...

Il se lève, s'avance vers la porte et je soupire. Mais au lieu de partir, il l'a ferme et reviens vers moi.

— Tu es en colère et triste, je ne veux pas faire ça alors que tu risques de le regretter plus tard.

Je hoche doucement la tête. Il a raison, ce n'est peut-être pas vraiment ce que je veux. Il dépose un doux baiser sur mes lèvres en jouant avec mes cheveux.

— Je suis là maintenant, ça va aller.

***

Cela va faire une semaine que cette fille a fait son arrivée. Malheureusement, j'ai bien été obligée – par Théo et Laurie – de sortir de ma chambre. Je n'ai pas croisé Erwan, à mon plus grand soulagement. Ni cette fille dont je ne connais même pas le prénom – et c'est bien comme ça.

— En réalité, je comprends qu'il l'ai préférée elle. Elle est belle, grande, rayonnante, j'explique à Théo, qui en a sûrement marre de mes histoires.

Il lève les yeux au ciel.

— N'importe quoi. Je ne sais pas qui est cette fille, mais ils avaient l'air de se connaître. Et je suis désolé, mais t'es bien plus belle qu'elle ! Victoire, je ne connais personne de plus rayonnante et joyeuse que toi. Enfin ces derniers jours, tu t'es calmée quoi. En plus, si je pouvais choisir entre t'avoir comme copine ou l'avoir elle, je te choisirais direct !

— Tu dis juste ça parce que t'es mon ami.

— Pas vrai. Je suis ton ami parce que tu ne te manifestes toujours pas pour que je devienne plus que ça. Mais t'inquiètes pas, ça viendra, tu verras.

Je lâche un rire en secouant la tête.

— Quoi ? Tu vas me dire que c'est faux ? Je suis incroyablement beau, c'est pas possible que tu résistes pour toujours à mon charme.

— Ouais, ouais, on verra ça.

Il me lance un regard de charmeur surjoué accompagné d'un clin d'œil et je ne peux m'empêcher de pouffer de rire.

— Tu vois, en plus je suis le seul qui arrive à te faire rire alors que t'as le cœur brisé.

Je lui souris tristement. Il a raison, l'espace de notre conversation, j'en ai oublié toute cette situation.

Il passe son bras autour de mon cou et ébouriffe mes cheveux.

— Allez, ne sois pas triste à cause de lui, il ne le mérite pas. Souris comme tu sais si bien le faire et montre lui ce qu'il a perdu.

— Pourquoi il m'aurait perdu ? Il n'y avait rien d'officiel entre nous, il ne peux pas me perdre si je n'étais déjà pas à lui. Peut-être que j'en fait trop pour rien...

— Vic, même s'il n'y avait rien d'officiel entre vous, c'est un manque de respect énorme envers toi. Je dois y aller, ne reste pas toute seule, va rejoindre les filles.

J'acquiesce et il quitte ma chambre. Le vide reprend automatiquement sa place en moi.

Je décide de faire un effort et pour une fois, obéir à ce que me dit Théo. J'enfile un pull par-dessus mon pijama, me coiffe légèrement les cheveux, me brosse les dents pour la quatrième fois dans la journée – au moins ce chagrin ne me feras pas avoir mauvaise haleine – et quitte ma chambre pour la première fois aujourd'hui.

Ça me parait étrange que je n'ai toujours pas été envoyé en mission. Je pense qu'Andrew a appris d'une quelconque façon ce qu'il s'est passé et crois que je ne suis pas en état de faire quoi que ce soit. Mais au contraire, c'est tout ce qu'il me faut. Ça me vidrais complètement la tête et il arrêterai enfin de s'immiscer dans mes pensées pendant au moins quelques heures.

J'emprunte les escaliers au lieu de l'ascenseur. Je n'ai pas fait de sport depuis une semaine et j'en ai fort besoin, même si je ne mange presque rien. Au moins, ça me détend. Mais lorsque j'arrive au réfectoire, les filles ne sont pas là. Je cherche en salle de combat, à la bibliothèque – pièce où nous ne traînons jamais – et même à l'extérieur.

Je me résigne, me disant qu'elles sont sûrement dans la chambre de Julie. J'aurais dû aller là-bas en premier d'ailleurs. Au moins, ça m'aura fait faire une petite promenade.

Je remonte dans ma chambre et lorsque j'ouvre la porte, Laurie s'empresse de cacher une enveloppe dans un des tiroirs de sa table de nuit.

— Qu'est-ce que c'est ? demandé-je.

— Rien. J'ai découvert qui est cette fille !

— Je crois que je ne tiens pas vraiment à le savoir...

— T'es sûre ?

— Non, vas-y dit.

— C'est son ex petite amie, enfin techniquement ils ne se sont jamais vraiment séparés. Ils se sont perdus de vue lorsqu'elle a été expulsée de l'Immeuble pour avoir volé des suppléments. Elle avait l'autorisation de revenir après six mois car son crime n'était pas si grave, mais elle n'est jamais revenue. Enfin, jusqu'à maintenant.

Erwan est beau, intelligent. Il est évident qu'il a dû attirer d'autres filles avant moi, alors pourquoi ça me fait si mal d'entendre ça ?

Peut-être parce que du haut de mes dix-huit ans, je n'ai jamais aimé personne comme je l'ai aimé lui. Même à Altalie, il y avait bien quelques garçons qui demandaient à Romain de me parler à leur place, mais je ne suis jamais sorti avec personne. Alors que lui a dû en avoir des dizaines.

Mais c'est fini, de toute façon, je ne l'aime plus.

— Ok.

— On va manger ? propose-t-elle.

— Non, je n'ai pas faim pour le moment.

— Vic... Ça fait deux jours que tu n'as rien avalé, tu devrais vraiment manger quelque chose.

— J'irais plus tard, ne t'inquiètes pas.

Elle soupire et part manger.




Je me suis endormie – oui, je passe la moitié de mes journées à dormir et la nuit mon esprit se torture – et j'ai finis par me réveiller vers 21:30

La lumière de la chambre est éteinte et Laurie est déjà couchée.

Je sors discrètement pour me rendre au réfectoire. Mais lorsque j'arrive, il est vide. Je m'approche de la cuisine pour demander quelque chose, comme un paquet de biscuit ou autre, mais on dirait bien qu'il n'y a plus personne là non plus.

Les lumières s'éteignent soudainement, me faisant sursauter. Il est presque 22:00 est le réfectoire ferme à 21:30.

J'entends un bruit de serrure et je me précipite vers la porte à double battant. Je tente de l'ouvrir mais c'est impossible, elle est fermée. Je donne des coups sur la porte, crie, mais la personne qui a fermé doit déjà être bien loin.

Manquait plus que ça...

Je finis par m'asseoir contre le bois froid de la porte, me rendant à l'évidence. Personne ne m'entendra. Les murs insonorisés ne m'aideront pas.

J'entends une porte se fermer et je me redresse rapidement. C'est celle de la cuisine. J'aperçois une silhouette qui s'approche.

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