Chapitre 22
Cela fait déjà deux jours que je marche depuis que j'ai laissé Victoire. Je ne peux m'empêcher de penser constamment à elle. Je me demande où elle est, si elle a réussi, si elle a croisé quelqu'un sur son chemin ou si elle est morte. Je me demande si j'ai fait le bon choix ou si, comme d'habitude, j'ai fait de la merde, en lui disant de rentrer. Seule.
Pendant ces deux jours je n'ai croisé personne. Pas un villageois, un chasseur ou n'importe qui pouvant se balader dans cette forêt. Je n'ai même pas croisé un animal. Par chance, j'avais encore quelques provisions dans mon sac à dos, mais je commence à en manquer.
Il faut dire que j'ai l'habitude de vivre dans la forêt, de passer des jours sans rien avaler. Depuis tout petit, je traîne dans cet immense étendu de vert.
Perdu dans mes pensées, je n'ai même pas remarqué ce qui se dresse devant moi. Un mini chalet en bois, pas plus grand que le bureau d'Andrew. Je m'avance jusqu'à la porte et pénètre à l'intérieur. Le chalet est désert. Il y a un lit ainsi qu'une petite table sur laquelle est posée une lampe de chevet, accompagnée d'une chaise. Ni plus ni moins. L'endroit est sale, plein de toile d'araignée et de poussière. On dirait que personne n'y a mis les pieds depuis des années.
— Mains en l'air !
La voix provient de derrière moi. Je me retourne lentement. Un homme se tient là, pointant une arme en ma direction. Je ne peux pas voir son visage car il porte un masque étrange et sa voix semble modifiée par celui-ci. Je crois reconnaître ce truc, nous en avons aussi à l'Immeuble.
— Qui êtes-vous ? demandé-je nullement impressionné.
— C'est moi qui pose les questions ici ! Je ne le dirais pas une troisième fois, mains en l'air !
Il a l'air plutôt fragile et je suis certain qu'il ne me tirera pas dessus, alors je continue mon petit jeu.
— Jamais deux sans trois, dis-je, provocateur.
Je vois qu'il hésite, mais finit par baisser son arme. Il ferme la porte derrière lui et retire son masque. Je suis surpris par son visage enfantin. Il ne doit pas avoir plus de 17 ans.
— Qui es-tu ? demande-t-il. D'où viens-tu ?
— Les plus jeunes d'abord.
— Je vis ici, et tu sauras qui je suis quand je serai certain que tu ne représente pas une menace pour nous.
— Pour nous ? Tu veux dire qu'il y a plus de personnes ici ?
Les joues du gamin rougissent, comme s'il venait de se rendre compte qu'il m'a vendu la mèche.
— J-Je...
— Calme toi, je ne suis pas là pour faire du mal à qui que ce soit. Je suis seulement à la recherche de Galandre.
— De Galandre ? Pourquoi ?
— Ça ne te regarde pas.
Il m'ignore et pousse le lit de quelques centimètres. En dessous, se trouve une trappe, que je n'avais évidemment pas remarqué jusqu'à présent. Il l'ouvre et me fait signe d'entrer.
— Pourquoi je ferais ça ? Qui me dit que ce n'est pas un piège ?
— Ce n'en est pas un, si je voulais te tuer je l'aurais déjà fait. Bon, tu veux aller à Galandre ou pas ? s'impatiente-t-il.
Nous nous fixons pendant quelques secondes et il finit par détourner le regard. Je m'approche de la trappe et passe par celle-ci avec méfiance. Je descends par une immense échelle, lui juste au-dessus de moi. Des lumières aux tons bleutés s'échappent d'en dessous.
Bientôt, mes pieds se posent sur le sol. Les lumières bleues sont bien plus fortes et une grande porte en métal nous fait face. Il s'approche d'un petit cube noir placé à droite de celle-ci et scanne une carte pendue autour de son cou. La porte s'ouvre lourdement et nous nous retrouvons dans une petite salle, comme une cabine.
Une nouvelle porte nous fait face, en verre cette fois. Nous nous plaçons au centre de la cabine et les portes en métal se referment derrière nous. Je commence à m'inquiéter : je suis en train de me demander s'il ne va pas l'utiliser pour me tuer. Peut-être que de l'air empoisonné va sortir des parois et que je vais m'écrouler et mourir. J'aurais juste fait de la merde, comme d'habitude finalement.
Sauf que lui aussi se trouve cabine, par conséquent, si je meurs, il meurt aussi. Il a l'air con, mais pas à ce point.
— Scan en cours, fait une voix féminine robotique, qui me fait presque sursauter.
J'entends des bips stridents, des rayons bleus passent sur mon corps. Le scan se fait plutôt rapidement et les portes en verre s'ouvrent déjà, émettant un bruit de dépressurisations. Lorsque nous sortons, j'aperçois un écran géant avec toutes sortes d'informations, à ni rien comprendre.
Je n'ai pas le temps de m'y attarder plus que ça, puisque le garçon continue sa marche. Nous atterrissons dans un long couloir, toujours éclairé par les mêmes lumières. Nous arrivons devant une énième porte, moins imposante que les deux autres et celle-ci contient un hublot.
Il pousse la porte. Il n'y a pas de sécurité ou de scan bizarre cette fois.
Derrière la porte, c'est un monde totalement différent qui s'ouvre à nous. Nous nous retrouvons dans un espèce de salon géant. Des enfants grouillent de partout, des adultes vont et viennent dans tous les sens.
— Bienvenue à Galandre, dit le gamin à mes côtés, dont j'avais oublié la présence.
Cet endroit est une vraie ville souterraine, je n'ai jamais vu ça de toute ma vie, et pourtant, j'en ai connu des endroits spéciaux. Ces gens ont créé une technologie impressionnante. Pour faire fonctionner tout ça, sous la terre, il faudrait déjà un certain niveau d'intelligence, mais en plus de ça, sans doute de nombreuses années de travail acharné.
— Cool.
— Je vais t'emmener au bureau du dirigeant. On verra ce qu'il souhaite faire de toi, même s'il va sûrement te virer. Nous n'avons pas besoin de personne comme toi ici.
Je lève un sourcil en le fixant.
Ce gamin commence sérieusement à me taper sur le système à force de se croire supérieur.
— Redescend si tu veux pas ma main dans ta gueule.
Je n'aurais peut-être pas dû. Mais je ne pouvais plus me contenir.
Le gamin ne répond rien. Je ne sais pas si je lui ai fait peur ou s'il n'est pas du tout impressionné, mais je préfère croire à la première option. Il reprend sa marche et je le suis. Pas parce que je n'ai pas le choix, mais parce que je veux voir cet homme qui prétend avoir vu mon frère au plus vite.
Il s'arrête devant une porte et entre après avoir toqué plusieurs fois. J'entre à sa suite.
Un homme blond est assis à son bureau, occupé à écrire je ne sais quoi sur un ordinateur bizarre. Comme tout ici j'ai envie de dire. Il a une barbe de quelques jours et porte de grandes lunettes de vue à monture noire, qu'il replace sur son nez lorsqu'il m'aperçoit. Il appuie quelque part et son ordinateur disparaît comme par magie.
— Oui ? demande-t-il.
— Je l'ai trouvé dans le chalet. Il dit qu'il cherche Galandre, répond le gamin.
— Qui es-tu ?
— Qui êtes-vous ? répliqué-je.
Règle numéro 1 : ne jamais donner son identité à un potentiel ennemi, ou quelqu'un qui refuse de donner la sienne.
— Il refuse de s'identifier, continue l'autre con que j'ai envie de claquer.
C'est marrant, il me fait penser à Isack.
— Merci Léo, tu peux disposer.
J'affiche un sourire vainqueur et le petit s'en va.
L'homme me fait signe de m'asseoir en face de lui, mais je refuse.
— D'où viens-tu ? Qui que tu sois, nous ne sommes pas tes ennemies. Tu es en sécurité à Galandre, personne ne te fera de mal.
J'hausse négligemment les épaules.
— Je m'appelle Victor, je suis le dirigeant de Galandre, continue-t-il, voyant que je ne réponds pas. Et toi, d'où viens-tu ?
Victor, sérieusement ? C'est un signe ou bien ? Moi qui me l'était enfin sorti de la tête, voilà que je repense à elle.
— Je viens de Phandrès, c'est Andrew qui m'envoie. Il dit que vous avez vu mon frère.
— Je vois. Tu es donc Erwan. Nous aurions pu éviter tout ça, mais bon. Effectivement, nous avons recueilli ton frère. J'imagine que tu souhaites le voir ? Je demanderais à Léo de te faire visiter et te...
— J'en ai rien à foutre. Je suis là pour mon frère.
— Euh... Je comprends, il va t'y emmener.
Oh pitié, pas ce gamin insupportable.
Il attrape un talkie-walkie et rappelle le dit Léo. Il revient bientôt et je me retrouve à devoir le suivre encore une fois.
Nous descendons encore plus bas et arrivons dans un long couloir. Il y a une multitude de portes, je suppose que c'est le dortoir. Il s'arrête devant l'une d'entre elles et reste immobile.
— Tu peux partir ? demandé-je froidement.
Il m'adresse un regard noir et s'en va.
Ce n'est pas trop tôt.
J'ouvre la porte sans toquer, comme à mon habitude. Un garçon est allongé sur un lit. Il se tourne vers moi, étonné.
À ce moment-là, je suis frappé par la ressemblance. Il est blond, comme Maël. Il a de magnifiques et profonds yeux verts, comme Maël. Il a une cicatrice sur le bras droit, exactement comme Maël.
C'est Maël.
Il se lève soudainement, sûrement surpris qu'un « inconnu » rentre dans sa chambre sans prévenir. Je ne peux contenir mes larmes lorsqu'il s'approche de moi. Encore une fois, je fais preuve de fragilité. Il faut vraiment que j'arrête de me laisser aller. Je ne suis pas faible. Pleurer c'est pour les faibles.
Il m'analyse, sans un mot, se demandant sûrement qui est ce fou qui ose pénétrer dans sa chambre. Et qui pleure sans raison en plus.
Mais alors que je m'apprête à recevoir un coup, même si ce n'est pas son genre, ou encore des interrogations du genre « qui es-tu ? », c'est une tout autre question qui franchit ses lèvres. Une question qui me donne des frissons.
— Erwan ?
— C'est moi.
Maël s'effondre devant mes yeux et se jette dans mes bras. Je le serre contre moi, chose que je ne ferais jamais habituellement. Mais là, c'est mon frère. Mon frère que je n'ai pas vu depuis des années et que je croyais mort.
— Où étais-tu, comment as-tu fait pour t'en sortir ?
Je le harcèle de questions en tout genre. Nous passons les prochaines à heures à parler. Il m'a raconte ce qu'il a vécu, et je fais de même.
Après une longue discussion, des dizaines de questions, des pleurs et de longues étreintes, je lui demande de rentrer avec moi à Phandrès. Il accepte sans hésiter.
De ce qu'il m'a dit, il n'est ici que depuis quelques jours et n'a pas d'amis ou de proches. Il m'a parlé d'une fille qu'il avait rencontrée lorsqu'il vivait encore dans la forêt. Une fille dont il est tombé follement amoureux, mais qui est morte devant ses yeux. Ce qui m'a de nouveau fait penser à Victoire.
Et si elle était morte ? Pourtant je ne suis pas amoureux d'elle, c'est sûr, je ne l'aime pas, enfin pas comme ça. Alors pourquoi insiste-t-elle pour perdurer dans ma tête ?
Victor nous a ramenés à la lumière du jour et nous a dit au revoir. Il m'a dit de passer le bonjour à Andrew, chose que je ne ferais évidemment pas. Et je repars avec mon frère, que je pensais mort jusqu'il y à quelques jours. Nous avançons beaucoup plus facilement à deux dans la forêt. Il faut dire qu'il est plutôt doué pour ça, il y a vécu tout ce temps.
Sur le chemin, il continue de me raconter ses péripéties. Il me pose des questions sur ma vie, mais je change souvent de sujet.
Nous continuons d'avancer pendant quelques jours, jusqu'à que ce je reconnaisse les grands arbres aux alentours de l'Immeuble.
— Bienvenue à la maison.
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