Chapitre 21

Lorsque j'ouvre les yeux, la première chose que j'entends est un bip strident et régulier. Le plafond est d'un blanc épuré, j'ai l'impression de me réveiller dans ma chambre à Altalie.

Je me relève légèrement et mon regard se pose sur ma cuisse. Il y a un nouveau bandage tout propre autour de ma blessure. Lorsque je regarde un peu plus autour de moi, je reconnais enfin l'infirmerie. Je déteste cette salle, le fait qu'elle soit entièrement blanche me met mal à l'aise.

L'infirmière, sortie de nulle part, s'approche de moi.

— Salut Victoire, bienvenue à nouveau dans le monde des vivants ! lâche-t-elle dans un rire.

Mais ça ne me fait pas vraiment rire. J'ai juste envie de me défouler sur quelque chose, parce qu'Isack m'a profondément énervée.

— Tu as perdu beaucoup de sang, ce qui t'as amenée à perdre connaissance, mais ne t'en fais pas, tu es déjà en forme et prête à repartir.

La luminosité naturelle de la pièce me laisse deviner que j'ai sûrement passé la nuit ici. Je me lève et souris rapidement à l'infirmière avant de quitter cette pièce qui me rend folle.

Je me dirige vers ma chambre. Je n'ai absolument pas faim et aucune envie de croiser Isack. À ma grande surprise, Laurie est là. Allongée sur son lit. Elle me sourit et me demande si tout va bien.

— Désolée pour hier soir, Isack a mal réagi c'est vrai, mais tu sais, il s'inquiète pour toi.

— Je ne te comprends vraiment pas Laurie, un coup tu défends Erwan, et un coup Isack.

— Et toi, un coup tu détestes Erwan et un coup Isack.

Je baisse la tête et m'assois sur mon lit.

— J-je ne le déteste pas, c'est juste que sa façon de parler d'Erwan et de moi-même m'énerve. Il me parle comme si j'étais une pauvre gamine qui devrait  être surveillée en permanence.

— Tu sais bien qu'il ne le pense pas, il sait parfaitement ce que tu es et ce que tu vaux. Il veut seulement te protéger parce que tu es importante pour lui. Et concernant Erwan, tu sais aussi que ces deux-là sont comme chien et chat.

— Oui mais Isack provoque toujours Erwan.

— En tous cas je suis heureuse de voir que tout va mieux entre Erwan et toi. Il peut paraître comme un gros dur, mais au fond, il a un vrai cœur d'artichaut, je pense que tu commences à le comprendre.

Je rougis et baisse la tête pour ne pas qu'elle s'en aperçoive.

Si elle savait.

— Je suis sûre qu'Isack viendra s'excuser, ne t'en fais pas. En attendant viens là ma copine ! Tu m'as sacrément manquée !

Elle se précipite dans mes bras.

— Alors, raconte-moi un peu ce que tu as vécu pendant ce temps.

Je souris et commence mon récit. Je lui parle des personnes étranges que nous avons croisées dans la forêt avec Erwan, de la petite maisonnette dans laquelle j'ai passé la nuit, de mon rêve terrorisant. J'en viens ensuite à la rencontre de Terrilan. Je lui parle de l'homme des énigmes, du massacre de la ville et de comment je l'ai sauvée. J'en profite pour lui demander pourquoi tant de gens sont morts si l'énigme était si simple que ça.

— Cette énigme n'est pas vraiment connue dans le deuxième secteur, ici on apprend seulement le stricte nécessaire, que ce soit en histoire ou dans toutes les autres matières. Si j'avais été à ta place, je serais sûrement morte comme tous les autres, m'a-t-elle répondu.

Après la longue discussion avec mon amie, j'ai décidé d'aller parler à Andrew. Tous ces événements m'ont bien retardée, mais alors que je marche en direction se son bureau, une main se ferme sur mon bras. Je me retourne et, évidemment, tombe sur Isack.

— On peut parler ?

— Non, je suis occupée.

— Allez, s'il te plaît Victoire... Ça ne sera pas long.

— J'ai dit que je suis occupée, on parlera plus tard.

— Je t'attendrai ce soir, à 23:00 dehors, comme au bon vieux temps.

Il me lâche et repart aussi vite qu'il est venu. Je soupire. Décidément, le monde ne veut pas que j'ai cette fameuse discussion avec Andrew !

Cette fois, je suis devant la porte. Rien ne pourra m'empêcher.

Je toque trois fois et j'entends sa voix m'inviter à entrer. Lorsqu'il m'aperçoit, il me fait un grand sourire et se lève.

— Victoire ! Tu es de retour, Erwan est là aussi ? J'aimerais lui parler.

— Non je... C'est une longue histoire. J'ai des questions à vous poser.

— Bien sûr, assieds-toi.

— Sur le chemin du retour, je suis tombée sur une ville, et il parait que Maël a été vu dans un village lui aussi. Pourquoi ne m'avez-vous jamais avertie de l'existence de ces peuples ?

— Je ne pensais pas que ce serait nécessaire, tu sais,  si ces peuples représentaient un quelconque danger pour nous, tu aurais été mise au courant. Nous ne nous battons pas contre eux, nos seuls ennemis ici sont les rebelles.

— Pourquoi y a-t-il des guerres entre ces peuples et pourquoi les rebelles sont nos ennemis au juste ?

— Ils se battent surtout pour conquérir plus de terre ou pour de la nourriture. Nous sommes à part et les croisons très peu. Les rebelles, comme leur nom l'indiquent, se sont rebellés contre moi et notre communauté, ils ont agi de manière égoïste ou ont commis des crimes et ont fini par être renvoyés de l'Immeuble. Avec le temps, ils se sont regroupés avec pour objectif de nous porter préjudice, m'explique-t-il.

— Je comprends. Les autres peuples ne sont pas très familiarisés avec la technologie, je me trompe ? J'ai passé quelques jours à Terrilan et j'ai eu l'impression que tous ces gens vivent à une autre époque.

— Tu as raison, mais cela dépend des villes. À Terrilan ils vivent plutôt comme au moyen âge, c'est vrai. Mais il y a des villes et villages bien plus avancés dans la technologie qu'eux et même que nous. Il n'y a pas vraiment d'explication, chaque ville a ses manières.

— Tu as encore des questions ? demande-t-il.

— Oui, une dernière. De ce que je comprends, beaucoup de gens vivent ici, mais sont-ils au courant qu'il existe un premier secteur ?

— Certaines personnes le sont.

— Et pourquoi ne pas s'allier à eux ?

— Tu avais dit une dernière question.

— S'il vous plaît...

— Et bien, je ne veux pas brusquer les gens, surtout qu'eux n'ont à priori rien contre Altalie. Ils savent qu'il existe, mais ne sont pas au courant des plans diaboliques de Geoffrey. S'ils veulent se joindre à notre cause, ils seront évidemment les bienvenues, mais je n'irais pas jusqu'à eux pour les convaincre de lutter à nos côtés.

— Pourtant, c'est exactement ce que vous avez fait avec moi.

— Victoire... Si on t'avait laissée à Altalie, tu aurais sûrement raconté à quelqu'un ce que tu avais vu et ça nous aurait mis en danger. De plus, tu as vécu là-bas, tu es la seule qui connaît autant cet endroit et tu nous est d'une grande aide. Je ne regrette absolument pas de t'avoir parmi nous.

Je me sens légèrement blessée de constater encore une fois que l'estime qu'Andrew a pour moi est simplement liée à ce que je sais. Je pensais qu'il m'appréciait un minimum, comme les autres.

J'acquiesce doucement et quitte le bureau. Je l'entend appeler mon nom, il doit surement vouloir me poser des questions sur Erwan, mais je fait sourde oreille et continue mon chemin. J'ai eu les réponses que je voulais, je n'ai plus rien à faire ici.

***

Il est exactement 23:20. J'avais complètement oublié que je devais rejoindre Isack est honnêtement, je n'ai pas le moins du monde envie d'y aller. Il a tellement changé en quelques jours, avant il était doux, gentil... Depuis que je me suis rapprochée d'Erwan j'ai l'impression qu'il est de plus en plus brute et agressif. Ça ne me plaît pas, j'aimais le Isack d'avant, celui qui a pris soin de moi dès mes premiers jours ici.

Je n'ai pas fait d'effort vestimentaire, je porte un débardeur noir et un short gris : mon pyjama. De toute façon ce n'est pas un rendez-vous ou quoi que ce soit du genre. C'est simplement une conversation que je n'ai pas envie d'avoir, mais je dois mettre les choses au clair. S'il ne change pas de comportement, il peut tracer un trait sur notre amitié.

Je lance un dernier regard à Laurie qui dort profondément et quitte la chambre.

Dans le couloir, mon cœur se serre. Cela me rappelle les nuits passées avec Erwan... Il me manque un peu quand même. J'espère de tout cœur qu'il va bien et qu'il a enfin retrouvé son frère. J'espère aussi qu'il reviendra bientôt.

Le trajet en ascenseur est rapide et j'arrive bientôt dans les jardins. Je vois une ombre assise dans le fond et m'en approche.

— J'ai fini par croire que tu allais me poser un lapin.

— Ce n'est pas mon genre.

— Bon, je voulais m'excuser. Encore une fois, ouais. J'ai l'impression de tout le temps mal agir avec toi. Désolé de t'avoir traitée comme une enfant et de m'être énervé.

— Il manque quelque chose.

— Victoire d'amour ?

— Quoi ? demandé-je en lâchant un rire, étonnée.

— Ben, je ne sais pas.

Je lui lance un regard insistant et il semble enfin comprendre.

— Ah, non, hors de question !

— Je ne te pardonne pas si tu ne le dis pas.

— Mais je ne le dirais pas puisque ce n'est pas vrai. Ça, je ne le regrette pas, c'est juste la vérité.

— Sérieux, il ne te traite pas de connard vingt-quatre heures sur vingt-quatre, lui !

— Ça m'étonnerait.

Bon ok, ce n'est pas vrai, mais ça, il n'a pas besoin de le savoir.

Je me lève et m'apprête à partir mais il me retient.

— Attends Vic...

Je me retourne vers lui et croise les bras contre ma poitrine, attendant qu'il poursuive.

— Désolé de l'avoir traité de connard, dit-il en levant les yeux au ciel.

— D'avoir traité qui ?

Et ouais, j'en rajoute une couche.

— Erwan.

— Refais-moi cette phrase là ! C'est quoi ça ?

Il souffle, blasé.

— Désolé d'avoir traité Erwan de connard. C'est bon, t'es contente ?

— Ouais, tu aurais pu faire mieux, mais j'accepte.

— T'es pas possible Vic.

— Je crois bien que tu me l'as déjà dit, m'exclamé-je en souriant de toutes mes dents.

— Allez viens là maintenant ! Qu'on fête nos retrouvailles correctement.

Il m'attire à lui et dépose un bisous sur le haut de mon crâne, puis me serre dans ses bras.

Mine de rien, ça m'avait manqué. L'espace de cet instant, j'ai l'impression de le retrouver, qu'il est redevenu comme au premier jour. Il caresse doucement mon dos et s'écarte légèrement de moi après quelques secondes.

— Est-ce que ta blessure va mieux ?

— Oui, oui, ne t'inquiètes pas pour ça.

Son regard se plante dans le mien, il est soudainement plus sérieux. Il joue nerveusement avec mes cheveux et j'ai l'impression qu'il est gêné tout à coup.

— Ça va ?

— Oui, c'est juste que j'ai envie de faire quelque chose mais je ne sais pas si je devrais.

— Pourquoi ? Qu'est-ce que tu veux faire ?

Il fixe désormais ses pieds. Mais qu'est-ce qu'il a à la fin ?

— Je... Vic... Je peux t'embrasser ?

Mon cœur fait un bond à l'entente de ses mots. Oula, il faut que je me calme.

Il me fixe maintenant, attendant ma réponse. C'est à mon tour d'être mal à l'aise. Je me fais toute petite et hoche doucement la tête.

Je n'ose toujours pas le regarder, mais il presse sa main contre ma joue et m'embrasse tendrement. Bientôt, nos langues s'entremêlent, mais le baiser reste calme et doux. Lorsque sa main descend pour se poser contre ma taille, tout mon corps frissonne.

Je sais que je ne devrais pas profiter des deux comme ça. Erwan a raison, je n'ai pas le droit de l'embrasser lui et après Isack. Quel genre de fille fait ça ? Pas moi en tout cas. Je ne peux pas continuer comme ça, il va falloir que je fasse un choix...

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