Chapitre 15

Voilà déjà plusieurs jours que nous vivons dans le nouvel immeuble. Chacun de nous s'est déjà plus ou moins habitué.

Je me retrouve dehors, il est déjà tard. On ne change pas les vieilles habitudes ! Malgré le changement d'atmosphère, j'ai trouvé un petit coin qui m'a bien plu.

À l'arrière de l'immeuble, il y a un petit jardin, pas aussi grand et « peuplé » que l'ancien, mais c'est assez joli tout de même.

— Alors te voilà.

Je me retourne et suis surprise en découvrant Erwan. Il a l'air de bien meilleure humeur que la dernière fois.

— Monsieur ne fait plus la tête ?

— Je ne faisais pas la tête.

— Mouais. Qu'est-ce que tu fais là ?

— Je te retourne la question, dit-il, un sourire charmeur plaqué aux lèvres.

Oh non ne fait pas ça, mon cœur ne le supporte pas bon sang !

Je détourne le regard et m'assois sur les marches du perron qui mènent au jardin. Il semble hésiter un instant, mais finit par prendre place à côté de moi.

— Je n'arrive pas à dormir. Quant à toi, je suis surprise de te voir ici. Habituellement tu préfères rester enfermé dans ta chambre.

— Habituellement il n'y a pas un boulet dans ma chambre, dit-il en faisant sûrement allusion à Enzo.

Quelques secondes de silence s'installent, jusqu'à qu'Erwan le brise.

— À quoi tu penses ?

— À toi.

Je me rend vite compte de l'absurdité que je viens de sortir et tante tant bien que mal de me rattraper.

— J-je veux dire... je ne sais rien de toi finalement, de ta vie.

— Il n'y a rien à savoir sur moi.

Je me tourne vers lui, mais son regard fixé sur l'horizon. J'ai l'impression qu'il essaie sans cesse de refouler ses sentiments, comme s'il voulait à tout prix oublier son passé.

— Jusqu'à quand vas-tu jouer au mec mystérieux avec moi, Erwan ?

Cette fois son regard se pose sur moi. Ses yeux sondent mon âme, il essaie de lire en moi, de comprendre chacune de mes émotions. Cela me coûte, mais je soutiens son regard. Je ne le laisserai pas gagner, pas cette fois. J'ai besoin d'en apprendre plus sur lui.

— Ne me regarde pas co...

— Mes parents sont morts pendant une mission à Altalie lorsque j'avais dix ans. J'ai vu ma petite sœur être torturée puis tuée alors qu'elle n'avait que 4 ans, et tu connais la suite pour... Dylan.

Il raconte tout ça d'une traite et sans qu'aucune émotion ne traverse son regard. Tandis que moi, je suis complètement choquée par ses propos.

C'est atroce !

— Désolé de te l'annoncer ainsi mais, je crois que tu es la prochaine sur la liste, continue-t-il.

— Quoi ?

— Je porte malheur Victoire, toutes les personnes que j'aime finissent par mourir.

Je crois que mon cœur vient de louper un battement.

— Que tu aimes ?

Il détourne le regard, se rendant probablement compte de ce qu'il vient de dire.

— Je voulais dire... les personnes qui sont proches de moi.

Je lâche un rire, amusée de le voir perdre ses moyens. Enfin, si on peux dire ça puisqu'il a déjà retrouvé son sérieux et me fixe intensément.

Si on m'avait dit un jour qu'Erwan se mettrait dans un état pareil devant moi, j'aurais sûrement pris cette personne pour une folle.

Je cesse de rire et le fixe à mon tour. Son visage s'approche dangereusement du mien. Mon cœur s'affole au moment où sa main froide se glisse contre ma joue. Je me sens tout à coup fébrile, comme si le simple contact de sa peau contre la mienne me plongeait dans un état second. Mon corps tout entier est en alerte, guettant chacun de ses faits et gestes.

Nos visages ne sont plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre, lorsqu'un craquement de branche nous interrompt. Erwan s'écarte brusquement et se lève, prêt à se défendre.

Évidemment je suis terriblement déçue...

Je me lève à mon tour. Le bruit se fait entendre une nouvelle fois, puis une silhouette s'avance vers nous. Nous sommes tous les deux sur nos gardes, prêts à attaquer à tout moment.

Quand l'individu s'approche, je reconnais directement Théo, un sourire idiot plaqué aux lèvres.

Erwan souffle, à la fois exaspéré et soulagé.

— Oups, on dirait que j'interromps quelque chose. Je ne vous dérange pas plus que ça, dit-il en désignant la porte du doigt.

Je lève les yeux au ciel face à son comportement enfantin. Il essaie délibérément de me mettre mal à l'aise et il faut dire que ça marche plutôt bien.

Il passe la porte et la referme derrière lui.

— Je pense que je vais me coucher...

Il hoche la tête et je rentre à mon tour. Lorsque j'arrive à ma chambre, ma déception ne s'est toujours pas dissipée. Je maudis Théo de toute mon âme pour avoir interrompu ce moment que j'attendais tant. Je m'allonge dans mon lit, repassant en boucle cette scène dans ma tête.

Jusqu'à trouver le sommeil.

***

Je suis tranquillement assise au réfectoire, dégustant mon petit déjeuner, lorsque Julie fonce vers moi à la vitesse de l'éclair. Elle s'assoit sur le banc en face et prend un air sérieux.

— Attention, je suis sur le point de te lâcher une bombe ! dit-elle en guettant les alentours, vérifiant que personne ne nous écoute.

J'arrête ce que je suis en train de faire pour prêter attention à ce qu'elle a à me dire.

— Ce soir, reprend-elle. Un groupe organise une fête sans l'accord d'Andrew, sans qu'il le sache quoi ! Il faut absolument qu'on y aille !

Je ne suis pas aussi enthousiaste qu'elle en apprenant la nouvelle. Si Andrew n'a pas connaissance de cette fameuse fête, cela peux vite mal tourner à tout moment.

— Je ne crois pas que ce soit une très bonne idée...

— Allez s'il te plaît ! Je ne t'ai jamais rien demandé ! Et puis on va bien s'amuser, tu vas voir ! Tu dois absolument venir avec moi, déjà que Laurie fait la coincée, dit-elle en levant les yeux au ciel.

Je souffle alors qu'elle fait sa tête de chien battu. Quand elle fait cette tête là, personne ne peut lui résister, pas même moi.

— Bon ok, mais on reste pas longtemps !

— Merci Vic, t'es la meilleure ! Je savais que je pouvais compter sur toi ! s'exclame-t-elle en me prenant dans ses bras.

Elle quitte rapidement le réfectoire et je me retrouve à nouveau seule. Je ne sais pas pourquoi, mais cette histoire ne me dit rien qui vaille...

Je termine de manger et décide de partir à la recherche d'Erwan. S'il faut vraiment que je me rende à cette fête, je préfère au moins l'avoir à mes côtés. Même si je sais d'avance que ce ne sera pas tâche facile de le convaincre.

Je quitte le réfectoire au pas de course, sans faire attention aux gens autour de moi. À tel point que je finis par me prendre quelqu'un de plein fouet.

Il faut dire que ça devient une habitude maintenant.

Le choc me fait reculer de quelques pas et je croise le regard d'Isack. Il rit alors que je pose une main sur mon front endolorie.

— Fais attention où tu vas la prochaine fois, dit-il amusé.

— Mais c'est toi qui est en plein milieu ! Et en plus tu rigole ! Non mais il est quoi ton torse ?!

Ma question sonne plutôt comme un reproche.

— En abdos très chère !

J'arque un sourcil et le fixe avec un air de défi. Il penche la tête en me regardant, son sourire toujours collé aux lèvres

— Tu auras peut-être la chance de les toucher un jour, je sais que tu en meurs d'envie !

— C'est évident ! m'exclamé-je en éclatant d'un rire franc.

— Où allais-tu comme ça, aussi pressée ? reprend-t-il.

— Euh, je cherche quelqu'un.

— Qui ça ? Je peux t'aider ?

Je reste interdite. Je sais très bien ce qu'Isack pense de ma relation avec Erwan. Mais je finis tout de même par lui dire la vérité.

— Erwan.

Son sourire disparaît. Mon cœur se serre en me rendant compte qu'il est sûrement déçu. Mais rapidement, son sourire réapparaît. Je me demande ce qui lui passe par la tête.

— Ça peut attendre non ? Allez viens !

Il ne me laisse pas le temps de répondre et m'entraîne par le bras.

Il s'arrête devant la porte de la nouvelle salle d'entraînement, l'ouvre et déclare :

— Et voilà ! Il est temps que je te mette une raclée ma petite !

— T'es sérieux ? Regarde ma tenue pour faire du sport. Et arrête de m'appeler "ma petite" !

— D'accord, d'accord, pardon "madame". Tiens, enfile ça, je t'attend sur le ring !

Il me tend une tenue de sport qu'il vient de récupérer dans un des casiers de la salle. Je lâche un rire amusé. Il a vraiment tout prévu.

Je prend les vêtements et me dirige vers les vestiaires, alors qu'il commence à s'échauffer. Une fois changée, je le rejoins sur le ring.

Il bombe le torse et me fait signe d'envoyer le premier coup. J'éclate de rire.

— Pff, arrête de la ramener. Dois-je te rappeler que je t'ai déjà mis à terre une fois ? T'en veux plus c'est ça ?

— Oh je me la ramène moi madame ?

Je ne réponds pas et enfile mes gants, il fait de même.

Nous nous échauffons gentiment. J'avoue que j'ai plus tendance à mater ses muscles en plein effort, bien cachée entre mes gants, qu'à me concentrer.

— Tu devrais arrêter de parler à Erwan, Victoire, lâche-t-il soudainement.

J'envoie le premier coup. Il est déstabilisé un instant en tombant sur un genoux, puis se redresse rapidement.

Cette fois, je crois qu'il ne rigole plus. Et moi non plus. Nous sommes tous les deux en train de régler nos comptes à travers ce combat.

Avant que je ne puisse répondre quoi que ce soit, Isack fond sur moi. Il me donne un coup dans le ventre qui coupe net ma respiration. Je décide de tenter une vilaine manipulation féminine en exagérant la douleur pour amadouer mon adversaire...

Il s'approche de moi désolé, mais je riposte rapidement et lui envoie un uppercut.

— Je lui parle si j'en ai envie !

Je vois les yeux d'Isack se rétrécir, comme si je venais de le mettre profondément en colère. Tout à coup, il pivote si vite que je me retrouve dos contre lui, et en une fraction de seconde, il me fait tomber pour venir se placer au-dessus de moi et bloque totalement mes mouvements. Il a bloqué mes deux mains et son corps pèse sur mes cuisses, de sorte que je ne puisse plus tenter le moindre mouvement. Son visage est à quelques centimètres du mien. Ses yeux plantés dans les miens. Je sens son souffle chaud sur mon front, des gouttes de sueur perlent de ses cheveux. Nos poitrines montent et descendent si intensément que nos corps se touchent par moments. La tension est palpable et je sens les regards sur nous. J'essaie de débloquer mes bras, je pousse des gémissements plaintifs, je tente de bouger le bassin. Mais le corps tendu d'Isack pèse lourdement sur le mien. Je suis totalement bloquée.

— Il n'y a rien de bon chez Erwan.

Il a murmuré cette phrase sans agressivité. Sa voix est devenue rauque et ses yeux ont changé d'intensité pendant qu'il ne cesse de fixer mes lèvres. Mon rythme cardiaque s'est légèrement accéléré et ce n'est pas dû à l'effort, mais à la promesse silencieuse qu'il est en train de me faire.

De la colère, je passe à l'impatience. Je veux juste qu'il pose ses lèvres sur les miennes. Je me fous qu'on soit sur un ring en public.

Tout à coup notre étreinte est interrompue par un sifflement qui retentit à quelques mètres, au fond de la salle.

— Y a des chambres pour ça les tourtereaux !

Je deviens rouge écarlate et je sens Isack défaire son emprise maladroitement. Le type éclate d'un rire un peu gras à mon goût, puis retourne à ses occupations après m'avoir longuement reluquée pendant que Isack m'aide à me relever.

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