Chapitre 1
Je débarrasse mes couverts en déposant au passage un bisou sur la joue de mon père qui prend le thé. Je m'empresse de retrouver ma chambre et ouvre les volets pour laisser entrer la lumière du soleil. J'enfile mon uniforme aux couleurs bleues et blanches, un bleu extrêmement laid au passage, et me coiffe. Je me brosse les dents, attrape mon sac à dos et quitte le foyer.
J'arrive à l'arrêt de bus à deux minutes de chez moi et fais un câlin à mon amie, Shylay, qui m'attend comme à chaque fois. Nous prenons le bus qui s'arrête à quelques mètres de notre lycée. Nous marchons jusqu'à celui-ci pour retrouver le reste du groupe dans l'immense cour de l'établissement.
Je salue mes amis et nous débutons une longue conversation. Bientôt, la sonnerie nous interrompt et nous sommes contraints de nous séparer. Je me rends au cours de français avec Shylay et Romain, tandis que Mila et Maël se dirigent vers le cours de littérature.
Une bonne heure de français de bon matin, quoi de mieux !
Je passe la moitié du cours à tenter de rester éveillée, malgré la terrible envie de rattraper mes heures de sommeil perdues de la nuit dernière. En effet, j'ai passé la nuit à papoter avec Romain et Mila et je le regrette terriblement désormais.
Quand la sonnerie annonçant la fin du cours nous libère enfin, je me précipite aux toilettes.
Ok, j'ai deux minutes avant le début du prochain cours, et je dois me dépêcher de trouver un moyen de ne pas m'endormir ; ou bien je me taperai la honte de ma vie. Bien que déjà habituée à me taper la honte. Sans réfléchir à deux fois, je me jette de l'eau froide sur le visage, en espérant que celle-ci m'aidera à me réveiller. Ce qu'il me faudrait, là tout de suite, ce serait un bon gros citron que je pourrais croquer à pleines dents. Bien que je déteste le citron, j'ai déjà testé cette technique, et ça marche à merveille ; même si le goût est absolument répugnant et me fait tirer une de ces tronches...
Je me dépêche de rejoindre mon cours. Heureusement, la porte est encore ouverte et les élèves y entrent seulement. Je rejoins ma place, à côté de Mila. Et c'est reparti pour une nouvelle heure de cours.
*
Je rentre de ma journée complètement épuisée. Un dernier au revoir à mon amie, et ouvre la porte de l'appartement. Une odeur merveilleuse envahit mes narines. Je m'avance dans la cuisine et mon petit frère Elliot, me saute dans les bras.
Je suis surprise par la proximité de mon frère, lui qui déteste les câlins habituellement. Elliot a complété ses six petites années il y a une semaine de cela. C'est un petit garçon plutôt turbulent. Il a de courts cheveux bruns, et de beaux yeux bleus, les mêmes que papa. Il est plutôt joueur et adore se bagarrer — sans se faire mal pour de vrai évidemment — avec mon père. Je ne comprends pas comment un gamin de cette taille peut concentrer autant d'énergie. Quand il tombe ou qu'il se fait mal, il ne s'attarde pas, il se relève et en rit même parfois.
Mais quand il me lâche et que je jette un regard à mon tee-shirt, puis aux mains d'Elliot, je comprends pourquoi il a tenu à me faire un câlin.
J'affiche un air dépité en fixant la grosse tache de chocolat sur mon uniforme scolaire.
— Cours, avertis-je froidement.
Il rit à gorge déployée avant de détaler tel un lapin en me voyant s'approcher dangereusement de lui. Je lui cours après, et finit par l'attraper. Il se débat et crie, attirant l'attention de ma mère.
— Victoire, laisse ton frère tranquille ! s'exclame-t-elle.
— Si tu ne t'arrêtes pas de hurler de suite, je dirais à maman que tu as mangé le dernier paquet de gâteaux au chocolat qu'elle avait acheté pour elle, menacé-je.
Elliot se tait immédiatement. Je lâche son bras que je tenais fermement.
— Si tu me prêtes ton skate demain, je ne dirais rien à maman.
— T'as qu'à lui dire, moi je vais pas te prêter mon skate ! T'as qu'à t'en acheter un, réplique le petit garçon.
— Dans ce cas j'en profiterai pour raconter à papa que c'est toi qui a déchiré ses partitions de musique, et non pas le chien du voisin.
Il ouvre de grands yeux ronds et lève les bras en l'air.
— D'accord, d'accord ! Je me rends, déclare-t-il. Mais je me vengerai !
Sur ce, il retourne à la cuisine. Je m'assois sur mon lit avant de me rappeler la raison de tout ce cinéma. Mon tee-shirt. Je le retire, et le jette directement à la poubelle, de toute façon la tâche serait impossible à enlevée. J'enfile un tee-shirt noir et me dirige vers la cuisine.
J'embrasse ma mère sur la joue et m'assois à côté d'Elliot, lui lançant un regard complice. Le petit garçon sourit à son tour, et commence à manger la part de gâteau que ma mère vient de déposer devant lui. Je mange moi aussi, puis retourne dans ma chambre. Je prends mon téléphone et enfile mes chaussures noires. Peut-être parce que c'était les seules que je possède. Enfin, tout le monde a ces mêmes chaussures noires. Tout le monde a les mêmes vêtements, d'ailleurs, et tout est noir, blanc ou un bleu tout moche. J'ai pourtant toujours voulu porter des vêtements de couleurs comme le jaune ou le vert par exemple. Mais ici tout le monde a des vêtements noirs et blancs. Rien d'autre. Je trouve ça triste, mais je n'ai pas le droit de me plaindre de ma vie à Altalie.
Je sors pour rejoindre mes amis dans un café, ou plutôt, LE café. Celui où nous nous rendions toujours.
Arrivée, je m'assois à la table où se trouve déjà Romain. Celui-ci me sourit en m'apercevant. Je lui rends son sourire et m'installe à ses côtés. Nous commençons à discuter et deux minutes plus tard, Maël fait son entrée dans le café. Bientôt, le reste du groupe arrive et je commande un jus de fruit. Nous avons passé toute l'après-midi à discuter. Mais à l'heure de partir, le ciel qui menaçait d'éclater depuis le début de la journée se déchire dans un éclair assourdissant.
J'adore voir pendant des heures le ciel qui semble se briser sous les éclairs. Je peux souvent apercevoir des gouttes d'eau s'écraser au-dessus de nos têtes. J'ignore ce que c'est et n'ai aucune idée de pourquoi ces gouttes n'atteignent jamais le sol, les toits des maisons, ou nous-même. Pourquoi et comment ces gouttes venaient s'écraser au-dessus de nos têtes, mais sans jamais nous mouiller ?
Je rejoins mon appartement pour observer le spectacle par la grande fenêtre de ma chambre. D'ailleurs, j'adore ma chambre. Les murs sont d'un blanc immaculé, comme dans toutes les autres pièces. Mon lit est un grand lit deux places, placé au centre de la chambre, avec une commode trônant à l'opposé. Il y a une sorte de petit muret juste au dessous de ma fenêtre, où est placée une couverture et un grand coussin, de sorte à le rendre plus confortable. J'aime beaucoup m'asseoir là pour regarder les voitures passer, les gens vivre leur vie. J'ai déjà entendu parler des étoiles, j'ai aussi vu des photos sur Internet, mais je n'ai jamais eu l'occasion d'en voir une. C'est comme le phénomène étrange des gouttes d'eau. Comme si quelque chose empêchait les choses de nous atteindre, et de les voir.
Bientôt la nuit tombe, et après avoir mangé des carottes avec des pommes de terre et du poulet, je vais me coucher. Parfois j'en ai marre de manger toujours les mêmes choses, des légumes, des fruits, des légumes et encore des fruits. Enfin il y a aussi le chocolat, mais même celui-ci a un goût fade. Parfois, vient s'ajouter du poulet ou du poisson, mais c'en est lassant à la longue. Dix sept ans désormais que je mange les mêmes aliments, sans goût, j'ai soif de nouvelles choses.
Je m'endors avec une dernière pensée pour les étoiles. À ces astres que je rêve de voir un jour.
Le lendemain, je retourne au lycée comme d'habitude.
Les premières heures de cours passent plutôt rapidement. Nous nous rendons ensemble au self pour manger. La cuisinière, qui ressemble plus à un catcheur, dont j'ai complètement la trouille, nous sert un gratin de pomme de terre.
Nous nous asseyons à notre table habituelle, et commençons à manger tranquillement. Mais comme tout ne peut pas toujours être parfait, trois filles accompagnées de deux garçons se postent devant nous. Romain les regarde perplexe.
— Vous voulez de l'aide peut-être ? demande-t-il.
Une des filles répond.
— On ne veut pas de votre aide, on veut s'asseoir là, donc bougez.
Je suis partagée entre l'envie de répondre ou de me taire et de changer de place comme l'a gentiment - marquez l'ironie - demandé l'adolescente.
Mais je n'ai pas le temps de faire quoi que ce soit puisque Romain me dépasse.
— Mais pour qui tu te prends ?
— Personne d'autre que Laura Dupuis, déclare-t-elle en jetant sa chevelure blonde en arrière.
— Donc je confirme, tu n'es personne. Maintenant au cas où tu ne l'aurais pas remarquée, cette table est occupée.
Elle lâche un rire mesquin.
— Mais je ne demande pas ton avis, le petit brun.
Romain fait semblant de ne rien entendre, ce qui énerve de plus belle Laura.
Elle jette son plateau sur la table, et pose ses poings sur ses hanches.
— Tu es sourd peut-être ?
Je me lève dans un bond et lance un regard noir à ladite Laura.
— La table est occupée, mais il me semble bien que tu as des bras et des jambes, par conséquent je ne vois pas ce qui t'empêche de trouver un autre endroit.
Résignée, elle reprend son plateau et s'en va telle une furie, accompagnée de ses amis. Je me rassis et Shylay applaudit.
— Quoi ? demandé-je.
— Enfin tu réponds aux autres.
— Toi tu n'as rien dit je te signale.
— Pas cette fois, mais d'habitude si.
Je lève les yeux au ciel. Nous terminons de manger et reprenons les cours après cette petite altercation.
En rentrant chez moi, j'aperçois un endroit caché par des plantes. De là où je suis, je peux apercevoir un banc en bois. Mais je ne peux pas m'arrêter maintenant, ou mon ventre exploserait de faim.
Je continue donc mon chemin à contrecœur. Pourquoi n'ai-je jamais fait attention à cet endroit ?
Arrivée chez moi, je jette mes chaussures dans l'entrée et me laisse tomber sur le canapé. J'ai la maison rien que pour moi aujourd'hui ! Ma mère est au magasin de vêtements, où elle travaille depuis maintenant dix ans. Je n'ai jamais compris l'utilité d'un magasin de vêtements puisque tous les vêtements sont vus et revus. Tous se ressemblent, tous sont de la même couleur. Alors pourquoi ? Enfin bref, mon père quant à lui, est à une réunion pour présenter sa nouvelle invention. Et le petit démon qui me sert de frère est à l'anniversaire de son meilleur ami. Par conséquent, personne pour m'embêter, personne pour me crier dans les oreilles, personne pour me déranger.
J'entreprends de préparer à manger. Je me change rapidement, pour éviter de salir un deuxième uniforme.
Je fais une purée de pomme de terre et réchauffe le reste du poulet rôti de la veille. Quand j'ai fini de manger, je prends le skate de mon petit frère. Je ne comprends d'ailleurs pas pourquoi Elliot a un skate, il ne sait même pas en faire. La seule chose pour laquelle il l'utilise c'est pour s'asseoir dessus et passer des heures à faire le tour de la maison.
Je quitte l'appartement et me mets à rouler sur la route, mon portable dans la poche. J'arrive devant l'endroit qui m'avait interpellée quelques heures plus tôt. J'écarte les plantes et découvre une porte en grillage vert. J'abaisse la poignée, mais elle ne s'ouvre pas. Qu'est-ce que cette porte fait là ? Pourquoi en plein milieu de ces plantes, et pourquoi est-elle fermée ? Qu'a-t-il donc derrière cette porte ?
Je tente à plusieurs reprises d'ouvrir la porte, mais celle-ci reste parfaitement close. Soudain, alors que je me suis laissée tomber sur le banc, j'entends un bruit derrière moi. Je me retourne mais ne voit rien.
Je reporte donc mon attention sur la poignée. Comment ouvrir cette foutue porte ? Quand ma curiosité prend le dessus, il n'y a rien à faire.
J'entends un nouveau bruit, et me retourne à nouveau. Cette fois-ci, je me retrouve face à quatre hommes. Je me lève d'un bond, et fais un pas en arrière. Deux des hommes pointent ce qui ressemble fortement à une arme à feu dans ma direction.
Dans quelle merde me suis-je encore fourrée...
30/12/18
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