Chapitre 5

Sebastian eut un petit rire à la sortie précipité du prince, qui s'évanouit lorsque Ciel se redressa.

-Allez, nous avons assez trainé.

Il eut un geste pour le retenir mais se contint. Ciel haussa un sourcil. C'était lui ou Sebastian semblait déçu ? Il eut un sourire attendri, c'était vraiment inattendu de la part du démon.

-Voyons Sebastian, ne fais pas cette tête, dit-il avec un air narquois, tu me donnerais presque envie de reprendre mon bain avec toi demain soir.

Sebastian se releva et sortit du bain, laissant à son maitre le loisir d'observer toute son anatomie. Il l'enroula dans une serviette chaude après en avoir nouée une sur ses hanches. Attrapant sa taille pour le rapprocher de lui, il plissa les yeux.

-Attention, jeune maitre, je risque de vous prendre au mot.

Ciel ne répondit pas, affichant un sourire amusé avant de sortir de la pièce pour aller s'asseoir sur son lit. Il n'avait que faire de ce que les règles de bienséances imposaient. Il était un démon, il y avait bien des choses qui ne s'appliquaient plus à lui. Sebastian le rejoignit après s'être entouré d'un peignoir, ses habits étant toujours trempés. Il vint s'agenouiller devant lui pour l'habiller, effleurant sa peau comme il en avait l'habitude.

-Que voulez-vous faire cette nuit ?

-Qu'as-tu à me proposer ? Soupira Ciel en maudissant son efficacité qui lui donnait bien trop de temps libre et bien trop de temps pour s'ennuyer.

Sebastian sourit.

-Eh bien, que diriez vous d'une ballade en ville ?

-En pleine nuit ?

Sebastian opina.

-Pourquoi pas, souffla Ciel, nous pourrons ainsi nous assurer de la sécurité de nuit.

Sebastian sourit et s'éclipsa un instant pour s'habiller. Ils sortirent discrètement par la fenêtre, après s'être assurés du sommeil des habitants du manoir.

Londres en pleine nuit était aussi séduisante que durant la journée, mais il ne faisait pas bon s'y promener pour de simples humains. C'est pour cela que la lune n'éclaira cette nuit que les silhouettes de quelques imprudents et de deux démons.

Ceux-ci se fondaient dans la nuit, parfaitement à l'aise dans l'obscurité et plus silencieux que des chats en chasse. Ciel rejeta la tête en arrière en marchant, les mains enfoncées dans les poches de son long manteau brodé. Il regardait les étoiles briller, et leur rendait leurs regards. Depuis son retour en Angleterre, il avait bien plus de temps pour penser. Et une seule question revenait sans cesse à lui. Pourquoi était-il devenu un démon ? Quelle était la raison de tout ceci ? Il ne croyait pas en Dieu, il avait renié sa foi, mais il ne pouvait s'empêcher de se demander si quelqu'un quelque part avait prévu qu'il devienne un démon. Et dans ce cas là, pourquoi ? Avait-il un rôle précis à jouer ? Une mission à accomplir ?

Il soupira, personne ne viendrait jamais répondre à ces questions là. Car personne ne pourrait jamais comprendre cette sensation de se demander pourquoi ? Pourquoi vivre durant toute éternité ? Dans quel but ?

Son regard se posa sur Sebastian, qui lui aussi, semblait interroger le ciel de questions sans réponses. Il sourit en secouant la tête. Il se trompait. Il y aurait toujours une personne qui pourrait comprendre exactement ce qu'il ressentait. Car ils étaient pareils.

Il se rapprocha d'un pas de son fidèle majordome, de son ami, de l'homme pour qui... non, du démon, pour qui il ressentait des sentiments si troublants et sur lesquels il s'interrogeait de plus en plus depuis son retour. Sebastian posa son regard sur lui et comme à chaque fois qu'il le faisait, Ciel se sentit calme, plein et électrisé.

Sebastian et lui étaient pareils. Ils avaient vécu la trahison, la peur et la douleur, la solitude plus que de raison, la sensation d'être au dessus du monde et au même moment d'être plus bas que terre. Ils s'étaient trouvés, découverts, compris, reconnus. Ils avaient trouvés chacun en l'autre un miroir, brisé certes, mais qu'ils s'étaient attelés à réparer. Sans même en avoir conscience. Ils avaient comblé leur solitude, réchauffé leurs cœurs sans y penser, simplement par la présence de l'autre à leur côté. Ils avaient gagné quelqu'un sur qui compter.

-Jeune maître ?

La main de Sebastian se posa sur la joue du comte, il le scrutait d'un regard presque inquiet.

-Sebastian ? Sourit Ciel en réalisant quelque chose qu'il venait simplement de comprendre alors que c'était sous le bout de son nez depuis des années.

-Oui ?

-Je suis heureux de t'avoir rencontré.

Sebastian écarquilla un instant les yeux avant de sourire. Il ne s'attendait pas à cela. Son pouce effleura la pommette du comte, qui lutta contre l'envie de fermer les yeux et d'y appuyer sa tête.

-Moi aussi, jeune maitre.

Ciel sentit son cœur battre un peu plus vite. Le vent souffla, emportant la rougeur de ses joues et le faisant frissonner alors que la main de Sebastian glissait le long de son bras pour venir déloger la sienne de sa poche.

-Continuons à marcher, sourit Sebastian, en songeant qu'il était bien courageux de résister à la tentation de taquiner le comte à cet instant.

Pourtant, il n'en avait pas la folle envie. Ciel venait de s'ouvrir à lui comme il ne l'avait jamais fait. Et il voulait savourer le moment comme il était, doux et sucré. Sans y ajouter d'émotions piquantes.

Le jeune comte se laissa guider dans les rues sombres de la ville. Dans d'autres circonstances, il aurait été sur ses gardes. Mais Sebastian serrait doucement sa main dans la sienne et seul son touché atteignait l'esprit de Ciel. Et Sebastian était bien trop occupé à savourer la docilité du comte pour vraiment se préoccuper de ce qu'il y avait autour d'eux. C'est sans doute pour cela que, alors qu'ils traversaient un pont dont le nom leur importait peu à cet instant, ils n'entendirent pas la déflagration arriver.

Ils furent projetés dans le fleuve avec force par le souffle de l'explosion. Sebastian ramena le corps de son maitre contre le sien pour le protéger des gravas qui pleuvaient autour d'eux alors que l'eau s'infiltraient dans leurs bottes et alourdissaient leurs vêtements.

Ils se mirent d'accord d'un regard et glissèrent sous le pont comme des ombres. Les oreilles de Ciel sifflaient un peu mais cela passerait vite. Il ne savait pas nager alors il s'accrochait au coup de Sebastian, plaquant leurs corps l'un contre l'autre. Son visage était au niveau du cou du démon et il pouvait presque embrasser sa peau blanche.

Ils entendirent des pas au dessus de leurs têtes et tendirent l'oreille.

-On les a eut ? Demanda une voix aigüe très excitée.

-Surement, personne ne peut survivre à ça, répondit une voix plus grave que Ciel reconnut avec surprise et consternation. Il fallait bien les empêcher d'éloigner le prince de la cours, ça aurait été beaucoup plus dur de l'assassiner sinon.

-Ah oui ah oui. Mais... vous ne m'avez pas dit pourquoi vous vouliez tuer le prince ?

-Si nous ne faisons rien, cracha la voix avec dégout, ce prince idiot fera de l'Angleterre un pays de décadence et de désordre. Imagines s'il commençait à vouloir s'allier à d'autres pays !!

Les pas s'éloignèrent et les voix s'éteignirent. Sebastian ramena son maitre jusqu'à la berge. Ciel avait froid. Il n'allait pas mourir gelé comme aurait pu le faire un humain, mais il pouvait tomber malade, et il n'en avait pas envie.

-Rentrons vite, nous nous occuperons d'eux plus tard.

Sebastian hocha la tête et sans hésiter, il souleva le corps du plus petit. En trois bonds, ils furent à l'intérieur de la chambre de Ciel. Sebastian ferma la fenêtre et aida son maitre à enlever tous ses vêtements trempés avant d'allumer un feu. Ciel s'installa devant, une serviette sur les épaules.

Sebastian s'éclipsa un instant pour se changer et revint près de son maitre pour ajouter plusieurs buches au feu. Il glissa doucement une serviette dans ses cheveux et les sécha consciencieusement, alors que le comte fixait les flammes se mouvoir en crépitant dans l'âtre. Puis il nettoya son corps avec un linge doux.

Ciel finit par prendre la parole, les sourcils froncés.

-Tu sais ce qu'il te reste à faire Sebastian.

-Oui, sourit le majordome avant d'aller mettre la serviette à sécher.

-Voulez vous que j'y ailles maintenant ?

-Oui, amènes le moi, ordonna le comte, une lueur dangereuse dans les yeux.

Ou peut-être était-ce simplement le reflet des flammes dansant dans son regard ?

Sebastian disparu et le jeune maitre resta seul dans sa chambre. Il s'empara du tisonnier pour fouiller les braises, un sourire furieux s'étalant sur ses lèvres.

Non seulement ces hommes avaient tentés de les tuer, lui et son démon -ce qui avouons le, de la part de mortels, était un acte tout a fait dérisoire- mais ils avaient interrompu son moment de complicité avec Sebastian. Pour une fois que les deux démons semblaient avoir décidé de parler à cœur ouvert, sans leurs habituelles taquineries et manipulations !

Ce n'était pas que Ciel n'aimait pas ce genre de discussions, il les adorait parce que son majordome faisait un partenaire de jeu tout à fait idéal et surprenant à souhait. Mais il avait enfin l'occasion de découvrir une nouvelle facette du démon et ces hommes lui avaient enlevé !

Ils allaient plus payer pour cela que pour avoir tenté de les tuer, oh oui, se promit-il, ils allaient le payer. Ciel et Sebastian avaient l'habitude de gérer ces situations. Les tentatives d'assassinats n'étaient pas rares parmi les gens d'influence, et on ne pouvait jamais vraiment savoir ce qui se cachait derrière telle parole ou telle action.

Pendant que Ciel ruminait de sombre pensées et des plans malicieux pour réussir à faire parler son démon de lui, Sebastian arrivait devant une maison de Londres assez huppée. Il n'avait eut aucun mal à reconnaitre, lui aussi, la voix de leur assaillant et c'était tout de suite rendu chez le duc de Bourg.

Il grimpa tranquillement les quelques marches qui le séparaient de la porte d'entrée et toqua. Un petit homme vint lui ouvrir et parut tellement choqué de le voir que Sebastian devina sans mal qu'il était la seconde personne du pont.

Un sourire froid teinta son visage d'un air si effrayant que personne n'aurait été étonné que l'homme face à lui mouille son pantalon. C'était un sourire qui pénétrait jusqu'au fond de votre âme pour vous y chuchoter les pires monstruosités avec un plaisir délectable. Ou, plus simplement un sourire qui annonçait très clairement le désir d'arracher les membres d'une certaine personne en y prenant un maximum de plaisir. Un sourire de démon.

Complètement terrifié, le serviteur qui lui avait ouvert la porte fit demi tour pour tenter de s'enfuir. Il ne put faire deux pas que l'ombre de Sebastian était déjà sur lui et que sa vie s'éteignait dans un cri d'effroi.

Sebastian s'avança dans le hall et décida d'emprunter les escaliers, un sourire aux lèvres alors qu'il retirait ses gants teintés de sang. Heureusement qu'une nouvelle paire l'attendait au manoir.

Un claquement de porte retentit alors qu'il arpentait le couloir. Il sourit. La proie semblait venir vers lui de lui-même. En effet, le duc apparut bientôt au bout du couloir, vêtu d'une chemise de nuit et d'une robe de chambre. Il semblait se demander qui était la personne qui arpentait les couloirs à cette heure et se figea lorsqu'il l'aperçut. Parfaitement aimable, le même sourire sur les lèvres, Sebastian s'inclina.

-Duc de Bourg, mon maître aimerait s'entretenir avec vous. Veuillez me suivre.

Le duc sembla reprendre ses esprits à ses paroles et chercha immédiatement à s'enfuir. Qu'est-ce que les humains étaient prévisibles... Sebastian poussa un soupir ennuyé et se retrouva entre le duc et la sortie sans même que l'homme ne le voit bouger. Un coup à la base de la nuque permis à Sebastian de l'endormir. Il serait plus facile à transporter comme cela. Il le lança sur son épaule et s'élança vers la maison de son maitre qui devait s'impatienter.

Le duc commença à s'éveiller alors que le démon arrivait devant la grande porte en bois. Sebastian le déposa sur le sol et le duc, ne voyant aucune échappatoire, entra à petits pas inquiets. Le majordome le guida avec une fausse amabilité jusqu'au bureau de son maitre, concomitant avec sa chambre, et lui demanda de s'asseoir et de ne pas bouger, le temps qu'il prévienne le comte.

Ciel n'avait pas bougé et Sebastian fronça les sourcils.

-Le duc est là, vous ne comptez pas le recevoir ainsi ? Espéra-t-il.

-Cet homme ne mérite pas mon respect, je ne vois pas pourquoi je ferais l'effort de m'apprêter Sebastian.

Le démon serra la mâchoire, il ne voulait pas qu'un homme puisse voir son maître ainsi. Il allait devoir s'en occuper après, il ne permettrait pas qu'un homme puisse vivre en ayant vu son maitre avec une simple serviette sur le dos.

Il retourna au bureau pour venir chercher le duc qu'il foudroya si bien du regard que l'homme glapit.

-Veuillez entrez, ordonna-t-il.

Le duc de Bourg hésita mais entra en voyant l'air de Sebastian. Un air qui ne donnait pas envie de désobéir. Pas du tout.

Il faillit hausser les sourcils en voyant le comte simplement enroulé dans une large serviette qui dissimulait son corps fin, assis dans un large fauteuil en face du feu. Sebastian se posta dans un coin de la pièce, comme une ombre, et Ciel daigna enfin porter son regard sur le visage de l'homme qui avait tenté de l'assassiner.

Celui-ci recula d'un pas en voyant son visage rempli d'un mépris et d'une colère que peu de gens étaient capable de ressentir. La tenue du comte n'enlevait rien à sa prestance et le duc était ravi qu'il ne se soit pas habillé : il aurait été bien plus effrayant ainsi. L'homme sentit tout son sang quitter son visage lorsque Ciel sourit.

-Eh bien cher duc, on essaye de me tuer ?

Voila pour ce chapitre 5, j'espère qu'il vous aura plu. N'hésitez pas à laisser un commentaire ou une petite étoile !

A bientôt pour la suite !

Saneria17.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top