20 - seconde mère

Livy PDV

Je ne sais plus ce que je dois faire. Je devais aller mieux, mais la mort suprême m'attire toujours autant. Je ne devrais pas y penser parce qu'une déesse ne devrait jamais avoir à penser à la mort, peu importe sous la forme dans laquelle elle se trouve. Mais je crois que je suis une déesse à part, toujours planquée dans ma solitude et dans ma petite bulle, j'ai vu des gens mourir et j'ai souvent –ainsi que rapidement- pensé à la mort. Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais les choses ont fonctionné de cette façon. Sûrement parce que j'ai de l'humanité dans les veines, contrairement aux autres Dieux, Déesses, demi-dieux et demi-déesses. J'ai peut-être quelque chose en plus qui pourrait sauver le monde des Humains, plutôt que de l'enfoncer. Mais ce n'est qu'une théorie à la con qui n'en vaut clairement pas la peine.

Je devrais peut-être suivre le conseil de Sacha. Il était mon meilleur ami et, toute à l'heure, j'avais presque l'impression d'avoir un étranger devant moi. Il ne s'est jamais comporté de cette façon avec quiconque, et encore moins avec moi. Mais il faut bien une première à tout et, ce fût pour ma gueule forcément, chanceuse comme je suis. Je ne sais pas ce que je pourrais bien faire sans mon meilleur ami près de moi pour m'épauler, pour me venir en aide. J'ai l'impression qu'il avait attendu que je m'offre à lui, puis quelques temps après, avant de m'envoyer me faire foutre. Jamais je n'aurais pensé qu'il puisse faire une chose pareille une seule fois dans ma vie.

Je me laisse tomber sur mon lit et pose ma main sur mon front. Je m'enveloppe des couvertures, les enroulant tout autour de moi. Les paroles de mon meilleur ami se répercutent encore dans ma boîte crânienne, se cognant partout autour. Je ne sais pas comment je vais faire pour avaler cette pilule tout en restant encore de ce monde. Je sais que je pourrais employer « la mort suprême », mais je dois me montrer forte et ne pas flancher à la première erreur humaine, sachant que ce n'est pas la première fois non plus que mon meilleur ami me dit des paroles crues. Mais cela n'avait jamais été aussi loin, jusqu'à présent. Cela n'avait jamais été aussi méchant expressément.

Je laisse les lacrymales coulées à nouveau sur mes joues, roulées dessus et échouées sur le matelas. Je ne sais pas si un jour je saurais accepter ces paroles, si je saurais m'y faire ou encore, si je les lui pardonnerais. Il a été méchant avec moi, sans aucune retenue alors que pourtant, je suis la personne qui le connaît le mieux dans ce putain de monde. Mais, maintenant, je doute de si bien le connaître que cela. J'essuie mes larmes d'un revers de la main et tente de calmer ma respiration mais cela ressemble plus à une peine perdue qu'à autre chose –surtout à de l'espoir- quand les paroles de mon meilleur ami me reviennent en plein dans la face. J'entends la maman de Sacha crier « A table » depuis le bas des escaliers mais je n'ai pas le courage de descendre et je n'ai pas non plus envie de manger.

Je déplace la couverture pour qu'elle me recouvre entièrement alors que les larmes perlent encore aux coins de mes yeux et roulent lentement sur mes joues et de part et d'autre de mon visage. Je ne veux voir personne et encore moins Sacha, le temps de réaliser un tant soit peu ce qui vient de se passer ainsi que pour réaliser ses paroles dont il ne mesure clairement pas l'ampleur et les conséquences. Je croyais que jamais il ne parlerait ainsi, sans faire un minimum attention aux répercussions que ces mots pourraient avoir sur la personne en face de lui.

J'entends que l'on toque à la porte de ma chambre et je n'avais même pas prêté attention aux bruits des claquements de talons sur les marches en bois des escaliers. Je ne bouge pas de sous ma couette, parce que je ne veux voir personne. Je suis très bien dans ma solitude douloureuse où les mots de mon meilleur ami ne s'arrêtent pas de passer en boucle sans aucune interruption et, parfois, légèrement dans le désordre mais la plupart du temps, c'est le même « monologue » qui passe. J'entends que l'on toque à nouveau mais je ne réagis toujours pas et je m'en veux de ne pas avoir verrouillé la porte derrière moi puisque le grincement de celle-ci se fait entendre ce qui signifie que quelqu'un vient de pénétrer dans ma chambre ou d'en avoir au moins passé la tête pour jeter ne serais-ce qu'un coup d'œil.

Ma respiration se saccade alors que la porte grince de nouveau –donc on la referme- et que des talons claquent sur le sol du parquet en bois de ma chambre. Je ferme les yeux et les traits de mon visage se tendent, parce que je ne veux voir personne. Je serre ma poigne sur ma couette parce que je ne veux pas que l'on me la retire. Je doute bien que l'on voit mon corps à travers celui-ci, mais je veux être seule et que l'on me foute littéralement la paix. Je suis très bien dans ma solitude, qu'on m'y laisse !

-Livy ? Questionne une voix féminine.

Je reconnais la voix et le timbre de celle-ci qui est typiquement celui de la maman de Sacha. Il na manquait plus qu'elle que pour rajouter une couche ! Je sais que je réagis excessivement, mais je suis sur mes gardes et totalement blessée intérieurement, si bien que cette femme qui ne m'a rien fait s'en prend plein à la figure dans ma tête. Je retiens ma respiration alors qu'une masse se pose sur le matelas, près de mon corps. Je sens des mains se rapprocher de mon corps, essayant de tirer légèrement sur la couette pour la retirer. Je résiste quelques temps, mais comme je suis faible émotionnellement, je le suis aussi physiquement, ce qui vaut que la couverture vole vers le bord de mon lit, au niveau de mes pieds.

-Que se passe-t-il ma chérie ? Pourquoi tu pleurais en silence toute seule ? Tu peux tout me dire, tu sais..., s'enquit-elle, l'air peiné.

Elle passe sa main dans mes cheveux, glissant ensuite sur ma joue droite trempée par mes larmes. Elle s'inquiète vraiment pour moi, comme si j'étais sa famille alors que nous n'avons aucun lien du sang en commun. Rien ne nous lie autre que l'amour que nous nous portons, que la tendresse que nous éprouvons l'une pour l'autre et la manière dont on se considère. Elle est comme la mère que je n'ai jamais eu, parce que la mienne a toujours été aux abonnés absents et je suis la fille qu'elle n'a jamais pu avoir entre trois garçons dont l'un est mon meilleur ami –c'est celui qui est au milieu dans les enfants.

-Je... Je... Je n'ai pas faim...Et, j'aimerais res-rester seule, s'il te plaît..., murmurais comme je pouvais le faire sur le moment.

Elle me fait un sourire rassurant mais cela ne lui convient toujours pas, je le vois sur les traits de son visage. Mon souffle se cale sur le sien et cela me rassure, parce que j'ai l'impression de clairement étouffer dans cette atmosphère pesante dans laquelle je me retrouve dans mes pensées. Elle sait bien qu'il n'y a pas que mon manque d'appétit qui joue là-dedans, que c'est même le résultat de quelque chose qui m'est arrivé. Je l'aime énormément, mais elle se comporte parfois un peu trop comme une mère poule. Pour une fois, cela ne me dérange pas qu'elle insiste, parce qu'elle m'oblige à me soulager d'un poids que j'ai sur les épaules et qui me brûle. Son regard me pousse à approfondir.

-Sacha m'a dit des choses blessantes..., chuchotais-je le plus bas possible.

-Ô, ma chérie, s'empresse-t-elle d'ajouter. Tu sais, les garçons, ce n'est pas toujours bon. Ils font souvent des erreurs, perdent souvent les pédales aussi. Les garçons, ça ne fera sûrement jamais que des bonnes choses, malheureusement. Mais ce n'est pas pour autant qu'il faut leur en vouloir toute leur vie non plus. Mais sache que tu dois prendre ton temps pour digérer tout cela, pour réapprendre à être à l'aise en sa présence et ce n'est pas grave si ça prends du temps, tant mieux même parce que cela lui prouvera qu'il t'a réellement blessé et il en subira les conséquences à force d'attendre ton retour qui pourrait paraître inespéré, continua-t-elle en me souriant tendrement, telle devrait le faire une bonne mère envers sa fille. Prends ton temps et si tu as besoin de te confier, autant sur des choses sentimentales ou affectives, par exemple : les paroles de Sacha ; tu peux venir vers moi quand tu veux. Je serais toujours une oreille pour t'écouter et une épaule pour te soutenir, tu le sais ? Je vais te laisser parce qu'on m'attend pour manger. Mais je ne veux pas que tu restes l'estomac vide, alors, je te ramènerais un peu du repas après le dîner et tu mangeras, crois-moi. Tu sais tout autant que moi que je déteste cuisiner et que personne ne mange ensuite ! S'exclame-t-elle en riant légèrement.

Je ne peux pas m'empêcher de rire avec elle. Cette femme, prénommée Barbara Firewin, a toujours su me redonner le sourire lorsque je le perdais. Elle remplace parfaitement ma mère, même si les liens du sang ne sont quand même pas là. Enfin de compte, je réalise que les liens du sang ne valent souvent pas grand-chose, que l'amour que l'on porte avec le cœur est bien plus important qu'une chaîne d'ADN. Cette femme me fait réaliser cela, tandis qu'elle tourne les talons et qu'elle sort de ma chambre en me laissant un dernier regard plein de tendresse. Elle m'aime comme si j'étais sa fille, comme si elle m'avait mise au monde mais je me rends bien compte que ce lien de « maman-fille » n'existera jamais réellement, que ce n'est qu'une illusion et qu'il ne durera pas éternellement non plus.

Sacha n'est plus celui que j'ai connu et je dois découvrir pourquoi, absolument. « La mort suprême », ce n'est pas encore pour le moment, Livy.

***

Musique ; Selah Sue - Fear Nothing

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