19 - inquiétude maternelle
Zayn PDV
Nous sommes à table, mangeant en silence comme toujours. Mon « père » ne supporte que l'on parle, que l'on crie lorsque nous mangeons, si bien qu'avec le temps, il a instauré la règle de ne pas parler à table. On se croirait dans l'ancien temps mais je dois avouer qu'avec le léger mal de crâne que j'ai à force de penser et de cogiter sur la personne qu'est Sacha Firewin et sur la personne qu'est Livy McDonayh, je me perds littéralement au point que j'en ai mal à la tête. Oui, je l'avoue, ça m'arrange et grandement d'ailleurs.
Il n'y a que les bruits des couteaux et des fourchettes glissant sur les assiettes et parfois en un bruit strident. De temps à autre, il y a quelques sons de verre que l'on dépose mais sans plus. Parfois, quelques bruits de mastication ou de déglutition mais ce n'est pas comme si quelqu'un criait dans mon oreille, donc ça me va. J'aimerais bien dire beaucoup de choses à mes parents mais en même temps je n'ai rien à leur dire, parce que je ne me sens pas prêt de leur dévoiler que je suis peut-être amoureux d'une humaine. Ce serait le comble du comble, non ? Un demi-dieu qui se lie d'amour pour une humaine, ce n'est pas trop cliché ? J'ai l'impression de vivre dans une sorte de stéréotype depuis que je suis né, à cause de ce monde d'humains qui n'aiment tous que la même chose et ne savent pas se différencier des autres.
J'ai vraiment la sensation, au creux de ma poitrine, que Livy n'est pas comme toutes les autres humaines. Elle a quelque chose en plus mais je n'arrive pas à mettre la main dessus. Lorsque je relève la tête, je vois ma mère me sourire tendrement mais maigrement. Elle a sûrement beaucoup de choses à dire, mais doit attendre la fin du repas pour s'exprimer. On est même obligé d'attendre que tout le monde ait daigné de finir de manger avant de pouvoir, ne serais-ce que, pour débarrasser la table. Je ferme les yeux un instant et prends ma tête entre mes mains, parce que ce n'est plus possible de continuer ainsi. Je ne peux pas supporter plus longtemps encore ce mal de crâne.
Ma mère fronce doucement les sourcils, se demandant sûrement pourquoi je me tiens la tête alors que nous sommes à table. Mais j'ai l'impression d'avoir un cœur qui bat dans mon cerveau et c'est horrible. C'est tellement horrible que j'en fais une grimace. Je suis assez mal parti pour rassurer ma mère, surtout vu comment elle me fixe. Elle serait prête à sortir de table juste pour prendre un comprimé pour la douleur alors que c'est clairement interdit de quitter la table même pour un besoin toilette urgent et instantané. Parfois, j'ai presque l'impression de me retrouver dans un pensionnat lorsqu'on est à table. Sachant que j'ai été dans l'un d'eux lorsque j'étais plus jeune, puisque j'avais été « diagnostiqué » comme étant un garçon « turbulent » et « incontrôlable ». Autrement dit, j'utilisais mes pouvoirs tout le temps et je faisais chier tout le monde autour de moi sans exception.
-Ca va mon chéri ? Demande soudainement ma mère.
Plus personne ne bouge, parce que quelqu'un a osé lever la voix alors que nous mangeons. Je croise le regard noir et sombre de mon père en premier lieu, puis ceux perdus de mes quatre sœurs. Il y a celui inquiet de ma mère qui est toujours posé sur moi et qui n'oscille pas d'un poil. Elle veut savoir si je vais bien et elle ne changera pas de posture, de position, tant qu'elle ne le saura pas. Je respecte ma mère pour cela, parce que même si c'est une humaine –et que les humains ont toujours eu l'habitude de fuir- elle campe quand même sur sa position et se battra jusqu'au bout pour avoir ce qu'elle désire. Je la respecte pour cela, mais n'en arrive pas au point de l'admirer, parce que cela ne se fait pas d'admirer sa génitrice dans le royaume des Dieux même si cela se fait dans le monde des Humains.
Le regard de mon « père » se radoucit lorsque je croise une seconde fois son regard. Il doit sûrement voir à mes traits faciaux totalement crispés et tendus que je ne vais pas très bien. Il devient inquiet aussi, tout comme ma mère et me regarde de cette façon que je déteste ; comme si j'étais un animal en détresse qu'il fallait absolument sauver. Mais, putain, je suis un demi-dieu, je peux me sauver tout seul nom de Dieu ! Je viens de jurer comme un catholique alors que nous sommes des musulmans, je crois que je vais péter un plomb si ça continue ainsi. Tous les regards sont braqués sur moi en l'attente d'une réponse que je n'ai clairement pas envie de donner. « Est-ce que celui qui croit être ton père sera toujours inquiet pour toi, s'il apprenait que tu n'étais pas son fils en réalité ? » me questionne avec sarcasme ma conscience.
Si ma conscience était une personne, je l'aurais battu à mort depuis très longtemps. Je me mords la lèvre inférieure et opine de la tête parce que je ne me sens pas capable d'ouvrir la bouche, pas capable de dire quoique se soit. Si j'ouvre la bouche, je me trahis totalement et se serait véritablement stupide. Ma mère n'a pas l'air convaincue mais elle laisse tomber les armes pour le moment mais reviendra sûrement à la charge après le repas. Je n'en doute pas le moins du monde, parce que c'est rare lorsqu'elle abandonne réellement. Elle ne s'avoue jamais vaincue, même quand c'est une peine perdue depuis longtemps et que seul un miracle pourrait arriver.
Je termine mon assiette autant que je le peux mais mon appétit est coupé depuis un bon bout de temps, donc je m'arrête de manger tandis que mon assiette est vide. Si j'avais mangé tout ce qui se trouvait dedans, j'aurais été resservi sans que l'on me demande mon avis là-dessus. Mes sœurs ont terminés ainsi que mes « parents ». Je crois que le fait que ma mère ait ouvert la bouche alors que nous mangions, à couper l'appétit à tout le monde. Nous empilons les assiettes après avoir mit tout ce qu'il restait dans une même et unique assiette qui se retrouve tout au-dessus de la pile. Je la prends et me rends dans la cuisine. Je jette tous les restes dans la poubelle et m'occupe ensuite de rincer toutes les assiettes et de les mettre dans le lave-vaisselle. J'entends quelques chuchotements de l'autre côté de la cuisine, mais je ne retiens pas, je préfère me concentrer sur le fait qu'il ne faut pas que je laisse une assiette tombée par terre.
Ma mère fait son entrée dans la pièce avec tous les verres en mains. Elle me regarde avec toujours autant d'inquiétude mais une autre lueur brille dans le tréfonds de ses pupilles. La détermination, j'en suis sûr. Elle est déterminée à savoir ce qui peut me donner un mal de crâne pareil alors que je n'ai que rarement des maux de tête. Je tente d'éviter son regard, de ne pas croiser ses prunelles et j'ai l'impression d'agir comme un humain ou un demi-dieu qui n'a pas de couilles –ou qui ne sait pas comment les porters.
-Qu'est-ce qui ne va pas ? Qu'est-ce qui peut bien te mettre dans un état pareil ? Ton père et moi nous nous faisons du souci pour toi, parce que depuis deux jours, tu sembles totalement ailleurs..., s'exprima ma mère.
Je ne peux pas résister à l'envie de la prendre dans mes bras. Elle est tellement douée en tant que mère, sûrement la meilleure de la planète ou du moins des humains. Elle paraît surprise de cet élan d'amour et de tendresse alors que je suis contre les câlins la plupart du temps. J'hume son odeur un peu, parce que ça fait toujours de bien d'avoir sa mère près de soi. Elle ressert son étreinte et comme elle est plus petite que moi, elle se met sur la pointe des pieds et que je m'abaisse au risque d'avoir un léger mal de dos après. Mais au pire, ce n'est pas important, parce que ma mère est bien plus importante que toutes les douleurs du monde réunies.
Livy... Pourquoi me mets-tu dans un état pareil ? Quel sort m'as-tu jeté, simple humaine... ?
***
Musique ; Troye Sivan - Happy Little Pill
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