Segment 21 : Mercredi 27 juillet
Dylan, c'est son idée, à Hector Vacherin. Dylan, le seul de la tribu Dupontet qui soit resté sensé. Le seul qui n'a jamais activé son KAAD. Le seul qui s'est enfui à tire d'aile du château et de Lamotte-Beuvron, pour n'y jamais remettre un pied. Et puis Francine avait un petit faible pour lui. Ça laisse forcément des traces. Il doit bien quelque part lui en vouloir, à sa grand-mère indigne. S'il était d'accord pour la confondre, ça vaudrait la peine d'essayer. Rien qu'une comparaison de l'ADN de l'un avec l'ADN de l'autre, ça devrait suffire.
Manifestement, il y a un truc à tenter. Comme c'est ma peau que je joue, et que l'attaque est la meilleure défense, je suis à fond pour... Cela dit, obliger Stacy de Valera à faire une prise de sang ou à ouvrir le bec pour qu'on lui fasse un prélèvement, on n'est pas au bout de nos peines ! Hector peut certes nous garantir la collaboration du Commandant Franck Appleton, mais une collaboration passive. Passive aussi, sa collaboration à lui. Hector me donnera des conseils, m'assistera, point. A moi d'agir.
Il a des souvenirs trop cuisants. Faut dire aussi qu'il a quelques raisons de m'en vouloir : j'aurais quand même pu éviter de raconter la scène, Carmel Castel, derrière la porte dérobée.
Pareille humiliation ! Difficile à pardonner...
Dylan réside présentement dans le duplex des enfants Martineau. Vous vous souvenez, Jérôme et Marie-Laure, des ingrats, l'un adepte du rock métal, l'autre des tags de par la ville. Lorsqu'il a fugué, vers quinze ans, Dylan a débarqué directement chez eux. Depuis, il n'a plus bougé. Pas d'école, pas de brevet des collèges, pas de bac. Il sait à peu près lire, pas vraiment écrire. En revanche, il sait coder. Très bien même. C'est un geek patenté, qui ne parle que débit, BIOS, Tera truc et Giga chose. Il a même suivi les cours d'une école d'ingénieurs ouverte aux débrouillards, bacheliers ou pas.
Résultat des courses, un flemmard de première, qui passe la moitié de sa journée sur les jeux en réseaux, tout en gagnant tranquillement de quoi subvenir aux besoins du trio : site WEB par ci, base de données par là, chat box ailleurs. Il a même commencé une thèse, le malheureux. Coder, d'accord, mais il fallait lire, et puis relire, et au bout il aurait fallu écrire. Alors il a laissé tomber, pour continuer tranquillement d'arroser le poil qui lui pousse dans la main.
Hector m'a prévenu. Pour Dylan, la grasse matinée, c'est sacré. Il m'a donc fallu attendre 13h pour me pointer. Je sonne. Une tête hirsute sur un tee-shirt troué m'ouvre la porte : « Ah, c'est toi, le Loustic... drôle de nom... entre mec... fais comme chez toi... ». S'il avait été rasé, habillé propre, c'aurait été un beau jeune homme d'une vingtaine d'années. Tel quel, avec l'odeur de joint qui flotte dans la pièce, la vaisselle sale, la bouteille de vodka qui traine à moitié vide, il fait plutôt sale gosse mal lavé.
Je mets sa grand-mère sur la table. Il en garde un souvenir attendri. La reine régnante de son enfance épanouie. Sa mort : un abîme qui s'est ouvert, noirâtre et profond, qu'il a fui à toutes jambes dès que les siennes sont devenues suffisamment solides pour le porter.
Quand je lui annonce qu'en fait, elle est toujours en vie, il sursaute. Son regard se durcit, lèvres tendues, sourcils qui froncent.
Stacy de Valera, il connaît, de réputation. Les big data littéraires et l'écriture automatique, ça l'intéresse, côté informatique. Un mélange entre Mamie et Wribox, ça le détendrait presque. J'évoque le plan ADN. Il se lève, passe les mains dans ses cheveux, les glisse sous ses aisselles, se dirige vers la fenêtre, regarde Paris.
Quand il se retourne, ses yeux pétillent. Il a changé de ton : « Ok pour la débusquer, mais à ma manière ; pour commencer, on va filer retrouver mon KAAD ; direction Lamotte-Beuvron ; départ demain, 6h ; tu passes me prendre en bagnole ; costard cravate obligatoire ».
Dix minutes plus tard il me rappelle : « J'ai oublié, amène-moi une cravate et une chemise blanche : j'ai pas ».
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