Chapitre n°30

Heureusement pour Mingi que celui-ci s'était retrouvé épuisé par les évènements des derniers jours car, si cela n'avait pas été le cas, il n'aurait sûrement pas fermé l'œil de la nuit. Lové contre son cousin, bercé par son odeur, il était heureusement parvenu à s'endormir sans être submergé par ce qu'il devait faire le lendemain, ou plutôt, ce qui l'attendait là maintenant.

En effet, il se trouvait en cet instant debout devant l'entrée d'une grande villa à l'ancienne, bordée de plantes verdoyantes et guidant le chemin vers une porte en bois massif, tout du moins d'apparence et qui, tout autant que tout cela semblait chaleureux, était aussi plus qu'intimidant. Derrière lui, sa tante lui donna un dernier encouragement, lui assurant qu'il était bien au bon endroit et après lui avoir rappelé qu'elle passerait le chercher dans une heure, elle finit par s'en aller.

Mingi soupira alors pour lui-même. Planté là sous le soleil tapant, enroulé dans son sweat noir, la capuche pourtant enlevée, il n'osait pas avancer. Il appréhendait énormément les rencontres à venir et même s'il avait été rassuré de toutes les façons possibles, rien n'y faisait.

Plusieurs minutes s'écoulèrent durant lesquelles il resta figé là, les mains dans les poches et les yeux fixés sur cette porte, sans pour autant la voir. Ce fut alors que, sans qu'il ne se soit rendu compte de quoique ce soit qu'il vit soudain une main s'agiter devant ses yeux. L'action le força à focus sa vue sur ce qu'il se passait à quelques centimètres et il recula d'un pas.

Une jeune fille tentait d'attirer son attention, souriant avec amusement, surement à cause de l'expression qu'il devait avoir actuellement sur le visage.

- Toi, tu dois être Mingi, le nouveau, dit-elle alors, d'une voix douce et légèrement plus grave que la moyenne pour une fille, bienvenu chez nous !

Ledit nouveau se reconnecta alors un peu mieux à l'instant présent, comprenant mieux la particularité du lieu. Il n'était pas à une clinique ou quelque chose du genre, il était chez des gens. Il acquiesça lentement, n'affichant toujours rien sur son visage, si ce n'est que l'air d'un animal perdu.

- Je m'appelle Serim, continua-t-elle, tu sais, t'es pas le premier à arriver, ou à avoir l'air un peu impressionné en venant. Tu vas voir, tout le monde est super sympa.

Puis tout en continuant à lui parler, elle l'invita à rentrer avec elle. Ils passèrent donc le pas de la porte l'un derrière l'autre et Mingi soupira presque d'aise quand il sentit l'air frais de l'intérieur de la villa. Ce qui le poussa aussi à réaliser à quelle point Serim avait été patiente avec lui et gentille alors qu'il faisait si chaud dehors.

- Tu n'as pas besoin d'enlever tes chaussures, les réunions ont toujours lieu au rez-de-chaussée et dans une partie à part. Viens, je vais te montrer.

Il ne dit rien et se contenta de hocher la tête, continuant de la suivre. Ils ne firent que quelques mètres avant d'arriver dans une grande pièce lumineuse, habillée de murs bleu roi et de canapés et fauteuils de toutes sortes à l'aspect plus confortable les uns que les autres. Là, se trouvaient aussi cinq autres jeunes personnes, qui devaient environner son âge et de toute évidence, presque tous avec des séquelles physiques visibles. Il s'agissait pour certains de cicatrices, un peu comme les siennes et pour d'autres, de brûlures.

Ce ne fut qu'après cette observation rapide et toujours sommaire des gens présents qu'il réalisa que son hôte, elle, ne présentait aucune marque. Il se dit alors qu'elle devait avoir eu une expérience peut être similaire à la sienne mais il fut coupé dans ses pensées comme si la jeune fille parvenait à lire dans ces dernières.

- Moi je ne suis là que pour accueillir les gens, c'est notre père qui a créé l'association pour mon frère, qui est, elle laissa sa phrase en suspens le temps de regarder autour d'elle, souriant de toutes ses dents quant à l'instant même, une porte s'ouvrit sur le côté de la pièce et qu'un jeune homme entra, Yeosang ! quand on parle du loup hein !

Elle laissa alors Mingi et se dirigea d'un pas sautillant jusqu'à celui qu'il devinait être le frère de la demoiselle. Ils échangèrent quelques mots puis bras dessus, bras dessous, ils revinrent vers lui tout sourire, faisant se serrer sa gorge et manquant de lui donner un haut le cœur.

- Salut, commença joyeusement le nouvel arrivant, avec un léger zozotement, moi c'est Yeosang, lui dit-il en lui tendant la main.

Mingi se contenta de dire son propre prénom et de serrer la main qui lui était offerte tout en se laissant happer par le visage de son interlocuteur pour se changer les idées. Ce dernier arborait une marque de taille moyenne sur sa peau, sur le haut de sa pommette gauche, qui, aussi étrange que cela soit sans pourtant l'être, n'enlevait rien au charme certain du jeune homme.

Celui-ci remarqua bien vite où se trouvait l'attention du grand petit nouveau et sans la moindre gène, vint montrer sa marque du doigt.

- C'est une tâche de naissance, disons que pour ça, j'ai au moins de la chance, chez moi c'était déjà là avec le package de base.

- Désolé, se contenta de lui répondre Mingi, conscient que si Yeosang lui disait cela, c'est parce qu'il le fixait beaucoup trop intensément.

- T'inquiètes pas, on est là pour ça nan, alors autant qu'il n'y ait pas de tabou pour ceux que ça ne dérange pas. C'est normal que ça attire ton attention, surtout vu que c'est la première fois que tu viens. Tu verras, tout le monde est super sympa.

- Ça va être l'heure, le coupa presque sa sœur en se décrochant enfin de lui, moi je vous laisse, j'ai des trucs à faire !

Puis après avoir encouragé Mingi et lui avoir offert quelques regards supplémentaires avant de partir, Serim disparut par la même porte dont son frère était arrivé juste avant. Le très grand jeune homme la regarda partir, curieux de son attitude avant d'être ramené à l'instant présent par Yeosang qui invitait tout le monde à s'installer confortablement.

Mingi se joignit au petit groupe et tentant de se faire tout petit malgré sa taille, il s'enfonça dans un fauteuil légèrement en retrait. L'action ne passa pas inaperçue pour son entourage mais personne ne fit de réflexions, ils le comprenaient plus que bien.

- Bonjour tout le monde, rebonjour à certains ! ce jeudi, on a un ordre du jour assez léger ! nous avons la bienvenue de Mingi, assis tout là-bas, ajouta-t-il en faisant mine de le saluer comme s'il se trouvait à des kilomètres, et Jinsoul, tu m'as envoyé un message pour me dire que tu voulais nous parler de ta semaine et de ton shooting photo !

L'une des filles présentes approuva l'information en souriant. Cette dernière était tout à faire jolie, avec pour seule détail dérogeant aux critères de beauté classiques, une cicatrice lui barrant l'arête du nez depuis son sourcil gauche.

- Déjà, Mingi, je vais te présenter un peu les choses, c'est la première étape de base et après, je te laisserai te présenter, la dernière partie de la phrase fit grimacer le pauvre concerné, donc moi, c'est Yeosang et nous sommes aujourd'hui à l'une des réunions hebdomadaires de l'association « parfaitement unique », fondée par mon père il y a quelques années. Il l'a montée pendant que j'étais au collège, à l'époque où je me suis fait énormément harceler à cause de ma tâche de naissance et il s'est dit que je ne dois pas être le seul à me faire discriminer pour ce genre de choses et que ça pourrait m'aider à supporter les choses d'être entouré de gens qui peuvent être dans la même situation. Depuis, on a eu une petite trentaine de membres sur ces dernières années et pour ma part, je pense que ça m'a beaucoup aidé à tenir.

Lui qui était debout depuis le début, finit par aller s'asseoir dans l'un des canapés, à côté d'un jeune homme qui avait presque trois quarts du visage brulés.

- Nous sommes tous dans des situations différentes, souvent uniques mais ce n'est pas parce que personne n'a vécu la même chose qu'on ne peut pas, tout de même, se comprendre et se soutenir les uns les autres. Et si jamais il y a quelque chose que quelqu'un ne veut pas partager ou qui est partagé par une autre personne et que cela le met mal à l'aise, sentez-vous libre de vous exprimer et dans le second cas, de sortir le temps que ça passe. Le but c'est vraiment que chacun se sente dans un endroit sécurisant et qu'il se sente bien.

Yeosang souriait avec douceur en regardant Mingi, comme pour le prévenir que ce serait très bientôt à son tour de prendre la parole. Puis il se servit un verre de jus de pomme, la table basse présente au milieu étant recouverte de petits trucs à grignoter, de verres propres et de boissons diverses. Il but quelques gorgées puis reprit :

- Est-ce que tu veux bien te présenter ? nous en dire un peu plus sur toi ?

Mingi soupira pour se donner du courage tout en acquiesçant, de toute façon il était là pour ça et il savait que sa tante et son psy allaient lui poser des questions sur comment les choses s'étaient passées et il devait y mettre du sien. Il entreprit donc de se lever.

- Tu peux rester assis si tu préfères, se permit de lui souligner tout de même le jeune organisateur.

- Ça ira, lui répondit-il, regrettant presque son choix quand il se mit debout et qu'il sentit ses cuisses le tirailler.

Il se stoppa quelques secondes, regardant autour de lui tandis que tous les regards étaient tournés vers sa personne. Il se sentit si vulnérable et mal à l'aise qu'il eut envie de s'enfuir en courant. Mais il avait déjà affronté toute sa classe et bien des gens alors, il se devait bien de faire des efforts dans un cadre qui se disait bienveillant.

- Je m'appelle S-, sa voix grave se bloqua, Jeong Mingi, choisit-il de dire, quoiqu'avec un léger tremblement hésitant dans son ton, je suis arrivé ici il y a un mois et quelques.

Il hésita ensuite, ne sachant pas vraiment ce qu'il pourrait rajouter, peu à l'aise et à vrai dire, effrayé par la situation inhabituelle. Que pouvait-il bien leur raconter ?

- Est-ce que tu te sentirais de nous dire pourquoi tu es là avec nous ? essaya de le guider Yeosang.

- Je, il inspira profondément et une image lui traversa l'esprit, lui donnant du courage, j'ai été harcelé quelques semaines par d'autres élèves, à cause de mes cicatrices, sûrement à cause de qui je suis, avoua-t-il d'une traite avec un visage si fermé, mais ils ne devraient plus être en mesure de recommencer maintenant, il fit un léger silence, involontaire, ils ont leurs propres cicatrices, maintenant, dit-il d'un calme déroutant, je vis chez ma tante, elle m'a inscrit à ce groupe parce qu'on le lui a demandé.

- Ça a du être dur comme période, lui répondit toujours Yeosang, le prenant de court, vu comment tu en parles, ça doit vouloir dire maintenant c'est derrière et c'est réglé, c'est déjà ça de gagné, tenta-t-il de positiver en souriant gentiment.

- C'était dur, parvint simplement à répondre Mingi en se laissant retomber dans son siège.

Parler devant le petit groupe l'avait vidé de son énergie, surtout vu qu'il n'en avait jamais parlé de vive voix à qui que ce soit, et la réaction de son vis-à-vis le perturbait énormément. Ce dernier avait fait preuve, même si ce n'était que l'espace de quelques minutes, de tellement de bienveillance. Et être traité de la sorte, il n'y était toujours pas habitué. Il se perdit alors à moitié dans ses pensées tandis que chaque personne se présentait à son tour pour lui, écoutant simplement d'une oreille distraite, de même lorsque Jinsoul raconta sa superbe semaine sous le signe de la mode.

Pour son plus grand soulagement cependant, la réunion arriva vite à sa fin et il reçut, presqu'en parfaite synchronisation, un message de sa tante lui disant qu'elle était là pour le récupérer et qu'elle l'attendait dehors, sans qu'il n'ait besoin de se presser. Ce qu'il fit tout de même, se levant à la seconde où il eut fini de lire le message. Il salua alors sommairement l'ensemble des membres de l'association et sans chercher à créer plus de lien que ça, il partit vers la sortie, suivant le chemin de mémoire.

Yeosang lui empiéta le pas, rigolant intérieurement quand il vit son nouvel invité se tromper de chemin, mais ne dit rien. Il se contenta de le suivre jusqu'à ce que ce dernier ne se fige au milieu d'une autre entrée donnant sur un grand salon qu'il n'avait pas traversé auparavant. Là, Serim jouait au piano, ne remarquant pas sa présence à l'autre bout de la pièce. A côté d'elle, un homme d'un certain âge, qu'il devina être le père de ses nouvelles connaissances, l'accompagnait au violon, souriant en regardant sa fille.

L'homme lui, finit par le remarquer tandis que Yeosang venait se poser à côté de l'intrus. Il cessa alors de jouer et vint vers eux, curieux de rencontrer ce nouvel arrivant et content de l'accueillir. Serim s'arrêta elle aussi de jouer, se tournant vers l'animation qui avait mis fin à leur récital, souriant quand elle avisa la raison.

- Le jeune Monsieur Song c'est cela ?

Mingi ressentit un haut le cœur beaucoup plus intense que celui une heure auparavant et sa main droite remonta instantanément sur sa bouche tandis qu'il se retenait une première fois de vomir. Son corps entier fut pris d'un spasme glacé et angoissant et il s'en retourna à toute vitesse, ne se trompant cette fois pas de chemin et quittant en courant l'intérieur frais de la maison avant de s'écrouler à genoux sur le bord de l'allée et de vider ses tripes dans les plantes alignées à la perfection.

Yeosang, Serim et leur père le suivirent avec hâte et inquiétude, ne comprenant pas ce qu'il s'était passé. Ils arrivèrent rapidement dehors, synchronisés avec Dakyung qui avait vu son neveu sortir en trombe avant de s'écrouler sur le sol. Cette dernière n'eut pas vraiment le temps de les saluer plus que de mesure et s'empressa de s'accroupir aux côtés de Mingi, passant comme elle le pouvait la main dans le dos large de ce dernier.

- Mingi mon chéri ? s'empressa-t-elle de dire, est-ce que ça va ? qu'est-ce qu'il s'est passé ?

- Ça lui a pris d'un seul coup, intervint Yeosang en se rapprochant d'eux.

- Oui vraiment d'un seul coup, renchérit Serim qui s'était éloignée en courant et revenue aussi vite avec un verre d'eau.

Au loin, au niveau de la porte, les autres membres de la réunion regardaient le spectacle d'où ils étaient, curieux et légèrement inquiétés par la tournure des évènements. Puis une fois qu'elle les eut rejoints, la jeune fille donna le verre à Dakyung, qui s'afféra à attirer l'attention de son neveu sur elle et de l'obliger, gentiment à boire.

- Est-ce que tu veux que j'appelle le SAMU ? lui demanda-t-elle, plus qu'inquiète.

- Je t'en supplie, ne me renvoie pas dans un hôpital, souffla-t-il avec difficulté, ça va, continua-t-il en se rinçant la bouche avec une gorgée d'eau, qu'il recracha ensuite sans aucune honte dans les plantes déjà arrosées.

- Bon, je te ramène à la maison alors, mais si jamais tu ne te sens pas bien, j'appellerai.

Mingi hocha simplement la tête avant de boire cette fois un peu d'eau. Puis il se mura dans un silence total, ne s'excusant ni ne saluant ses hôtes tandis que sa tante le faisait à sa place et l'aidait à se relever avant de le prendre par le bras pour rentrer jusqu'à la voiture.

La scène, plus que singulière, laissa la petite famille pleine de questions et quelque peu intimidée par les évènements. Il fallait se l'accorder, Mingi était impressionnant naturellement et dans la situation actuelle, encore plus. De leur côté, le retour se fit dans un mutisme intense, malgré le fait que Dakyung cherche à savoir comment s'était passée la réunion et s'il allait y retourner de son plein gré. Son neveu ne lui répondit rien, pas même un souffle fort, se contentant de poser sa tête contre la portière et de fermer les yeux, se changeant les idées et se laissant bercer par les vibrations du véhicule.

Puis à peine arrivèrent-ils à destination qu'il partit, manquant presque de sortir de la voiture tandis qu'elle roulait encore et il disparut dans l'immense maison. Sa tante se contenta de le regarder faire, se disant qu'il semblait en effet aller mieux pour être aussi rapide.

La première chose qu'il fit, une fois à l'intérieur, fut de monter les étages aussi vite que son corps le lui permettait et d'aller se laver les dents et le visage. Puis une fois cela fait, il passa à sa seconde mission : trouver Yunho. Pourtant, ce dernier ne se trouvait pas dans sa chambre et ce fut alors qu'il se souvint que, dans le monde normal, son cousin était en cours. Il soupira fortement et s'assit sur le lit de celui-ci avant de lui envoyer un message. Il voulait le voir, il voulait lui dire qu'il avait parlé devant tout le monde, il voulait que Yunho le réconforte et lui dise qu'il avait bien fait.

Il se laissa ensuite retomber un cours instant sur le matelas moelleux, regardant le plafond. Il n'aurait jamais cru qu'il réagirait aussi violemment. Trop de choses s'étaient soudainement accumulée, jusqu'à ce qu'il y ait cette goûte d'eau en trop. Il soupira du plus profond de son âme puis se retournant, il traversa le lit de son ainé en se trainant dessus, jusqu'à atteindre l'autre côté. Là, il fouilla un instant jusqu'à découvrir l'ordinateur qu'il cherchait ainsi qu'un casque de musique. Satisfait, il embarqua le tout et une fois le chargeur aussi récupéré, il descendit jusqu'au salon du rez-de-chaussée.

Il s'y installa et ouvrant la galerie musicale de Yunho, il s'installa avec le livre qu'il avait commencé des semaines auparavant. Il n'avait jamais eu le cœur de le continuer mais en cet instant, une bonne dose de changement d'idées était la bienvenue, étant donné qu'en plus, il était encore interdit d'activité physique trop intense.

Il parvint ainsi à se perdre dans un autre monde que le réel, aidant les minutes et les heures à passer jusqu'au retour de plus d'animation dans l'immense maison.

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