Chapitre n°29
Dakyung s'assit partiellement sur la table en bois présente dans la chambre d'hôpital. Elle avait l'air et le teint fatigués mais le regard empli de tendresse. Celui-ci était dirigé vers Mingi, qui lui gardait ses yeux sur la forme de son corps qui se dessinait sous le drap blanc. Cela faisait presque une semaine qu'il était alité dans l'établissement hospitalier et même s'il avait rédigé la lettre qu'on lui avait demandé, les choses étaient compliquées. Les mots qu'il avait couchés sur les feuilles quadrillées qu'il avait remises au directeur avaient suscité beaucoup de vagues. Une enquête interne avait été ouverte pour déceler le vrai du faux et même si les choses se profilaient positivement pour le cas de l'adolescent, elles n'en étaient pas moins compliquées.
- Tu vas enfin pouvoir sortir, dans quelques heures à peine, lui dit Dakyung d'une voix douce. Est-ce que tu es d'accord de retourner dans la chambre que tu avais ?
Mingi hocha la tête en silence.
- La maison est bien vide sans toi, continua-t-elle, surtout avec les garçons absents.
En effet, San et Seonghwa n'étaient toujours pas revenus, ce qui en soit était à la fois rassurant et inquiétant pour Mingi. Il aurait beaucoup aimé voir San mais il était surtout heureux de ne pas avoir à gérer sa relation avec Seonghwa. Au moins, il savait qu'aucun de ses colocataires ne le voyait différemment ou lui en voulait pour ce qu'il s'était passé. Ils étaient tous venu le voir et à force de persévérance, avaient réussi à le rassurer sur le sujet.
- Les médecins et le psychologue ont accepté de te laisser sortir sous quelques conditions. Vu que tu as été interné quelques mois avant de venir à la maison et avec ton dossier, tu n'es pas considéré comme dangereux pour les autres, elle inspira, mais légèrement pour toi-même. Même si je sais que ce n'est pas le cas. Tu auras donc un rendez-vous hebdomadaire avec ton psychologue, tes rendez-vous ont été rapprochés et on m'a proposé de t'inscrire à un groupe de parole.
Mingi tourna enfin la tête vers elle, les yeux portant une lueur reconnaissante tout autant qu'inquiète.
- Pour parler de quoi ? demanda-t-il de sa voix grave d'avoir si peu parlé les jours précédents.
- Pour que tu puisses échanger avec d'autres jeunes de ton âge, qui ont eu des expériences similaires à la tienne ou ayant eux aussi des séquelles physiques. Je n'y suis pas encore passée, je me disais que ce serait bien que ce soit une expérience et une découverte qui n'appartiennent qu'à toi, elle lui sourit, je peux me rapprocher de toi ?
- Oui, répondit-il si simplement.
Sa tante s'avança donc et comme elle l'avait insinué dans sa question, elle vint jusqu'au lit, prenant ensuite son neveu contre elle, ce dernier posant sa tête contre le ventre de la grande femme. Elle lui caressa avec délicatesse les cheveux.
- Je sais que c'est dur ces derniers temps, que tu as beaucoup pris sur toi mais c'est le moment d'apprendre à respirer de nouveau.
Il acquiesça contre elle, soufflant enfin et tentant de se raisonner du mieux qu'il le pouvait. Il avait hâte de quitter sa terrible prison blanche. Il avait déjà vécu ça et il s'agissait bien d'un des pires moments de sa vie, ce qui n'était pas facile à égaler.
Puis comme sa tante le lui avait dit, quelques heures s'écoulèrent avant qu'il ne soit enfin libéré et de nouveau... chez lui. Étrangement, il se sentait plus léger. Avec la rapidité à laquelle les évènements s'étaient enchainés, beaucoup de choses s'étaient dénouées les unes après les autres. Il n'avait plus à cacher les cicatrices sur ses jambes, ni ses draps, ni ses larmes. A vrai dire, il n'avait plus besoin de sembler fort. Quelque chose lui faisait ressentir que sa fragilité était légitime et enfin, il doutait moins.
Une plus grande partie de ses doutes s'envola encore quand, arrivant dans le hall de l'hôpital pour les dernières démarches avant sa libération, il avisa Yunho, debout au milieudu grand espace, de toute évidence guettant son arrivée. Son cousin lui sourit radieusement dès qu'il le vit, venant vers lui et après un regard interrogateur et suffisant, il prit son cadet dans ses bras. En faisant attention à son visage, ce dernier vint lover sa tête dans le cou agréablement chaud, inspirant à plein poumons cette odeur rassurante. Il n'osa cependant pas passer lui aussi ses bras autour du corps contre lui mais profita du mieux qu'il le pouvait de cette proximité retrouvée. Puis Yunho se recula de nouveau, ramenant devant lui un bouquet de fleurs, des coquelicots valsant avec des tournesols, que Mingi n'avait même pas remarqué.
- Tu m'as manqué, lui dit Yunho, comme s'ils ne s'étaient pas vus depuis bien plus longtemps.
Mingi récupéra les fleurs, alors qu'un sourire radieux quoiqu'un peu discret lui échappait. Il ne pensait pas qu'il serait aussi heureux de revoir son cousin tandis qu'en même temps, il avait presque pensé à lui tous les jours. Ils restèrent ensuite simplement l'un à côté de l'autre, n'ayant pas besoin de meubler le silence qui les entourait. Yunho se contenta juste de tenir discrètement l'une des mains de Mingi de la sienne, en attendant que sa mère ait terminé.
Le trajet en voiture qui suivit passa au fil des conversations le mettant à jour sur ce qu'il se passait. Les cours avaient continué normalement au lycée, malgré tout ce qu'il s'était passé et l'enquête était prise très au sérieux par tout le monde, malgré les nombreux curieux. Mingi se retrouva aussi à devoir choisir le menu du soir, qui allait être fait tout spécialement en son honneur. Il avait le sentiment que ce n'était pas vraiment justifié ou mérité mais il se plia à la demande. Il opta donc pour quelque chose de simple : un gratin de pommes de terre, même si ce n'était pas la saison pour ça. Mais Dakyung le rassura en lui disant que c'était la saison pour tout ce qu'il voulait et après quelques minutes supplémentaires de route, elle déposa les deux jeunes hommes chez eux, partant directement faire des courses.
Les deux cousins, chargés des affaires du plus jeune, s'empressèrent de rentrer dans la grande maison, se disant qu'il ferait meilleur à l'intérieur. Ils avaient bien raison et sans se presser, au rythme de Mingi qui avait toujours un peu mal aux jambes, ils grimpèrent jusqu'au second étage. Là, Yunho ralentit encore le pas, ne voulant pas presser son cousin. Il fallait que ce dernier aille à sa propre allure, il ne voulait pas le brusquer. Marchant à une vitesse plus que lente, ils arrivèrent devant la porte de la chambre du plus jeune.
- Je peux venir avec toi ? demanda Yunho, inquiet.
- S'il te plait, se contenta de lui répondre Mingi, sans même essayer d'ouvrir la porte, laissant de toute évidence à son ainé le soin de le faire.
Yunho devant, ils entrèrent dans la chambre devant eux. Directement, Mingi se tendit mais les doigts qui vinrent se serrer autour des siens l'aidèrent à s'avancer. Il entra dans la pièce, en fin de compte soulagé de voir que rien n'avait changé, puis après avoir fait le tour des lieux, il se figea en direction de la porte donnant sur leur salle de bain.
- Tu peux te doucher chez Hongjoong si tu veux, c'est lui qui a proposé, s'autorisa à lui dire Yunho, qui ne l'avait toujours pas lâché.
- Merci mais, il inspira fort, je crois que si je n'affronte pas les choses tout de suite, ce sera de pire en pire.
- Je suis là, se contenta de lui répondre le plus vieux.
Mingi, se surpris à lui-même resserrer sa prise sur la main de son cousin puis prenant ce qu'il lui restait de conviction, il partit jusqu'à la porte qui l'angoissait presque. Il l'ouvrit d'un mouvement brusque et direct, se prenant lui-même de court.
A peine la salle de bain apparut-elle devant lui qu'il s'immobilisa tout autant que sa respiration se bloqua d'elle-même. Il se sentait mal, il avait l'impression de lutter contre ses souvenirs et les visions qu'il avait de lui-même, dans cette douche, couvert de sang et tout ce qu'il y avait autour.
Yunho s'avança devant lui, le tirant à sa suite.
- Tu vois, là, il n'y a plus rien, lui susurra-t-il, comme pour ne pas le brusquer, viens, continua-t-il.
Et sans vraiment lui laisser le choix, Yunho entraina Mingi avec lui dans la cabine de douche. Tous les deux totalement vêtus, ils se retrouvèrent un peu à l'étroit dans l'habitacle translucide.
- Ce n'est peut-être pas mon idée la plus pertinente, rigola tendrement Yunho, son visage si proche de celui de son cadet, mais comme ça, tu seras déjà rerentré au moins une fois dans notre douche.
Mingi ne lui répondit pas. Ce dernier se contentait de respirer du mieux qu'il le pouvait. Au moins, tout l'air qu'il était en train d'inspirer était aromatisé à l'odeur de son cousin, cette odeur magique qui avait tant d'effet sur lui. Ainsi, tandis que des visions de la semaine précédente – de lui couvert de sang, de visages paniqués, de cris – tentaient de s'immiscer dans sa conscience, il se concentrait sur l'instant présent. Il se concentrait sur la sensation chaleureuse de la main de Yunho toujours attachée à la sienne, sentant bien que ce dernier ne le lâcherait pour rien au monde. Il se concentrait sur sa fragrance, sur son souffle qui rebondissait contre ses joues déjà chaudes. Il ferma alors les yeux, se contentant de s'imprégner de ce qu'il était en train de ressentir actuellement.
L'action fit sourire Yunho qui ne dit rien, appréciant de voir Mingi se relaxer et s'abandonner face à lui, contre lui, dans l'espace étroit. Il remonta sa main droite pour venir la déposer tendrement sur le bord du visage de son cadet, ce dernier bougeant à peine sous le contact nouveau, finissant plutôt par minauder sa tête contre celle-ci.
Sa laissant aller au moment de complicité intime, Yunho avança légèrement sa tête pour embrasser son cousin sur le front. Et pour sa plus grande et agréable surprise, Mingi pressa légèrement son corps contre ses lèvres tout en soupirant. Un soupire qui semblait lâcher enfin bien des choses, comme si c'était tout juste ce qu'il lui manquait pour finir de lâcher prise ou tout du moins, de laisser aller une dernière chose.
Puis Yunho se recula enfin, après quelques longues et agréables secondes à avoir lui aussi clos ses paupières. Et tandis qu'il rabaissait son visage, ses yeux tombèrent dans ceux désormais ouverts du jeune homme si près de lui. Le regard si profond de Mingi lui traversa directement le cœur et manqua de sentir ses jambes le lâcher tant il ne s'attendait pas à être regardé de la sorte. Beaucoup trop de choses transparaissaient dans la façon dont son cadet le regardait et il se sentait positivement submergé par un étrange courant électrique.
- Si tu as besoin que je t'aide, pour quoique ce soit, que je te rassure ou autre, j'espère que tu le feras, finit-il par dire une fois qu'il fut sorti de ce qui lui sembla être une légère transe.
- Merci, commença Mingi, laissant sa phrase voler dans la vide comme s'il avait envie de rajouter quelque chose, sans pour autant dire quoique ce soit d'autre.
Yunho le relâcha enfin avant de sortir avec un peu de précipitation de la cabine de douche, allant ensuite simplement s'adosser contre le plan de travail à proximité, tout en gardant ses yeux sur Mingi qui restait lui toujours au même endroit.
- Aussi, je ne sais pas si peut-être au contraire tu vas vouloir dormir tranquille et seul, vu que tu as été dans un mauvais lit durant une semaine ou si éventuellement tu voudrais dormir avec moi cette nuit, déblatéra à toute vitesse le plus vieux, enfin, tu fais ce que tu veux, herm, en fait je voulais dire que si jamais tu veux dormir avec moi cette nuit, vu que ça fait longtemps, tu pouvais. Si tu veux dormir avec moi, dans ma chambre ce soir, tu peux, reprit-il une dernière fois, avec une meilleure assurance.
Mingi le fixait simplement, puis il finit par sortir de l'habitacle et sans vraiment rien rajouter de plus, il sortit de la salle de bain par la porte donnant sur la chambre de Yunho. Ce dernier prit cela pour un oui et souriant joyeusement, surtout à l'idée que Mingi ne soit pas seul pour sa première nuit de retour, il le suivit.
Ils s'appliquèrent alors à prévoir leur soirée, Mingi allait se doucher afin de se défaire de cette odeur d'hôpital qui lui collait à la peau – en laissant la porte entrouverte, comme convenu avec son ainé – et Yunho allait l'attendre, avant d'aller manger avec le reste de la famille ce fameux gratin et ensuite, se coucher de bonne heure.
Pour leur plus grand plaisir, la soirée se déroula comme prévu et après encore quelques conversations polies et nécessaires, les deux jeunes hommes remontèrent dans la chambre du plus vieux pour se coucher. Là, agissant comme de la plus naturelle des façons et de la plus commune des habitudes, Mingi vint se lover contre Yunho. Ce dernier compris directement que la solitude de la chambre d'hôpital avait dû être plus qu'horrible pour son cadet et avec tendresse, il l'embrassa de nouveau sur le front, voulant lui donner tout le courage dont il pouvait avoir besoin. Ainsi protégé, Mingi ne se rendit même pas compte qu'il plongeait si vite dans les bras de Morphée tandis qu'il appréhendait la journée du lendemain : il devait se rendre à son groupe de parole, il devait de nouveau être vulnérable, s'exposer, à des inconnus et cette fois, il serait seul.
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