Chapitre VI.

          D'aussi loin qu'il s'en souvienne, Harry a toujours été attiré par les hommes. Pour autant, il respecte les femmes au plus haut point et aime leur compagnie. Mais il ne se voit pas construire une vie maritale avec elles ou même penser à partager une relation charnelle. Plusieurs demoiselles lui ont déjà prouvé à quel point leur esprit pouvait être aussi brillant, voir plus encore, que celui des homme. Il se plaît à entretenir des discussions philosophiques, littéraires ou tout simplement banales avec elles, soit quand il les rencontre à la taverne ou dans la rue, près de la fontaine, au détour de la place, d'une rue, dans une échoppe. Au travers de son métier d'artiste, il a eu l'occasion de rencontrer des dames, de noble naissance des fois, à l'intelligence débordante. Des femmes qu'il a admiré pour leur beauté et leur élégance.

Mais, Harry n'a jamais vraiment douté de sa préférence pour la compagnie masculine. Leurs corps, leurs mains sur le sien, leurs bouches avides et sucrées par le vin, leurs doigts fermes sur sa peau et sur sa virilité, leurs coups de bassin à lui en faire perdre la tête, leurs gémissements virils, leur brutalité parfois, leur douceur maladroite aussi. Il n'a pas eu besoin d'essayer pour savoir que les femmes n'auront jamais la moindre chance de lui fournir un tel plaisir. Ce fut une évidence naturelle.

Son premier baiser, il l'avait vécu à ses treize ans, lors d'une fin de journée de leçon. Il rentrait de son jour d'école avec un de ses camarades, ils ont été manger du pain au céréales en haut d'une colline, en parlant de ce qu'ils avaient appris. Puis il s'était surpris à se pencher vers son ami et lui voler un timide baiser. Le garçon en face de lui n'avait pas tout de suite réagit, il l'avait regardé avec confusion et ils étaient rentrés sans rien dire de plus. Mais justement avant de partir, son camarade lui avait embrassé maladroitement les lèvres.

Harry n'avait pu retenir son sourire, les pupilles grandes ouvertes et le coeur affolé. Ce n'était pas son premier amour, il voulait essayer, voir ce que cela faisait d'embrasser quelqu'un, d'embrasser un garçon. Après cela, ils n'avaient jamais réessayé et ni abordé le sujet. Son ami avait quitté le village trois ans plus tard, pour ses études.

Sa première expérience charnelle avec un homme arriva à l'aube de ses dix-sept ans, il avait connu avant des baisers, des caresses furtives, tumultueuses et timides. Que ce soit avec un autre garçon ou par ses propres soins dans son lit d'adolescent. Mais, il ne le savait pas encore, ces petits plaisirs n'étaient rien en comparaison de ceux qui l'ont envahi le jour de sa première fois.

Elle se passa chez lui, lors de l'absence de ses parents en déplacement cette nuit là. Ce fut lent et doux et maladroit, mais comme lui le jeune homme auquel il avait donné sa virginité n'avait lui non plus aucune expérience. Depuis, il n'avait jamais vraiment pu se passer du contact des hommes, ce moment d'abandon aux bras de son premier amant n'avait été qu'une confirmation de sa sexualité.

En premier, Harry succombait sûrement aux yeux des hommes. Peu importe la couleur ou l'intensité, c'était toujours un détail qui l'intriguait et l'attirait. Les yeux sont le reflet de l'âme, parait-il, on peut y lire des choses différentes à des degrés différents chez toutes les personnes. Harry aimait y voir le désir s'enflammer, le plaisir exploser au moment de l'orgasme, le jeu de regards lors d'un flirt, le sourire qui pétille jusqu'aux yeux, le rire qui s'y reflète parfois et les larmes qui trahissent une faiblesse mais aussi une humanité.

Alors, dans la pénombre de ce début de soirée, ses yeux trempés par les larmes, son regard se fixa en premier sur les yeux du meurtrier. Et son coeur s'arrête quelque secondes, il ne peut retenir sa surprise et l'homme en dessous de lui passe de l'étonnement à la satisfaction. Un sourire carnassier habite ses lèvres. Mais Harry ne regarde que ses yeux, la lame enfoncée contre sa gorge, un frisson parcourt son dos. Le peintre secoue la tête et serre le poing sur sa cape, ça ne peut pas être lui... Il n'aurait jamais pensé que ce soit possible, que l'identité du tueur soit la sienne. Une personne aussi proche... Il cachait si bien son jeu, depuis le début... Et tout le monde s'est fait avoir.

– Anchise... Dis moi que je rêve...

Ses orbes marrons, presque dorées qu'encadrent des mèches blondes sur un visage blanc, et un rire franc, assuré. Qui change bien de son caractère d'apprenti modèle et discret de Dilon.

Harry se concentre sur son visage et son envie de vengeance, non plus sur ses yeux avides de meurtre. Curieux, le peintre pose la question, même s'il connaît la réponse.

– C'était toi aussi, pour Luciano ?

– Tu as vu la plaie béante, tu as vu comment je lui ai coupé la gorge à Ivan, n'est-ce pas ? C'était la même chose pour Luciano, mais ne t'en fais pas, ils n'agonisent pas trop... C'est assez rapide quand on y pense. Un coup de couteau bien placé, sec, et tu sens déjà la vie de ta victime le quitter contre tes doigts...

– Comment as-tu pu ?! On t'a accueilli, on t'as formé, on t'a... Tout ce qu'on a t'a donné, et tu ôte la vie à deux de nos amis, pourquoi ?!

Incapable de retenir sa colère, Harry s'emporte, il enfonce un peu plus la lame qui rencontre la peau d'Anchise, mais le jeune homme n'a pas peur. Il est plus jeune qu'Harry, mais il n'a pas l'air de craindre la mort. Au contraire, elle est sa meilleure amie. Tremblant de rage, de tristesse, l'artiste lui donne une coup sur le visage, son poing lui fait un peu mal ensuite, mais il se sent légèrement mieux.

Anchise rit encore, la tête en arrière et les yeux clos, il rit diaboliquement et finit par soupirer. Harry le regarde et se demande depuis combien de temps dure ce petit-jeu, son espionnage et son plan de tuer. S'il avait su... il l'aurait intercepté avant la mort de ses amis, cela lui aurait évité une grande peine et une solitude maintenant atroce.

– Et chez moi, c'est toi aussi qui a retourné ma maison ?

Le jeune homme se calme un peu, rouvre son regard doré sur Harry et hausse lascivement les épaules.

– Moi, je m'occupe de tuer, de trancher des gorges ou couper des membres. Je fais parfois un peu de pagaille c'est vrai, mais je ne suis pas venu chez toi. Par contre, toi, je n'ai pas besoin de te tuer... Pas tout de suite, du moins.

Un frisson glacé parcourt le dos d'Harry. Pas tout de suite. Mais... Pourquoi tuer ses amis alors, que cherche-t-il à faire ? A quoi ces meurtres mènent-ils ? Harry remplace la lame par sa main, il la presse contre sa gorge, comme pour l'étrangler, mais assez pour ne pas l'empêcher de parler. La pointe aiguisée de son couteau est maintenant contre sa hanche. Anchise ne se débat pas, il cherche de l'air, son torse se soulève parfois, mais il ne cherche pas à déséquilibrer Harry pour reprendre le contrôle et sa liberté. Il ne fuit pas.

– Pourquoi les tuer ? Qu'est-ce que tu cherches à faire ? Avoir la meilleure place dans l'atelier, éliminer tes concurrents c'est ça ?!

Un éclair d'amusement passe dans les yeux d'Anchise et Harry serre ses doigts autour de sa gorge, le coeur animé par la rage et le deuil de ses récentes pertes. Il enfonce la pointe du couteau dans sa peau, à travers son tissu et Anchise laisse enfin échapper un gémissement de douleur. A son tour de le regarder souffrir, perdre sa vie petit à petit.

– C'est ça que tu voulais hein ?... Réponds c'est ça ? Qu'est-ce que tu croyais, que tu allais pouvoir tous nous réduire à néant ? C'est pas fini, je suis là moi, je suis là et je vais te regarder mourir aussi. Mais ne t'en fais pas, ce sera rapide et tu n'agoniseras pas tr...

– Harry... Harry, lâche-le.

A nouveau, le coeur d'Harry loupe un battement au son de cette voix. Dans son dos. Il tourne la tête, surprit. Louis est là, dans un vêtement sombre. Louis est là, devant lui. D'abord, il est heureux de le voir, mais ensuite il fronce les sourcils et se souvient de sa lettre, toujours dans sa toge. Le papier semble se réchauffer contre sa poitrine. Sans relâcher l'arme ou la pression autour de la gorge d'Anchise, il demande lentement :

– Lou... Tu ne devais pas ne revenir que demain ?

– Lâche-le, Harry. Et on va parler, mais il faut que tu le laisses.

Son front se plisse plus encore sous l'incompréhension. Il baisse les yeux vers Anchise qui cherche désespérément de l'air, puis la pointe du couteau déjà entrée dans son flanc, et il lève son regard vers Louis. Cette fois, les larmes perlent aux coins de ses yeux et il serre ses doigts autour du manche de l'arme.

– Je ne peux pas faire ça, Louis... C'est lui, c'est l'homme qui a tué Luciano et... Et il vient de tuer Ivan. Je ne peux pas le laisser partir, Louis.

– Harry, écoute moi, tu n'es pas un meurtrier.

– Mais je ne peux pas en épargner un !

Harry s'emporte encore, Louis secoue la tête et s'approche lentement, il lui tend sa main en cherchant son regard. Mais Harry tremble, les larmes coulent sur ses joues et il enfonce un peu plus la lame dans la hanche d'Anchise qui geint à nouveau. Le jeune peintre sent ses cordes vocales briser sous ses cris, c'est presque satisfaisant.

– Donne moi ton arme, Harry... Tu n'as pas à faire cela, tu n'es pas obligé.

– Mais il a tué mes amis !

– Je sais, je sais...

– Tu le laisserais vivre toi, s'il m'avait tué ?

Un rire s'échappe de la bouche d'Anchise entre deux toussotements, Harry fronce les sourcils et baisse à nouveau le regard vers lui afin de serrer ses doigts plus encore sur sa gorge. Son coeur bat vite sous sa poitrine, il le sent, il commence à approcher de la mort. Harry entreprend d'enfoncer la lame davantage, mais son poignet est brutalement saisit et le couteau se retire du corps du meurtrier. Harry se débat, essaie de se défaire de l'emprise de Louis, mais il le tient fermement et lui serre le poignet afin de prendre le couteau.

– Lou... Louis qu'est-ce que tu fais ? Lâche moi... Laisse moi le tuer... Arrête... !

– Calme toi, Harry... Calme toi, je suis là. Comme promis.

... je serais là. Attends-moi. Harry se souvient des mots dans la lettre, de son impatience de le revoir, de la joie qu'il a ressenti au moment de la lecture. La lettre de Louis, toujours à l'abri dans la poche de sa toge, elle semble lourde tout à coup. Et il ne comprend pas, il ne comprend pas pourquoi Louis essaie de l'arrêter, pourquoi il tente de le dissuader de venger la mort injuste de ses amis. N'aurait-il pas voulu agir ainsi, à sa place ? Il ne comprend pas ce que Louis fait là, alors qu'il lui a écrit qu'il ne reviendrait que demain, il ne comprend plus rien.

La seule chose dont il est certain, c'est qu'il a le coeur en miettes. Louis tient le couteau, il lui caresse lentement les cheveux. Ils sont tous les deux assit au sol, Harry n'a plus aucune force. Les larmes continuent de tremper ses joues et ses mains de trembler.

Puis Anchise se relève difficilement, le souffle court et une main sur sa hanche où le début de plaie laisse un léger cercle de sang. Harry serre l'herbe entre ses doigts, il n'aura plus jamais la chance de le tuer, et il va continuer à semer la mort dans la ville. Louis lui murmure à l'oreille de rester là, calmement. Il se lève, Harry essaie de reprendre ses esprits, mais l'image du corps inerte et de l'affolement dans les yeux d'Ivan lui revient en mémoire. Et il s'excuse silencieusement de ne pas avoir été à la hauteur, de ne pas les avoir vengé. Mais là, ses membres tremblent trop pour qu'il puisse tenir une arme.

Une fois debout devant lui, Achise regarde Louis et soupir, l'air agacé mais toujours en forme. Le chanteur tient la lame à bout de bras, fermement.

– Louis, c'est pas trop tôt ! Je me demandais quand tu allais venir, il commençait à m...

Anchise n'a pas le temps de finir sa phrase, Louis saisit ses cheveux et dans un geste vif lui rentre le couteau qu'a utilisé Harry dans son flanc. Là où il y a déjà la blessure. Il l'enfonce, le sang chaud coule sur ses doigts. Lentement, la vie quitte les yeux étonnés du jeune homme qui perd l'équilibre petit à petit. Tout en le fixant, Louis retire son arme de son corps et la laisse s'écrouler au sol avec lui, lourdement. Sans vie.

Impuissant, Harry assiste à tout cela, il devrait être soulagé et heureux de sa mort. Mais il ne parvient pas à se concentrer sur cela. Un détail le chiffonne. Louis n'a pas flanché, n'a pas hésité. Ce n'est sûrement pas son premier meurtre. Il se relève lentement, secoué par quelques tremblements et il regarde le dos du chanteur. Les larmes ont laissé des traces humides sur ses joues, mais même s'il ne pleure plus, ses yeux émeraude sont toujours brillants de tristesse.

Louis se retourne, s'approche de lui, mais Harry recule et secoue la tête, les battements furieux de son coeur sèment le doute dans son esprit. Si Louis le touche, si ses mains se posent sur lui, il ne parviendra plus à penser, il le sait.

– Tu le connais ? Pourquoi il a dit qu'il t'attendait... ?

– Harry...

– Réponds moi !

Sa voix s'élève dans un cri brisé, par la peur, les sanglots. Sa réponse le terrifie, l'idée d'imaginer que Louis puisse le trahir... Ça le rend malade. Louis essaie de s'approcher encore, Harry recule et manque de tomber sur un bout de caillou. Le monde s'écroule sous ses pieds. La réalité le frappe de plein de fouet et ça fait mal. Tout cela... Louis et lui, tout ce qu'ils ont vécu... Tout cela ce n'était qu'une mascarade. Un divertissement. Harry était une pièce du puzzle.

Il passe une main tremblante dans ses cheveux, l'envie de vomir lui broie la gorge et s'il lui en restait encore, il pourrait fondre en sanglots. Mais il n'a pas le droit de se montrer aussi vulnérable, pas devant Louis. Pas devant l'homme qui l'a utilisé. Parce que c'est évident. Son silence parle pour lui. Là, dans le noir des premières heures de la nuit, ses yeux ne savent pas mentir. Ils sont coupables et ils parlent à sa place. Les mots qu'il renferment glacent le sang d'Harry et réveille un profond dégoût en son sein. Il ne s'est jamais senti aussi sali et trahi. Utilisé par le biais du sexe pour le divertir et l'empêcher d'être en travers de leur chemin. La voix vide, il demande :

– Pourquoi as-tu fait ça... ? Pourquoi Louis ?

– Je suis revenu, pour toi, je suis revenu et je te promets que je vais te donner des explications. D'accord ?

– J'aurais préféré que tu ne reviennes jamais. Je ne veux pas te de tes promesses.

Les mots sont douloureux, pour tous les deux. Harry a les larmes aux yeux et Louis la gorge serrée. Le peintre s'est fait emporté, en quelques minutes seulement, par un tourbillon d'émotions et il est épuisé.

– Harry, je t'en prie... Je n'ai pas le temps de t'expliquer maintenant, je dois me débarrasser du corps et de l'arme au plus vite, mais s'il te plaît...

Sur ses derniers mots, Louis s'approche. Son regard semble paniqué tout à coup, il regarde autour de lui et avance sa main pour toucher la joue d'Harry. Mais il se dérobe et baisse les yeux vers le corps gisant et inerte d'Anchise, à quelques centimètres d'eux. Le bras de Louis retombe le long de son corps.

– S'il te plaît, tout ce que je t'ai écris dans la lettre, c'est vrai... Attends moi demain, attends moi et...

– Je ne veux pas te revoir, jamais !

– Non, Harry, écoute... Pour m'expliquer, tu dois entendre la vérité, tu as le droit de la savoir. Tu... Je t'ai juré que je serais là, et je tiens mes promesses. Que tu le crois ou non, je suis un homme de parole.

Étrangement, Harry a du mal à le croire. Il a envie de lui rire au visage, mais il n'a plus la force de rien faire. Il fixe le sol et retient son corps entier de s'écrouler au sol.

– Alors je t'attendrais demain, au bord de la rivière, au moment où je t'ai dis. Je t'attendrais et j'espère que tu viendras... J'ai tellement de choses à te dire...

– Pourquoi je t'écouterai ?

– Parce que je sais qu'au fond, tu veux savoir pourquoi tes amis sont morts. Parce que... Si tu tiens à moi, autant que je tiens à toi, tu viendras...

Le coeur d'Harry se serre dans sa poitrine, il ferme les paupières pour retenir ses larmes. Il n'a pas envie d'y aller, il n'a pas envie de revoir Louis. Parce qu'il n'a pas essayé de démentir, il n'a pas essayé de se trouver des excuses. Et ça ne veut dire qu'une chose ; il était de mèche avec Anchise ou au moins il était au courant de ses projets de meurtres.

Mais d'un côté, Louis a raison. Harry a besoin de savoir pour quelles raisons ses amis ont été tué, pour quelles raisons sa maison a été retourné, pour quelle raisons Louis est impliqué dans tout cela... Et oui, aussi, ça le tue de se le dire et de le penser, mais il ne peut pas résister à Louis. Il ne parvient plus à s'imaginer une vie sans lui, et pourtant au vue de la situation, il va bien devoir couper les ponts.

– Je suis sincèrement désolé, Harry... Je ne voulais pas que ça se passe comme ça. Et... Malgré tout ce que tu crois, je ne suis pas un homme mauvais. Depuis le début, je ne fais que te protéger.

– En tuant mes amis ?!

– Je ne les ais pas tué.

– Mais tu n'as rien fait, et tu le savais, alors qu'est-ce que ça change ?

Louis ne répond rien, il sait qu'il est coupable d'une certaine manière. De n'avoir rien dit, rien fait. Mais le mal est fait, il ne peut rien y changer. S'il a agit ainsi, c'est pour mettre Harry en sécurité, mais le jeune peintre ne le sait pas encore. A quel point il se bat pour lui, pour lui garder la vie sauve. Seulement, il ne sera pas au courant de ce détail tout de suite, car le temps presse et Louis sent son coeur frapper à l'intérieur de sa poitrine. Il surveille les alentours, pose son regard sur Harry et murmure :

– Maintenant, pars... On ne doit pas te voir ici, je me charge de... Tout ça.

Harry relève la tête, il semble hésiter, ses yeux se perdent quelques secondes sur le Louis légèrement paniqué en face de lui. Il ne l'a jamais vu ainsi, sur ses gardes. D'habitude, il est confiant et certain de lui. Mais là, il semble craindre l'arrivée de quelqu'un...

– Harry... Pars, s'il te plaît... Je te promets, demain, tu auras toute tes réponses. Toutes celles que tu veux. Mais pour le moment, rentre chez toi. Fais moi confiance... Je t'en prie.

Avant ce soir, Louis ne l'a jamais supplié. Il n'apparaît plus comme la même personne, entreprenante et confiante. C'est un autre homme. Un être humain, avec ses faiblesses et ses peurs.

Après un court moment de flottement, Harry lance un dernier regard à Louis et se retourne pour courir vers la maison de son ami. Il passe devant, le coeur lourd, la respiration rapide. Comme Louis lui a indiqué, il rentre chez lui et une fois que la porte se referme, il laisse les larmes couler sur ses joues. Pendant de longues minutes, il reste ainsi, recroquevillé au sol, à pleurer la mort d'Ivan et l'apparition de Louis. Autant dire qu'il imaginait que leurs retrouvailles seraient différentes.

Et il ne comprend rien à la situation. Il rumine, il réfléchit, il pleure, il boit du vin, il se rince le visage et les mains à l'eau froide, il s'étend dans son lit. Son regard, vide, rivé sur le plafond, il cherche des réponses. Louis a promis qu'il lui en donnerait demain, mais serait-ce seulement la vérité ? Ou des autres mensonges ?

Harry n'est pas à une déception près, son coeur est déchiré en plusieurs morceaux. Ils volent autour de lui et il est incapable de les saisir, de trouver comment les rassembler pour réparer ce qui est brisé. Parce qu'il lui manque une grande partie. Une partie que Louis possède et qu'il lui a dérobé, douloureusement. Louis a dérobé ces bouts de son coeur, d'abord dans des gestes tendres et attentionnés, puis il a laissé Harry le regarder les broyer entre ses doigts couverts de sang. Ses doigts de menteur.

Un rire étouffé par les sanglots sort de la bouche d'Harry. Quand il y réfléchit, leur histoire ferait un beau récit d'amour destructeur remplit de clichés, de plaisirs charnels et de trahisons. L'homme qu'il aime lui a planté un couteau dans le dos, parce qu'Harry avait une confiance aveugle en lui, et Louis a profité de sa vulnérabilité pour lui faire du mal. Pour le faire souffrir. Et il a réussi. Harry n'a jamais ressenti autant de douleur.

Cette nuit, il ne parvient pas à fermer les yeux. Il regarde les vacillements des quelques bougies qui éclairent sa chambre. Dès qu'il ferme les paupières, il revoit le regard paniqué d'Ivan et le sang qui coule limpidement depuis sa gorge tranchée. Il revoit Louis, son sourire malicieux et ses yeux pétillants, puis ses mensonges et le corps d'Anchise qui tombe au sol. Mort, lui aussi. Harry ne pleurera sûrement pas sa perte. Cette semaine, il aura un autre enterrement auquel assister.

Mais demain, demain Louis lui doit la vérité. Et Harry compte bien l'entendre de sa bouche, même si ça doit le tuer. 

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