Chapitre V.


     À son grand désespoir, Harry n'a pas revu Louis pendant presque une semaine. Il s'est rendu presque tous les soirs à la taverne, mais il n'était pas sur l'estrade ni parmi les clients. Il est allé deux ou trois fois à la rivière pour finir par se baigner seul et nu, réminiscences de ce jour idyllique passé ensemble. Il n'a pas voulu aller le déranger chez lui, Louis lui a dit qu'il serait occupé pendant un moment, alors il le laisse à ses occupations. Mais de son côté, Harry a du mal à en trouver, à se divertir l'esprit.

Depuis six jours, et nuits, il ne fait que penser à la mort de Luciano, le ravage de sa maison. Il a dû appeler ses amis artistes pour qu'ils viennent constater les dégâts avec lui, et ils l'ont aidé charitablement à tout remettre en ordre. Harry n'arrive toujours à trouver ce que le voyou cherchait ou a pu bien lui prendre. Si cette personne est la même qui a tué son ami, si elle va encore s'en prendre à quelqu'un d'autre, ou même à lui.

En résumé, Harry n'est plus qu'angoisse, tristesse et colère. Il ne dort presque pas, il reste debout la nuit, éclaire sa maison avec des bougies un peu partout, surveille les fenêtres, une dague toujours à portée de main au cas où. Il espère ne jamais devoir s'en servir, même si son père lui en a appris les rudiments. Pour combler ses longues heures, il peint et dessine sans relâche. Il remplit les commandes, satisfait les clients qui lui offrent de généreuses bourses de pièces d'or, il couche les formes et les souvenirs de Louis sur le papier.

Ils sont allés à l'enterrement. Le corps meurtri de Luciano a été apporté par un convoi funèbre dans un tombeau, suivi par quelques uns des membres de sa famille et ses proches, amis et collègues. Le tombeau a ensuite été inhumé et ils se sont réunis autour d'un repas conviviales mais assez silencieux. Certains matériaux d'arts ont été légués aux artistes, et Harry a eu le coeur lourd quand la sœur de Luciano lui a donné une plume à encre dont lui son ami lui voulait lui faire don.

Un jour où il n'avait pas eu la tête à travailler, il s'est rendu au théâtre et a été revoir la pièce que Louis et lui ont découvert. La troupe a encore eu le droit a des rires, des acclamations, Harry lui aussi a rit, mais avec moins de vigueur et de coeur que la dernière fois. Ensuite, il s'est rendu à la taverne et a bu assez de pinte de bière pour laisser un inconnu lui faire des avances. Il a refusé qu'ils passent le reste de la soirée ensemble, l'homme semblait déçu mais n'a pas insisté, il a simplement embrassé Harry. Mais ses lèvres n'avaient rien de comparables avec celles de Louis, alors il ne lui a pas rendu son baiser. A la place, il est rentré chez lui en titubant un peu, s'est effondré dans son lit et a dormi la moitié de la journée.

Aujourd'hui, il est venu à l'atelier pour se changer les idées et ne pas rester enfermé chez lui. Seul, à se morfondre et attendre un signe de Louis. C'est comme s'il avait quitté la ville. Disparu. Mais peut-être qu'il doit être au calme pour écrire des nouvelles chansons, peut-être que Gillian sollicite sa présence, peut-être qu'il découvre et fait frissonner d'autres corps. Ca, Harry ne préfère pas y penser.

Lentement, il fait couvrir son crayon sur le papier, redessine certains traits. Son regard triste se pose sur la table face à la sienne, vide. Celle de Luciano. Maintenant, il ne voit plus que son fantôme et son souvenir y traîner, images constantes du passé.

Un soupir s'échappe de ses lèvres, bien différent de ceux que Louis a pu lui faire produire quelque jours auparavant. Il est épuisé, apeuré, seul et démuni. Face à un ennemi qui court dans les rues tortueuses de la ville. Harry relève la tête et observe autour de lui, Delio est penché sur une grande planche de dessin, deux de ses apprentis à ses côtés, Anchise et Luca. Ivan est là aussi, assit dans son siège et appuyé sur ses coudes, ses petites lunettes sur son nez afin de mieux observer les dessins. Mais il se relève justement, avec un peu de difficulté, de son siège et s'approche du jeune peintre. Un sourire doux anime son vieux visage et il pose une main sur l'épaule d'Harry.

– Mon jeune garçon, j'ai quelque chose à te montrer, viens donc.

Sans attendre, curieux, Harry se relève de son siège et suit Ivan jusqu'à son bureau. L'homme glisse ses doigts d'artiste sur la feuille qu'il était en train d'observer minutieusement. Ses lunettes tombent un peu sur son nez et il caresse le bout de sa barbe d'une main. C'est le dessin du pont, le plus récent, celui auquel ils doivent apporter les dernières modifications pour valider le projets.

– J'y ai réfléchi depuis des jours, je pense avoir trouvé un moyen de balancer le poids du pont.

Ivan lui explique donc ses trouvailles à l'aide de différents croquis annotés et dessins détaillés, Harry est impressionné et attentif. Cet homme est doté d'une grande sagesse et d'un talent hors pair, ce n'est pas étonnant que ce soit lui qui ai trouvé le moyen de finir ce sur quoi ils travaillent depuis longtemps, sans relâche.

Ensemble, ils travaillent et réfléchissent sur les plans. Ils y passent plusieurs heures, jusqu'à la tombée du jour. Jusqu'à ce qu'il ne reste presque plus qu'eux dans l'atelier. Mais Harry est fier, ils ont bien travaillé. Son dos est légèrement courbaturé, il se redresse et s'étire alors qu'Ivan retire ses lunettes et les range dans sa poche. Pour ce soir, ils en restent là. Le vieil homme propose à Harry d'aller fêter cela à la taverne, il insiste pour lui payer sa collation et le jeune peintre ne cesse de le remercier.

Ils sont installés au bar, une pinte de bière devant eux. Ivan la déguste doucement, alors qu'Harry a presque déjà bu la moitié. Curieusement, il jette un coup d'oeil à l'arrière vers la scène mais, malgré les notes de musique et la voix qui s'en échappe, ce n'est Louis sur l'estrade. C'est une grande femme, longue et fine, ses cheveux dorés descendent une tresse parfaite et brodée de perle le long de son épaule. Elle est belle, mais ce n'est pas la beauté de Louis. Rien ne pourra jamais la dépasser.

– Alors, sinon, parle moi un peu de ce garçon ?

– Quel garçon ?

L'attention d'Harry retourne subitement sur Ivan dont le visage est maintenant orné d'un sourire amusé, ses petits yeux pétillent de malice. Harry lui pose la question, mais est presque certain de savoir de qu'il parle.

– Celui avec qui tu es allé à la rivière et au marché l'autre jour, je vous ai vu... J'étais en route pour la bibliothèque. Vous aviez l'air de beaucoup vous amuser.

– Oh... oui. Oui, il est très amusant. C'est euh... Il s'appelle Louis, c'est un chanteur et un musicien.

– Ah, ça me rappelle ma jeunesse. Mon premier amour, ma jolie Imelda. Elle avait de longs cheveux noirs, des yeux aussi verts que les tiens et un don pour jouer de la harpe... Je suis tombé sous son charme presque instantanément, on a vécu de si belles choses. Je ne pourrais jamais aimer une femme aussi fort que je l'ai aimé elle, mais elle n'a pas survécu à sa maladie... Des amours comme ça, on ne les oublie jamais...

– Ce n'est pas... Ce n'est pas comme ça, entre nous.

– Harry, je sais reconnaître l'amour quand je le vois et vous sembliez en être tous les deux victimes.

– Sans vouloir vous offenser, Ivan, je ne pense pas que nous voyons les choses de la même façon.

Les paroles d'Ivan l'ont retourné, il a décrit son premier amour exactement comme Harry pense à sa rencontre avec Louis. Il n'a jamais douté de ses sentiments profonds et de son attirance envers le jeune chanteur, seulement il a essayé de se le cacher. Parce qu'il sait que Louis ne lui rendra pas la pareille. Il chante l'amour, mais il ne veut pas l'expérimenter. Passer dans des bras d'inconnus, homme ou femme, donner du plaisir à un corps différent chaque fois, ce n'est pas de l'amour. Du moins, ce n'est pas la définition qu'Harry en donne. Il a lu des livres à ce sujet, ceux d'Ovide lui reviennent en tête, ceux qu'il dévore encore bien qu'il les connaisse par coeur. L'amour, ce n'est pas s'abandonner à des corps changeants.

Harry, lui, sait ce que c'est. Parce que l'amour il le ressent tous les jours, c'est le coup de foudre qu'il a eu pour Louis. C'est ses lèvres contre les siennes, sa voix mélodieuse, sa façon de jouer de la guitare comme si elle était une extension de son corps, c'est son rire qui résonne et son sourire qui fait chavirer son coeur, c'est son regard profond, son assurance, ses compliments, son intelligence, les courbes de son corps, ses mains sur sa peau et son impression de mourir lorsque Louis lui offre les plus belles heures de plaisirs charnels.

Harry le sait, parce que son coeur bat chaque jour trop fort pour lui rappeler que jamais Louis ne l'aimera en retour, pas comme il le souhaite. Il sera un chapitre de son histoire, un amant parmi d'autres, mais pas l'amant qui triomphera et remportera la flamme de l'amour et le coeur de Louis. Car Louis est intouchable, la beauté digne de celle du fils de Vénus, au talent incomparable. Mais son coeur n'est pas à prendre et Harry en meurt un peu plus chaque jour.

Ivan le sort de ses pensées mélancoliques en posant une main sur son bras, il lui adresse un sourire compatissant et continue de sa voix rauque :

– Ma Imelda aussi était hors de portée, je croyais que c'était un amour éphémère, une histoire forte mais qui ne serait pas éternelle. Pourtant je l'aimais à en mourir, mais je ne savais pas si elle ressentait la même chose. Jusqu'à son dernier souffle où elle m'a avoué ses sentiments, les larmes aux yeux et la gorge serrée par les sanglots. Alors... Pourquoi n'irais-tu pas lui en parler, lui poser la question avant que le temps ne vous rattrape ? Ne fais pas la même erreur que moi, Harry. Vous êtes jeunes, mais qui sait si demain... Vous ne serez pas séparés par un tragique évènement.

Quand il y pense, Harry se dit qu'il n'a rien à y perdre. Sa dignité peut-être, et son honneur, si Louis lui explique que jamais cela ne pourra fonctionner entre eux. Mais son coeur est déjà meurtri par trop de choses, un coup de plus, aussi brutal soit-il, ne pourra que l'enfoncer. Il restera debout, il le sait, parce que l'art est toujours là pour le sauver. Son remède, son rempart contre la tristesse et la solitude. Alors, il va réfléchir aux paroles d'Ivan, vite, parce qu'il ne faut pas perdre de temps. Rien n'est éternel.

Après avoir hoché la tête, il boit ses dernières gorgées de bière. Il préfère changer de sujet de parle de ses prochaines commandes au vieil homme à la barbe blanche, le temps qu'il finisse sa collation. Ils sortent de la taverne, après qu'Ivan ait déposé des pièces sur le bar, et se séparent au niveau de la place. Ils se souhaitent mutuellement une belle soirée, mais avant de partir Ivan dépose une main sur son épaule.

– Tu es un être intelligent et au grand coeur Harry, je n'ai jamais douté de ton talent ou de toi. Je sais que tu vas accomplir de grandes choses, tu seras à la hauteur des plus grands de notre siècle et des précédents. Je ne serais peut-être pas là pour t'admirer gravir les échelons, mais j'ai foi en toi. Alors, aies confiance en toi aussi. Tu as de grandes qualités, et si ce garçon ne les reconnaît pas, c'est qu'il n'est pas fait pour toi.

Sur ces mots, il lui adresse un dernier signe de tête, tourne le dos et s'en va. Harry reste là quelques minutes et le regarde s'éloigner avec un sourire léger, et les larmes aux yeux.

Une fois chez lui, il se lave rapidement, déguste un peu de pain sec et de fruits avant de se mettre au lit. Il est tard, il ne va pas dessiner ce soir. A la place, il s'endort avec l'image de Louis sous les paupières. Il s'endort et pense à tous les mots qu'il lui dira la prochaine fois qu'il le verra. Sans aucun doute, il va se brûler les ailes, il a déjà peur et un peu mal au coeur de penser à un possible rejet. Mais il ne peut pas passer sa vie à se demander si c'est possible, à passer en second choix, à imaginer Louis avec une autre personne que lui. Ce sera lui, ou rien.


~ ~ ~


     Le lendemain, Harry n'a pas quitté sa maison avant la fin de la soirée. Il a mangé un repas assez complet, ce qui arrive rarement ces derniers temps, la mort de son ami et le ravage de sa maison lui avaient coupé l'appétit. Il est resté un moment dans son lit, occupé à dessiner l'objet de son désir et de son inspiration. Mais aussi Louis et lui, se tenant la main, s'embrassant au coucher du soleil, en haut du théâtre qu'il construira, au bord de la rivière allongés dans l'herbe fraîche. Puis il s'est penché ensuite sur les plans du pont, le coeur au travail.

Ce n'est donc qu'une fois la journée quasiment terminée qu'il se décide à aller dehors, une idée pour terminer le projet du pont a immergé dans son esprit alors qu'il dégustait un bout de sanglier braisé accompagné de fèves. Avant de se rendre chez Ivan, il passe à l'atelier. Quelques artistes y sont déjà, occupés à leurs différents projets. Delio lui sourit et lui offre une accolade, puis lui tend une lettre scellée.

– Tiens, c'était là ce matin dans l'entrée, à ton nom mais on a dû déplacer pas mal de trucs, je ne voulais pas que ça se perde. J'ai préféré le garder en sûreté.

Harry baisse les yeux vers la lettre entre ses doigts, le papier jaunie et scellé, il fronce les sourcils et relève les yeux vers son ami.

– Merci. Tu sais qui l'a donné ?

– Non, elle était glissée sous la porte quand je suis arrivée. J'étais le premier.

D'un hochement de tête, Harry le remercie encore et se dirige à son bureau. Il prend place sur la chaise et déchire le sceau rouge. Le coeur battant, il déroule la lettre. Il s'attend à une menace ou une rançon de la part de la personne qui a saccagé sa maison, peut-être même celle qui a aussi tué son ami. Mais en avançant dans sa lecture, un sourire niais se dessine sur ses lèvres et ses joues se teintent de rose. Louis.


Cher Harry,

J'ai pris la liberté de t'écrire et de faire déposer par un ami cette lettre à ton atelier, en espérant qu'elle ne tombera pas entre de mauvaises mains et qu'elle te reviendra.

Je t'adresse ce petit mot pour te dire que je suis de retour demain dans le courant de l'après-midi, j'ai dû me déplacer afin d'assurer des petits concerts au sein des villages alentours. Gillian adore ma nouvelle chanson, et j'en ai d'autres à te faire écouter. Si cela te plaît toujours de les entendre ? Tu sais que ton avis compte pour moi.

Peut-on se rejoindre à la rivière ? Après l'heure du marché, je serais là. Attends-moi. Et rapporte de quoi dessiner, j'ai trouvé une nouvelle tenue lors de mes escales qui devrait te plaire. J'ai également du sirop à te faire goûter, bien meilleur que celui de la dernière fois.

Je suis impatient de te revoir,

Lou.


Lou... La sensation d'espoir gonfle le coeur d'Harry qui serre doucement la lettre entre ses doigts et contre son coeur affolé. Il ne peut s'empêcher de sourire plus encore, jusqu'à creuser des fossettes aux coins de ses joues, à la seule pensée qu'il a aussi manqué à Louis. Au point qu'il lui écrive une lettre pour lui donner rendez-vous. La perspective de le revoir, finalement, lui met du baume au coeur et réveille la vie qui somnolait en lui depuis son départ. Louis n'a pas disparu, Louis est là et il l'attendra, demain, pour qu'ils se retrouvent.

Et Harry a pris sa décision. Il lui avouera tout. Ses sentiments, son attirance, tout ce qu'il garde chaudement au creux de sa poitrine depuis leur première rencontre, depuis qu'il a posé les yeux sur lui. Louis ne peut pas le rejeter, pas après ces si jolis mots couchés sur papier. Il ne prendrait pas toute cette peine pour lui briser le coeur ensuite.

Jovial, Harry quitte l'atelier avec sa lettre précieusement rangée à l'intérieur de sa toge, il va en parler à Ivan et demander son avis sur la question, l'homme sera ravi et il évoquera ensuite les idées pour le pont.

Il ne lui faut que quelques minutes pour atteindre la maison du vieil homme, la nuit a bien commencé à tomber et il voit la lumière de ses bougies éclairer faiblement l'intérieur de sa maison. Poliment, il toque à la porte et atteste de sa présence. La première fois, il n'obtient aucune réponse. Il essaie une deuxième fois et il entend un peu de grabuge, il patiente et pense que son ami va venir lui ouvrir. Mais la porte est toujours close. Un dernier coup, quelques secondes et il se décide à entrer par lui-même, peut-être est-il simplement en train de faire la sieste.

En pénétrant dans le salon, il sent l'odeur de la viande mijotée envahir ses narines et voit une bouteille de vin ouverte.

– Ivan ? C'est moi.. Harry, je me suis permis d'entrer, j'ai des choses à vous dire !

Toujours aucune réponse. Il fronce les sourcils et avance, doucement, jusqu'à la chambre. Un soupir de soulagement lui échappe quand il voit l'homme étendu dans son lit. Un sourire aux lèvres, il s'approche et pose une main sur son épaule, mais la vision lui glace le sang et lui retourne l'estomac. Ivan est allongé, la poitrine tressautant et le sang jaillissant de la plaie ouverte et béante à sa gorge. Le sang dégouline, se répand partout sur les draps et forme une flaque sombre et hideuse. Harry est pétrifié d'horreur, les yeux d'Ivan recèlent la même émotion de peur et de surprise. Il est encore vivant, au seuil de la mort.

Il tend une main désespérément vers Harry, il s'approche et les larmes coulent sur ses joues alors qu'il assiste à ses derniers souffles. Comme s'il essayait de dire quelque chose, Ivan fixe son regard sur lui et entre-ouverte ses lèvres dans des gestes saccadés, Harry est incapable de parler, il secoue la tête et serre les doigts sur le tissu de son vêtement, près de sa poitrine où son coeur vit ses derniers battements. Son corps entier de terreur, celui du vieil homme est déjà froid. Il le regarde, ses petits yeux n'ont jamais été aussi apeuré, il passe ses doigts contre la joue humide d'Harry. Un geste léger, éternel. Et son bras retombe lâchement contre le lit. Il ne respire plus. Aucun souffle. Mais le sang continue de couler à flots.

Dévasté, Harry pleure contre sa poitrine qui a cessé de vivre, elle aussi. Ses larmes mouillent sa toge, il serre les dents et répète quelques « non » étranglés par ses sanglots. Puis il se redresse, la vision brouillée par les larmes et regarde le corps inerte du vieil homme. Il vient de mourir, près de lui... Il vient de mourir... Donc le meurtre est récent. Le coeur d'Harry bat à tout rompre. Le coupable n'est pas loin, il n'a pas pu fuir à de longues distances. Il est même probable qu'il soit autour de la maison.

Harry se rend précipitamment en cuisine, prend un couteau fait pour couper la viande et observe aux fenêtres. Puis, une fois qu'il atteint celle à l'arrière, il voit une ombre courir, s'enfuir. Il n'hésite pas. Il ne pense au danger, à la peur, à la mort, à la tristesse. Deux de ses amis sont morts, il ne peut pas se permettre de laisser le meurtrier s'en aller sans rien faire. Rapidement, il escalade la fenêtre et court après l'ombre, le couteau à la main.

L'adrénaline le pousse à aller plus vite, ses jambes ne l'ont jamais porté aussi rapidement. Son coeur bat tellement vite à l'intérieur de la poitrine qu'il a l'impression qu'il va exploser, mais il continue. A bout de souffle, il se rapproche et crie.

– Eh... !Arrête toi, sale assassin !... Arrête toi et montre ton visage, moi aussi je veux voir la vie quitter tes yeux quand je vais te trancher la gorge !

Sa voix n'a jamais été aussi forte et brutale, il crache ces mots comme une malédiction. La personne, un capuchon sur la tête, se retourne rapidement et tente d'accélérer. Mais c'est sans compter sur Harry qui puise dans toutes ses forces. Il fait ça pour ses amis, pour Luciano et Ivan qui sont morts sans raisons, ils étaient de simples hommes, innocents. Même s'il doit subir des années de prison ensuite, Harry ne laissera pas cette personne s'en tirer aussi facilement. Quand bien même il risque de tout y perdre, sa propre vie avec.

Dans un geste violent, Harry agrippe le tissu de la cape noir et l'empoigne fermement, avant de tirer dessus. La personne pousse un grognement et s'écroule au sol, sur le ventre. Harry n'attend pas, il se met sur lui afin de le bloquer de tout geste et tient toujours le tissu comme son dernier espoir.

Sans attendre, il abaisse le capuchon qui recouvre le visage du meurtrier et le retourne sur le dos, le couteau aiguisé en dessous de sa gorge. Mais le regard sur lequel Harry tombe lui glace le sang et fait rater quelques battements à son coeur. 

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