Chapitre IV.
Un soulagement sans nom envahit le corps d'Harry lorsqu'il aperçoit Louis sur l'estrade en train de chanter tout en grattant les cordes de sa guitare.
Louis est saint et sauf, Louis resplendit et est plus beau que jamais. Le haut de sa tunique lui tombe sur les épaules, ses yeux traduisent toutes les émotions du monde et pourtant Harry a l'impression de ne jamais parvenir à les déchiffrer.
La gorge serrée, Harry termine sa pinte de bière tandis que Louis finit sa chanson. Il reçoit plusieurs applaudissements et les accueille avec un grand sourire, fier. Quand il descend de l'estrade, il salut quelques connaissances et laisse plusieurs hommes ou femmes toucher ses hanches, ses épaules, ses joues, ses mains. A cette vue, Harry ne peut retenir le pincement de jalousie qui émerge dans sa poitrine.
Puis Louis l'aperçoit, son sourire s'agrandit et il s'approche du bar. Le serveur lui prépare une bière et il s'assoit sur un tabouret en soupirant. Il commence à raconter sa journée, dit qu'il a enchaîné trois petits concerts dont deux dans cette taverne. Gillian l'a fait beaucoup répéter pour que tout soit parfait, notamment ses nouveaux titres qui ont l'air de plaire au public.
– Et toi, comment ça a été ta journée ?
– Luciano est mort.
Sa voix est neutre, presque froide, mais à l'intérieur tout se brise, se fissure encore. Louis repose son verre de bière et ressuie ses lèvres du dos de sa main, son visage reflète de l'étonnement. L'air devient soudainement plus lourd.
– Mince... Comment est-ce arrivé ?
– Un meurtre. On lui a tranché la gorge, Delio l'a retrouvé ce matin, chez lui.
– Je suis vraiment désolé, Harry...
Harry exprime un simple hochement de tête en ravalant sa salive et il baisse les yeux vers sa pinte vide que le serveur ne tarde pas à débarrasser. Étrangement, la présence de Louis le rassure quelque peu, il se sent non seulement soulagé de le voir vivant, mais également en sécurité. D'ailleurs, le chanteur pose sa main chaude sur sa cuisse, entre les plis de sa toge et cherche son regard.
– Comment te sens-tu ?
Depuis ce matin, depuis l'annonce de la mort de son plus proche ami, Harry a le sentiment de vivre comme un fantôme.
Bien évidemment, il y a eu les larmes, la tristesse, la colère, puis le vide. Le vide que laisse la disparition de Luciano. Un grand ami, un grand artiste. Il hausse les épaules, perdu, démuni, troublé. Pas seulement par le regard que Louis pose sur lui mais aussi les tas de questions et de sentiments qui déferlent en lui.
– Triste, j'ai mal et j'ai peur aussi...
– Peur ?
– Qu'on s'en prenne à d'autres de mes amis, mes collègues ou moi.
– Pourquoi quelqu'un s'en prendrait-il à toi ?
– Je ne sais pas, pourquoi quelqu'un s'en prendrait-il à Luciano ? C'était un homme respectable et travailleur, il n'a jamais commis aucune faute, aucun délit.
– Sait-on l'identité de celui qui a fait cela ?
– Non... Non, à mon avis l'empereur va lancer une sorte d'enquête et les gardes vont patrouiller peut-être. Quelques jours, pour rassurer les habitants. Mais d'abord, il y aura l'enterrement...
Les doigts de Louis quittent sa cuisse et viennent chercher ceux de Harry, occupés à se torturer entre eux ou à gratter le pauvre bois du bar. Louis ne dit rien, ne répond pas, mais parfois les mots ne sont pas nécessaires. Et à l'instant, seuls les gestes comptent.
Ils boivent ensemble un petit moment, le temps d'une pinte de bière. Leurs doigts ne se sont pas lâchés et Harry ne pense plus à sa peur. Il écoute Louis parler de ses nouvelles chansons et de la tunique brodée d'or qu'il va s'acheter grâce aux pourboires qu'il a récemment obtenu pour ses performances sur scène. Il semble excité et passionné par son travail, qui doit plus être une détente pour lui qu'un fardeau à exercer.
Harry ne pense plus au sang, au meurtre, à la mort de son ami, à la tristesse ou à la peur pendant ce moment qu'ils partagent. Il rit plusieurs fois aux propos du chanteur, regarde leurs doigts enlacés les uns aux autres, puis les yeux de Louis qui ne cessent jamais de pétiller. Harry l'a bien remarqué, tout le monde aime Louis. Son talent, son assurance, ses accords justes et transporteurs, son allure sensuelle, ses yeux malicieux, l'éclat de son sourire, le timbre envoûtant de sa voix, son rire, les courbes généreuses de son corps... Personne ne peut réellement lui résister.
C'est pour cela que sans détours, bien qu'un peu intimidé, Harry lui demande en se mordant la lèvre :
– On passe la soirée ensemble ?
– Désolé Harry, mais ce soir je ne peux pas j'ai... Un client, tu vois ?
Louis semble sincèrement confus et Harry est d'autant plus gêné qu'il retire sa main de celle de Louis, comme électrocuté par leur contact. Il fait mine de prendre sa pinte de bière avec et termine les dernières gorgées, essayant de cacher son malaise. L'alcool lui serre la gorge et le brûle l'estomac.
Que s'imaginait-il ?
Forcément, Louis n'a pas que lui.
Forcément, Louis a d'autres clients, d'autres corps à toucher, d'autres personnes à satisfaire, d'autres personnes avec qui passer des nuits aussi torrides que celle qu'ils ont eu l'occasion de vivre ensemble.
Harry n'est pas différent des autres, il ne sait pas ce qu'il espérait au fond. Un simple portrait de Louis fait par ses soins de peintre ne va pas changer ses habitudes.
Louis est comme ça, il s'amuse, volage, sans attaches.
– Mais si tu veux, rejoins moi à la rivière. Demain, à l'aube. On pourra regarder le lever de soleil ensemble et se baigner ?
Harry relève les yeux et ne cherche pas à cacher son sourire rassuré. La proposition de Louis lui donne du baume au coeur. A défaut de passer la nuit à ses côtés, il pourra sa satisfaire de sa présence aux premières heures du matin.
Après avoir terminé sa bière, Louis dépose un billet sur la table et un baiser sur la joue chaude d'Harry, il lui fait promettre de le rejoindre demain matin, avant le lever du jour. Sur un petit nuage, Harry hoche la tête. Puis Louis se faufile au fond de la taverne et retrouve un homme, peut-être d'une trentaine d'années, qui le dévore d'un regard avide. Une fois sa consommation payée, Harry se lève et quitte le commerce. Il ne veut pas assister à cela, peut-être que s'il ne voit pas Louis partir avec cet homme, il pourrait se donner l'illusion que cela n'arrivera jamais.
L'air dehors est lourd, la réalité le frappe. La mort de Luciano lui revient à l'esprit et il rejoint son domicile en laissant les larmes couler sur ses joues. Il pleure son ami chez lui, seul. Ce soir, il boit beaucoup de vin, mange un simple bout de pain sec pour remplir le vide de son estomac et regarde les étoiles. Peut-être celle de Luciano brille-t-elle déjà, aux côtés des autres qui sont montées au ciel.
En tout cas, il ne parvient pas à dessiner, pas même Louis. Parce que quand il pense à lui, il ne voit que son corps contre celui d'un autre, dans les bras d'un autre, sa bouche qui rencontre celle d'un inconnu et un plaisir qu'ils ne partageront pas ensemble. Pas cette fois. Cette vision lui serre le coeur. Il finit par s'endormir d'ivresse, la bouteille vide sur la table de la cuisine, au dessus de ses couvertures.
C'est le souffle coupé, le corps tremblant et en sueur qu'Harry est tiré brutalement de son sommeil. Le sang sur ses doigts, les convulsions de Luciano sous ses mains, sa peau glacée et ses yeux écarquillés par la peur et la surprise.
Un cauchemar.
Son coeur bat à tout rompre et il a soudainement envie de vomir le pauvre morceau de pain qu'il a mangé il y a quelques heures.
Fébrile, il se redresse lentement. Dehors, il fait encore noir. Il doit avoir peu dormi, mais il ne parviendra plus à fermer l'oeil de la nuit, c'est certain. L'image de Luciano en train de mourir sous ses propres mains est imprégné en lui. Une fois à la cuisine, il se serre un verre d'eau fraîche et se tient au rebord de la table afin de reprendre son souffle et ses esprits.
Pour faire passer le temps jusqu'au petit matin, il décide d'aller prendre un bain. Se laver. Retirer la sueur, la peur et les larmes de son corps. Il dépose sa toge dans la vasque dans le but de la laver plus tard et remplit la cuve d'eau. Son contact tiède détend directement Harry qui se plonge entièrement dedans, jusqu'à mouiller ses boucles et passer sa tête sous la surface. Il n'en ressort que lorsque l'air se fait rare, la respiration rapide.
Lentement, il se lave. Sa peau, ses cheveux et se décide à sortir quand l'eau devient réellement mousseuse et froide. Il attrape une serviette pour se sécher et va enfiler une toge propre.
Même s'il est en avance, il sort de sa main et prend la route vers la rivière. L'air est un peu plus supportable, respirable. Les rues sont désertes, endormies. Il n'y a presque aucune lumière, si ce n'est celle de la lune, pour se diriger. Mais Harry connaît le chemin presque par coeur, il se rend souvent à la rivière pour y trouver de l'inspiration et de la tranquillité. Lorsqu'il s'y installe, il peut y rester pendant des heures. A dessiner, à lire, à peindre.
L'herbe chatouille les chevilles d'Harry, le son de l'eau limpide confirme qu'il se trouve à la rivière. Il s'assoit contre un arbre, les jambes repliées et admire le ciel. Finalement, il parvient à somnoler un petit peu, les paupières closes et le coeur moins lourd.
Ce sont des bruits de pas dans l'herbe et une main sur son épaule qui le sortent de son sommeil léger. Tout de suite, il tombe sur le visage de Louis, souriant. La nuit vient à peine de se changer en jour, mais le soleil ne s'est pas encore levé.
– Tu n'as pas dormi ici au moins ?
– Non, je suis arrivé un peu avant le début du jour.
Louis hoche la tête, passe ses doigts délicatement dans ses boucles et se redresse. Il retire alors sa toge, la même qu'il portait hier soir encore. Le tissu glisse sur ses épaules, le long de son corps fin et se retrouve au sol. Harry a subitement des souvenirs de leur nuit et se mord la lèvre, les yeux posés sur cette divine vision, les joues en feu.
– Tu viens te baigner ?
Après avoir difficilement avalé sa salive, Harry se redresse et défait se met nu à son tour. Il essaie de ne pas laisser trop longtemps son regard se poser sur le corps nu de Louis, mais étant donné qu'ils marchent côte à côté jusqu'à la rivière, il est difficile pour lui de se concentrer sur autre chose. Autre chose que la chaleur qui émane du corps de Louis et qui fait déjà bouillonner le sien.
Ils entrent ensemble dans l'eau fraîche de la rivière qui vient lécher leur peau jusqu'au bassin. La limite s'arrête vraiment au dessus du bas-ventre, mais cela n'empêche pas Louis se courber son dos et finalement plonger sous l'eau. Harry le regarde faire, ses mains caressent la surface comme si c'était le corps du jeune chanteur. Puis Louis remonte à la recherche de l'air, les cheveux trempés et l'eau limpide de la rivière dégoulinant sur tout son corps.
Si Harry pensait avoir pu assister à l'éclosion d'une pure beauté lors de la nuit qu'ils ont pu passer ensemble, ce n'est rien en comparaison avec cet instant. L'image est encore plus érotique. Il l'imprime dans son esprit afin de ne jamais l'oublier et être capable de la repeindre trait pour trait quand il rentrera chez lui. Son ventre se serre de désir et il s'immerge à son tour, sous le regard amusé de Louis.
La fraîcheur de l'eau calme la fièvre du désir montante dans son corps, lorsqu'il revient à la surface ses boucles retombent sur son visage. C'est le doux son du rire de Louis qui lui fait ouvrir les paupières. Ses yeux brillants tombent sur son visage, si proche du sien. Ils pourraient encore s'embrasser. Louis regarde ses yeux, ses lèvres et son front puis finalement remet ses cheveux en place en souriant toujours. Il sent la lavande, le parfum délicat de son savon.
Et Harry se lance, il se penche et capture les lèvres de Louis sans hésiter. Il n'a plus à être timide, il le sait, pas pour ça, pas après les quelques heures de plaisir qu'ils ont partagé. Directement, les mains de Louis viennent s'accrocher à ses boucles et celles d'Harry se posent sur ses hanches, afin de mieux l'attirer contre lui. Aussi, peut-être, une manière de demander un meilleur accès à sa bouche. Plus intime encore. Et il n'a pas besoin d'insister, parce que déjà les mains de Louis glissent sur ses fesses et les tiennent fermement afin de rapprocher au maximum leurs corps.
Derrière eux, le jour se lève doucement. Mais ils n'y prêtent plus attention. Harry ne pense qu'aux mains de Louis sur son corps et ses doigts agiles qui lui font atteindre un plaisir sans nom. A lui en faire tourner la tête. Ils respirent vite et fort et leurs lèvres ne se détachent que pour goûter la peau de l'autre. Jamais, pourtant, ils ne perdent contact. C'est comme inventer un nouveau langage, ils parlent avec les doigts. Et le jeune chanteur maîtrise parfaitement cet art. Louis se cambre, tremble et gémit contre lui, transporté à son tour dans un tourbillon de plaisir qu'il ne peut contrôler.
Ils s'effondrent dans les bras l'un de l'autre, secoués par ce moment riche en intensité. Ils s'enlacent, se caressent délicatement pour retrouver leur souffle et leur esprit.
Harry peut jurer voir des étoiles. Peut-être celles qui scintillent dans les prunelles de Louis ou celles qui s'illuminent plus encore lorsqu'il s'autorise à fermer les yeux.
Le jour s'est totalement levé, le soleil emporté avec lui et déjà brûlant. Hilares, ils sortent finalement de l'eau après s'être un peu rincés. Louis se laisse tomber dans l'herbe, nu et mouillé. Harry préfère enfiler sa toge, même s'il doit la tremper ensuite. Il prend ensuite place à côté de lui, assit et le regard pétillant tourné vers la rivière. S'il se concentre, il revoit encore leurs corps qui se frôlent, se cambrent et frissonnent en même temps sous le désir irrévocable qui les attire comme des aimants l'un vers l'autre.
Un sourire sur les lèvres, Harry se sent sur un véritable petit nuage. Le soleil sèche déjà leur peau et leurs vêtements. Puis le sourire d'Harry s'efface et il souffle :
– Merci...
– Pour quoi ?
– De m'avoir fait oublier ma tristesse quelques minutes.
Quand il ose poser ses yeux sur lui, Louis le regard intensément et lui offre un sourire sincère. Il se redresse, enfile sa tunique et tend sa main à Harry.
– Viens.
– Où ça ?
– Ça te dirait, d'aller au théâtre ? J'ai vu qu'ils jouaient une nouvelle comédie à celui près des thermes.
– Tu aimes ça ? Demande Harry dont le coeur gonfle dans sa poitrine.
– J'aimerais bien que tu me fasses découvrir, disons. Et je pense qu'on se gardera la tragédie pour une prochaine fois.
Une prochaine fois... Le sourire qui habite maintenant les lèvres d'Harry n'a jamais été aussi éblouissant et vrai. Il n'oubliera pas ces mots. Jamais. Il ne peut pas. Pas quand Louis le regarde ainsi. Pas quand Louis lui fait la promesse qu'ils vont encore se revoir.
Sans hésiter, Harry accepte et se lève à l'aide de la main de Louis. Jusqu'à arriver en ville, leurs doigts ne se lâchent pas. Puis Louis lui propose de faire un tour des échoppes en attendant que le théâtre ouvre ses portes pour la première représentation à neuf heures. Ils achètent du sirop de pèche frais, préparé par un artisan. Harry lui donne quelques pièces et ils vont prendre place au bord de la fontaine sur la place.
Harry oublie les derniers évènements de la veille, Louis parle beaucoup, le fait sourire, parfois même rire. Ils retrouvent l'entrée du théâtre et achètent deux places pour la première représentation. C'est un petit théâtre assez neuf, beaucoup moins abîmé que celui qu'Harry veut rénover. Il ne vient d'ailleurs pas souvent à celui-là, il préfère les vieilles bâtisses et les lieux qui ont une âme. Même s'il ne doute pas une seconde que celui-ci en ait.
Ce théâtre là, contrairement à l'ancien, est peu ouvert sur l'extérieur. Ils sont installés presque tout en haut mais la configuration de la salle leur permet d'entendre bien qu'ils soient placés dans les gradins les plus élevés. Les places se remplissent, Harry joue avec le papier de sa place. La pièce commence, le public applaudit et se tait.
Ils ne voient pas le temps défiler, la pièce a bien dû durer une heure trente et ils ne sont pas ennuyés pour autant. Ils ont rit, sourit aux tirades des différents personnages. Harry s'est même autorisé à regarder Louis rire, lui aussi, les rides aux coins de ses yeux plissés et son petit nez retroussé. Son coeur s'est gonflé de bonheur. A la fin, la troupe est récompensé par une acclamation. Sans aucun doute, cette représentation fera fureur un long moment. Harry pense même à aller la revoir si elle se joue au grand théâtre.
Quand ils sortent, le soleil tape plus encore. Ayant eut le coeur léger pendant tout ce temps, Harry se sent soudainement lourd et triste lorsqu'ils se frayent un chemin dehors. Louis ferme les paupières quelques secondes et laisse le soleil réchauffer et faire briller sa peau dorée. Puis il demande :
– Tu veux venir à la maison ? J'ai un morceau à te faire écouter et j'aimerais avoir ton avis.
Évidemment, Harry ne peut qu'accepter. À leur plus grand bonheur à tous les deux. Sur la route jusqu'à chez lui, ils discutent et partagent leurs avis sur la pièce. Louis apprécie fortement ce genre théâtrale, bien qu'il n'ait encore jamais eu l'occasion de voir une tragédie. Harry dit préférer le registre tragique parce qu'il est vecteur de plus d'émotions fortes. Dans un murmure, il avoue avoir plusieurs fois versé quelques larmes en regardant des tragédies poignantes. Louis lui lance un sourire et ses doigts viennent caresser les siens juste avant qu'ils n'atteignent sa demeure.
Une fois à l'intérieur, Harry se prend à observer à nouveau son dessin au mur. Rien n'a changé. Tout est encore à sa place. Louis leur sert un verre de vin rouge à chacun et met quelques morceaux de pain blanc moelleux sur la table. Tandis qu'Harry s'installe dans un fauteuil, Louis va chercher sa guitare et prend place aussi à côté de lui.
Louis n'a pas besoin de l'accord d'Harry pour entamer son morceau, alors il se lance. Tout en écoutant attentivement ses accords, Harry se délecte du vin succulent et déguste le pain frais de ce matin sûrement. Les artisans boulangers travaillent tôt, Louis a dû aller s'en chercher avant de venir le rejoindre à la rivière. Ce n'est pas bien compliqué étant donné que l'échoppe d'un boulanger se trouve à quelques rues de chez lui, ce qui lui amène sûrement l'agréable odeur du pain le matin.
Durant quelques secondes, la douce mélodie résonne dans la pièce et les deux artistes échangent un sourire quand Louis joue sa dernière note. Harry passe sa langue entre ses lèvres et donne son avis en tout franchise :
– J'adore Louis, j'adore tout ce que tu fais. Je te retourne le compliment que tu m'as déjà fait, tu as un réel talent pour ça toi aussi.
– Merci, Harry. Sincèrement.
Cette fois, Louis amorce un geste et tend sa main au dessus de sa guitare afin de la poser sur celle d'Harry. Leurs doigts se touchent, se joignent et se caressent légèrement. Un sourire timide prend place sur les lèvres d'Harry, il boit une gorgée de vin et lui demande de jouer un autre morceau. Le jeune chanteur s'exécute et entame les mélodies de la chanson dont il a fait plusieurs fois la performance à la taverne. Harry la connaît par coeur, déjà, à force de l'avoir entendu, il se met à réciter les paroles aussi, du bout des lèvres.
Ils se divertissent ensemble, sur quelques chansons, certaines qu'Harry n'a encore jamais entendu. Il aime découvrir le talent de Louis et la façon dont il se donne à la musique entièrement. Corps et âme. Son air concentré, ses sourcils légèrement froncés parfois, ses paupières qu'il clôt de temps en temps, son petit sourire en coin lorsque la chanson prend fin, son air fier, la passion qui passe dans son regard. Harry l'admire, observe chacun de ses gestes et il comprend. Il comprend parce que lui aussi ne fait qu'un avec ses pinceaux ou ses crayons. L'art possède l'artiste, l'art fait vivre l'artiste. L'un comme l'autre on rapidement compris que ce n'était l'art qui fait partie de leur vie mais leur vie qui fait partie de l'art. Ce n'est pas un simple divertissement, c'est bien plus qu'une passion, c'est un besoin intarissable.
Quand Louis va mal, il joue de la guitare, écrit des chansons qui reflètent son état d'esprit.
Quand Harry est triste, il se plonge dans ses croquis ou s'immerge dans une peinture.
C'est un moyen d'exprimer des sentiments qu'ils ne voudraient pas montrer aux premiers abords, une façon de parler sans utiliser les mots. Louis n'écrit pas forcément des textes purement littéraires, il choisit ses phrases certes, des métaphores, des figures de styles, mais ce sont les accords de la guitare qui donnent l'ampleur à sa composition.
Les joues rosées par les quelques verres de vin qu'il a consommé, Harry penche sa tête légèrement en arrière et ferme les yeux en riant. Louis joue un air doux, reposant sur sa guitare et s'amuse à chanter des paroles qui n'ont aucun sens. L'ivresse du vin ne l'a pas épargné non plus. Son regard brillant se pose sur Harry dont les boucles brunes tombent autour de son visage angélique. Il a envie qu'il le peigne encore, qu'il passe des heures à représenter son corps en posant ses yeux innocents, timides et envieux dessus. Qu'ils prennent un bain ensemble, dans la cuve, et qu'Harry lui lise du Ovide, du Sophocle, du Euridipe et même du Sappho.
Harry a une voix faite pour parler, raconter des histoires, dire des mots d'amour. Louis lui caresserait les jambes en dessous de l'eau mousseuse et tiède, il embrasserait sa nuque, son cou et glisserait ses doigts sur son ventre blanc. Sa peau de bébé. Il somnolerait peut-être un peu et Harry le réveillerait en déposant des baisers sur sa joue.
Tous les deux, ils s'imaginent des choses, des fantasmes, mais la réalité revient. Elle broie le coeur d'Harry alors qu'il se lève et prononce ces paroles d'une voix triste et basse, ce ne sont pas des poèmes d'amour :
– Je crois que je vais rentrer chez moi... J'ai encore des portraits à finir, et on doit organiser l'ente...
– Reste.
Le ton de Louis se fait suppliant d'un coup, presque désespéré. Dans un souffle, un murmure. Harry fronce les sourcils, ses yeux posés sur lui. Il ne sait pas depuis combien de temps il est là, mais le soleil est chaud et haut dans le ciel, il perce à travers les rideaux qui dansent sous la légère brise chaude de l'été. Cette chaleur... Harry la sent partout sur lui, prendre possession de son corps et réchauffer sa peau déjà en alerte sous le regard inquisiteur de Louis.
D'ailleurs le jeune chanteur se met debout à son tour, il pose sa guitare à terre, contre le mur et revient devant Harry. Il a beau faire une tête de plus que lui, Louis reste un être très impressionnant et intimidant. Surtout quand il le regarde ainsi, le bleu de ses yeux intense, suppliant et fiévreux à la fois. Dans un geste lent, il glisse ses doigts contre ses clavicules que dévoile sa toge, puis les remontent en de douces caresses contre sa nuque. Il répète :
– Reste, s'il te plaît. Ne pars pas tout de suite. Je serais occupé les prochains jours et j'ai... Envie de profiter de toi un maximum.
Harry n'a pas le temps de répondre, pas le besoin non plus, que leurs lèvres se retrouvent à nouveau. Ses mains se déposent dans le creux de son dos et leurs bassins se rapprochent. Leurs langues dansent dans des caresses lascives au goût de vin et de fruit. C'est cette chaleur, à laquelle Harry pensait quelques secondes avant, qui envahie leurs corps. Dès qu'ils se touchent, ils ne peuvent plus contrôler le besoin et l'envie.
Quand ils se détachent pour reprendre de l'air, leur respiration est forte, affolée presque. Harry a les joues rosées et Louis les pupilles dilatées par le désir. Ne voulant pas s'encombrer de choses inutiles, il retire la toge d'Harry en la faisant passer par dessus sa tête. Leurs bouches entrent en contact le temps d'un instant et Louis le fait s'asseoir dans le fauteuil où il était installé il y a peu. Fébrile et tremblant d'envie, Harry se soucie peu de son apparence. Et il est directement envoyé au coeur de ses rêves les plus fous lorsque Louis se met à genoux devant lui, entre ses cuisses déjà brûlantes.
D'abord, sa bouche se dépose sur son genou puis remontent le long de sa jambe, sa cuisse brûlante. Déjà, ce simple geste envoie Harry au paradis des fantasmes. Son coeur bat à tout rompre, ses doigts s'accrochent au tissu du fauteuil et la suite le fait mourir d'impatience. Rien que de l'imaginer. Puis ce sont avant tout ses doigts chauds qui saisissent et caressent lentement son intimité, qui l'envoient sans attendre loin de tout. Et il ne pense plus à rien, si ce n'est aux lèvres et à la langue de Louis qui retrouvent finalement son sexe gonflé de désir et remplacent sa main. Un gémissement s'échappe de la bouche d'Harry et il ne peut empêcher sa main de se trouver un chemin dans les cheveux de Louis.
La chaleur enveloppe son corps et le plaisir le consume entièrement, il ne pense plus à rien. Rien à part Louis et sa douce torture. Il baisse les yeux vers lui, s'autorise à le regarder, mais c'est encore pire. Leurs yeux se retrouvent, se confondent et l'intensité du regard de Louis sur lui est insupportable pour Harry. Il aimerait l'observer tout le temps, mais le plaisir prend le dessus. Ses paupières se ferme et il rejette sa tête en arrière. Tout ce qui sort de ses lèvres n'est plus que gémissements, soupirs et grognements. Louis sait s'y prendre, Louis sait comment le satisfaire pleinement et lui faire voir des étoiles.
Et Harry ne tient pas longtemps ainsi, les mouvements de ses lèvres, la chaleur et l'humidité de sa langue autour de lui, sur lui, partout. Son corps se perd dans une vague de plaisir intense, son torse se soulève rapidement et il murmure dans un souffle éreinté :
– Lou...
Son orgasme le prend de court et il atteint l'apogée de son plaisir avant même d'avoir eu le temps de prononcer entièrement son prénom ou de le prévenir. Ses doigts, aussi tremblants que ses cuisses, se serrent dans les cheveux de Louis et il se mord la lèvre afin de se délecter de cette sensation divine, incroyable. Sa respiration est totalement déstructurée, son esprit encore dans les limbes du plaisir alors que les lèvres de Louis se retirent et posent un ligne de baiser sur sa peau jusqu'à son visage.
Harry ouvre les paupières, un sourire comblé sur les lèvres et il découvre le même qui habite celles rosées de Louis. Il pose ses mains sur ses hanches, au dessus de son vêtement, descend jusqu'à ses fesses, ses cuisses et relève le tissu afin de toucher sa peau, tout aussi brûlante que la sienne. Louis comprend son intention, il s'assoit à califourchon sur ses cuisses, dans le fauteuil et saisit le bout de toge afin de l'enlever. Harry ne se fait pas désir et embrasse la peau de son torse, le haut de son ventre, son cou et sa bouche.
Leurs peaux nues se rencontrent, se touchent, se frôlent, frissonnent. Louis mord sa lèvre inférieure, lui arrache un grognement, se recule et passe son pouce contre la lèvre d'Harry.
– J'aime bien Lou, tu peux m'appeler comme ça... Personne ne l'a jamais utilisé avant toi.
– Lou... Lou, j'ai terriblement envie de toi.
– Je sais. Louis prend la main d'Harry dans la sienne et la descend jusqu'à la poser entre ses cuisses, et il sourit. Moi aussi, je meurs pour ton corps.
Ils se redécouvrent, se caressent et s'étreignent encore un peu, avant de faire l'amour, sur ce fauteuil. Sous la faible lumière des chandeliers. Harry savoure la merveilleuse sensation de posséder Louis, Louis se laisse aller au plaisir des coups de reins langoureux d'Harry. Tous les deux, leurs bouches liées et leurs corps en détresse, sombrent dans les limbes voluptueuses du plaisir.
Et peut-être qu'ils renouvellent la chose, un peu plus tard dans la journée, quand ils se sont reposés et remis de leurs efforts. Harry n'a pas eu le temps de penser à la mort de son ami, Louis lui a occupé constamment l'esprit. Peut-être qu'Harry a poussé un gémissement puissant lorsque Louis a laissé une trace sur la peau de son cou. Peut-être qu'ils se sont endormis dans les bras l'un de l'autre, essoufflés et en sueur, incapables de se détacher et se passer du contact de l'autre. Peut-être qu'Harry l'a appelé plusieurs fois Lou, à la lisière de l'orgasme, et que ledit Lou n'a cessé de sourire.
Finalement, Harry ne rentre chez lui qu'en fin d'après-midi, un air béat sur le visage et un sourire niais sur les lèvres. Ses muscles sont un peu épuisés, mais son coeur regorge de vie. Il sait qu'il va peindre, dessiner, tout le reste de la soirée jusqu'à s'endormir sur ses dessins, dans son lit. Peu importe ses commandes, ses portraits, il va représenter Louis. Louis qui lui colle à la peau. Louis qui lui a offert de longues heures de plaisir et une adrénaline d'inspiration. Il ne s'est jamais senti aussi léger.
Mais le spectacle qu'il découvre en poussant la porte de sa maison fait retomber toute sa joie.
Tout est ravagé. Des papiers, des dessins, des feuilles éparpillés un peu partout, des tiroirs de meubles retournés, ouverts, vides, au sol, des objets brisés. Son bureau totalement saccagé, dans sa chambre son lit défait et retourné, ses vêtements jetés au sol. Sans aucun doute, quelqu'un est venu ici. Cette personne, non seulement a tout détruit sur son passage afin de l'effrayer, mais était à la recherche de quelque chose.
Harry, apeuré, en colère, en deuil, fond en larmes au milieu du capharnaüm.
Si Louis ne l'avait pas retenu, il serait sûrement mort à l'heure qu'il est.
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