Une bouteille à la mer (partie 1)

ALESSIA

Heureusement que les sauces dans les hôtels sont contenues dans des flacons minuscules, sinon je ne sais pas comment j'aurais fait pour glisser le poison dans mon sac. Mon dieu ! J'allai tuer un homme. Je ne peux pas en parler à Cristiano, il le répèterait sûrement à sa coéquipière qui prendrait un malin plaisir à me mettre en cellule. Tout est de mon ressort, le poids qui commence à peser sur mes épaules est extrêmement lourd, mais il faut que j'éteigne mes sentiments pour m'en sortir.

Ma nuit a été affreuse, peuplée de cauchemars en tout genre. Ils ont tous illustré mes craintes et mes angoisses du moment : tuer, être accusée, pourrir en prison, ou, dans le pire des cas : mourir sous la torture d'Alfredo.

Après avoir pris ma douche, je me faufile dans mes vêtements de la veille et fait en sorte de ressembler à quelqu'un qui n'est pas sur le point d'empoisonner un innocent.

Soudain, j'entends quelqu'un frapper à ma porte. Cristiano entre discrètement pendant que je sors de la salle de bain. Mes cheveux sont encore mouillés et j'ai fait ce que j'ai pu pour que mon teint ne soit pas trop pâle.

— Tu es prête ?

— Autant qu'on peut l'être quand on va se faire interroger par environ dix personnes qui veulent notre tête. Ah oui ! et je vais bien, même si un mari psychopathe m'a torturée pendant un an et qu'il est prêt à recommencer quand ça lui chantera !

— Inutile d'utiliser le sarcasme pour me faire comprendre que tu m'en veux.

— Tu sais quoi ? Je n'ai pas envie de discuter. Finissons-en !

J'attrape mon sac d'un air rageur et me poste juste devant mon frère qui me jauge d'un regard sévère. Il finit par soupirer et écarte son bras gauche pour me laisser passer en premier.

L'hôtel n'est situé qu'à cent mètres du centre névralgique du bureau d'Interpol à New-York. Marcher me fait du bien et le bruit de la ville empêche mon frère d'initier une quelconque conversation avec moi. Je me contente de regarder droit devant moi, songeant au monstre que je serais dans une heure après avoir exécuter les ordres d'Alfredo. Seuls mes amis comptent, et Lily en fait partie. S'agissant de Parker : c'est un autre sujet d'étude que mon cerveau relègue à plus tard, pour le moment.

Le bâtiment est aussi austère que la première fois que j'y ai pénétré. Toutes les personnes que je croise m'adressent des regards en biais, parfois condescendants, parfois menaçants. Visiblement, je ne suis pas aimée ici !

Cristiano me mène jusqu'à une salle de réunion située au rez-de-chaussée. Nous sommes fouillés par le service de sécurité et l'on me place à un endroit stratégique de la pièce. Je suis située sur le siège en bout de table, là où tous les regards peuvent se tourner vers moi pour me faire tout avouer. Je pense que cette réunion va être encore pire qu'un bon vieil interrogatoire en règle, avec un policier en colère, armé d'une lampe éclatante pointée sur mon visage.

Pour le moment, seuls Cristiano et moi peuplons la salle. Cela fait dix minutes que j'observe la bouteille d'eau placée devant moi. Mon frère ne me lâche pas des yeux, ce qui m'empêche d'effectuer le moindre geste suspect. Je décide de faire semblant de boire pour, au moins, avoir la bouteille entre les mains. Mon sac est resté sur mes genoux et je peux apercevoir le flacon de sauce de l'hôtel.

Sarah fait son entrée à point nommé ! Lorsque la belle blonde adresse quelques mots à Cristiano, mes gestes se font aussi rapides que l'éclair. Je débouche le flacon de sauce et verse le liquide transparent dans ma bouteille. La première étape est franchie. Je range vite le poison dans mon sac avant que les deux vautours d'Interpol ne me fixent à nouveau. Mon frère a un regard suspicieux, comme s'il avait repéré mon comportement étrange.

Les sièges de la salle de réunion sont équipés de petits bordereaux en papier qui indiquent le nom des personnes présentes. Effectivement, comme me l'avait indiqué Alfredo, Ricardo Valliselli sera installé à ma droite. Je n'ai pas le temps de m'interroger sur l'origine de sa source à l'intérieur d'Interpol, mais le fait de savoir qu'Alfredo puisse surveiller le moindre de mes faits et gestes, me glace d'effroi.

Lorsque Cristiano et Sarah se dirige vers l'avant de la table pour s'asseoir, j'en profite pour accomplir la deuxième partie du plan. J'intervertis rapidement les deux bouteilles d'eau et me remets dans ma position initiale. Mais, en relevant la tête, je croise les yeux ambrés de Cristiano. Il a tout vu ! il sait !

Mon cœur s'emballe. La peur s'immisce dans mes veines et mon sang est infecté par la terreur. Mon frère glisse un mot au creux de l'oreille de Sarah, qui se met à froncer les sourcils. J'entends des protestations de sa part et une sorte de débat est en train de se dérouler devant moi. Ils chuchotent tellement bas qu'il est impossible de discerner la teneur de leur conversation, mais l'angoisse m'envahit toute entière.

Soudain, mon frère semble avoir gagné la partie, car il se dirige d'un pas assuré dans ma direction. Ses yeux caramel m'intimident, et une lueur de colère les rendent encore plus brillants. Alors que je m'attends à ce qu'il me passe les menottes et m'emmène en cellule, il fait simplement le tour de la table pour venir s'installer à ma droite. Il a compris. Mon cœur rate un battement et je souhaite de tout mon cœur lui expliquer la situation, mais mes lèvres restent scellées. Quel monstre suis-je devenu ? 

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