Un nouveau défi (partie 2)

— Allie ! Allie, réveille-toi !

Mon dieu ! Je sors de mon demi-sommeil en sursautant. Le temps que ma vue revienne, je sens un immense brouillard m'envahir et m'entraîner à nouveau dans les recoins les plus sombres de mon esprit.

J'essaye de lutter contre mes démons et l'envie de m'endormir à nouveau, de ne plus penser, de ne plus ressentir, ne plus exister. Je n'ai plus ni la notion du temps, ni la notion de l'espace.

Quand je prends conscience que j'ai sûrement eu une sorte de malaise, je tombe sur le visage inquiet de Nana. Ses yeux verts sont paniqués et je me rends compte que je suis allongée sur le lit de la chambre que je loue. Elle me tient l'épaule avec ferveur et prend approximativement ma température à l'aide de son autre main. Je sens la froideur de sa paume sur mon front et frémis à son contact. 

— Que s'est-il passé ?

Je sens ma voix faible et éteinte. Mon mal de tête a empiré et je ressens un vent glacial me parcourir l'épine dorsale.

— Tu es allée te reposer un moment après ton petit-déjeuner de ce matin. Je pensais que tu dormais alors je ne me suis pas inquiétée. Il faut dire que vues tes cernes, je pense que tu as une énorme dette de sommeil. Je suis montée pour te dire que l'on allait bientôt passer à table pour déjeuner, et je t'ai entendu hurler de terreur derrière ta porte. Tu étais allongée et tu te débattais dans tous les sens. J'ai essayé de te raisonner mais je ne savais pas quoi faire.

Elle se tait et me regarde avec la même expression que ma mère avait lorsque j'étais malade.  Nana me caresse doucement la joue pour essayer de m'apaiser. Je sens des perles de sueur couler le long de mes tempes et des larmes menacent de se déverser sur mon visage. Je ne peux pas craquer encore une fois, il va falloir que je reste forte. J'ai l'impression que brusquer mon esprit à se remémorer cette nuit ne va pas m'aider à prendre un nouveau départ.

— Est-ce que tu veux que je t'amène ton repas dans ta chambre ?

— Non. Je... Je vais descendre.

— Tu es sûre ?

Je hoche la tête et décide de me lever. Quand je me mets débout, je sens la pièce tourner autour de moi, si bien que je suis obligée de me rasseoir immédiatement avant de tomber par terre. Nana ne dit rien mais lors de ma deuxième tentative, elle me tient fermement par la taille. Le temps que mon sang remonte au cerveau, mes jambes sont à nouveau opérationnelles et je remercie d'un sourire la grand-mère de Maddie.

Une fois au rez-de-chaussée, je m'aperçois que la table a été mise pour quatre. Je réprime un gémissement. Je n'ai pas envie de parler à d'autres inconnus aujourd'hui, je suis bien trop fatiguée. Comme si elle avait compris ma requête interne, Nana s'empresse de me rassurer :

— Maddie sera des nôtres à midi, avec la petite Lily, la fille de Parker. Elle ne peut pas manger à la cantine de l'école alors je l'accueille tous les midis chez moi. Ne t'inquiète-pas, c'est une enfant formidable. Je pense que Parker passera en coup de vent pour lui faire un petit "coucou" mais sinon il n'y aura pas de nouvelles têtes à cette table aujourd'hui.

Je la remercie d'un sourire. Cette femme semble être une véritable liseuse d'âmes car elle possède la capacité de sonder les personnes rien qu'en les observant.

Une délicieuse tarte au fromage trône sur la table de la salle à manger et la douce odeur du plat me met l'eau à la bouche. Au moment où j'entre dans la pièce pour m'installer, j'entends des éclats de voix rieurs venant du perron. Maddie et une jolie petite fille blonde passent la porte d'entrée le sourire aux lèvres.

Soudain, lorsque Lily se rend compte de ma présence, elle cesse de rire et me fixe de ses yeux verts étincelants. La panique se lit dans son regard, comme si j'avais déclenché chez elle un interrupteur caché. Elle se met à trembler et Maddie s'agenouille face à elle en lui chuchotant des mots doux pour la calmer.

Je me mets, moi aussi, à m'inquiéter. Qu'est-ce qui a bien pu l'effrayer chez moi ? Mon teint pâle ? Mon sourire absent ?

Soudain, Nana pose une de ses mains délicates sur mon épaule. Elle m'invite à la suivre dans la cuisine.

— Excuse-moi je n'ai pas eu le temps de t'expliquer toute la situation. Je voulais préserver Lily mais j'aurais dû me douter qu'elle réagirait mal.

Elle inspire un grand coup avant de continuer :

— Lily a une maladie psychiatrique qui n'est pas très bien soignée dans notre région. Elle est atteinte de troubles obsessionnels compulsifs. Ce n'est pas de ta faute si elle s'est mise en situation de panique. Elle déteste l'imprévu et est terrifiée à la simple idée qu'une chose déroge à sa routine. Je t'assure qu'elle ne le fait pas exprès et qu'elle n'a absolument rien contre toi.

Le regard inquiet de Nana me convainc de la gravité de la situation. Je connais très bien ces troubles pour les avoir étudiés à la faculté de médecine. Mon mariage a remis en question mes études mais, à la base, je devais terminer mon cursus pour devenir pédopsychiatre. Encore un de mes rêves qui ne se réalisera jamais. D'ailleurs, je ne comprends pas pourquoi mes parents m'ont laissée m'engager dans de longues études, si c'était pour me priver de la réussite académique par un mariage arrangé.

Pour rassurer la grand-mère de Maddie je hoche doucement la tête en lui signifiant que je comprends. Je vais faire mon possible pour ne pas brusquer Lily.

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