Sous une pluie diluvienne (partie 2)


Nous n'avons pas beaucoup à attendre avant que les spaghettis bolognaise de Parker atterrissent au centre de la table. Chacun déguste sa part et le silence qui règne est agréable. Soudain, un éclair fend le ciel, et le bruit du tonnerre qui suit fait trembler les vitres. Lily sursaute sur sa chaise et n'ose plus bouger.

— C'est juste un orage, ma puce. Ne t'inquiète pas.

Parker lui caresse affectivement le haut de la tête mais, cette fois, elle se dégage et court pour monter les marches de l'escalier quatre à quatre. Quelques secondes plus tard, nous entendons le bruit de la douche.

— Désolé. Parfois, j'oublie qu'elle...

La voix de Parker s'éteint sous le coup de la douleur. La soirée était trop parfaite.

Sans rien dire, je me lève pour l'aider à débarrasser. Je lave la vaisselle pendant qu'il essuie derrière moi. C'est comme si on se connaissait depuis des lustres. Nul besoin de mot ou de phrases toutes faites. Le silence et la présence de quelqu'un qui comprend, sont la seule solution dans des cas comme celui-ci.

— C'est énorme ce qu'elle a réussi à faire avec toi. Ça ne m'était jamais arrivé avant. Il n'y a qu'avec Maddie qu'elle se permet de baisser la garde. Je ne pensais pas qu'avec une parfaite étrangère, elle se laisserait aller.

Je ne dis rien. Moi non plus je ne comprends pas. J'ai juste essayé de ne pas lui mettre la pression, la laisser avancer vers moi à son rythme.

Des trombes d'eau commencent à tomber du ciel et on entend les grosses gouttes de pluie se répercuter sur le toit de la maison. Une fois la dernière assiette lavée, je ne sais plus quoi faire de mes mains alors je commence à me ronger les ongles.

— Je suis désolé de ne pas avoir pensé à te ramener avant. Les routes seront impraticables avec une pluie pareille et un de mes phares ne fonctionne plus. Ça te dérange de dormir ici pour la nuit ? Il y a trop de chambres dans cette maison de toute manière.

Je fixe mon regard dans ses beaux yeux verts et sonde sa sincérité et son honnêteté. Il m'a prouvé à plusieurs reprises qu'il était quelqu'un de bien, mais je continue à être méfiante. Il doit sentir ma réticence, car il lève les deux mains en l'air :

— Hé ho ! Je ne tenterai rien ! Je te signale que j'ai une fille de onze ans à l'étage qui attend que son papa adoré vienne lui dire "bonne nuit", alors tu peux me faire confiance.

Je ris timidement à sa plaisanterie mais je dois avouer qu'il a raison. Il n'est pas dangereux et j'ose espérer qu'il ne le sera jamais. Je vais répondre quand, soudain, mon portable vibre dans ma poche arrière.

Je quitte la cuisine précipitamment et ouvre la porte d'entrée qui mène sur le perron. Une fois dehors, je décroche :

— Alessia ?

— Qui est-ce ?

— Dante ! C'est moi ! Putain, enfin j'arrive à te joindre !

Je reste sans voix. Comment est-ce possible ? Mes souvenirs sont encore flous et je n'arrive pas encore à mettre des images sur les évènements de cette nuit fatidique.

— Je t'ai retrouvée Alessia ! Il faut que l'on se parle. J'ai pu louer une voiture et j'ai suivi ta trace grâce aux indications que j'ai piquées à Cristiano. Bref, je suis dans le bar de ton trou paumé. Il faut que tu me rejoignes.

Mais pourquoi Cristiano chercherait tant à me protéger ? Pourquoi voulait-il m'éloigner au plus vite de ma famille ? Que je construise une autre vie, loin de l'Italie et de l'Europe ? Tout ça n'a aucun sens et je commence à avoir mal à la tête. Je fais confiance à Dante mais je sais aussi que si Cristiano ne lui a pas donné volontairement l'adresse qu'il m'a indiquée, c'était pour une bonne raison. C'est le plus réfléchi d'entre nous et sûrement le plus intelligent.

— Tu as vu la pluie qui tombe ? Je ne peux pas te rejoindre maintenant. Va au ranch du village.

— Ok.

Il raccroche avant même que je n'aie pu dire quoi que ce soit. Dante est là. Il est venu me récupérer. Il est le seul à pouvoir me dire ce qui s'est réellement passé.

— Tout va bien ?

J'étais tellement prise dans mes pensées que je sursaute de peur quand je vois Parker sur le palier. Il est terriblement beau dans son pantalon en jeans délavés et sa chemise blanche. Ses cheveux sont un peu décoiffés et sa mèche descend sur son front. Mais ce qui me subjugue, ce sont ses yeux. Cette couleur qui ressemble à celle des étangs japonais est absolument magnifique. Je me perds dans son regard et je me noie dans sa profondeur.

Soudain, le regard vert de jade de Parker est remplacé par les yeux meurtriers d'un autre homme. Alfredo se tient devant moi et me fixe comme un fauve prêt à bondir sur sa proie. Il observe son prochain festin avant de le dévorer, étudie le moindre de ses mouvements pour ne pas qu'il lui échappe. Je suis terrifiée et je hurle de terreur. Je cours pour lui échapper.

J'entends qu'on m'appelle. On hurle mon nom mais je refuse de me retourner. Les pas se font de plus en plus proches. Il me poursuit ! La pluie trempe mes vêtements, si bien qu'ils deviennent lourds. Mes cheveux se collent à mon visage et, en tentant de les dégager, je trébuche sur un monticule de terre et tombe lourdement sur le sol. Dans un dernier instinct de survie, je me relève et tente de m'enfuir à nouveau, mais il est plus rapide. Il tire mes jambes et se place au-dessus de moi. Il emprisonne mes poignets entre ses serres et je ne peux plus faire le moindre geste. Je tente de me débattre, je ne veux pas qu'il me tue, je ne veux pas mourir, je ne...

— Allie ! Allie ! Bon sang !

Ce n'est pas Alfredo qui me maintient au sol. Parker a les yeux rivés sur moi, complètement perdu. Ses cheveux sont collés sur son doux visage, ses yeux me fixent avec incompréhension mais tout ce que je remarque c'est sa beauté.

— Lâche-la ou je te colle une balle dans la tête !

Je reconnaîtrais cette voix entre mille. Parker lève les mains en signe de reddition et s'écarte de moi. Je me relève péniblement et me retourne. Dante se tient face à moi, un pistolet braqué sur la tête de Parker. Il a l'air épuisé et assez mal en point. Son visage est tuméfié et il se tient le flanc droit où une immense tâche rouge continue de s'agrandir.

Au même moment, je sens mon corps lâcher et je tombe en arrière. 

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