Philadelphie (partie 1)


ALESSIA

La route vers Philadelphie se fait dans le plus grand silence. Cristiano a réussi à nous affréter une belle voiture de marque allemande, assez grande pour nous quatre. Parker n'a pas dit un mot depuis que j'ai demandé à mes frères de m'opérer sommairement dans notre chambre d'hôtel. Une petite anesthésie n'aurait pas été du luxe, mais Dante a fait avec les moyens du bord : un couteau suisse et un briquet. À la guerre comme à la guerre !

Je comprends la réaction agacée de mon beau cow-boy. Se sentir exclu ne doit pas être simple pour lui, sachant qu'il s'est jeté dans une aventure qui le dépasse complètement. Son idée de se rendre à Philadelphie, pour se renseigner sur les déplacements d'Arturo, a pourtant été accueillie avec succès. Les De La Riverasont connus de l'autre côté de l'Océan Atlantique, et Arturo a sûrement profité de notre nom de famille pour obtenir une protection. Après tout, c'est ce qu'a fait Dante avec la Cosa Nostra.

Le SUV nous dépose sur « Chestnut Street », juste devant l'entrée de « L'Independence National Historical Park ». Si j'étais moins stressée, je profiterais à fond des lieux, comme une bonne touriste européenne. Soyons réalistes, il est impossible de rester impassible à la beauté de l'histoire américaine, aux bâtiments rustiques du dix-huitième siècle, et aux magnifiques décorations florales qui peuplent les allées du parc.

Cristiano dirige la marche, Dante à ses côtés. Parker foule mes pieds, évitant soigneusement mon regard. Je décide de m'arrêter quelques secondes, et d'autorité, je referme ma main sur la sienne. Cette action l'oblige à croiser mon regard. Ses beaux yeux de jade son insondables mais je lis dans les traits de son visage une grande frustration. Pourtant, sa colère ne l'empêche pas de lier ses doigts au mien, son pouce caressant avec douceur le dos de ma main. Ce simple geste me prouve qu'il est toujours à mes côtés, combattif et déterminé.

— Bon, les amoureux, on n'est pas en voyage de noces alors on se dépêche.

Je fusille Dante du regard en même temps que Parker. Voyant nos mines assassines, mon frère lève les deux bras en l'air en signe d'abdication.

Nous finissons tout de même par rejoindre la tête de cordée. Cristiano pense qu'Alfredo ne nous a pas envoyé cette photo d'Arturo par hasard. Il est persuadé, tout comme Dante, qu'un indice important se cache au pied de cette cloche célèbre. Mon scepticisme n'a pas vraiment pesé dans la balance lors de la prise de décision. Après tout, nous n'avons pas d'autres pistes à exploiter, et le temps nous est compté.

Arrivés enfin au pied du bâtiment qui abrite la « Liberty Bell », je retiens mon souffle et me mets à inspecter les alentours à la recherche d'un sniper, ou tout autre ennemi potentiel. Parker ressert son emprise et la chaleur de sa paume m'aide à calmer mon angoisse.

Nous sommes tous les quatre postés devant le monument, sans savoir véritablement quoi chercher. Des touristes se prennent en photo, d'autres passent juste pour se promener. Dante et Cristiano sont sur le qui-vive, attendant un signe qui nous prouverait à tous que nous sommes sur la bonne voie.

Une chose m'intrigue lorsque je me mets à observer les murs qui entourent la « Liberty Bell ». Normalement aucune affiche n'est autorisée aux alentours d'un monument historique aux États-Unis. Pourtant, sur l'une des colonnes en pierre, je distingue une annonce pour un nouveau club de strip-tease qui vient d'ouvrir ses portes. Je lâche la main de Parker pour distinguer le nom de l'établissement, et là, plus aucun doute possible, Alfredo savait que nous viendrions ici.

Je fais signe aux garçons de me rejoindre et leur montre ma trouvaille. Rien qu'en relisant l'affiche, la nausée me prend : « Arturo's Liberty, le club de tous vos désirs inassouvis ».

Cristiano jure dans sa barbe pendant que Dante, comme à son habitude, utilise ses pulsions violentes pour se calmer. Il arrache d'une main l'affiche provocante et la déchire de rage. Parker ramasse les morceaux éparpillés sur le sol et note sagement l'adresse du club dans son téléphone. Au moins, il y en a un qui réfléchit un minimum ! D'ailleurs, il prend les devants en s'adressant à nous :

— Si on veut le trouver, il faut s'y rendre. Ce n'est pas par hasard qu'Alfredo nous a mené ici.

Cristiano s'est éloigné un instant, le temps de réfléchir, pendant que Dante me fait face. Sa mine grave et son regard sombre prouvent à quel point cette découverte l'affecte. Je ne sais pas si je suis devenue insensible, mais plus rien ne semble pouvoir m'atteindre. Certes, je suis surprise et dégoûtée que mon frère ait choisi cette voie pour « se reconstruire », mais mon sentiment premier est la colère. En effet, il aurait pu nous contacter, nous faire savoir qu'il était toujours en vie, au lieu de nous laisser dans l'ignorance la plus complète.

Cependant, derrière la colère se cache en réalité une appréhension, une angoisse supplémentaire dont nous n'avons pas besoin. Qu'est véritablement devenu notre Arturo ? Comment en est-il arrivé là ? Parker a raison, la seule manière de lever le voile sur cette histoire est de se rendre directement dans ce club de débauche. 

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