La pyjama-party (partie 2)


Je l'entends sangloter au bout du combiné. Ce son me déchire le cœur et je tente de garder mon calme pour ne pas la brusquer. J'attends qu'elle réponde à ma question tout en me levant. J'enfile un pantalon de jogging et un tee-shirt que m'a prêté Maddie. Mon téléphone est à portée de main et sur haut-parleur. Le souffle de Lily est saccadé :

— Ma chérie, dis-moi ce qui ne va pas. Je suis là.

— Viens... Viens... me chercher...

— Où es-tu ?

— Je... Je suis sortie de la maison. Je... Je suis devant...

— Ne bouge pas Lily, j'arrive le plus vite possible.

À peine ais-je raccroché que je cherche dans mes contacts le numéro de Parker pour qu'il me donne l'adresse de la copine de Lily qui organisait la pyjama-party. Je tente de calmer mon débit de parole pour ne pas qu'il s'inquiète mais c'est peine perdue, je suis terrorisée. J'en fais sûrement des tonnes mais j'ai clairement senti la détresse dans la voix de Lily, mes émotions ne peuvent pas s'éteindre comme avec un interrupteur.

Je sais que Parker va se rendre lui aussi à l'adresse qu'il m'a donnée mais il est hors de question que je reste sans rien faire. J'ai promis à sa fille que je serai là s'il y avait le moindre problème.

La route me paraît interminable. Le village de Chugwater s'étend dans les plaines autour de la route principale, le nombre d'habitants au kilomètre carré est très faible. Je m'enfonce dans la nuit pour enfin distinguer la maison de campagne que Parker m'a indiquée.

Lily est assise à même le sol, le visage au creux de ses genoux. J'arrête le moteur et descend précipitamment de la voiture pour la rejoindre. Son père ne tarde pas à arriver et j'entends déjà le moteur se couper derrière moi pendant que je cours.

Arrivée au niveau de Lily, je la prends dans mes bras sans réfléchir, et la serre fort contre moi. J'entends les sanglots qu'elle tente d'étouffer. Elle a dû sortir le plus discrètement possible car, sinon, les parents de la jeune fille qui l'a invitée nous auraient prévenu.

— Je suis là ma chérie, tout va bien.

Je lui caresse le dos avec douceur pour la soulager mais mes gestes sont vains. Parker arrive derrière moi, le visage complètement paniqué et le souffle court. Il s'agenouille au sol et me regarde sans comprendre ce qu'il se passe. Je lui fais signe que je n'en sais pas plus que lui. J'attends simplement que la petite se calme pour arriver à se lever et à partir d'ici. Il faudrait tout de même prévenir les parents pour ne pas qu'ils s'inquiètent si jamais une des filles disparait sans explication.

Je remonte ma main dans ses cheveux pour lui caresser affectueusement le haut de la tête et c'est là que je comprends ce qui est arrivé. Lily à la moitié de sa longue chevelure blonde coupée grossièrement au niveau de l'épaule. On a dû lui faire ça pendant qu'elle dormait, lorsqu'elle était le plus vulnérable. Au moment où Parker se rend compte de ce que l'on a fait à sa fille, ses yeux se transforment. Une haine incommensurable s'empare de son visage et il se lève brusquement en se dirigeant vers la maison.

— Non ! Parker, attends !

Je prends Lily dans mes bras. Comme elle ne pèse pas lourd, j'arrive à la soulever facilement du sol. Je rejoins aussi vite que je le peux ma voiture et l'installe sur le siège passager.

— Attends-moi à l'intérieur, et ne sors surtout pas.

Je cours après Parker qui frappe déjà comme un forcené à la porte. Il n'a plus le contrôle de lui-même. Ses muscles sont crispés, sa mâchoire serrée et les traits de son visage sont tendus à l'extrême. Je sais la haine et la colère qu'il peut ressentir, je suis exactement dans le même état que lui, mais ce qu'il est en train de faire n'arrangera rien.

Je tente une approche en touchant son biceps pour qu'il me regarde, mais il me repousse violemment et continue de frapper à la porte. Je commence à entendre du bruit à l'intérieur et la lampe de l'entrée s'allume.

— Parker, je t'en prie. Ça ne va pas aider ta fille.

— Ne me dis pas ce que j'ai à faire Alessia !

Sa colère est ingérable. Je sens que ça va être un véritable carnage !

La porte s'ouvre sur un jeune homme d'environ trente ans, le ventre bedonnant et la barbe broussailleuse. Ses yeux fatigués fixent tour à tour moi et Parker. Visiblement, il n'a aucune idée de ce qu'il s'est passé sous son propre toit.

— Vous n'êtes pas censé surveiller les enfants pendant une fête ?

— Je vous demande pardon ?

— Quel genre de connard êtes-vous pour laisser une enfant se faire martyriser par les autres dans votre propre maison ?

Le père de famille est maintenant tout à fait réveillé et regarde Parker avec dédain :

— Pour qui vous vous prenez ?

— Je suis Parker Davis ! Ma fille Lily s'est fait couper les cheveux par votre peste de fille et ses copines !

— N'insultez pas ma fille !

Je sens la testostérone grimper brusquement. Je m'interpose de force devant Parker en lui jetant un regard désapprobateur.

— Si votre fille était un peu plus normale, peut-être qu'elle n'attirerait pas autant de problème !

Là, je ne peux rien faire. Parker me pousse sur le côté pour enfoncer son poing en plein dans le visage de son ennemi du moment. Le trentenaire recule sous le choc, mais une fois remis, il se jette sur Parker avec la même vivacité. S'en suit une bagarre complètement inutile et pitoyable.

— Arrêtez ! Mais vous êtes complètement malades !

Parker assène un dernier coup avant de lâcher son adversaire. Il n'est pas aussi amoché que l'homme qui nous a ouvert la porte. Son visage est tuméfié et une bande de sang commence à couler le long de sa tempe droite. Mon Cow-Boy s'en sort avec seulement quelques égratignures.

J'oblige Parker à relever les yeux vers moi et mon regard doit l'intimider car il n'ose plus bouger :

— Maintenant que ton cinéma est terminé, on s'en va. Les choses ne vont pas se régler à coups de poings ! Tu te crois où ? Dans un Western ? Au lieu de jouer les John Wayne, il y a une fille complètement traumatisée qui a besoin de son père et tu ferais mieux d'aller la rejoindre !

Parker ne bronche pas et ma tirade semble faire son effet. Je suis à bout de souffle et, aussi, extrêmement en colère de sa réaction. Je ne veux pas qu'il se serve de la violence, car l'exemple qu'il montre à sa fille doit être digne et exemplaire.

Lily est restée sagement dans ma voiture. Elle fixe le tableau de bord, les yeux dans le vague et des larmes coulent encore sur ses joues irritées.

Parker ouvre la portière et demande à sa fille de la rejoindre dans le pick-up. La seule chose qu'elle arrive à prononcer déchire un peu plus le cœur de son père :

— Je veux rester avec Alessia. Tout est de ta faute. Si tu m'avais écouté, il ne me serait rien arrivé.

Je sais que les paroles d'une fille de onze ans qui vient de subir une soirée effroyable sont loin d'être réfléchies et sensées, mais je comprends qu'il soit difficile pour Parker d'encaisser ce rejet.

Il se tourne vers moi, la mine défaite et les épaules affaissées.

— Finalement, elle n'a pas tant besoin de moi.

Puis, sans un mot, il regagne son pick-up et démarre en trombe pour s'éloigner le plus rapidement possible de la scène du drame. Je reste interdite devant cette réaction. Parker est un père dévoué et aimant, c'est dur de le voir baisser les bras aussi facilement. Mais la priorité pour le moment, c'est Lily. Ma mission est simple, faire en sorte que la journée d'anniversaire de ses douze ans ne devienne pas son pire cauchemar.

Quand je m'installe à la place du conducteur, ma détermination est puissante :

— Je vais m'occuper de toi Lily. 

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