Lily n'est pas très excitée à l'idée de se rendre à une pyjama-party entre filles. Elle prend beaucoup de temps à préparer son sac et à s'habiller. Ses gestes sont lents et empreints de mauvaise volonté, ce qui commence à agacer Parker.

Maddie est arrivée il y a une heure et nous avons discuté des différentes possibilités pour les articles à vendre au sein de la boutique. Pour elle, l'idéal est de posséder un stock suffisant d'équipements pour l'équitation afin de satisfaire les érudits, sans oublier les touristes et leur joie de repartir avec des souvenirs de leurs expériences. Je suis pour l'idée de faire fabriquer aux entreprises locales des jouets pour les enfants. Un bon nombre de boutiques artisanales, établies à Chugwater et Rapid City, pourraient très bien convenir au projet. J'ai aussi l'intention de vendre des livres de photos, directement prises par un professionnel de Cheyenne que j'ai contacté par téléphone.

Parker avait accepté de passer le certificat l'autorisant à donner des cours d'équitation. Pour lui, c'est une simple formalité mais le ranch n'en sera que plus visité.

Enfin, les boxs qui sont encore non occupés pourraient servir pour les chevaux malades en attendant qu'ils se rétablissent. La vétérinaire du village est adorable et serait d'accord pour conclure un contrat de partenariat avec Parker.

Pour accueillir les saisonniers qui seront chargés d'aider à la gestion de l'ensemble du ranch, les granges doivent être aménagées en conséquence. Je voudrais créer des dortoirs accueillants afin de donner envie aux travailleurs de revenir.

Maddie écoute toutes mes nouvelles idées en partageant ses points de vue. Je lui tends une sorte de cahier des charges complété au fil de ma semaine et de mes rencontres. J'ai à cœur de ne pas partir sans avoir rempli ma part du contrat. Cela fait entièrement partie de la promesse que j'ai faite à Parker, et j'ai bien l'intention de tenir parole.

— Je ne veux pas y aller !

— Ce sont tes amies, tu devrais faire un effort Lily.

Parker tente de convaincre sa fille de descendre les escaliers pour se rendre à sa soirée. Je comprends l'insistance d'un père qui souhaite que sa seule fille adopte un comportement « normal » avec les autres enfants de son âge. En revanche, je suis contre l'idée d'obliger quelqu'un à faire quelque chose qu'il n'a pas envie.

Je ne me sens pas dans le droit d'intervenir mais décide tout de même de m'adresser directement à Lily :

— Ma puce ? Viens me voir.

Elle tourne ses magnifiques yeux verts en direction de moi et Maddie et se décide finalement à descendre les escaliers pour nous rejoindre. Elle a déjà son sac sur le dos et est prête à partir, pourtant sa réticence est réelle. La peur se lit dans son regard sans parler de ses petites mains qui serrent fort les brides de son Eastpack.

— Dis-nous ce qui te tracasse.

Lily semble hésiter mais s'assoit finalement sur une chaise. Elle tape nerveusement sur ses genoux et refuse de relever la tête pour croiser notre regard. Maddie me fixe comme si j'étais capable d'effectuer un miracle. Je lui intime silencieusement de se taire et d'attendre que la petite se décide à parler. Nous n'avons pas longtemps à patienter :

— Je ne sais pas pourquoi ces filles m'ont invitée à une de leurs fêtes. D'habitude, elles préfèrent se moquer de moi et m'humilier devant le reste des élèves. Je trouve leur attitude étrange et je n'ai pas confiance.

Je ne sais pas quoi dire. J'avoue que l'idée que des filles de onze ans puissent changer d'attitude du jour au lendemain me rend septique. Mais ne doit-on pas apprendre aux enfants à se socialiser et faire confiance aux personnes qui l'entourent ? Même si cette façon de voir est naïve, Lily a sûrement besoin qu'on la rassure sur les sentiments humains.

— Elles n'ont pas forcément une mauvaise idée derrière la tête. Peut-être qu'elles s'en veulent d'avoir été méchantes avec toi ?

Après la tirade de Maddie, Lily et moi regardons la jeune femme en haussant un sourcil. Sérieusement ? Des pestes de onze ans ? Sont-elles vraiment capables d'avoir des remords ?

Maddie lève les yeux aux ciels et capitule devant nos regards septiques. Elle se lève et me laisse seule en tête à tête avec Lily :

— Je peux comprendre ta méfiance. Si jamais tu ne te sens pas très bien, tu as toujours mon numéro pour m'appeler, à n'importe quelle heure ! Je ne te laisserai pas tomber.

Cette dernière phrase me fend le cœur car, après sa fête d'anniversaire, je compte m'éclipser en lui laissant simplement un message vocal sur son téléphone. Oui, je sais : « pas très cool ». Je crois qu'en réalité je me protège. Je ne suis pas sûre de pouvoir supporter la déception et la tristesse apparaître dans ses yeux si innocents.

— Bon, Lily ! Il faut y aller si tu ne veux pas être en retard.

Parker tape en souriant sur sa montre pour signifier que l'heure n'est plus aux discussions.

À ma grande surprise, Lily descend de sa chaise et me sert dans ses bras en déposant un léger baiser sur ma joue. Elle n'avait jamais eu un tel geste d'affection avec moi. D'habitude, c'est Maddie qui a le droit aux câlins et à tout ce qui s'en suit.

Quand elle s'éloigne, un large sourire illumine son doux visage :

— Tu viendras me chercher si les choses tournent mal ?

— Je te le jure !

— Croix de bois, croix de fer,

— Si je mens je vais en enfer.

Sur ces mots, elle me fait un timide signe de la main et court rejoindre son père qui est déjà sur le perron. Je les regarde s'en aller et prie intérieurement pour que les choses se déroulent parfaitement bien.

Quelques heures plus tard, je retourne chez Nana avec Maddie. Mon regard se porte toutes les cinq minutes sur mon téléphone, appréhendant un message d'alerte de la part de Lily.

Après avoir mangé le délicieux repas de Nana, nous nous dirigeons tous dans nos chambres respectives. Je ne mets pas longtemps à m'effondrer dans les draps propres et frais de mon lit.

La sonnerie de mon téléphone me réveille et il me faut un moment avant de sortir de mon état comateux. Quand je jette un œil à l'écran, je me rends compte qu'il est seulement trois heures du matin. La photo de Lily s'affiche. La fille de Parker est en train de m'appeler ! Je décroche immédiatement, prise d'une forte angoisse :

— Lily ? Tout va bien ?