Équipe Dante/Parker (partie 2)
Un raclement de gorge nous surprend. Dante nous regarde d'un air gêné et me lance un bref signe de tête pour me faire comprendre qu'il est l'heure de partir.
Après de nombreuses promesses, des embrassades à n'en plus finir et des mots plein de douceur, c'est le cœur lourd que j'observe Chugwater s'éloigner par la vitre côté passager de la voiture de Dante.
Nous ne prononçons pas un mot durant tout notre périple. Les seules phrases que nous échangeons sont de l'ordre de : « on s'arrête pour manger », « je vais payer l'hôtel », « tu es dans la chambre 309 ». Il est impossible de déceler les pensées du frère d'Alessia. Ce mec est une muraille à lui-seul ! Parfois, je l'entends adresser une prière au ciel, à d'autres moments il paraît joyeux et enjôleur avec les jeunes femmes que l'on rencontre sur notre chemin. Pourtant, ses réactions sont vides, exemptes de toute émotion, comme si une sangsue des sentiments lui avait ôtée toute forme de vie. La souffrance se lit sur son visage, elle est peinte sur ses traits durs et sévères.
J'apprends notre destination qu'au dernier moment : Milwaukee dans le Wisconsin. La belle région des Grands Lacs des États-Unis nous offre ses plus beaux paysages. Cela fait une semaine que nous voyageons et malgré le fait d'avoir grandi aux États-Unis, je ne suis jamais sorti du Wyoming. Les Rocheuses sont exceptionnelles à regarder, mais les plaines du Nord sont à couper le souffle.
Mes yeux essayent d'imprimer toutes les belles choses devant lesquelles Dante passe en voiture. Un jour, j'y emmènerai Alessia. Voilà que ma belle italienne aux yeux émeraude envahit à nouveau mon esprit. Son sourire ferait fondre la glace de l'Antarctique et créerait le plus grand cataclysme climatique jamais connu à ce jour. Des images d'un futur à ses côtés osent se matérialiser derrière mes paupières : une maison, Lily et elle riant aux éclats, peut-être un chien.... Ne t'évade pas Parker ! Reste concentré ! Comment suis-je devenu aussi romantique et gnangnan ? Je suis atteint du virus le plus connu de l'univers : l'amour. Ceux qui l'attrapent sont les plus chanceux du monde et je m'estime heureux d'être tombé malade.
— Nous sommes arrivés.
Lorsque je me retourne vers Dante, il observe une immense tour de verre : le Potawatomi Hotel & Casino. Ses gestes sont rapides et stressés et, quand il sort de la voiture, il est aussi angoissé que l'était Lily lors de son premier jour d'école. Je ne mets pas longtemps à le suivre et me rend compte que mes mouvements sont aussi saccadés que les siens, si ce n'est plus.
Arrivé à la réception de l'Hotel, Dante décline son nom en omettant de me présenter. Avec un large sourire, l'hôtesse lui indique le restaurant « Canal Street Café » où, pour la citer, « ils nous attendent ». Mon estomac commence à se tordre et l'appréhension gagne ma poitrine, là où mon cœur bat la chamade. Alors que nous nous dirigeons vers le Diner, Dante me prend brusquement à part en me cachant derrière un renfoncement.
— Écoute, les personnes que l'on va rencontrer ne sont pas des enfants de cœur. Ce sont les membres de la Cosa Nostra expatriés aux États-Unis. Comme je suis italien, ils ont bien voulu me laisser une chance de prouver ma valeur au sein de leur clan, mais pour toi, c'est une autre histoire. Alors, un conseil : ne prononce pas un mot, ne réagis pas aux provocations, et surtout, ne te présente pas. Je m'occupe de tout.
Je suis bien obligé de lui faire confiance. Dante est un des seuls humains sur terre à vouloir, autant que moi, sauver Alessia. Comprenant que je le suis, il relâche ma chemise et nous avançons tous les deux vers le restaurant, ne sachant, ni l'un ni l'autre, si nous en ressortirions vivants.
Le « Canal Street Café » est entièrement vide, comme s'il avait été réservé pour notre petite réunion avec « ces messieurs de la mafia ». Des fauteuils en rotin avec des coussins de la couleur des rubis remplissent la salle. J'observe des tables en bois d'ébène où trônent de magnifiques ensembles floraux. Cinq hommes vêtus de costumes trois pièces gris anthracite font un signe de la main à Dante. Le dos droit et avec une assurance qui m'impressionne, il prend place aux côtés de ces criminels.
— C'est qui l'amerlo ?
— C'est un garde du corps et mon détective privé. Il est super efficace. Ne t'inquiète pas, Mario, il est réglo.
Dante m'a visiblement trouvé une nouvelle profession et des capacités que je ne possède absolument pas. J'espère ne pas avoir à montrer mes aptitudes en la matière, sinon ils vont être sacrément déçus, dans le meilleur des cas.
— Alors, dis-nous, mon petit De La Rivera, as-tu fait ce que l'on t'a demandé ?
— Le deal s'est passé comme prévu.
— Bien. Tu voulais me demander quelque chose je suppose ?
— Interpol.
— Et bien quoi ? Qu'est-ce que tu leur veux à ces chiens ? Plus tu t'en tiendras éloigné, mieux tu te porteras !
— Ils ont ma sœur.
— En quoi c'est notre problème ?
Le dialogue se tient entre ce Mario et Dante, sans qu'aucun des autres n'interviennent. Ce sont sûrement des agents de sécurité vue la manière dont ils observent les alentours comme des chiens de garde. Une seule femme déteint dans cet univers masculin. Ses cheveux, aussi noirs que la table d'ébène, sont attachés en une tresse sophistiquée posée sur son épaule. Elle porte une robe rouge agrémentée d'une tulle qui lui descend jusqu'aux chevilles. Ses escarpins vernis lui donnent des jambes immenses. Elle ne doit pas avoir plus de vingt-ans mais elle dégage la sophistication d'une femme plus âgée.
Ses yeux améthyste restent fixer au sol, comme si elle avait peur de relever la tête sans qu'on lui ait donné l'autorisation. La main dodue du fameux Mario est posée sur l'une de ses cuisses, signifiant qu'il la possède, son corps et son âme.
Malgré la peine que je ressens pour cette fille, j'essaye de me concentrer sur les paroles de Dante. Une véritable négociation est en marche :
— Je peux faire en sorte que certains chiens enragés des services secrets qui travaillent avec Interpol ne t'embêtent plus sur ton territoire. Je sais qu'une muselière ne sera pas suffisante mais je peux toujours utiliser des manières plus radicales. Je ne reculerai devant rien pour sauver ma sœur.
Mario se frotte le menton et fixe tour à tour les membres de son assistance. Puis, ses yeux noirs injectés de sang se mettent à fixer Dante avec une intensité nouvelle. Un sourire sardonique éclaire son visage de tueur et il tend une main vers le frère d'Alessia. Après cet échange, mon compagnon de route se lève brusquement et m'invite à le suivre. La fin de la négociation a été jouée dans le silence.
Alors que je pense, avec soulagement, que l'on peut à nouveau respirer, loin de ces criminels, Mario hèle Dante une dernière fois :
— Tu n'as pas intérêt à me décevoir. Les temps sont durs en ce moment, et je n'ai pas besoin de sales rats qui infestent mes affaires.
— Je tiens toujours mes promesses, tu devrais le savoir mieux que quiconque.
Sur ces dernières paroles, nous quittons enfin cet Hotel aux fréquentations douteuses. J'ai la chair de poule et une brise glaciale remonte le long de mon épine dorsale. Il est impossible de deviner exactement les projets de Dante, ses yeux sont insondables et seule sa démarche assurée et franche me rassure.
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