Balade à Chugwater (partie 2)
Je commence à accélérer la cadence quand je sens qu'Alessia est plus à l'aise. Je ne cesse de me retourner pour vérifier que tout se passe bien et qu'elle prend du plaisir à chevaucher Storm sous le soleil du soir. Je l'emmène dans mes coins préférés et le plus beau spectacle est de voir ses yeux s'émerveiller devant les paysages de mon pays. Des montagnes clairsemées de plaines aux couleurs dorées de l'été s'étendent devant nous. Même si j'ai toujours vécu au Wyoming, je ne me suis jamais lassé de cette vue magnifique.
Je décide de m'arrêter en haut d'un chemin de terre qui surplombe Chugwater. J'aide Alessia pour qu'elle descende de "Storm" sans se blesser. Quand mes mains immenses se posent sur ses hanches, je la sens trembler sous mes doigts. Elle reste plus que nécessaire dans mes bras, mais je sens que je ne me lasserai jamais de son contact.
Quand elle se tourne vers la vue qui s'offre à nous, elle retient son souffle. Le soleil commence à se coucher sur le village et les lumières roses et orangées se mélangent pour former un spectacle éblouissant. L'émerveillement que je lis dans la profondeur de ses yeux suffit à m'émouvoir. Je m'approche discrètement d'elle, le vent souffle tellement fort que sa chevelure paraît encore plus sauvage. Je l'entoure délicatement de mes bras. Elle est tellement fine que j'ai la sensation d'être un géant à ses côtés.
Alessia posa ses mains délicates sur les miennes et referment ses doigts sur mon poignet pour me signifier son émotion. Elle aussi est subjuguée par le spectacle et ne sais pas quoi dire. La seule chose qui sort de ma bouche est complètement stupide :
— Quelle chanson tu chantais quand tu repeignais le magasin de ma mère ?
— Hein ?
Elle se retourne vers moi l'air étonné. Sans doute qu'elle n'a même pas fait attention à ce qu'elle faisait lorsqu'elle travaillait. Ça m'arrive aussi de chantonner pendant que je nourris les chevaux mais je ne me rappelle pas toujours l'air que j'ai murmuré la veille si l'on me pose la question de but en blanc.
— Ta voix est juste magnifique, je tenais à te le dire.
— Si je chantais en italien c'est sûrement Laura Pausini. Ma mère était une fan incontestable de cette chanteuse et elle ne manquait jamais une occasion pour nous rabattre les oreilles avec ses chansons pendant qu'elle faisait de la peinture ou qu'elle lisait.
À l'évocation de sa mère, un sourire triste apparaît sur le visage d'Alessia. Je ne voulais pas lui faire de la peine mais j'ai lamentablement échoué. Nana et Maddie n'arrêtent pas de me répéter que je manque cruellement de tact, j'en ai la preuve formelle à l'instant.
Soudain, je la sens se raidir, ses épaules se mettent à tressauter sous le coup de l'émotion et ses yeux se révulsent. J'essaye de la secouer pour qu'elle revienne de son absence, mais elle fixe le coucher de soleil sans oser faire le moindre geste. Je suis complètement désemparé face à sa réaction. Elle paraissait aller bien et elle semblait prête à me confier un peu plus d'éléments sur son ancienne vie. Mais tout ce que j'aperçois sur son visage c'est une peur vorace qui la dévore corps et âme.
Je me mets juste devant elle et tente de la ramener à la réalité, sans succès. Ses mains se lèvent devant elle, comme si elle tentait de se protéger de moi. Elle recule de quelques pas, le regard vide et les membres tremblants.
— Alessia ?
— Ne me touche pas ! Je ne veux plus que tu poses la main sur moi !
J'essaye de l'approcher mais à peine je fais un pas qu'elle tombe à terre, une de ses mains est brandi devant moi pendant que l'autre l'aide à ramper. Elle est assise au sol et joue des pieds comme pour m'échapper. Elle est terrifiée et ses lèvres murmurent des mots que je ne parviens pas à entendre.
Je tente de la calmer en lui disant que tout va bien mais mes paroles ne sont que des coups d'épée dans l'eau.
— Tu mens ! Assassin !
C'est là que je comprends qu'elle ne me voit plus. Elle est dans une dimension parallèle où je suis incapable de rentrer. Il faut à tout prix que je la ramène et tant pis si elle me déteste mais je décide de me jeter sur elle. Elle remue et pleure mais j'arrive à contenir tous les coups qu'elle me porte. Elle est tellement fine qu'elle serait incapable de me faire du mal même si elle le voulait. Alessia se calme d'un coup, j'ai l'impression d'avoir gagné la manche, mais au moment où je baisse ma garde, elle m'envoie un coup de pieds dans l'entrejambe. Je retire ce que j'ai dit : "elle m'a vraiment fait mal".
Elle se met à courir et je me lance à sa poursuite. Nous avons harnaché les chevaux quelques mètres en bas pour pouvoir monter observer le coucher de soleil. Je la vois tenter de détacher Storm de l'arbre et je n'ai pas le temps de la rattraper qu'elle a déjà chevaucher le bel étalon. Elle n'est jamais montée et pourtant elle lance le mustang au galop pour m'échapper. Il faut que je la rattrape avant qu'elle ne fasse une chute mortelle et que je m'en veuille le restant de mes jours ! De toute façon, je n'aurais pas à attendre longtemps, Dante sera sûrement là pour me loger une balle entre les deux yeux.
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