5 - Rebondir
La nuit tombe doucement sur la petite ville, assombrissant lentement les locaux de Baco entreprise, sans que Délia n'ait rebroussé chemin.
Les employés quittent l'un après l'autre l'entreprise sans oser déranger le grand patron. Personne dans ses plus proches collaborateurs, n'a osé émettre un doute sur le licenciement de Délia, que ce soit en personne ou par message.
Gilles derrière son écran d'ordinateur regarde sa boîte de courriel se remplir au fil des minutes. Tous sont adressés à Délia. Depuis quand a-t-elle pris une telle importance dans l'entreprise ?
Il a tenté un coup de poker et il a perdu ! Provoquer une réaction chez elle était une bonne idée sur le papier mais c'est l'inverse qui est arrivé. Il avait imaginé qu'elle le supplierait de la garder. Qu'elle trouverait une solution pour sauver son emploi. Qu'elle aurait été prête à tout pour ne pas perdre le job qu'elle aime tant. Jamais il n'aurait pensé qu'elle prenne la mouche si vite et encore moins qu'elle abandonne la partie.
Mais il avait oublié une donnée essentielle dans son équation. Délia n'est pas la même femme lorsqu'elle suce sa queue que celle qui contre leurs fournisseurs, obtient les délais nécessaires et fait trembler les murs au son de sa voix.
Son plan a foiré. Il a non seulement perdu une femme qui aimait s'amuser comme lui, mais en plus un élément essentiel pour son entreprise.
Il va s'en mordre les doigts... Et il le sait !
De son côté, Délia a épluché son carnet d'adresses en sélectionnant les quelques employeurs pour qui elle aimerait travailler mais hésite à décrocher son téléphone.
Comment expliquer qu'elle soit libre immédiatement sans dire qu'elle a été licenciée ? Comment expliquer cette perte d'emploi ? Et surtout la perte de ce contrat faramineux ? De plus, Gilles l'a sans doute déjà grillée partout.
Jamais elle ne retrouvera un emploi digne de ses compétences et aussi intéressant. Elle en a conscience. Même si Baco n'est pas le seul sur le marché, l'éthique de l'entreprise lui convenait et depuis le nombre d'année qu'elle y travaille, elle a le sentiment que c'est aussi un peu son bébé. Elle a grandement contribué à son succès.
Elle s'effondre sur son lit, allongée sur le ventre, enfouissant le visage dans son oreiller et laisse passer les minutes sans plus bouger. Les idées tourbillonnent dans son esprit et le décalage horaire a raison de son énergie.
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Le mardi, elle fait de l'ordre dans son appart, s'occupe de tout ce qu'elle n'a jamais le temps de faire, comme le tri dans sa penderie, ranger sa bibliothèque, mettre à jour sa comptabilité... tout pour éviter de repenser à la veille et à cette journée qui n'en était pas une. Du moins qui ne ressemblait à aucune autre.
Le mercredi, elle se réveille en sursaut. Après un rapide coup d'œil à l'horloge, elle saute du lit, file sous la douche et c'est uniquement quand la mousse du shampoing lui brûle les yeux qu'elle se souvient qu'elle n'est attendue nulle part. Elle n'a plus de boulot !
Baisser les bras ? Très peu pour elle ! Pôle emploi ? Pis quoi encore ! Un chasseur de tête ? Eventuellement. Mais d'abord...
Et si elle faisait changer d'avis Gilles et son conseil d'administration ? Ce boulot c'est sa vie. Elle y a passé tant d'heures, qu'elle se sent en vie qu'en y travaillant. Depuis deux jours, elle tourne en rond entre ses murs et la salle de sport en bas de la rue. Deux jours seulement et déjà elle ressent un manque. Elle ne peut pas imaginer un autre quotidien.
Elle se prépare avec minutie, sans être trop sexy, juste professionnel avec un tailleur pantalon très classe. Elle refuse de retrouver son boulot parce qu'elle se serait trémoussée sous le regard de son patron. Ancien patron.
Elle avait accepté de batifoler avec lui, sachant son emploi en sécurité et ne pouvant plus gravir les échelons. Elle était parvenue au sommet avant de lui prodiguer sa première pipe. Jamais, il ne s'était permis un geste déplacé envers elle avant qu'elle n'accepte de devenir son bras-droit. Elle n'avait pas suffisamment de liquidité pour devenir actionnaire de l'entreprise et les prises de position, elle voulait les faire face aux clients, pas face aux banquiers qui ne connaissaient rien à la réalité du marché. Elle était compétitrice, et adorait l'affrontement, la bataille pour remporter un contrat ou un prix inférieur aux prédictions. C'était ça, son univers et pas d'amasser des millions et faire du lèche-botte aux autres actionnaires.
Pendant ce temps, Gilles a nommé provisoirement Céline au poste que Délia occupait précédemment. Etant sa plus proche collaboratrice, elle est la mieux placée pour répondre aux nombreuses sollicitations. Il vient d'engager une intérimaire pour la seconder, mais Céline n'y arrive pas. Elle a terminé sa première journée au milieu de la nuit, son esprit est en constante ébullition depuis deux jours, de peur d'oublier quelque chose. Et ce mercredi matin ne fait pas exception.
Assis derrière son ordinateur, Gilles tend le bras vers son téléphone, d'un geste mécanique, alors que ses yeux lisent : « Délia » sur l'écran de l'interphone. C'est bien son poste, son bureau, mais ce ne sera plus elle au bout du fil. Il n'entendra pas sa voix dans le combiné.
- Oui Céline, soupire Gilles pas plus surpris d'être dérangé de si bonne heure par la remplaçante de Délia.
- J'y arriverai pas, Monsieur. C'est au-dessus de mes forces.
- C'est provisoire. Je vous l'ai dit. Faites simplement comme lorsqu'elle était en déplacement.
- Mais ce n'est pas pareil, Monsieur. Elle s'occupait elle-même de ses mails, le soir à l'hôtel et elle m'accordait toujours un créneau d'une demi-heure pendant son petit déjeuner pour répondre au plus urgent.
- Lundi, Céline ! Lundi j'aurai trouvé une solution.
- Non, Monsieur réplique cette dernière d'une petite voix tremblante. Aujourd'hui où je laisse tomber.
- Céline ! tonne Gilles.
Mais il s'interrompt et sort de son bureau en réalisant que son employée est en larmes au bout du fil. Il parcourt les quelques mètres qui le séparent de l'ancien bureau de sa maîtresse. A peine entré, il est surpris de voir à quel point Délia manque à cette pièce. Pas seulement parce qu'elle a pris le tableau qui était accroché au mur. Il manque son aura, son parfum, son énergie, le bruit de ses talons sur le marbre, sa bouille sérieuse et toujours accrochée à son téléphone lorsqu'il venait la voir.
Plus d'une fois, c'est lui qui s'était glissé entre ses cuisses, relevant sa jupe, écartant le bout de dentelle ou la ficelle qui décorait si parfaitement son intimité. Il parvenait parfois à la faire jouir alors qu'elle menaçait son interlocuteur de passer commande ailleurs. Elle était sublime dans son rôle et ça avait un effet incroyable sur leur libido à tous les deux. L'entendre ordonner le rendait dur au possible.
Il déglutit, ferme les yeux une seconde. Même son sexe semble reconnaître l'endroit et commence à durcir, caché sous son pantalon en lin.
Il prend une respiration plus profonde et observe l'assistante se redresser. Elle essaie de reprendre son sang-froid sans réellement y parvenir. Gilles contourne le bureau, pose une main sur son épaule d'un geste fraternel en affirmant :
- Je vais trouver une solution. Parez au plus urgent.
- Bien, hoquète-t-elle.
- Mais d'abord, prenez une pause. Allez vous rafraichir.
Céline lui sourit en grimaçant, se mouche bruyamment et laisse le siège à son patron. Elle quitte la pièce et rejoint les toilettes pour se rincer le visage et refaire son maquillage.
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