34 - Avoir l'air coupable
L'épouse poursuit ses pas, s'approche du canapé en marchant très lentement. Gilles suffoque, ne manque aucun de ses gestes. Si elle découvre Délia accroupie derrière le canapé, ils n'auraient aucune excuse à lui fournir. Aucune ! Sauf celle de cacher leur relation aux autres membres du bureau. Mais il refuse de prendre le moindre risque concernant son mariage.
Il tente de faire diversion, mais Lucretia l'interrompt.
- Tu ne comptes pas finir de t'habiller ? se moque-t-elle en prenant place sur le sofa.
- Mais je suis...
- Pieds nus. Ta chemise est un peu froissée et ton pantalon... enfin... c'est pas génial. Comme ta ceinture à moitié fermée ! Va t'arranger ! Je t'attends.
Délia retient sa respiration. Elle voit la chevelure de Lucretia à seulement quelques centimètres d'elle, l'entend tapoter ses ongles sur l'accoudoir ainsi que ses soupirs d'exaspération.
Délia se pince les lèvres, et tente de se calmer pour éviter que son corps la trahisse mais c'est peine perdue. Même si elle est passée maîtresse dans la gestion du stress au boulot, là... Elle n'y parvient pas. Elle sent des gouttes de sueur perler dans sa nuque.
Gilles admire sa tenue, remet sa chemise à l'intérieur de son pantalon, lisse l'ensemble de sa tenue tout en gardant son épouse dans son champ de vision, vérifiant le moindre de ses gestes. Il enfile ses mocassins rapidement sans même prendre la peine de mettre des chaussettes. Il tend les bras de chaque côté de son corps et montre le résultat.
- C'est mieux ?
- Bof. Le costume bleu nuit d'Armani aurait été parfait. Tant pis.
- Ce sont les chiffres de l'entreprise que les actionnaires veulent voir. Pas la couleur de mon costume.
- Passe une veste, quand même mon chéri. Tu as une cravate ? Et pour le rasage ?
- Je n'ai pas le temps, Lucretia. Ça ira... Ils m'ont déjà vu avec une barbe de trois jours.
- C'est vrai. Mais là, ça fait un peu... négligé.
Gilles attrape sa veste qu'il enfile rapidement et tend une main à son épouse. Il faut à tout prix qu'il l'éloigne de Délia. Le parfum de la jeune femme est le même que celui de son épouse, heureusement. Un peu à cause de lui, il doit bien l'admettre, mais ainsi, il évite de revenir avec une odeur différente chez lui. C'est ainsi que Lucretia ne l'a jamais soupçonné.
Mais là, à cette distance, un simple geste, un toussotement, un déglutissement et sa femme se retournerait et tomberait nez à nez avec son amie qui ne le resterait pas après cette découverte.
- Viens dans la salle de conférence. Tu veux un café ? Un jus d'orange ? Tu as pris ton petit déjeuner ?
- Je n'ai rien pu avaler. J'étais si inquiète, entend encore Délia avant de comprendre qu'elle est enfin seule dans la pièce.
Elle ose un regard par-dessus le canapé, se redresse lentement, et grimace des courbatures ressenties. Elle s'avance près de la porte que Gilles a eu la bonne idée de laisser entrouverte. Elle écoute attentivement les bruits extérieurs, ouvre davantage la porte, se détend en voyant personne dans le couloir. Elle quitte le bureau, mais avant de pouvoir rejoindre le couloir, Lise apparait. Elle la toise froidement, fronçant les sourcils.
- Que faites-vous ici ? demande-t-elle un ton trop sévère.
Délia panique une seconde, mais se reprend rapidement :
- Je ne trouve plus mon téléphone. Vous ne l'auriez pas vu par hasard ? annonce-t-elle.
Son cœur bat à tout rompre. Est-ce que Lise va la croire ? Placée comme elle l'est, il est peu probable qu'elle soit arrivée par l'ascenseur. De plus, aucune réceptionniste ne l'a vu. Si Lise leur demande, son excuse tombe à l'eau. Mais son regard froid et l'assurance dont elle fait preuve semble suffire à Lise qui ouvre la porte du bureau en disant :
- Vous avez dû le laisser tomber hier soir... pendant que... enfin, lorsque j'étais sur le canapé et que vous m'aidiez à...
Délia sourit. Le prétexte trouvé par Gilles vient de fonctionner. Elle regarde Lise entrer dans la pièce, prendre le téléphone et en ressortir avant de le lui rendre.
- Madame et Monsieur Baco sont déjà en salle de conférence. Ils vous attendent.
Délia s'éloigne rapidement de Lise. Maintenant qu'elle est sortie de l'antre, il faut qu'elle trouve une excuse pour pouvoir aller se changer avant que Lucretia ne reconnaisse les vêtements de Gilles. Délia sait que son patron ne choisit aucun de ses costumes et Lucretia doit évidemment tous les connaître par cœur.
Elle contourne la réception sans saluer les deux jeunes femmes, cherchant une excuse pour faire demi-tour et rentrer chez elle. Sans en trouver une seule. Son cerveau bouillonne de peur et ne parvient pas à faire la part des choses. Elle marche à l'aveugle, d'un rythme rapide sans relever le visage comme à son habitude. Elle passe devant la salle de conférence et se fait immédiatement happé par son amie.
- Délia !
Cette dernière se pétrifie sur place en reconnaissant la voix de Lucretia. Elle tourne sur elle-même et tente un sourire qu'elle espère sincère. L'épouse vient l'embrasser rapidement :
- Gilles m'explique votre stratégie. Tu te joins à nous ?
- Je... euh... Merde. Le rendez-vous... c'est ce matin ? tente Délia pour faire diversion.
- Dans 45 minutes, oui, annonce Gilles en regardant sa montre. Lucretia... J'ai encore plein de choses à t'expliquer. Tu peux revenir t'asseoir, s'impatiente-t-il. Tu as pris ton dossier ? demande Gilles en faisant un clin d'œil à Délia.
Elle se pince les lèvres et secoue la tête.
- J'ai confondu. J'ai cru qu'on était mardi. Excusez-moi. Je fais l'aller-retour en quelques minutes. Je peux vous emprunter Georges ?
- Evidemment. Mais grouille ! grommelle Gilles.
- C'est étrange. Elle semble avoir la tête ailleurs ces derniers temps, non ? s'étonne Lucretia en reprenant sa place près de son époux.
- Tu trouves ? Pas plus que d'habitude.
- C'est vrai que tu l'avais viré à cause d'un oubli.
- Lucretia... tu peux être attentive, deux minutes ?
Elle hoche la tête et replonge dans la lecture des nombreux papiers.
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