Chapitre 3
Bon.
Je me suis peut-être bel et bien emballée.
Du moins, je suis obligée de reconsidérer la chose maintenant que je me trouve face à ces deux êtres farfelus qui me regardent avec les yeux remplis d'étoiles depuis que j'ai ouvert leur cage.
Il y a manifestement eu une erreur de direction.
— Vous êtes qui ? demandé-je déstabilisée.
— Ron et Ron.
Petit patapon ?
Liam se tape le front.
— Je savais que ça ne pouvait pas être aussi facile, se désole-t-il.
— Et, vous êtes quoi, au juste ?
Je les détaille avec perplexité. Les gobelins devraient vraiment revoir leurs descriptions...
Le monstre de muscles en question est un duo de créatures à la carrure assez standard et mesurant une tête de moins que moi. Enfin, j'imagine que pour des êtres qui en font deux de moins, ça peut paraître impressionnant.
Leurs yeux ressortent fluo dans la pénombre, mais la première les a jaunes, et ceux de son homologue masculin sont bleus. Le « brun » de leur chevelure est uniquement dû à la boue qui les recouvre.
C'est le problème avec la traduction magique. Elle est littérale. Ce qui dénature parfois le sens des phrases de la langue d'origine, qui possède ses propres codes et expressions.
— On est moitié troll, moitié broonie, m'annonce fièrement Ron numéro 1.
Je fronce les sourcils.
— Comme le biscuit ?
— C'est qui, çui-là ?
— Un gâteau.
— Connais pas.
Ils seraient donc frère et sœur ? C'est vrai qu'on peut difficilement passer à côté de la ressemblance.
Mis à part la couleur de leurs iris, c'est comme si l'on avait fait un copier-coller de la première pour façonner le second. Ou inversement. Leur torse est imberbe, mais le reste du corps est entièrement recouvert par de longs poils, qui sont en réalité verts si j'en crois les quelques zones non boueuses qui apparaissent de-ci de-là.
On dirait un mix entre Bigfoot et le cousin Machin, en taille réduite.
Quoique... le cousin Machin ne semble pas si grand.
J'avise les deux énergumènes face à moi.
— Je t'aime, m'annonce le premier.
— Non, le contredit la seconde. C'est moi qui t'aime !
Après quoi, ils se mettent à se coller des beignes pour savoir qui aura l'honneur de m'accorder son amour.
Oh ! Alors ça, c'est trop chou !
— Je vous autorise à m'aimer tous les deux, les poussé-je au calme après avoir profité de leur prise de bec durant cinq minutes.
— Tu vois, Ron, je te l'avais dit.
— T'as rien dit, Ron.
— Par contre, ça ne va pas le faire, les stoppé-je encore une fois.
Tout le monde s'appelle comme ça, en ce moment... Aaron, mon regretté morceau de Méduse, les deux hurluberlus...
— Ça vous dérange si je revois un peu vos sobriquets ?
— Non, me répondent-ils en chœur, l'air heureux.
— Parfait ! Alors, toi je t'appellerai Rondelle, décidé-je en pointant la première du doigt...
Son visage s'illumine aussitôt.
— Et toi, tu seras Rondin, désigné-je le second.
— Youpiii !
— La déesse de la délivrance nous a baptisés !
— Oh ! Vous savez qui je suis ? m'émerveillé-je à mon tour.
— Oui, regarde, on a conservé précieusement ton portrait !
Rondin sort une feuille de papier chiffonnée et à moitié arrachée de sa poche. Il me la tend, tout sourire.
Liam se penche par-dessus mon épaule, aussi curieux que moi de découvrir ma trombine.
— Ils ont raté ma bouche, boudé-je.
— Un avis de recherche ? s'étonne le Kerberos. Où l'avez-vous trouvé ?
— Dans le hall d'un portail, pas très loin.
— Han ! m'écrié-je. Tu crois que c'est Ronron qui l'a déposé là ?
— Ah non, c'est pas nous.
Liam affiche un air dubitatif.
— Ça m'étonnerait fort. Il n'aurait pas affiché ta tête à la vue de tous.
— T'as raison, et il n'aurait pas foiré mes lèvres, lui, songé-je. Il commence à bien les connaître.
— Elles sont très belles, approuve Rondelle.
— Je les trouve encore bien plus jolies, ajoute son frère. Dis, tu m'offres un caillou ?
Sa sœur lui colle une claque à l'arrière du crâne.
— Ce n'est pas le genre de chose qu'on réclame, abruti !
— Tu es jalouse parce que personne ne t'en a jamais offert un, à toi.
— Okay, les coupe Liam. Nous, on va y aller. Heureux d'avoir fait votre connaissance.
Le duo infernal se retourne comme un seul homme.
— On vient avec vous !
— Pas question.
— Si ! La déesse nous a sauvés.
— Nous lui devons une reconnaissance éternelle.
— Ooooh ! Comme les extraterrestres de Toy Story ! m'extasié-je. J'adoooore !
Je me tourne vers Liam :
— Dis, on peut les garder ?
— Ce serait peu prudent. Ils vont nous ralentir.
— Au contraire, nous sommes très rapides.
— Les gobelins vous ont déjà repérés, objecte le Kerberos. Ils vous pourchasseront dès qu'ils vous verront.
— On se fera discrets.
— Vous vous êtes bien regardés ?
Le frère et la sœur se reluquent sous toutes les coutures avant d'acquiescer, tout fiers.
— S'il te plaît ! Tenté-je de faire plier Liam, en usant de mes yeux de Chat Potté.
Il ferme les siens et pousse un soupir.
— Okay. Vous n'avez qu'à nous mener au portail où vous avez trouvé l'avis de recherche. On avisera une fois sur place.
— Pourquoi tu veux t'y rendre ? On ne devrait pas plutôt chercher à fuir l'endroit si ma caricature y est placardée ?
— Sans doute, mais c'est la meilleure piste qu'on ait eue jusqu'ici. Si on veut retrouver Aaron et les autres, il va falloir prendre des risques.
— En quoi ma tête version Wanted est-elle une piste ?
— Regarde, il manque la moitié de l'affiche. Le morceau arraché devait indiquer comment joindre la personne qui les a déposées. Et si c'est bien celle que je pense, il y a des chances qu'elle connaisse également le sort qui a été réservé à nos amis.
— Tu penses à qui ? Un démon omniscient ?
— Freja.
Je sors les dents.
— Je vais me la faire !
C'est devenu un automatisme chaque fois que j'entends le nom de cette sorcière.
— Avec plaisir, enchaîne Liam.
— Pas trop, quand même, refréné-je ses ardeurs.
Je ne voudrais pas que l'Effreyable en tire avantage.
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