Chapitre 8

Je roule tranquillement au volant de ma DeLorean DMC-12, lorsqu'un gyrophare de police apparaît dans mon rétroviseur intérieur. Sa lumière bleue clignotante fait un peu tâche au milieu de l'ambiance rougeâtre du paysage volcanique alentour.

L'agent en service qui me poursuit arrive à ma hauteur et me fait un signe de la main pour m'ordonner de me ranger sur le bas côté.

Respire. Et garde une expression neutre, m'exhorté-je intérieurement.

Je me gare et j'inspire donc un grand coup, espérant que les traits de mon visage ne laissent rien paraître du gros coup de stress que la présence de cet homme en uniforme me cause.

Je l'observe descendre de son véhicule à travers mon rétro gauche, il enfourche son cheval en plastique et, après une série de bonds de grenouille acrobatique, vient se poster directement sur mon capot.

Le sosie de George Clooney m'examine scrupuleusement avec un air de méchant flic. En y regardant de plus près, je m'aperçois qu'il a en réalité une tête de pomme. Un asticot est d'ailleurs en train de lui mâchouiller la joue.

Je baisse la vitre de mon pare-brise pour entendre ce qu'il reproche à ma conduite impeccable.

— Vous n'êtes pas en règle, m'annonce-t-il en me faisant les gros yeux. Si j'en crois votre plaque d'immatriculation, vous avez omis de mettre votre parcours en ligne avant de prendre la route.

— Mais je suis Wonder Woman ! me révolté-je avec énergie.

— Je m'en contre-fiche, il est interdit de rouler avec des patins à glace par temps d'apokali.

— Comment voulez-vous que je fasse de l'alpinisme si je ne suis pas convenablement équipée ?

— Ce n'est pas mon problème. En revanche, il est clair que votre inconscience met l'humanité en péril. Le lustre que vous transportez à l'arrière n'est pas aux normes établies par l'union européenne.

— Il a pourtant obtenu son bac avec mention très bien, je m'indigne.

— Sortez du véhicule immédiatement. Je dois vérifier s'il n'a pas été trafiqué.

— Mais enfin ! C'est impossible, je l'ai fabriqué moi-même avec de la Patafix.

Ce policier véreux commence à être un peu trop suspicieux à mon goût, et cela m'inquiète fortement. Il ne doit surtout pas se rendre compte que je transporte un cadavre sur la place passager.

Alors que ses lèvres se meuvent pour former des paroles auxquelles il manque soudain le son, j'entends quelqu'un toquer contre la fenêtre conducteur.

Je me tourne vers Harry Potter, à ma droite, pour lui demander ce qu'il me veut et, Aaron, qui est assis à sa place, me crie de lui ouvrir la porte.

BOUM ! BOUM ! BOUM !

Je me réveille en sursaut et je me cogne la tête contre le guéridon de l'entrée. Cela a pour mérite de me sortir immédiatement de l'état semi-comateux dans lequel j'étais visiblement plongée.

Wow ! C'est probablement le rêve le plus étrange que je n'ai jamais fait. D'habitude ils ne sont pas aussi sensés.

Ni aussi longs et détaillés... Pendant un instant, j'ai cru que la porte des enfers allait s'ouvrir et que des milliers de bébés démons allaient se déverser sur Terre.

Une bosse commençant sans doute à se former sur le haut de mon crâne, je découvre que je suis affalée par terre, dans mes vêtements de la veille.

Il faut croire que j'étais tellement fracassée en rentrant hier soir que je n'ai pas eu le temps de rejoindre mon lit avant de sombrer dans les bras de Morphée.

Je m'étire comme un chat de gouttière, puis je me relève laborieusement, avec toutes les articulations qui craquent. J'ai l'impression d'être une vraie grand-mère.

Il fait frisquet ici, non ?

Il va me falloir une bonne dose de cappuccino pour oublier la douleur qui enserre actuellement mes muscles.

Je suis sur le point de rejoindre mon coin cuisine lorsque de furieux coups à la porte se font entendre.

Dans un sursaut de lucidité, je me souviens que c'est ce qui m'a sortie de mon sommeil, un peu plus tôt.

Je fais donc demi-tour et, un petit pas plus tard, j'ouvre à mon mystérieux visiteur.

Sur le seuil, j'ai le plaisir de découvrir Aaron et son expression autoritaire. Un sourire fleurit sur mes lèvres alors que mes yeux dévalent son corps et sa carrure impressionnante.

Il a une fois de plus revêtu son blouson marron en simili cuir qu'il porte ouvert par dessus un t-shirt blanc. Il s'est contenté de passer un simple jean en bas et je dois dire que cette association sans chichi est du plus bel effet. Moulant ses muscles à la perfection.

— Hey, toi ! Contente de voir que tu es bien réel, je l'accueille. Tu es là pour ce problème de Patafix ?

Aaron ne se donne pas la peine de relever. Heureusement, parce que je me rends compte de ma connerie au moment où elle passe mes lèvres.

À la place, il prend le temps de m'inspecter à son tour.

Il hausse un sourcil lorsque ses yeux rencontrent mon décolleté — sur lequel il louche durant une bonne minute.

Heureuse de voir qu'il prend enfin conscience de mes atouts, je bombe le torse pour lui en mettre plein la vue.

Nous avons enfin entamé le premier acte de notre parade amoureuse.

Il était temps !

— Putain, lâche-t-il alors en guise de salutation.

Deux fois de suite, ça ne peut pas être une coïncidence. J'imagine que c'est la façon de dire bonjour des filigays.

Ils ont vraiment des progrès à faire en matière de politesse.

Aaron s'ébroue comme s'il voulait se remettre les idées en place. Cela doit fonctionner puisqu'il semble récupérer ses esprits et m'annonce sans plus de préambule :

— Prépare tes affaires, tu as cinq minutes.

Oh ! Je vois que Monsieur est pressé !

— Inutile, le contredis-je avec chaleur. On peut très bien faire ça ici.

Il m'observe quelques secondes, la mâchoire serrée, semblant peser le pour et le contre.

Laisse-toi tenter, gros cochon, je t'assure que tu ne le regretteras pas.

Je lui offre un clin-d'œil sexy et je me mords la lèvre pour faire pencher la balance du bon côté.

— Je ne suis pas là pour coucher avec toi, Kali, articule-t-il avec difficulté. Enfin, pas... pour le moment... précise-t-il ensuite comme s'il en doutait lui même.

Cet homme passe son temps à aller à l'encontre de ses pulsions, c'est décourageant.

Mais j'avoue que je kiffe entendre mon prénom dans sa bouche.

— Oh ! Redis-le pour voir, je l'implore.

— Ton appartement n'est pas sécurisé, m'ignore-t-il en me lâchant sa bombe comme un cheveu sur la soupe.

— Hein ? Qu'est-ce qu'il a ? Une fuite de gaz ?

— Non... Kali... pas une fuite de gaz, grince-t-il des dents. Mais, tu es devenue une cible ambulante avec ce tatouage sur le front. Il ne serait pas prudent de te laisser rester seule ici. Tu n'aurais d'ailleurs jamais dû partir sans protection, alors magne-toi le cul, on décolle !

— Pourquoi ? On va où ?

— Au refuge.

— Gné ? Quel refuge ?

— Celui dans lequel je t'ai amenée hier.

— Pourquoi vous appelez ça un refuge ? je m'étonne.

C'est bizarre quand même. Est-ce qu'ils s'occupent de bébés animaux ou un truc dans le genre ?

Ce serait super cool !

Je n'ai croisé aucune boule de poils hier, mais je n'ai pas eu le temps d'inspecter toute la propriété, non plus. J'espère qu'ils ont des petits cochons, j'ai toujours adoré les cochons.

— On s'en fout. Bouge ! Et vas t'habiller ! m'ordonne une fois de plus Aaron.

— Je suis déjà habillée, je l'informe.

Enfin, il le voit bien quand même, que je ne suis pas en pyjama.

— Parfait ! s'énerve-t-il sans aucune raison. Dans ce cas, reste comme tu es, si ça te chante. Et contente-toi d'aller faire ta valise.

— Ma valise ? Pourquoi ? On part en vacances ? m'excité-je par anticipation. J'avais justement prévu de partir dans les prochains jours. Il se trouve que j'ai un bon plan dans un hôtel dans le sud...

— Putain ! Non, Kali ! me coupe Aaron excédé.

Houla... faut te détendre du slip, mon p'tit gars ! Si tu n'aimes pas le sud, il suffit de le dire, hein. On peut toujours partir ailleurs...

— Tu vas faire ta valise, m'explique-t-il en hachant ses mots comme s'il avait à faire à une demeurée. Parce que tu vas passer plusieurs jours dans notre refu... notre maison et que tu voudras certainement avoir de quoi te changer une fois sur place. Quoi que... te concernant, j'avoue que ce n'est pas une certitude absolue...

Plusieurs jours ?! Houlaaa, ça fait beaucoup.

Son empressement à me voir le suivre commence à m'inquiéter sérieusement. Je n'aime pas trop découcher, en règle générale et Aaron à beau avoir un cul d'enfer, je me contenterais de quelques heures torrides en sa compagnie.

D'ailleurs, qu'est-ce qu'il compte faire de moi sur une période aussi prolongée ?

— Combien de temps au juste ? je m'enquiers.

J'ai comme un mauvais pressentiment tout à coup.

Je repense à mon rêve : Harry Potter, le cadavre... et toute la scène de la veille avec la baguette bizarroïde me revient en mémoire.

Misère ! Ça ne sent vraiment pas bon pour moi.

— Je n'en sais rien, soupire Aaron. Comme tu le sais, la situation est assez critique.

— Pourquoi ? je gémis.

— Mais, tu sais très bien pourquoi, Kali ! Ne me dis pas que tu as oublié tout ce qu'il s'est passé hier ?!

Oh mon dieu ! C'est sûr, il sait ! Il va me livrer aux flics ! Pire ! Aux chiens des enfers !

— Attends ! je l'arrête paniquée. Ce n'est pas ce que tu penses ! J'ignorais que c'était une arme, je n'ai pas fait exprès de le tuer ! Je te le jure ! Aaron, tu dois me croire.

— Mais, bon sang, de quoi tu parles ?!

Je bugue un instant en le voyant réellement perturbé face à ma réaction. Puis je comprends qu'il n'a aucune raison de savoir que c'est moi la coupable. Après tout, j'étais censée être gentiment enfermée dans ma chambre. Ils ont dû penser que l'assassin était l'un des leurs. D'ailleurs, je crois me souvenir qu'ils avaient mentionné un traître parmi les Cairebéroces...

Merde. Je viens de me griller toute seule, si ça se trouve. Il faut vite que je trouve une parade.

— Heu... commencé-je en tâtonnant. Eh bien... Je parle, heu... de...

Réfléchis, réfléchis !

— Du lustre ! m'écrié-je avec inspiration. Bien-sûr, quoi d'autre ? Ah, ah ! Tu ne pensais quand même pas que je parlais de ce type chelou au regard sexy qui m'a proposé de le suivre dans sa chambre...

— Quel type ? me demande Aaron, manifestement encore plus paumé.

Oups. En fait, il n'était pas du tout au courant.

Mais bien-sûr, bigre d'andouille ! Ils n'ont probablement pas encore trouvé le corps...

Heureusement, un nouvel auto-invité surgit en trombe dans mon appartement, m'épargnant toute réponse.

— Olaf ! m'égosillé-je avec exaltation. Dieu merci ! Te voilà !

— Heu... se contente de répondre le nouveau venu en lorgnant sur mon décolleté avec insistance.

Ça doit faire partie de leurs coutumes.

Il parait déstabilisé une seconde. Puis, après avoir décroché de ma poitrine avec difficulté — je peux le comprendre, c'est qu'il y a du monde au balcon — il jette un coup d'œil suspicieux vers Aaron et inspecte sa tenue à son tour. Comme s'il s'étonnait de ne pas le voir nu.

Ah ! Enfin quelqu'un qui pense comme moi !

Aaron lui renvoie son regard en penchant la tête de côté de façon menaçante, l'air de dire « ne t'avises surtout pas de penser à ce que tu penses ».

Olaf semble alors ravaler son sous-entendu muet.

— Faut qu'on bouge, nous informe-t-il sans perdre plus de temps. Yanis vient de me contacter. Nolan et lui ont repéré la copine de Kali, celle qui l'accompagnait à la Beach Party. Ils l'ont prise en filature, et d'après ses indications, il y a fort à parier qu'elle est en chemin pour ici. Vu qu'ils la collent au cul, ils risquent de débouler d'une minute à l'autre.

— Ton amie, m'interpelle Aaron en se tournant vers moi. La brune qui embrasse les musiciens, là. Tu attendais sa visite ?

— Marge ? je m'étonne. Non, pas que je s... Oh ! Mais si ! Bien-sûr ! Elle passe toujours me voir après avoir conclu ! Pour me faire un état des lieux.

— Ok, c'est bon, on se casse, décrète-t-il brusquement. Tant pis pour ta tenue.

— Heu... tu devrais peut-être laisser Kali se rhabiller quand même, suggère Olaf en rougissant.

— Mais c'est quoi le problème avec ma tenue ? je m'énerve.

Je baisse les yeux vers ma poitrine et je découvre avec surprise qu'un de mes seins s'est fait la malle.

Ah. C'était donc ça le petit courant d'air frais que je ressentais ?

Je devais vraiment être dans les vapes en rentrant cette nuit, parce que je m'aperçois que ma robe est à moitié défaite et que mon soutien-gorge n'est plus là. J'ai tiré la fermeture éclair jusqu'en bas et le vêtement m'offre un décolleté de malade tellement il baille sur le devant. Je comprends mieux pourquoi un de mes mamelons à tenu à faire le mur. Laissez un peu de liberté à ces bêtes-là et elles prennent la tangente sans que vous n'ayez besoin de leur dire deux fois.

— Pas le temps, tranche Aaron alors que j'ai toujours le nez plongé dans mon échancrure.

Il me soulève du sol et passe le seuil en sens inverse comme si je ne pesais pas plus lourd qu'une cacahuète.

Au moins, cette fois-ci, je n'ai pas la tête à l'envers.

J'ai d'ailleurs une pensée nostalgique pour sa paire de fesses.

Je me retrouve à l'extérieur en un rien de temps. Aaron est une monture très rapide.

Il me propulse à l'arrière et se met au volant dans la seconde qui suit. Olaf a ses côtés sur la place passager.

J'ai comme une impression de déjà-vu...

— Hé bien... nous revoilà... dans la voiture, ne puis-je m'empêcher de lâcher en hommage à Jurassic Park.

J'espère qu'un T-Rex ne va pas en profiter pour débarquer, par contre. Il ne manquerait plus que ça...

Olaf se tourne vers moi, l'air perplexe.

— Au fait, pourquoi tu m'appelles Olaf ? se renseigne-t-il. Mon prénom, c'est Sven.

Impossible de retenir mon sérieux, j'explose de rire.

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