Je me retourne, l'air de rien, pour découvrir un jeune homme à la tignasse cuivrée, d'environ vingt-cinq ans, en train de me considérer avec un sourire moqueur au coin des lèvres.
— Kali, c'est bien ça ? m'interpelle-t-il sans se départir de son expression bienheureuse.
— Oh ! Bonjour ! Enfin, bonsoir ! Je... Heu... j'admirais le travail de menuiserie sur ce meuble, dis-je en prenant soin de caresser le buffet à ma droite pour souligner mon propos. C'est de toute beauté.
— C'est Ikea.
— Ah...
Probablement un choix d'Olaf.
— Et toi ? Tu es qui ? m'empressé-je détourner la conversation.
— Raphaël, pour te servir.
Il assortit sa réplique d'un semblant de révérence. Voilà qui est charmant.
D'ailleurs, Raph est plutôt mignon en son genre. Son regard est très sexy et l'étincelle que je perçois dans ses pupilles me fait dire qu'il est plutôt satisfait de ce qu'il a sous les yeux, lui aussi.
Les chances de voir mes projets pour la soirée aboutir viennent de grimper en flèche.
— Alors, se moque-t-il. Peut-on savoir ce que tu fabriques réellement dans cette position, l'oreille collée contre le trou de la serrure ?
— Heu... ce n'est pas ce que tu crois, tenté-je piteusement de me justifier. En fait, je me suis perdue, je cherchais les toilettes.
— Ah, voilà qui tombe plutôt bien. Il se trouve que ma chambre en est justement équipée.
Le haussement de sourcils lascif qu'il m'adresse ne souffre d'aucune ambiguïté quant à ses intentions. Il me drague ouvertement et je dois dire que ce n'est pas pour me déplaire. Je commençais à me sentir seule dans cette grande maison isolée.
Le dénommé Raphaël est loin d'être aussi imposant qu'Aaron mais il reste une option tout à fait alléchante.
Je crois distinguer de charmantes poignées d'amour sous son t-shirt. Je me vois déjà les agripper dans le feu de l'action, j'ai toujours adoré ce genre de prises.
Comble du bonheur, le rouquin sait où je peux trouver le petit coin... c'est une encoche non négligeable sur sa liste de qualités. Qui ne pourra que s'étoffer dans les minutes à venir, j'en suis sûre.
— Voilà qui est fort pratique, je commente donc en rentrant dans son jeu. Et si tu me la faisais visiter ?
— Mais, avec grand plaisir, s'anime-t-il en me tendant son bras. Après vous, très chère.
Hop ! Emballez, c'est pesé !
Après un début de soirée laborieux, me voilà finalement en bonne voie d'atteindre l'orgasme que je m'étais promis en me rendant à la beach party.
C'est qui la winneuse ?!
Nous remontons au premier étage, où se trouve la chambre de mon chevalier servant. Et son fameux cabinet de toilettes, que je m'empresse d'ailleurs de visiter.
Après avoir soulagé ma vessie, je rejoins mon hôte qui est perdu dans la contemplation de son bureau. Ou plutôt ce qui se trouve dessus.
Je me poste à ses côtés pour voir de plus près ce qui retient autant son attention. Une série d'objets présentant les mêmes glyphes étranges que ceux qu'arborait le feu fiolet est disposée théâtralement sur le meuble en bois. J'ai l'impression d'être en pleine exposition extra-terrestre.
Mon futur coup d'un soir semble se souvenir de ma présence et se redresse avant de m'offrir un coup d'œil appréciateur. Je lui réponds par un sourire renversant et je fais lentement passer ma langue sur ma lèvre du bas, histoire de faire un peu accélérer le mouvement.
Ce n'est pas que je m'ennuie, mais j'ai des besoins à assouvir, moi, monsieur.
J'entreprends de lui retirer son haut en avançant mes mains au niveau de sa ceinture mais il me les bloque avant que je n'ai pu achever mon mouvement.
Frustration, bonjour.
— Avant de passer aux choses sérieuses, j'aimerais tester quelque chose avec toi, si tu le veux bien, m'offre-t-il en guise d'explication de façon énigmatique.
— Oh ? D'accord. Je ne suis jamais contre de nouvelles expériences.
— Super ! se galvanise-t-il. Viens là et place tes deux mains autour de ce bol.
Un bol ? Okaay... ce n'est pas vraiment ce que j'avais en tête, mais on ne va pas se formaliser pour si peu et risquer de le braquer, hein.
Plus intriguée qu'inquiète, j'obéis non sans une certaine curiosité. Je prends sa place devant son bureau et j'en profite pour me frotter langoureusement contre son torse au passage.
C'est qu'il serait temps de commencer à faire monter la température.
Malheureusement, mon partenaire n'a pas l'air des plus réceptifs en cet instant. Il conserve son regard rivé sur le récipient vide, attendant impatiemment que je m'exécute.
Tant pis, il sera sans doute plus concentré après sa démonstration fantaisiste. Je me mets donc en mouvement pour ses beaux yeux gris.
Après tout, il a peut-être simplement l'intention de pimenter la soirée en me faisant boire un breuvage qui émoustille les sens ? Ou bien il s'agit là d'une coutume pré-coïtale répandue chez les filigays ?
Une seule façon de le savoir...
À peine ai-je posé mes paumes contre le métal froid du contenant qu'une flamme pourpre jaillit en son centre sans prévenir. Je m'écarte vivement avant de me faire cramer les moustaches. Heureusement que je n'en ai pas, d'ailleurs.
— Wow ! m'exclamé-je. C'est carrément cool ! Je ne m'y attendais pas ! Une mise en garde n'aurait pas été de trop, par contre. Un peu plus et ma superbe crinière y passait.
— Aucun risque, me rassure Raphaël, qui parait fier comme un paon. Le feu de ce brasero ne brûle pas. Tu peux y passer ta main sans problème.
Il n'a pas besoin de me le dire deux fois. Je m'exécute sans perdre de temps.
Effectivement, les flammes viennent me chatouiller le bout des doigts sans que je ne perçoive jamais leur chaleur. C'est très joli, mais peu pratique pour les grillades.
— C'est grâce à l'opium qui coule dans mes veines, c'est ça ? l'interrogé-je, désireuse d'en savoir plus.
Ce n'est pas tous les jours que je me découvre des pouvoirs surnaturels.
— Grâce à l'Imperium, oui. Ton corps est devenu une sorte de déclencheur pour nos reliques.
— Et, vous avez beaucoup d'objets dans ce genre là ?
J'ai l'impression d'avoir atterri dans l'antre de James Bond en personne. Avec des gadgets encore plus cool que ceux de l'agent puisqu'ils sont magiques et indémodables.
D'ailleurs, si je dois devenir une super héroïne, ils ne seront pas de trop.
Je me vois bien lancer des grappins ou des batarangs. Oh ! Ou encore mieux, des toiles qui collent comme l'homme araignée !
— Un certain nombre... me répond Raph sans prendre la peine de rentrer dans les détails. Maintenant, je veux que tu prennes ce miroir et que tu te concentre sur un lieu en particulier. N'importe lequel.
Il me présente un cadre rectangulaire d'environ trente centimètres sur vingt dont les côtés sont recouverts de cet alphabet runique aux symboles étranges.
— Heu... okay...
Et sinon, est-ce que tu baises ? ai-je envie de le presser. Mais j'ai peur de ressembler un peu trop au personnage joué par Didier Bourdon dans le célèbre sketch des inconnus. Alors, je prends mon mal en patience.
S'il faut en passer par là pour faire crapahuter le flemmard...
J'attrape la psyché qu'il me tend et je focalise mes pensées sur le contenu de mon tiroir à sextoys... si je peux en profiter pour lui faire passer un message, je ne vais pas me gêner.
Raphaël guette mes réactions et celles du miroir avec une attention presque maladive. On dirait un fétichiste des reflets.
Il ne se passe rien pendant les premières secondes. Puis, peu à peu, une image commence à se former doucement sur la surface. On distingue vaguement les contours d'une paire de menottes, des boules de geishas, un mignon canard vibrant et toute une panoplie de godemichés de différentes formes et couleurs.
Oh ! Tiens, mon carnet de santé ! Je le cherchais partout !
Toutefois, l'image n'a pas le temps de se préciser qu'elle s'évanouit aussi sec.
J'affiche une moue déçue devant ma piteuse prestation, mais elle disparaît bien vite quand je découvre la lueur d'intérêt qui brille désormais dans le regard de mon hôte ainsi que son air satisfait.
— Parfait, déclare-t-il en me disséquant visuellement.
J'ai l'impression de faire face à un prédateur, tout à coup.
— Heu, ôte-moi d'un doute, je l'enjoins. Quand tu m'as proposé de venir dans ta chambre, tu avais bien une idée derrière la tête, non ? Genre, une idée cochonne, j'entends.
— Et comment, me sourit-il de toutes ses dents. Crois-moi, tu te souviendras de cette nuit pendant longtemps.
Ouh ! Ça promet !
Mais, laisse-moi plutôt en juger, mon cochon. Tu ne serais pas le premier à me promettre monts et merveilles pour ne m'offrir finalement rien de plus qu'un vieux pétard mouillé en guise de feu d'artifice.
— À ce sujet, reprend-il. J'aurais une requête à te faire...
Merde, encore une. Il veut ma peau, ce lourdaud !
— Vas-y, je suis toute ouïe ! l'invité-je avec un enthousiasme feint.
— Ça va probablement te paraître bizarre, mais je t'assure que le jeu en vaut la chandelle.
— Ok...
Abrège, serge !
— Lorsque l'orgasme s'emparera de toi...
Ah, voilà qui est plutôt bon signe. Il n'a pas l'air de douter pouvoir m'en offrir un. C'est déjà ça.
— ... j'aimerais que tu te concentres de ton mieux sur l'union de nos deux êtres et que tu prononces le mot « Koinonos» au moment où ton plaisir atteindra son paroxysme.
Quoi Nonos ?
Je dois certainement buguer quelques secondes tant je ne m'attendais pas à ce qu'il me sorte un truc pareil.
— Heu... d'accord ? bredouillé-je incertaine.
C'est une lubie particulièrement singulière... on ne m'avait encore jamais fait ce coup là, mais soit. Si ça peut lui faire plaisir...
Ça ne sera pas pire que ce mec chelou qui voulait que je m'adresse à lui en utilisant des noms de cucurbitacées pendant l'acte. Il faut dire qu'il avait un peu une tête de courge.
— C'est un moyen d'intensifier le plaisir, m'explique Raphaël devant mon hésitation manifeste. Je t'assure que tu ne le regretteras pas.
Ah, bah dans ce cas !
— Adjugé ! tranché-je avec entrain.
Raphaël m'offre un nouveau sourire ravageur et part vers sa table de nuit pour y déposer ses effets.
Je profite qu'il ait le dos tourné pour observer un dernier objet sur son bureau qu'il ne m'a pas demandé de tester, bizarrement.
— Et ça ? C'est quoi ? je l'interroge en m'emparant de cette étrange baguette à la Harry Potter.
Raph se retourne pour comprendre de quoi je parle et il écarquille les yeux lorsqu'il avise ce que je tiens dans la main.
— Non ! s'écrie-t-il. Ne touche pas à ç...
Trop tard.
Je vois partir un jet de lumière à la vitesse de l'éclair en direction du pauvre homme. Percuté de plein fouet, il s'effondre dans la seconde qui suit.
Oups
Je lâche la baguette et l'envoie rouler sous le lit dans un coup de pied réflexe. Ni vu, ni connu. Après quoi je reste stoïque un moment, sans savoir quoi faire. Je n'ose même plus respirer.
Mon futur ex coup d'un soir ne bouge plus du tout, lui non plus. Mais pas pour les mêmes raisons.
Il est mort ?!
— Raphaël ? l'appelé-je avec espoir.
Aucune réponse.
Je déglutis et m'approche de lui fébrilement. Il a les yeux grands ouverts sur le vide et semble complètement statufié.
Merde, merde, merde !
Je le secoue du bout de ma chaussure mais il ne réagit pas plus qu'une poupée de chiffon.
— Raph, couiné-je, de moins en moins rassurée.
Misère ! Je l'ai tué !
Décidément, ce n'est pas ma soirée. Je nage en plein cauchemar.
Si les Cairebéroces m'ont pardonnée d'avoir avalé leur magichose, ils ne seront sans doute pas aussi cléments face au meurtre d'un des leurs. Je suis carrément dans la mouise.
Je les vois déjà me prendre en chasse et ne pas me lâcher avant de m'avoir décapitée pour s'emparer de mon opium sacré.
Moi vivante, jamais !
Ma décision est prise avant même qu'elle ait remonté les rouages de mon cerveau-lent. Ni une, ni deux, je prends mes cliques et mes claques — mon sac, quoi — et je me casse.
Il va sans dire que je ne peux pas prendre le risque de repasser par le rez-de-chaussée. Je décide donc de me faufiler par la fenêtre. On est au premier étage, ça pourrait être pire.
Je fonce sur le carreau et je jette un coup d'œil à l'extérieur pour mesurer un peu mieux la distance qui me sépare du sol...
Merde, c'est quand même vachement haut, un étage.
Je vais me péter les deux jambes, c'est obligé. Il me faut quelque chose pour amortir la chute...
Je jette un coup d'œil circulaire sur la pièce et mon regard s'immobilise rapidement sur le lit.
J'arrache les draps qui le recouvrent, j'en fais une grosse boule bien dodue, et je retourne jeter le tout à travers l'ouverture.
L'amas de tissu s'envole aussitôt, emporté par le vent, et se retrouve perché dans un arbre un peu plus loin. À deux pas d'un hibou qui m'observe l'air blasé.
Crotte ! Décidément...
Bon, aux grands maux, les grands remèdes !
Je déloge le matelas du sommier et, après trente bonnes minutes à en chier parce que c'est quand même super lourd ce bordel, je parviens enfin à le hisser sur le rebord de la fenêtre.
S'écoulent encore plusieurs minutes avant que je ne réussisse à le rouler en une espèce de hot dog géant pour qu'il puisse passer l'ouverture.
Pfiou, je suis en sueur, mais j'ai réussi.
Ma charge m'échappe des bras et va s'abattre sur le carré de fleurs en contrebas, dans un bruit sourd.
Je le rejoins dans la foulée en m'imaginant sauter sur mon fidèle destrier, telle Lady Marianne qui s'élance du haut de son balcon dans le film « Sacré Robin des bois ».
Ouille ! Mon cul !
Finalement, ma performance était plutôt digne de celle de Broothilde, la femme de chambre ventripotente. Sauf que ce n'est pas mon cheval qui s'est déplacé, c'est juste moi qui ai mal visé.
Après m'être relevée avec l'élégance d'une pomme de terre, je ne perds pas plus de temps et je fonce à travers bois en direction de la route.
Une fois sur le bitume, je le longe durant quelques mètres jusqu'à trouver une borne kilométrique.
Je décide d'envoyer un sms à Enzo pour qu'il vienne me chercher. Il n'est jamais loin de son téléphone portable et Margarita est probablement toujours dans les bras de son prince charmant. Je ne me vois pas l'en soustraire avant demain au plus tôt.
Par chance, le réseau est plutôt bon dans le coin. Nous ne sommes pas loin de la ville.
J'en profite d'ailleurs pour repérer ma position à l'aide du GPS de mon téléphone, et je l'envoie illico presto à mon pote de drague. Il me répond dans la seconde pour me dire qu'il est en chemin.
Ah ! Que d'émotions !
Je m'allonge dans l'herbe en attendant mon sauveur. J'ai l'impression d'avoir couru un marathon.
Des cris me réveillent en sursaut peu après.
— Kali ! beugle Enzo en me secouant dans tous les sens.
— Aaah ! je braille à mon tour. Mais ça ne va pas ?! J'ai l'air d'un prunier en fruits ?
— Putain ! Tu m'as foutu la trouille, s'explique-t-il. J'ai cru que tu étais morte.
Mes esprits retrouvés, je comprends que j'ai dû m'assoupir. Ou alors le vrai nom d'Enzo est Barry Allen.
— Morte ? Ah bah non, pas moi, le rassuré-je.
Une fois remise de mes frayeurs, je grimpe dans son bolide.
Direction mon nid douillet. Et mon petit lit confortable.
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