Chapitre 7-1

Le nez plongé dans mes chaussures, après avoir activé le mode automatique, je talonne Freja à travers les couloirs de son immense demeure. Elle m'a promis tout le confort d'une chambre d'ami. Je rêve déjà du lit qui accueillera mon glorieux postérieur pour la nuit à venir. J'espère qu'il est douillerme, douillet et ferme à la fois.

Je suis véritablement éreintée. J'ignore si c'est à cause des révélations de ma nouvelle amie, la vétérinaire bis — ou quelque soit le titre que lui donne ses pairs — ou bien à cause de toutes ces cacahuètes au wasabi que j'ai ingérées au cours de la soirée. 

Je suis bien trop fatiguée pour tenter de percer ce mystère, mais j'avais idée que la plante japonaise était plus un excitant qu'autre chose... enfin, je peux me tromper.

Je me demande si elle possède également des vertus aphrodisiaques ?

Alors que mes pensées suivent un cheminement de plus en plus intéressant et dévient vers l'image d'un Apollon de deux mètres de haut, vêtu de son plus simple appareil, je m'éclate le front contre les omoplates de Brienne-la-vieille, qui s'est immobilisée devant moi.

Aïe. Bobo.

— Veteris. Je te cherchais, l'interpelle une grosse voix de cochon hors de mon champ de vision.

Enfin, c'est surtout l'homme a qui elle appartient qui se trouve hors de mon champ de vision, parce que pour ce qui est de sa voix... il faudrait qu'elle soit constituée de matière pour réussir le prodige d'être perceptible à l'œil nu.

Encore que, je n'aurais pas été plus étonnée que ça si elle avait réussi à se rendre palpable et apparente, tant elle résonne avec force et volupté. D'ailleurs, quand je parle de cochon, je ne fais pas référence à l'animal.

Son porteur est assurément un grand costaud au regard de braise, qui nécessite un rechange de culottes important lorsqu'on a la chance de le côtoyer plusieurs heures d'affilées.

On pourrait croire que je suis super fortiche pour deviner le physique des gens en fonction de leur timbre de voix, mais je triche un peu. Je l'ai reconnu.

Je suis d'ailleurs déjà en manque de son joli minois. Aussi, je plonge la tête entre le bras et le buste de Freja pour baver une fois de plus devant la bouille d'amour de mon beau brun et son corps tout en muscle.

Hey ! Coucou, toi ! Tu m'avais manqué, petit polisson !

La géante comprend qu'elle me gâche la vue. Elle repousse alors ma tête de sous son épaule et se décale un peu pour que je puisse me rincer l'œil comme il se doit.

Je profite du court échange de ces deux aliens pour sortir à nouveau mon Smartphone de mon sac.

— Je suis à toi dans deux minutes, Aaron. Laisse-moi juste le temps de montrer sa chambre à Kali, l'informe Freja.

CLIC

Hop ! Et voilà, c'est dans la boite.

Fière de moi, je contemple la photo que je viens de prendre.

— Aaaaah ! je hurle en découvrant sa trombine effrayante.

L'homme sur mon cliché n'a rien à voir avec le beau mâle qui me fait face et me toise avec irritation.

Je fous mon écran sous le nez de Freja qui n'a pas l'air plus rassurée que lui par ma prestation vocale.

— Regardez ! je l'alerte. C'est un imposteur ! En vrai, il est tout moche.

— Kali, m'apaise-t-elle. Souviens-toi de notre conversation à propos des voiles d'illusion.

Je les dévisage tour à tour durant deux bonnes minutes, la bouche ouverte comme un poisson hors de l'eau. Puis, lumière se fait.

— Oh ! Bah merde alors !

Je comprends maintenant pourquoi Marge m'a pris la température en découvrant mon intérêt pour Aaron. Son déguisement ne lui rend pas du tout honneur.

Pauvre Margarita, elle loupe quelque chose.

— Je croyais que la magie se contentait de camoufler quelques petits détails. Comme mon tatouage, me justifié-je. Là, c'est carrément de la science fiction.

— Les Kerberos ont beau avoir des attributs humains, ils n'en restent pas moins reconnaissables au premier coup d'œil. Lorsque nos ancêtres ont fait appel aux sortilèges de camouflages, j'imagine que la priorité était de limiter l'intérêt suscité par leur apparence sans se préoccuper de l'impact esthétique.

— N'empêche, ils étaient obligés de vous rendre aussi vilains ?

— Disons que certains d'entre nous ont moins de chance que d'autres... m'explique-t-elle en pinçant ses lèvres comme si elle retenait un rire.

Pour valider ses dires, je m'empresse de tirer le portrait de Freja à son tour.

De son côté, elle a juste l'air d'une grand-mère gâteau. Ses traits s'en trouvent adoucis et, si son visage parallèle ne reflète pas la réalité, il n'en reste pas moins agréable à regarder. A dire vrai, ça l'avantage peut-être même un peu.

Pauvre Aaron. Il a vraiment tiré la mauvaise pioche, c'est peu dire.

— Désolée, je compatis. Ça ne doit pas être facile de pécho avec une tronche pareille.

— Ça va, je le vis plutôt bien, marmonne-t-il.

Il dit ça comme si ça ne lui faisait rien, mais je vois bien qu'il grince des dents. Je le plains réellement.

Enfin, qu'il soit rassuré. Je me porte volontaire quand il veut pour le consoler. Je m'apprête d'ailleurs à le lui rappeler mais je suis interrompue par Freja avant d'avoir pu ouvrir la bouche.

— Bien ! s'exclame-t-elle. Ta chambre est juste là, Kali.

Elle me tire par le bras et fais quelques pas de plus avant de me pousser brusquement à l'intérieur de la pièce devant laquelle elle s'est arrêtée.

— Les draps sont propres, tu devrais être bien installée, m'assure-t-elle tout sourire. Bonne nuit !

La porte se ferme sous mon nez avant que je n'ai eu le temps de dire ouf. Je cille en louchant sur le battant à trois centimètres de mon visage.

Mince, elle devait vraiment être pressée d'aller se coucher.

Je me retourne pour évaluer un peu plus en détail la chambre qui m'a été si gentiment attribuée. Ça ne paie pas de mine, mais c'est plutôt cosy. Le lit est large et paré d'un joli drap à pois verts. La température de la pièce semble suffisamment fraîche pour que je ne souffre pas de la chaleur d'été.

Ça devrait le faire !

Par contre, j'ai terriblement envie de faire pipi. Et l'ancienne n'a pas pensé à m'indiquer où se trouvaient les toilettes.

Tant pis, il va falloir que je parte en exploration par mes propres moyens.

J'ouvre la porte et penche la tête dans le couloir pour l'inspecter incognito. Ou presque. Pas sûre qu'une grosse tête qui surgit de nulle part passe tellement inaperçue.

La voie est libre. Freja et Aaron ont dû filer aussitôt après m'avoir déposée dans mes appartements parce qu'il n'y a plus aucune trace de ces deux géants.

En même temps, ce n'est pas comme s'ils allaient déposer une crotte sur chacun des lieux où ils passent. Il faudrait que je me renseigne sur les méthodes des pisteurs, à l'occasion.

Je reviens facilement sur mes pas jusqu'à trouver l'escalier qu'Aaron nous avait fait emprunter à notre arrivée et qui aboutissait sur cet étage. Nous sommes au troisième, il me semble.

J'ai croisé plusieurs portes closes dans le couloir, mais je n'ai pas osé les ouvrir de peur de surprendre des résidents en plein ébat.

Ça, ou des monstres poilus.

J'avoue... avoir plongé dans un univers surnaturel me rend de plus en plus trouillarde, une grande première pour moi. J'ignore ce que peuvent encore me cacher les murs de cette maison de fous et je ne suis pas certaine de vouloir le découvrir.

Sauf si c'est pour tomber enfin sur la pipi room.

J'aurais certainement plus de chances d'en trouver une au rez-de-chaussée, d'ailleurs.

Les filigays vont bien au petit coin de temps en temps, non ?

J'ai soudain comme un doute. Après tout, j'ignore si leur matériel biologique fonctionne de la même façon que celui des humains.

Je m'applique à descendre les grands escaliers en spirale sans faire trop de bruit. Je ne voudrais pas réveiller un mort par mégarde.

À ce propos, je suis étonnée de ne voir personne traîner dans les couloirs. À mon arrivée, j'ai croisé une dizaine de parfaits inconnus entre l'entrée et la biblio-jungle et voilà que tout parait désert. C'est à croire qu'un couvre feu a été imposé à tous les locataires. Il n'est pourtant que...

Wow ! Minuit déjà ! C'est que le temps passe vite quand on s'éclate.

Une fois en bas des marches, je crois percevoir des bruits de voix un peu plus loin. Je décide de les suivre pour demander mon chemin à leurs propriétaires et atteindre enfin mon point de chute tant espéré.

J'arrive rapidement devant une porte restée entre-ouverte et je n'ai aucun mal à deviner l'identité des occupants de la pièce en les écoutant parler.

Je m'apprête à pousser contre la cloison, mais, je stoppe mon mouvement lorsque je me rends compte que ma position est excellente pour jouer les espionnes. Je pourrais aisément satisfaire ma curiosité légendaire. Et tout ça, dans l'ombre.

Je tends donc l'oreille, à l'affût des potins.

Ces derniers ne tardent pas à arriver :

— En trente ans, je n'ai jamais remis ton jugement en doute, dit une première voix aux inflexions très agréables. Tu es la Veteris, et assurément la personne la mieux placée pour savoir quoi faire, mais ce que tu viens de suggérer... tu ne peux pas être sérieuse...

— C'est la seule solution, Aaron, tu le sais bien. Nous devons mettre un maximum de chances de notre côté.

— Nous ne sommes même pas certains que ça fonctionnera !

— Tant que nous n'essayerons pas, nous ne pourrons pas le savoir.

— Mais c'est une humaine !

Ah ! Je crois qu'ils parlent de moi.

— Il serait temps que tu comprennes qu'ils ne sont pas si différents de nous. Et le fait que tu sois un Kerberos n'y change rien, ton attirail fonctionne de la même manière que nos protégés, je peux te l'assurer.

— Enfin, Freja ! Tu l'as bien regardée ? Cette fille est dérangée. Sans compter qu'elle doit avoir le QI d'une huître...

Beurk, il aurait pu trouver plus flatteur comme comparaison. Une huître c'est tout visqueux. Et puis, ça pue. Espérons qu'il parle d'une autre. Après tout, je ne dois pas être la seule humaine à graviter autour d'eux.

— ... Je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi inconscient, déplore Aaron.

— Et ce sera le dernier de tes soucis d'ici trois mois, si nous ne parvenons pas à maintenir les portes scellées.

— Ce que tu me demandes va forger un lien indélébile entre nous...

— Je le sais ! Et, je ne t'aurais jamais soumis cette option autrement. Mais j'ai peur que nous n'ayons pas le choix. C'était toi qui devais canaliser l'imperium à la base. Je ne vais pas revenir sur les valeurs qui font des Kerberos les gardiens les plus enclins à maîtriser l'Imperium... mais, tu as été préparé toute ta vie pour ce moment, et tu es sans doute le plus fiable de nos choix, à l'heure actuelle. Le fait est que tu es le mieux placé pour t'acquitter de cette tâche. Maintenant, si tu ne t'en sens pas capable... nous pouvons toujours demander à un autre de s'en charger. Je te rappelle toutefois qu'un doute subsiste toujours quant à l'identité du Kerberos qui cherche à rouvrir les portes. Nous n'avons pas le droit à l'erreur.

— Et son avis à elle ? Tu y as pensé ?

— Oh ! Je t'en prie, Aaron. Elle n'attend que ça depuis...

— Salut.

Je sursaute en entendant cette troisième voix inconnue bien plus proche de moi que ce à quoi je m'attendais. 

Et pour cause, elle ne vient pas de la pièce que je suis occupée à espionner mais de derrière mon dos.



***

SURPRISE ! Aujourd'hui, c'est double partie (je suis inspirée depuis hier soir)

La prochaine arrive donc... dans la soirée. Restez attentifs, ou sur vos gardes, c'est au choix :D 

Vous pouvez me faire une danse de la joie, maintenant.

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