Chapitre 27-2
Il n'y a finalement pas eu de séance cache-cache et l'opération effeuillage a tourné court suite à l'annonce « tin tint tinnn » de Thiago.
Encore un qui sait soigner ses entrées...
Peu après, Aby et lui sont partis donner des ordres aux filigays des environs pour assurer la relève quant à la détention de Nolan et compagnie.
Tous les cairebéroces seront bientôt occupés ailleurs et ils doivent s'organiser en conséquence.
Aaron m'a d'ailleurs laissé finir de boucler mes bagages avant de retourner s'affairer je ne sais où.
Par chance, les récents événements lui ont fait oublier ma filibile et son contenu qui le hérisse tant. J'ai pu récupérer mon carnet avant qu'il ne finisse au bûcher.
Zinaida débarque alors que je suis en train de le ranger à sa place, bien calé au fond de mon sac paresseux, entre Méduse et mon stylo boxeur.
— Hey, Kalimity ! Tu as entendu ça ? Je vais assister à ma première réunion du conseil ! Je vais enfin pouvoir montrer ce que je vaux à cette joyeuse bande de branleurs !
— Douche ton enthousiasme, Zina, la refrène Aaron qui vient d'apparaître dans son dos comme s'il n'était jamais parti.
Je suis sûre qu'il guettait les entrées de ma chambre. Son premier métier devait être videur.
— C'est une réunion de crise, poursuit-il. La présence des dix signifie que Kali va se retrouver sur le devant de la scène, en plein sous les projecteurs. — Cool ! Mon instant de gloire arrive enfin ! — On a intérêt à bien assurer sa sécurité une fois sur place.
— Nolan n'a toujours pas craché le morceau ? s'enquiert ma jeune amie.
— Non, et si tu veux mon avis il ne le fera pas. Pas plus que l'ensemble des filii gê sur lesquels on a pu mettre la main la nuit dernière. Je ne suis même pas sûr que la moitié d'entre eux sache qui tire réellement les ficelles.
— Du coup, tu as décidé quoi ?
— Pour le moment, on ne change rien au plan. On fait route pour le refuge du Pilat.
— En France ? me réveillé-je à cette mention. Je croyais qu'il n'était plus sûr ?
— Un gros ménage a été fait, cela dit je ne compte pas m'éterniser, il est beaucoup trop exposé. Des dizaines de filii gê s'y réunissent chaque jour, et j'ai le sentiment que nos ennemis sont plus nombreux qu'on ne le croit.
— D'ailleurs, comment ça se fait qu'il y ait si peu de monde ici en comparaison ? relevé-je. En dehors de Tidiane et vous autres les cairebéroces, je n'ai pas croisé âme qui vive depuis notre atterrissage chez Aby.
— C'est bien pour ça que j'avais choisi ce point de chute au départ, marmonne-t-il en grinçant des dents.
Heureusement, sa minute ronchonnage ne dure pas et il revêt rapidement son costume de professeur sexy que j'aime tant.
— Seuls les kerberos peuvent entrer les coordonnées qui mènent aux résidences des dix, m'apprend-il ainsi.
— Attends, tu veux dire que vos refuges ne sont ouverts qu'au haut du panier ? Et le petit peuple alors ? Il pue du cul ?
Je croise les bras et je tape du pied, l'air revêche, pour lui signifier mon profond désaccord face à ces méthodes élitistes.
Aaron me retourne mon froncement de sourcils, jeu auquel il excelle bien plus que moi.
— Ce sont des refuges, pas des auberges de jeunesse. Quel est l'intérêt d'un lieu protégé si n'importe qui peut aller et venir à sa guise ?
— Donc, votre solution c'est d'en fermer l'accès à toute la populace ?
— Non, miss Gandhi, me détrompe-t-il, sarcastique. Quand un filii gê requiert notre assistance, nous l'escortons nous-mêmes jusqu'à un téléporteur. Et il lui reste toujours la possibilité de se rendre dans un des refuges par les voies terrestres.
— Oh ?
C'est vrai, pendant une minute j'avais zappé que la téléportation n'était pas l'unique moyen de locomotion existant.
— Bref, le refuge du Pilat est une exception. La plupart du temps, les filii gê ont d'autres endroits où se réunir en dehors des résidences des kerberos.
— Et donc, pourquoi on retourne en France ?
— J'ai besoin de faire des recherches et je dois m'entretenir avec la Veteris pour un débrief. On va juste y faire un saut rapide en attendant de connaître la date du conseil, on réfléchira à notre future destination une fois sur place.
— Et pour le conseil justement, on fait quoi ? l'interroge Zinaida. J'espère que tu ne comptes pas le faire annuler !
— Je ne te cache pas que l'idée m'a traversé l'esprit. Mais Thiago a raison, je ne ferais que repousser l'échéance en décidant de ne pas leur présenter la surrogata maintenant. Le conseil m'emmerde mais le traître connait déjà l'existence de Kali de toute façon. Si on déplace bien nos pions, on pourra peut-être se servir de cette réunion pour pousser le renégat à se révéler.
— Malin le lapin !
Je lève mon pouce en direction de Ronron et je lui offre un clin d'œil pour valider sa performance.
C'est cadeau.
— Ta valise est prête ? change-t-il de sujet comme si mes encouragements le laissaient de marbre.
Mais je sais qu'il sourit intérieurement. L'ego des hommes n'est pas un mythe, ils vivent pour la flatterie. Je note d'ailleurs que ses muscles apparaissent un peu plus bombés qu'auparavant. Comme par hasard !
— Ouaip ! acquiescé-je promptement en tirant la fermeture éclair de ma valise en position fermée.
— Alors, en route ! Zina, tu nous suis.
— Tu commences à apprécier ma compagnie ? ironise la russe.
— Nan, t'es toujours aussi chieuse, mais je préfère t'avoir sous le nez pour éviter les catastrophes. Sans compter que tu es beaucoup trop impliquée après votre dernière performance en date. On pourrait se servir de toi pour atteindre Kali, et comme elle n'a aucun instinct de survie, cette folle furieuse foncerait droit vers le chaos pour te secourir si elle en avait la possibilité.
J'adresse un sourire radieux à la jeune femme :
— Tu peux compter sur moi, ma pote !
Nous nous mettons en mouvement sur ces entrefaites. Aaron ouvre la marche tandis que je chevauche fièrement ma valise licorne devant Zinaida.
Le téléporteur que nous allons emprunter se situe dans la gare de Dakar et nous faisons le trajet en voiture — pour le grand bonheur de mes petits pieds paresseux.
Une fois sur place, Aaron ne me laisse pas le temps de m'émerveiller devant l'architecture pourtant remarquable du bâtiment, il trace sa route jusqu'au téléporteur comme s'il avait le feu au cul. J'aurais aimé que ce soit réellement le cas, le sempiternel balai qu'il se trimballe ne serait alors plus qu'un lointain souvenir réduit en cendres.
Toutefois, si je repense à la façon dont nous avons failli conclure notre dernière entrevue privée, ma mission retrait de BDLC n'a jamais été aussi bien engagée.
La prochaine fois c'est la bonne !
Bien que le lieu s'y prête parfaitement cette fois-ci, je ne vois toujours pas l'ombre d'un quai 9 ¾. L'accès à la salle se fait par une porte dérobée que j'aurais facilement ignorée si mon guide ne se révélait pas aussi qualifié.
J'y pénètre à la suite d'Aaron et manque de faire une crise cardiaque en m'apercevant que nous ne sommes pas seuls dans la petite pièce sans meubles — copie conforme de celle de l'aéroport de Cannes. Heureusement, ce n'est que Nyeleti.
— Je dois repasser par chez moi avant le conseil, m'explique-t-elle. Alors quand j'ai appris qu'Aaron prévoyait d'utiliser le téléporteur, je me suis incrustée au voyage. Celui du vieil entrepôt dans lequel vous avez été retenues prisonnières ne sera pas opérationnel avant la fin de la journée.
— Mais... Je croyais que tu habitais en Afrique du Sud ? m'étonné-je.
— C'est exact.
— Bah, aux dernières nouvelles, ça ne se situait pas vraiment au même endroit sur la carte...
— On peut utiliser un téléporteur pour deux destinations différentes, intervient Aaron le professeur. Mais il faut anticiper et entrer leurs coordonnées à la suite dans la console au moment où on l'active.
Ouaaah ! D'enfer !
— Mais c'est trop classe, ça ! Et comment le portail sait qui veut aller où ?
— C'est à nous d'enclencher le changement une fois la première vague de voyageurs passée. Le téléporteur modifie alors la destination en fonction des coordonnées précédemment enregistrées. Il ne faut pas traîner bien sûr, mais ça reste le meilleur moyen de contourner le problème du temps de recharge quand un groupe partant du même endroit doit se scinder en deux.
— Oh ! Un peu comme l'aiguillage avec les trains !
— Ouais, l'analogie n'est pas mauvaise, m'accorde Aaron.
— Ah ! Tu reconnais enfin mon génie !
Il m'ignore volontairement.
Tsss comme si sa fausse modestie s'appliquait à moi.
— Flatte mon égo quand tu veux, bonhomme ! l'encouragé-je. Je ne bombe peut-être pas les muscles aussi bien que toi mais je saurai me montrer reconnaissante. Sois en certain !
— Bon, la génie, m'alpague Aaron. Si tu as fini de partir en vrille, on va pouvoir passer la seconde. Tu n'auras qu'à te perdre dans la méthode Coué plus tard.
Après cette alléchante suggestion, il laisse Nyeleti se charger de dessiner les jolies runes des coordonnées sur la tablette prévue à cet effet pendant qu'il nous fait ses dernières recommandations à ma jeune acolyte et moi :
— Zina tu traverses la première, on te suivra de près avec Kali. Une fois sur place, vous me collez aux basques toutes les deux, je ne veux pas vous voir courir dans tous les sens comme des poulets sans tête.
Je n'écoute pas la suite, l'image qui s'affiche dans mon esprit est bien trop comique.
Je visualise nos corps décapités foncer dans tous les murs sur notre chemin en battant des bras de façon sporadique, nos têtes roulant sur le sol derrière nous dans un caquètement de poules enthousiastes.
C'est moi ou la volaille tient une grande place dans ma vie ces temps-ci ?
— C'est bon, annonce soudain Nyeleti avec entrain, me ramenant sur terre.
Les briques du mur face à moi entament alors leur joyeuse danse de désintégration pour laisser leur place à un grand vortex de téléportation.
Mon éblouissement s'évanouit au moment où je me souviens du sale coup que Ronron m'avait joué lors de notre précédente traversée.
J'adresse un coup d'œil méfiant au concerné, au cas où il déciderait de réitérer son geste ; mais son expression innocente est actuellement tournée vers Zinaida qui entre dans la porte des étoiles en effectuant une sorte de saut périlleux hautement impressionnant.
Ça a l'air fun !
Au moment où Aaron se tourne dans ma direction pour m'inciter à traverser, Nyeleti profite de son léger déséquilibre pour le pousser violemment à travers le tourbillon de lumière.
Visiblement, il ne l'avait pas plus vu venir que moi. J'ai juste eu le temps de distinguer son expression outrée avant qu'il ne disparaisse dans un éclair.
D'abord désarçonnée, je ne mets pas longtemps à intégrer le fait que Nyeleti vient de me venger de la plus satisfaisante des manières.
Je lui souris de toutes mes dents, déjà prête à la vénérer pour le restant de mes jours.
Pourquoi n'y ai-je pas pensé moi-même ?
— Tu es mon modèle ! l'idolâtré-je alors qu'elle me retourne un clin d'œil.
Le cœur léger et le pas sautillant, je m'approche du téléporteur pour passer à mon tour mais ce dernier commence alors à faire des trucs bien chelous.
J'ai l'impression qu'il devient fou, il se déforme dans tous les sens puis oscille entre différentes teintes de violet et de jaune, avant de se stabiliser enfin.
— Nyeleti, c'est qu... Aaaaaaaah !
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