Chapitre 24-1

Kali ?

— Mmm...

Je me retourne dans mon lit et j'enfouis ma tête sous mon oreiller. Il est trop tôt, beaucoup trop tôt. Et cet oreiller est très inconfortable.

— Hey ! Kali !

— Laisse-moi dormir encore cinq minutes, Star-Lord. On reprendra le sport un peu plus tard.

— Star-lo... Hein ? Attends, je rêve ou tu es en train de te payer du bon temps avec Chris Pratt, là ?

— Zzzz...

— Kali !

Je me sens ballotter dans tous les sens.

Ce couillon a encore dû faire décoller le vaisseau sans se soucier de savoir si j'étais bien attachée.

— Putain, Kali ! On n'est pas dans les Gardiens de la galaxie ! m'engueule-t-il de façon tout à fait absurde avec une voix très féminine.

Puis, les derniers vestiges de mon songe s'effacent et j'ouvre les yeux sur... un spaghetti grisâtre qui pue la javel et l'humidité.

— Ppp... peuh ! Pouah ! C'est quoi, ça ?! postillonné-je en me débarrassant de mon pseudo oreiller qui se répand en gros filaments sur le haut de mon crâne.

— Une serpillère, m'explique platement Zinaida que je découvre à genoux près de moi, les bras croisés et le sourcil dressé.

Je me mets alors en position assise pour faire plus ample connaissance avec mon environnement.

Nous nous trouvons dans une sorte de réserve si j'en crois les différents cartons abimés qui sont empilés ici et là. Une réserve croisée avec une putain de prison à vrai dire.

La petite pièce faiblement éclairée est en effet coupée en deux par d'épais barreaux cylindriques dont les interstices semblent aussi gros que mon bras. Le tout paraît assez miséreux, voire abandonné.

VRRR... VRRR... VRRRRR...

Je sursaute, ma respiration se bloque, j'avale ma salive de travers.

— C'est quoi ? C'est quoi ?!

Un monstre tapit dans l'ombre ?

— Calmos. Ce n'est que ton téléphone. Il n'arrête pas de vibrer depuis toute à l'heure, m'éclaire ma charmante acolyte au moment où mes yeux repèrent enfin la source de ce vacarme.

Ah, bah, je n'étais pas si loin...

La Bête m'attend sagement sur un petit bureau posté à droite de la seule porte que compte la pièce... enfin, la seule porte à l'exception de celle qui renferme notre cage, bien sûr. Je remarque que le reste de mes affaires est posé non loin, à l'extérieur de notre geôle. Le tout, hors d'atteinte.

J'ai une pensée émue pour Méduse. Nous restons rarement aussi longtemps éloignées, elle et moi.

— On est où ? m'enquiers-je en réalisant que le décor qui nous entoure n'a rien à voir avec la ruelle dans laquelle nous progressions avant d'être attaquées.

On se croirait dans une usine désaffectée.

— Aucune idée, mais nous ne sommes restées dans les vapes qu'une poignée d'heures.

— Comment tu peux le savoir ?

Pas de fenêtre, pas de calendrier pendu au mur, aucune horloge non plus...

Le poing de Zinaida manque de peu mon visage alors qu'elle le brandit devant moi.

— Nos ravisseurs m'ont laissé ma montre, expose-t-elle en remuant son poignet sous mes yeux.

Je louche dessus un certain temps, essayant vainement de décrypter ce que me montrent les aiguilles.

— Il est sept heures et quart, décode la jeune cairebéroce à ma place. Or, si mes souvenirs sont bons, on a quitté le refuge avant cinq heures du matin.

— On est peut-être l'après midi de la même journée ? Ou le jour d'après ? Je ne parle pas du film, hein, me hâté-je de préciser.

Manquerait plus qu'on se gèle le cul.

— Il y a peu de chances, les seringues hypodermiques n'ont quasiment pas d'effet sur les kerberos.

— Heu... sans vouloir t'offenser, tu es tombée comme une crêpe, toute à l'heure.

— J'en ai reçu quatre d'affilé !

C'est pas faux.

C'te classe, quand même !

— À ton avis, j'en ai reçu combien, moi ? m'extasié-je soudain.

— Une seule.

Je me renfrogne aussitôt.

— Tu es un peu plus résistante que la moyenne en tant que surrogata, me réconforte Zinaida. Mais il y a des limites. Au fait, tu as eu le temps de voir qui nous a tiré dessus avant de sombrer ?

Je creuse les méandres de mon esprit à la recherche de ladite information.

— J'ai vu des chaussures en cuir noir, me remémoré-je. Ça t'aide ?

— Pas vraiment.

Je hausse les épaules.

— Bah, c'était sans doute Serge de toute façon.

— Serge ?

— Le gars du téléphone, clarifié-je.

— Tu lui as donné un petit nom ?

— Tu l'as fait la première.

Zinaida me dévisage, l'air perdu, mais un mouvement dans son dos détourne rapidement mon attention.

Gné ?

Je me frotte les yeux pour être sûre que je n'hallucine pas.

Nop, apparemment je vois bien ce que je vois.

Un petit singe au pelage doré et au visage noir entouré de favoris nous observe curieusement à l'autre bout de la pièce.

— Heu, c'est quoi, ça ? interrogé-je Zinaida tout en scrutant le drôle d'animal.

Elle se retourne pour examiner ce que je lui montre.

La jeune femme écarquille d'abord les yeux en découvrant le primate qui nous mate, puis elle se met à froncer le nez et se relève en pestant. Je suis le mouvement, étant de toute façon peu encline à tenir compagnie à mon coussin spaghettis plus longtemps.

— Rah ! s'exclame-t-elle en fusillant l'animal des yeux. J'aurais dû m'en douter. Nolan...

Nolan ?

Nolan... Nolan... Elle veut dire... Le Nolan ? Celui que j'ai bousculé en même temps que Yanis, à la Beach party ? Le blondinet à la botte de Voldemort ?

— Attends, la stoppé-je, ahurie. C'est lui, Nolan ?

Il a vachement changé depuis la dernière fois que je l'ai vu.

— Je croyais que vous n'aviez pas de super pouvoirs ? La métamorphose c'est pourtant pas mal dans le genre.

Elle m'observe avec incompréhension, puis elle se fend la poire.

— Ah ah ! Non, je confirme, pas de métamorphose chez les filii gê... même si certains d'entre nous envient grandement les archidémons qui possèdent ce talent. Ce que je voulais dire c'est que ce macaque passe son temps à suivre Nolan. Je ne sais pas trop pourquoi.

— C'est son animal de compagnie ?

— Plutôt l'inverse.

— Nolan est l'animal de compagnie du singe ?

Drôle de relation...

Zinaida se marre d'autant plus.

— Je n'avais jamais vu les choses sous cet angle, mais maintenant que tu le dis... En fait, ce singe prend un malin plaisir à lui rendre la vie impossible depuis des années. J'ignore d'où il sort, mais je sais que Nolan le déteste. Et je crois que c'est réciproque.

— Le pauvre.

— Crois-moi, Nolan l'a sans doute mérité.

— Je parlais du singe. Pauvre petit père...

Je m'approche de lui et je m'accroupie pour me mettre un peu plus à sa hauteur.

— Nono a dû se montrer très vilain pour qu'une boule de poils aussi mignonne que toi préfère lui chercher des poux à lui plutôt que sur la tête de ses congénères.

— Bahou, me répond le singe en prenant son air le plus malheureux.

— Je suis sûre qu'il n'a même pas fait l'effort de te trouver un nom depuis tout ce temps.

— Ouh, ouh ! Ah ah !

Il me montre ses dents et se tape plusieurs fois le ventre, plus à la manière d'un gorille que d'un primate de son gabarit.

— Tu as raison, acquiescé-je. Je vais t'appeler King Kong.

L'idée semble lui plaire. Il m'offre un dernier sourire renversant avant de tourner l'oreille en direction de la sortie. Après quoi il disparaît sous la table en un tour de main – enfin, de patte –, pour se camoufler dans l'ombre.

J'ai à peine le temps de me relever que la porte s'ouvre sur le fameux Nolan, un saut d'eau à la main.

— Ah, vous êtes réveillées, remarque-t-il. Dommage, j'aimais assez l'idée de m'en charger moi-même.

Il jette un coup d'œil nostalgique vers son fardeau, puis le pose sur le sol en soupirant de déception.

— Nolan ! le hèle Zinaida avec brusquerie. Espèce de gros débile, sors-nous de là !

C'est cet instant que choisi mon portable pour se remettre à vibrer.

— Tiens, tiens, qu'avons-nous là ? scande le filigay en s'emparant de La Bête et en ignorant superbement la jolie blonde qui le toise méchamment. Je crois qu'un certain BDLC commence à s'impatienter...ça veut dire quoi d'ailleurs, BDLC ? Branleur de lèche-cul ?

Il relève la tête et m'adresse un regard interrogateur.

Je croise les bras dans une posture hostile.

— Tu perds ton temps, il n'y a qu'une personne qui a le droit de jouer à ce jeu et ce n'est pas toi.

Nolan hausse les épaules puis se concentre à nouveau sur l'écran. Je le vois pianoter quelques secondes sur le clavier avant de se mettre à sourire bêtement.

— « Putain, t'es où ? C'est qui Serge ? Et c'est quoi l'auberge du roi lion, bordel ? » lit-il à haute voix.

Cool, Ronron a trouvé mon petit mot.

Zinaida se rapproche de moi et me considère avec confusion :

— C'était quoi le contenu de ton message, au juste ?

— Rien de trop facile à déchiffrer, t'inquiètes. J'ai parlé en énigme au cas où un traître quelconque tomberait sur le mot avant lui.

— On se demandait justement si vous aviez eu le temps de prévenir vos petits copains avant de nous rejoindre, intervient Nolan, nous poussant à recentrer notre attention sur lui. Je suis sûr qu'on doit pouvoir utiliser ceci à notre avantage.

Il secoue La Bête dans sa main, affichant un air heureux comme un méchant de dessin-animé qui vient de trouver une idée du feu de dieu pour déjouer les plans des héros de l'histoire.

Mais, au lieu du rire diabolique de circonstance auquel je m'attendais pour accompagner son geste de victoire, Nolan amorce plusieurs sauts de cabri et se met à couiner comme un cochon.

Ses yeux oscillent alors avec horreur entre le bas de son pantalon, que je découvre trempé, et King Kong un peu plus loin, qui – souriant à pleines dents – tient son petit tuyau d'arrosage personnel entre ses doigts et s'amuse à arroser le blondinet d'un jet d'urine parfaitement maîtrisé.

— Putain de macaque de merde ! Tu vas me le payer, cette fois ! le maudit furieusement Nolan avant de quitter la pièce en claquant la porte.

Il a emporté La Bête avec lui.

Bon débarras.

J'applaudis à chaudes mains.

— C'était magnifique ! félicité-je King Kong.

Ce dernier me montre ses jolies dents jaunes et tape dans ses pattes en m'imitant.

Après quoi il saute sur le bureau pour aller foutre des baffes à mon sac paresseux.

— Hey ! le réprimandé-je. Laisse-le tranquille, il est inoffensif !

Autant parler à un mur.

— Laisse tomber, me lance Zinaida. Il doit le prendre pour un rival ou quelque chose dans le genre.

En le voyant s'acharner sur mon sac fétiche, je tente une approche différente.

— Houba Houba Houp !

— Qu'est-ce que tu fais ? m'interroge alors la cairebéroce.

— Bah, j'essaie de communiquer avec lui.

— C'est un singe, pas un marsupilami.

Je me tourne vers elle en haussant les épaules. Mes yeux sont alors attirés par la fermeture éclair qui orne le haut de son débardeur. Il me vient une idée.

— Je crois que je sais comment nous sortir d'ici ! Tu permets ? la consulté-je en indiquant son décolleté avec enthousiasme.

Elle baisse les yeux vers ce dernier.

— Heu... fais-toi plaiz.

Je la prends par la main et l'entraîne au plus près des barreaux.

— King Kong ? Hey ! Mon grand, regarde ça. C'est rigolo, tu vas voir.

Une fois certaine d'avoir bien capté son attention, je pose la main sur la fermeture éclair de Zinaida et je m'amuse à la monter et la descendre plusieurs fois en invitant le singe à reproduire le geste sur la pochette de mon fidèle sac paresseux.

— Sache que si ça fonctionne, je te vénérerai comme une déesse jusqu'à la fin de mes jours, m'encourage Zinaida.

Les cieux doivent nous être favorables, car King Kong pige rapidement le truc et c'est avec des étoiles plein les yeux que nous le voyons utiliser le mécanisme d'ouverture de mon sac en peluche, fouiller la poche, et en sortir la baguette d'Hypnose sans que nous ayons besoin de lui demander.

— Ouiiii ! Nous écrions-nous en cœur.

Nous sautons sur place, euphoriques. La fermeture éclair de Zinaida – que je n'ai toujours pas lâchée – suit le mouvement en s'ouvrant et en se refermant sous l'assaut de ma main trampoline.

Ok, c'était la première étape.

Je relâche ma partenaire de choc.

— Allez, maintenant, apporte ! encouragé-je le primate. Houba Houp Houp !

King Kong est vraiment le King. Sans se défaire de son sourire, il saute de la table et me rejoint en bondissant avant de me tendre fièrement sa trouvaille.

Je récupère la baguette rapidement, au cas où il changerait d'avis, et je le remercie en le gratifiant d'une petite tape sur le haut du crâne.

— C'est bien, mon pépère. Beau travail.

Je me tourne vers Zinaida, victorieuse.

— Tu vois ! Je suis trop douée pour parler aux bêtes.

— Même si mon petit doigt me dit qu'il a dû être dressé pour rapporter des objets, je ne peux que m'incliner devant ta remarquable performance. Tu gères comme surrogata !

— Mais grave !

— Bon, maintenant, on fait quoi ?

— On attend le retour du pisseux...

— Puis on lui fait sa fête ! s'extasie Zinaida.

Et nous n'avons pas à attendre longtemps pour que ce dernier pointe à nouveau le bout de son nez. Il franchit la porte avec fracas quelques minutes plus tard, armé d'un pistolet tranquillisant, ses yeux fous balayant la pièce.

À peine Nolan a-t-il le temps de repérer sa proie, que je lui paye un aller sans retour vers le pays des rêves.

Il s'étale par terre comme un sac à patate.

Heureusement, la pièce n'est pas très grande. Zinaida et moi n'avons qu'à passer nos bras à travers les barreaux pour atteindre son corps. N'ayant aucune autre prise à notre portée, nous le tirons à nous par les cheveux.

Ça doit être vachement douloureux, il peut nous remercier de l'avoir endormi avant de lui faire subir ce traitement.

Nous fouillons l'ensemble de ses poches et mettons rapidement la main sur les clés de notre cage. Aucun signe de La Bête ou du téléphone de Zinaida cependant.

Tant pis, ce n'est que matériel. La liberté n'attend pas !


***

J'espère que cette partie vous aura plu :)

Désolée de ne pas l'avoir postée plus tôt, il m'est un peu plus compliqué de garder un rythme régulier ces derniers temps, pour différentes raisons.

L'une d'entre elle étant un gros projet qui devrait plaire à certains d'entre vous...

Comme vous le savez, j'ai auto-édité mon premier roman cet été (Comme s'il pleuvait des anges) et l'expérience a été plutôt positive. J'ai pu rembourser les frais engagés, ce qui me permet d'envisager ma prochaine publication... (gros indice : il ne s'agit pas de So Trevor) J'aimerais la voir se concrétiser pour Noël de cette année.

Pour que ce soit réalisable, je vais donc devoir mettre les bouchées doubles durant les prochains mois. Je continuerai d'avancer sur DK mais je ne pourrais sans doute pas poster une partie chaque semaine comme j'avais pris l'habitude de le faire.

J'espère tout de même que cette nouvelle vous fera plaisir.

À bientôt !

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