Chapitre 23
J'observe Zinaida faire les cent pas depuis dix bonnes minutes. Nous nous sommes isolées dans ma chambre suite à notre discussion avec Aby, laissant notre hôtesse cuver son vin – ou quelque soit l'alcool qu'elle a ingéré de façon si enthousiaste – dans son coin. J'avais besoin de bouder après les révélations de la dakaroise, et la blondinette, elle, avait visiblement besoin de tourner... en rond... continuellement.
J'ai d'abord cru qu'elle s'était lancée dans un jeu de mime en la voyant entamer sa marche en cercle avec beaucoup d'entrain, mais puisqu'elle n'a réagi à aucune des propositions que je lui ai faites à la volée, j'imagine que ce n'est pas ça.
Ou alors, je n'ai pas encore trouvé la bonne réponse ?
Elle s'agrippe les cheveux de chaque côté de la tête, les faisant remonter comme des couettes autour de son visage poupin.
— Fifi brin d'acier ? proposé-je. Oh, non ! J'ai mieux ! Couette-couette des Razmoket ?
Zinaida cesse enfin ses allées et venues et se poste devant moi, sourcils froncés. Elle est sans doute trop jeune pour avoir la référence, mais elle pourrait définitivement camper le rôle de la redoutable Angelica Cornichon si elle le souhaitait.
— Je n'arrive pas à croire qu'ils continuent de me cacher des choses aussi importantes ! explose-t-elle. Ce n'était peut-être pas prévu à la base, mais je suis une Kerberos, moi aussi ! Que ça leur plaise ou non ! Je ne peux pas les laisser me mettre sur le banc de touche dès que la situation devient trop critique à leurs yeux.
— D'accord.
J'opine du chef avec énergie.
— Il faut qu'on agisse, décrète-t-elle.
— Tu as raison, l'heure est grave. Nous aurons tout le temps de jouer au mime plus tard. Quatre heures sans nouvelles de Ronron, c'est bien trop long ! Si Aby ne veut rien faire pour sauver ma pizza, je vais prendre les choses en mains.
Elle hoche la tête avec raideur.
— Bien parlé ! C'est quoi ton plan ?
— Je vais appeler Ronron !
J'attrape mon téléphone sorti tout droit de l'Antiquité, je cherche le numéro du cairebéroce, j'avise l'air dégoûté de Zinaida devant la Bête, je lui retourne à peu près la même expression, et j'appuie enfin sur la touche appel.
« Pas dispo, laissez un message... Kali, si tu n'es pas sur le point de te faire étriper, raccroche ce putain de téléphone ou c'est moi qui m'en chargerai... de t'étriper, j'entends. »
— Crotte, je tombe direct sur son répondeur, me renfrogné-je.
Enfin, il a au moins eu la délicate attention de me faire une petite dédicace perso, c'est plutôt prévenant de sa part. Est-ce que « se faire étriper » pourrait avoir une autre signification chez les cairebéroces ? Genre « se faire tringler » ?
— Attends, j'essaie de joindre les autres.
Zinaida sort son propre téléphone – bien plus beau que le mien en passant – et pianote dessus quelques instants avant de le porter à son oreille. Elle recommence l'opération cinq fois de suite.
— Messagerie directe pour chacun d'entre eux, me confirme-t-elle après avoir fait le tour des personnes impliquées.
— Merde, les relous.
— Tu devrais peut-être retenter le numéro d'Enzo, me conseille-t-elle. Sven aura sans doute conservé son portable au cas où le ravisseur rappellerait.
Aussitôt dit, aussitôt fait.
Malheureusement, cette énième tentative ne porte pas plus ses fruits. En désespoir de cause, je réessaie d'appeler Margarita. Si ma BFF est bel et bien sortie d'affaire, je suis persuadée qu'elle aura veillé à rallumer son Smartphone dès que sa captivité aura pris fin.
Je m'apprête déjà à entendre les premiers mots de son message d'absence mais, contre toute attente, j'obtiens une tonalité. Après trois longs bips, un déclic m'informe que quelqu'un a décroché.
— Marge ! m'écrié-je, exaltée. C'est toi ?! Les cairebéroces G.I. Joe t'ont enfin récupérée ?
Zinaida vient coller son oreille à la mienne pour mieux entendre.
— Ce n'est pas Marge, m'annonce une voix essoufflée et entrecoupée par une respiration qui sonne un peu robotique.
Ce n'est pas Théo non plus, songé-je intérieurement. Ou alors il a mué vers une version machiavélique de lui-même.
— Dark Vador ? hasardé-je.
— Tu dois être Kali ?
— Attends... c'est vraiment Dark Vador à l'appareil ? m'émerveillé-je faussement.
Mon interlocuteur ne prend toutefois pas la peine de relever. Zinaida me fait signe de mettre le haut-parleur et je m'exécute dans la seconde.
— Où es-tu ? se renseigne le père de Luke après une nouvelle expiration vadorienne.
— Dans ton cul, lui réponds-je du tac au tac.
— Okay, tu vas m'écouter très attentivement. Si tu veux revoir ta copine vivante, tu vas arrêter tout de suite de faire la maline et tu vas suivre toutes les indications que je vais te donner à la lettre. C'est bien clair ?
— Non, c'est Kali.
La cairebéroce me couvre la bouche de sa main.
Oups, elle a raison, il était déjà au courant. Mes cordes vocales ont tendance à devenir indépendantes quand je suis stressée. Espérons que Marge ne soit pas punie par ma faute. Ça lui arrivait souvent d'être collée à ma place quand nous étions encore à l'école.
Je me souviens notamment de ce cours dans lequel j'avais voulu lancer une boulette sur Bastien le bourrin, assis devant moi, grâce à mon effaceur trafiqué.
Ce fourbe s'était baissé au dernier moment, esquivant le projectile avec beaucoup d'agilité. Ce que je n'avais pas prévu c'était que le professeur se trouve juste derrière lui, son popotin en plein dans ma ligne de mire. Le petit bout de papier toilette humide de ma salive s'était planté pile poil dans la raie de ses fesses.
Dans la précipitation, j'avais envoyé valser ma sarbacane improvisée et je m'étais baissée à mon tour, faisant mine de refaire mes lacets pour me disculper. Mais, je n'avais pas prévu non plus que mon arme sommaire en plastique vienne rebondir sur la tête de Marge, la réveillant au beau milieu de sa sieste. Elle s'était relevée en sursaut et avait récupéré mon effaceur par réflexe, un mouvement qui n'avait bien sûr pas échappé à notre professeur remonté, qui s'était empressé – tout en se grattant le cul – de l'envoyerchez le proviseur.
Ah, c'était le bon vieux temps.
Voyant que je me suis un peu perdue dans mes pensées, Zinaida décide de prendre le relai :
— Très bien. Qu'est-ce qu'on doit faire ? s'enquiert-elle.
— Putain ! Mais t'es qui, toi ? s'énerve aussitôt le monsieur pas content.
Il a pris le temps de la saluer. C'est sympa, quand même.
— Zinaida, se présente-elle.
— La nouvelle kerberos russe en charge du refuge de Tioumen ?
— Yep ! En chair et en os, boloss !
En ondes et en voix, pour le coup.
Dark Vador lâche un juron étouffé avant de reprendre :
— Bon, ça aurait pu être pire. (Oh ! C'est gentil, ça) Vous êtes seules ?
— Affirmatif, gros pif.
Hey ! Ça rime ! Zinaida est une vraie pouet.
— Fais bien attention, ma mignonne. Si tu te paies ma tête, la copine tarée de notre très chère surrogata risque de ne pas apprécier la seconde partie du voyage.
Arf, j'espère qu'en disant ça, il n'envisage pas d'emmener Marge à La Baffe, dans les Vosges. Je sais que ses parents sont retournés y vivre mais ma pizza préférée déteste son village natal.
— Espèce d'enfoiré ! se rebelle ma nouvelle amie. On ne s'en prend PAS aux humains ! Jamais !
— Oh, pitié ! Ils n'ont plus rien des êtres innocents que nos ancêtres ont juré de protéger. Je ne la tuerai pas, si ça peut te rassurer. Mais je ne lui rendrais pas la vie facile pour autant...
— Ok, abrège, Serge. On t'écoute.
Serge ? Crotte, j'aurais préféré Anakin.
— Vous êtes loin de l'aéroport de Blaise-Diagne ?
— Comment tu sais qu'on est au Sénégal, connard ?
— L'indicatif téléphonique est plutôt parlant, connasse. Alors ?
— On en a pour environ une heure de route, sale prout.
— Vous êtes chez Aby, en déduit-il.
— T'as gagné le prix de l'évidence. Bravo, blaireau.
— Bordel ! Tu vas arrêter de m'insulter à chacune de tes phrases ! s'insurge-t-il.
Il aura mis le temps... le sacripant.
Hey ! J'adore ce jeu !
— Désolée, Podonok*, lui répond platement Zinaida. Ça m'a échappé.
— Bon... oublie l'aéroport. Tu vas amener la surrogata à l'auberge Simba à la place. Tu vois où c'est ?
— Ouais. J'y suis déjà allé, c'est bon...
— Casse bonbon ? proposé-je en voyant qu'elle a du mal à trouver comment achever sa phrase.
Zinaida m'observe d'un air peu convaincu.
— Quelqu'un viendra vous chercher là bas, poursuit notre interlocuteur après une dernière respiration à la Dark Vador. Je vous laisse vingt minutes pour vous y rendre, pas une de plus. Soyez au rendez-vous et on relâchera l'autre folle furieuse. Sinon... vous le regretterez.
Serge raccroche sans nous laisser le temps de répliquer ou de demander une preuve nous assurant que Marge va bien. La cairebéroce et moi échangeons un regard entendu.
Quel malpoli !
Je le rappelle aussitôt. Ça sonne dans le vide.
Crotte ! Il y a vraiment des problèmes de ligne en ce moment.
Le point positif c'est que j'ai enfin un moyen d'agir pour récupérer ma BFF. Le point négatif c'est que le temps nous est compté. Ce Serge était beaucoup trop pressé pour ne pas paraître suspect.
— C'est très certainement un piège, réfléchis-je à voix haute.
— Assurément, confirme Zinaida.
Voilà, les faits sont posés.
— Bon. On y va ? proposé-je.
— C'est parti, mon kiki !
— Attends ! On dit quoi à Aby ? Tu crois qu'elle acceptera de nous aider ? m'inquiété-je.
— Il y a peu de chances. Mais laisse-moi lui parler, je vais tenter de surfer sur la vague de sa culpabilité.
Wow ! Ça n'a pas l'air facile.
— Et si ça ne fonctionne pas ? redouté-je soudain.
Zinaida fait la moue puis hausse les épaules avec nonchalance.
— Tu la freezes.
— Oh yeah, baby !
Je souris de toutes mes dents.
— Tu as un stylo ? me demande la jolie russe, interrompant ma danse de la joie.
En guise de réponse, je dégaine mon fidèle stylo boxeur de mon sac.
— Parfait ! Je vais laisser un message sur le répondeur de Sven pour assurer nos arrières. Je te laisse écrire un mot à Aaron pendant ce temps.
Oh ! Un petit mot doux ? J'adore l'idée !
Après avoir arraché une page vierge de ma bible filigay – ma filibible ? Ma fible ? Il faudra que je me penche sur son titre plus tard –, je m'applique à trouver les bons mots pour laisser suffisamment d'indices à mon gros naze de cairebéroce préféré sans que ce ne soit trop obvious. On ne sait jamais qui peut tomber dessus...
Je plie le bout de papier en deux et je le dépose sagement sur mon oreiller. Je l'aurais bien parfumé pour l'occasion, mais le temps nous presse.
Je rejoins Zinaida dans le couloir et nous traversons la villa au pas de charge jusqu'à la cuisine, dans laquelle nous retrouvons l'hôtesse des lieux qui tangue dangereusement près des plaques à gaz. Heureusement, ces dernières sont éteintes.
D'ailleurs, en y regardant de plus près, elles m'ont l'air plus électrique qu'autre chose.
— Aby ! la hèle Zinaida en la faisant sursauter.
— Les filles ? Qu'est-ce qu...
— Salagadou, la magica boule ! entonné-je alors avec une gestuelle de circonstance.
Aby tombe raide à nos pieds. Zinaida se tourne vers moi et avise Méduse dans ma main.
— Hey ! me reproche-t-elle. Tu devais me laisser parler d'abord !
— Désolée, c'était trop tentant.
Et puis, j'ai une pizza à sauver !
— C'était quoi cette formule ?
— Celle de la fée marraine dans Cendrillon, mais j'ai un peu revisité les paroles. Tu aimes ?
— Tu sais que tu n'es pas obligée de dire quoi que ce soit pour que ça fonctionne ?
— C'est nettement moins fun.
— C'est pas faux, approuve-t-elle.
Aby mise hors d'état de nuire, nous nous mettons en chemin vers l'auberge Simba sans plus de cérémonie. Zinaida m'explique qu'elle connaît un raccourci pour nous y rendre à pieds et que cela ne devrait pas nous prendre plus d'une dizaine de minutes sans se presser.
Tant mieux, parce qu'il ne nous en reste plus que quinze avant que Dark Serge pète un câble et ne mette sa menace à exécution.
Puisque nous avons un peu de temps à tuer durant le trajet, je décide de grappiller davantage d'informations sur le compte de ma jeune acolyte. Elle semble être mise un peu à l'écart des intrigues filigays – à son plus grand malheur – mais ça a le mérite de la rendre loquace et je ne perds pas de vue que j'ai une enquête à mener. Zinaida comprise, je connais maintenant cinq cairebéroces sur dix. C'est un bon score.
— Alors comme ça, tu as rejoint l'équipe des cairebéroces depuis peu ? l'interrogé-je.
— Depuis deux ans, ouais. J'ai accédé à ce statut deux semaines seulement après le dynamis.
Zut. Encore un mot chelou à ajouter dans ma filibible.
— C'est le test qui permet de classer les kerberos par ordre de puissance, m'éclaire Zinaida. Il a toujours lieu deux ans avant la prochaine syndesi et c'est aussi à ce moment-là que notre surrogata est désigné.
Classe !
Je sens que je vais en apprendre bien plus en dix minutes de marche à ses côtés qu'en dix jours à fréquenter Ronron et son BDLC légendaire.
— Mais, du coup, vous savez faire quoi de plus en tant que cairebéroce par rapport aux autres filigays ? Aby m'a dit que vous n'aviez aucun pouvoir de super héro. Alors, en quoi êtes-vous différents d'eux ou des miens ?
— Contrairement aux êtres humains, les filii gê sont tous réceptifs à la magie, à des degrés plus ou moins forts. Et certains d'entre nous, parmi les plus puissants, parviennent parfois la manier à travers différents objets, tels que les tablettes runiques qui nous permettent de traverser les portails, par exemple. Mais ce sont des aptitudes que nous ne partageons pas tous.
— J'imagine que tous les cairebéroces en sont capables, eux...
— Effectivement. Ils font partie du haut du panier. Comme tu le sais, ils sont plus forts physiquement, mais pas seulement. Ils sont choisis par la magie dès leur naissance et cette affinité particulière leur permet d'utiliser certains artefacts ancestraux très puissants. Nous ne sommes donc pas dotés de pouvoir à proprement parler, à l'image de certains héros Marvel ou DC Comics, mais notre nature magique nous offre toutefois des perspectives supplémentaires.
— J'avoue que c'est quand même assez badass. Après tout, Batman non plus n'a pas de superpouvoir, ça ne l'empêche pas de déchirer un max. Tu as eu un bon score au test de la dynamite ?
— Je n'ai pas passé le dynamis. Il est réservé aux kerberos déjà en place et je ne l'étais pas encore à l'époque.
— Ah ? Mais, tu t'attendais à rejoindre le club des dix ?
— Heu, pas vraiment... c'est-à-dire que... mon cas est un peu particulier.
— Pourquoi ? Tu n'as pas d'affinité avec la magie ?
— Si. En fait, sur ce point, je sors même un peu du lot.
— Comment ça ?
— Une minorité de filii gê, dont je fais partie, est capable de lancer quelques sortilèges avec les bons ingrédients et grimoires sous la main. C'est une caractéristique plutôt rare.
— Trop cool ! Tu es donc une sorte d'Harry Potter ? Hey ! Mais, ça signifie que tu pourrais utiliser la baguette d'hypnose, toi aussi ?!
— J'aimerais bien, mais non. C'est un artefact surrogata, c'est encore différent. Ta baguette requiert le pouvoir de l'Imperium, et lui seul est capable de la faire fonctionner. En tant que filii gê, je peux utiliser certains objets anciens dont la magie a été figée, ou encore créer des runes de façon à moduler quelque peu l'énergie qui nous entoure et dont la Terre est naturellement pourvue, mais je ne pourrais jamais agir sur des artefacts surrogata.
— Et quel genre de sortilèges tu peux lancer au juste ? Créer un monde prison, par exemple ?
— J'en aurais peut-être été capable à l'époque où la magie circulait plus librement. Mais certainement pas seule. Nous n'avons plus accès à la même source de pouvoir qu'autrefois, si ce n'est celle de l'Imperium. Et encore, notre surrogata ne peut y goûter dans son intégralité que le jour de la syndesi. Voilà d'ailleurs pourquoi seuls les kerberos y ont accès. Ils sont plus forts, plus agiles, et grâce à des années d'entraînement, ce sont les seuls à posséder tous les critères réunis pour contenir une telle force de la nature.
— Les seuls... jusqu'à moi.
— Mais on ignore encore si tu y parviendra.
Crotte, j'avais oublié ce détail.
— Il se passera quoi si j'échoue ?
— Aucune idée. Tu es humaine et je ne crois pas que ton cas de figure se soit déjà présenté avant. Mais comme tu le sais, on ne met pas toujours dans la confidence. De plus, je ne suis pas kerberos depuis longtemps, il y a beaucoup de choses que j'ignore. Les dix sont placés sur des piédestaux par l'ensemble de mon peuple. Ils sont considérés comme presque sacrés. Ce sont des sauveurs sur qui reposent des responsabilités très lourdes. Ce sont ceux qui nous permettent de tenir les promesses faites aux anciens dieux. De ce fait, ils sont au courant de choses que la plupart d'entre nous ignorent.
— Mais, deux ans, c'est long quand même. En tant que cairebéroce, tu aurais déjà dû être mise au courant, non ?
— Les autres ne semblent pas pressés de m'intégrer à leurs affaires.
— Pourquoi ? Je ne comprends pas.
— Disons que ma présence en tant que kerberos en a surpris plus d'un... Comme je te l'expliquais un peu plus tôt, les kerberos sont désignés par la magie dès leur naissance, c'est comme s'ils baignaient dedans. On les nomme alors eklektos, les élus. Leurs particularités physiques apparaissent tout aussi tôt. Ils possèdent la beauté et la puissance des dieux et, chose assez exceptionnelle, ils ont tous des yeux violets.
— Hey ! Brienne a les yeux violets !
— Qui ça ?
— Heu... Freja, la vipéris !
— Ah, cette vieille peau ! Ouais, c'est normal. Nos yeux reprennent leurs couleurs d'origine lorsqu'on perd notre statut de kerberos. Pour ma part, je n'ai jamais eu les yeux violets. J'avais beau avoir un contact privilégié avec la magie, j'étais une enfant plutôt malingre et, même si j'ai gagné en taille et en muscles lorsque j'ai pris en charge le refuge de Tioumen, je reste moins impressionnante que le kerberos moyen. Sans compter que... je n'ai jamais été une eklektos.
— Quoi ? C'est pour ça qu'ils se méfient de toi ? Parce que tu n'étais pas un beau bébé et que tu ne faisais pas partie de la bande des joyeux élus dès le départ ? Et moi qui croyais que les filigays étaient des gens ouverts...
— Pff, renâcle Zinaida. Je ne dirais pas ça, non. Mais, pour ne rien te cacher, il se pourrait que les neufs aient des raisons de se méfier...
Elle me jette un regard en coin avant de le reporter sur le fond de la ruelle sombre et déserte que nous venons d'emprunter.
— Tu veux dire que tu as été vilaine ? me moqué-je.
— Eh bien... Il n'est pas impossible que j'ai un peu forcé le destin à faire de moi une kerberos... en jouant les apprenties sorcières par exemple.
— Oh, m'étonné-je, ma curiosité définitivement piquée.
— Et, il n'est pas impossible non plus que cela ait eu pour effet de destituer une kerberos déjà en place... alors qu'elle n'avait pas encore atteint l'âge de prendre sa retraite... faisant ainsi passer devant des dizaines d'eklektos en attente, une parfaite ignare pour la remplacer... une filii gê d'à peine seize ans, qui, pour parfaire le tout, s'était emmourachée d'un archidémon...
Ses révélations arrêtent nette mon avancée. Je la dévisage, bouche bée.
— Tu en pinces pour un démon ?! m'horrifié-je.
— Hé ! se défend-elle. Si tu connaissais l'histoire de Judikael, toi aussi tu aurais le béguin ! C'est un véritable héros aux yeux de son peuple. En plus, il est magnifique ! Un vrai fae, attends, regarde...
Elle fouille ses poches et en sort une page de manuscrit chiffonnée sur laquelle on peut voir le portrait d'un homme d'une vingtaine d'années au visage d'ange. La peinture paraît plus vraie que nature et le Judikael en question semble auréolé de lumière tant il resplendit de beauté.
— Whaou ! sifflé-je, médusée. Pas mal, le mâle !
Je ne pensais pas que les démons pouvaient être aussi craquants.
— N'est-ce pas ? Ah, j'aimerais tellement le rencontrer.
— Ouais, enfin... jusqu'à ce qu'il dévoile ses dix rangées de dents monstrueuses et qu'il te bouffe parce que ça fait des siècles qu'il n'a pas eu de chaire fraîche à se mettre sous la dent.
Zinaida m'observe en fronçant les sourcils.
— Les faes n...
PFIIIT... SPOCK !
Dans le même mouvement, Zinaida et moi abaissons la tête vers le mystérieux objet qui vient juste de se planter dans son épaule droite, lui coupant la chique instantanément.
Nous avons tout juste le temps d'échanger un regard consterné en découvrant de quoi il s'agit que d'autres projectiles fendent les airs dans notre direction dans des sifflements inquiétants.
PFIIIIIIT ! SPOCK, SPOCK, PFIIIIIT, SPLOCK !
La cairebéroce s'écroule à mes pieds.
Je pivote sur les miens, lève le doigt avec la ferme intention de passer un savon au malotru qui s'amuse à nous mitrailler de seringues hypodermiques, fais un pas en avant, et constate que mon champ de vision vient de passer d'environ un mètre cinquante-huit au dessus du sol à plus ou moins onze centimètres – distance approximative entre mon menton qui racle actuellement la poussière et mes yeux.
Je vois une paire de chaussures en cuir s'approcher et se stopper sous mon nez... puis c'est le black-out.
***
Une partie un peu plus longue que d'habitude comme je n'ai pas pu poster la semaine dernière. J'espère qu'elle vous aura plu.
N'hésitez pas à laisser des commentaires, c'est ce qui me booste et me motive à continuer. Merci à tous ceux qui le font déjà ♥
Je n'ai pas pu me relire autant que je l'aurais souhaité parce que je pars en week-end cette après-midi et qu'il fallait que je la poste plus tôt. Donc si vous avez vu des coquilles ou autre, n'hésitez pas à me les indiquer.
Bon week-end et à bientôt !
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