Mon amie porte une ravissante robe blanche en dentelle qui la fait ressembler à un ange. Ou une vierge sur le point d'être sacrifiée. Ce qui n'est, finalement, pas si différent.

Elle a poussé le vice jusqu'à coiffer ses magnifiques cheveux bruns d'une couronne de fleurs d'un joli rose pastel. C'est affreusement beau. Je suis à deux doigts de virer de bord. Si ce guitariste ne la bouffe pas des yeux après cela... bah... faudra qu'on ait une discussion, lui et moi.

Margarita m'entraîne un peu plus loin, à deux pas de la scène.

Evidemment.

Le concert ne commence pas avant au moins une heure, mais elle ne veut surtout pas louper l'entrée du groupe. Enfin, l'entrée d'un de ses membres en particulier.

Nous papotons de tout et de rien pendant un moment, jusqu'à ce que je remarque que l'attention de mon amie se trouve de plus en plus perturbée par un point dans mon dos.

— Qu'est-ce qu'il y a ? lui demandé-je fébrilement. C'est Theo, c'est ça ? Il revient par là ?

— Hein ? Non, non.

— Bah quoi, alors ? Oh ! T'as enfin repéré ton cher et tendre ?

Je tourne la tête pour observer dans la direction qu'elle ne lâche pas du regard, pensant apercevoir l'objet de tous ses fantasmes mais, au lieu de ça, je distingue deux types — un blond et un brun — tout ce qu'il y a de plus banals en train de discuter avec agitation.

— Non, reprend ma BFF. C'est juste ces deux mecs, là. Je trouve qu'ils ont un comportement louche depuis toute à l'heure. Comme s'ils s'apprêtaient à commettre un méfait.

— Genre ?

J'écarquille les yeux, comprenant soudain où elle veut en venir.

— Oh, merde ! m'écrié-je. Un attent...

Margarita me bâillonne avant que je n'ai pu finir mon mot.

Je vais finir par croire que c'est une mode.

— Mais non ! Tais-toi, malheureuse ! Tu es folle, ou quoi ?! Tu veux que le concert soit annulé à cause d'une fausse alerte à la bombe ?! Où veux-tu qu'ils aient cachés leurs explosifs ? Ils n'ont aucun bagage sur eux et portent des t-shirts ultra moulants.

Maintenant qu'elle le dit... c'est vrai qu'à part dans leurs calbuts, je ne vois pas trop où ils auraient pu planquer l'objet du délit. Je louche un instant sur leur entrejambe pour m'assurer que rien de suspect ne vient gonfler cette partie de leur anatomie.

L'un des deux hommes me voit me rincer l'œil et fronce les sourcils avant de tirer son collègue sous le barnum d'un stand pour avoir un peu plus d'intimité.

Je décide donc de m'approcher en douce, afin d'espionner comme il se doit leur conversation.

Après tout, s'ils voulaient vraiment être tranquilles, ils n'avaient qu'à se parler ailleurs qu'en plein milieu d'une foule.

— T'es pas d'accord ? demandé-je à Marge en me tournant vers elle.

Mais ma BFF ne m'a pas suivie. Je la vois toujours au même endroit, occupée à s'humecter les lèvres et s'essayer à diverses mimiques — qu'elle veut sûrement sexy — en faisant les yeux doux à un point hors de mon champ de vision. Elle a dû repérer l'homme de sa vie, finalement.

Dans un haussement d'épaules détaché, je retourne à ma quête d'infos juteuses.

Je parviens à m'avancer assez près des deux compères sans éveiller davantage leurs soupçons — j'ai toujours su que j'avais des prédispositions pour jouer les détectives. Je tends l'oreille jusqu'à ce que leurs messes basses me parviennent.

— J'ai pris un risque énorme. Quand ils auront découvert qu'il a disparu, la majorité des Kerberos se lancera à mes trousses...

Hein, hein... Voilà qui s'annonce croustillant. Les « Caire baie rosse » ? Sûrement un nom de code de mafieux.

— Avant de te le remettre, je dois m'assurer que vous tiendrez parole. Jure-moi que vous m'offrirez la protection nécessaire quand les chiens seront lâchés.

— La cause pour laquelle nous nous battons aurait dû suffire à te décider. Il est temps que la magie reprenne ses droits sur ce monde de pure ineptie. L'idée même de la contenir était une véritable aberration ! Je ne comprends toujours pas pourquoi les anciens ont fait ce choix insensé !

Okay... Plutôt des drogués, en fin de compte. Il m'a l'air complètement halluciné, le blondinet.

— Je sais très bien pourquoi j'ai choisi de vous suivre ! Tu ne me convaincras pas davantage du bien fondé de ma décision... Mais ma trahison n'aura servi à rien si je ne suis pas là pour assister à la reconstitution des mondes.

Putain, ils en tiennent une couche. Où est mon pop corn ?

— Je te l'ai déjà dit. Nous avons l'appui d'un Kerberos en personne, il veillera à ta sécurité ainsi qu'au maintient de l'ordre lors de la Syndesi.

Dommage qu'il n'y ait pas de sous-titrage, par contre.

— Tu ne m'as jamais révélé son identité...

— Prouve-lui qu'il à eu raison de placer sa confiance en toi et nous n'aurons plus aucune raison de te maintenir dans l'ignorance. Tu n'es pas le seul à avoir pris des risques.

Mais oui, vas-y ! Prouve-le-lui ! Je veux connaître la suite, moi.

Après un dernier instant de réflexion, le plus stressé des deux hommes — le petit brun — semble finalement se résoudre à m'écouter.

Ah ! Ce suspense est insoutenable !

Je le vois hocher la tête d'un air entendu avant de plonger la main dans sa poche de pantalon pour en sortir un objet que je ne distingue pas encore.

Je me dresse sur la pointe des pieds et je tends le cou pour essayer d'apercevoir ce qu'il tient. C'est alors qu'une bousculade a lieu dans mon dos et qu'un type me percute par derrière, sans le vouloir.

Je me retrouve propulsée sur les deux drogués et je m'écrase sur eux sans aucune grâce, les entraînant dans ma chute. Mon dos heurte douloureusement le sol et j'ouvre la bouche sous le coup de la surprise.

J'ai juste le temps de voir une petite sphère luminescente redescendre en piqué vers mon visage avant de la gober purement et simplement. Je m'étouffe un peu après l'avoir senti glisser le long de mon œsophage.

C'était doux et chaud à la fois, mais ça n'avait pas vraiment de goût.

Oh ! Mon Dieu ! J'espère que ce n'était pas une nouvelle arme de destruction massive ou quelque chose dans le genre ! Est-ce que je vais bientôt exploser ? Ou bien me transformer en une sorte de Hulk féminin ? Est-ce que je vais changer de sexe ? C'est vrai qu'elle était étrange cette petite boule de lumière pourpre.

J'avale un peu de salive supplémentaire pour être sûre qu'elle ne restera pas coincée je ne sais où dans le circuit. Il faut dire que je ne m'attendais pas à l'ingurgiter de la sorte. Je n'ai même pas eu le temps de voir ce que c'était dans le détail. Il n'y a bien qu'à moi que ça arrive.

Finalement, c'est un peu comme la fois où j'ai avalé une bague de fiançailles par erreur. Après ça, Olga — la mariée à qui elle était destinée — m'avait fait la gueule pendant.... En fait, je crois qu'elle me fait toujours la gueule. Elle n'avait qu'à pas laisser traîner son verre de champagne aussi. Tout le monde aime le champagne. Et la flûte dans laquelle se trouvait cet alléchant breuvage doré était décorée d'un joli petit nœud rose à paillettes. Une vraie tentation sur pied.

De toute façon, j'ai fini par la récupérer cette maudite bague. Elle n'était même pas belle.

Olga, elle-même, la trouvait laide. Je revois encore le regard horrifié qu'elle m'avait lancé quand je lui avais rendue en main propre... Ce n'était pourtant pas ma faute si son futur mari avait des goûts de chiottes.

Enfin... je m'égare.

D'ailleurs, après réflexion, la sensation qui me parvient n'est pas franchement comparable à celle que j'avais pu éprouver lors de l'épisode de la bague. Ou alors, je ne m'en souviens pas. Il faut dire que je n'en étais pas à mon premier verre, ce jour là.

J'ai l'impression que cette étrange petite boule me pèse sur l'estomac tout à coup. C'est tout bizarre dans mon dedans.

J'ai brusquement les joues qui chauffent. Je me redresse d'un bond en sentant une folle énergie me parcourir depuis le bout des orteils jusqu'à la pointe des oreilles. C'est... vivifiant.

J'ai l'impression de m'envoler comme Asterix après son shoot de potion magique. Avec les talons qui claquent, les ailes du casque qui virevoltent, et les yeux qui flashent.

Puis, tout se tasse subitement. Je redescends sur terre en un temps record, comme si rien n'était arrivé.

Pas terrible comme drogue, les effets ne durent même pas une minute.

Je me félicite de ne pas avoir explosé. Je m'en serais voulu d'être responsable d'une telle catastrophe à la Beach Party. Pas sûre que Margarita m'aurait pardonnée, en passant.

Je reporte mon attention sur les deux énergumènes qui me font face.

À en croire leurs expressions épouvantées, je dois faire peur à voir. Ils me dévisagent comme si j'étais Satan en personne.

— Désolée, les gars. Contrairement à vous, je ne suis pas une adepte des stupéfiants. C'était ma première fois.

— Elle a mangé la Magiki Bala, s'affole soudain le brun. Elle a mangé la Magiki Bala !

Apparemment il radote un peu. J'ai l'impression qu'il tenait beaucoup à sa magichose, ça le met dans tous ses états.

— Désolée, lui dis-je dans un petit sourire contrit.

— On se tire ! Ne reste pas là, lui lance le blondinet.

Après avoir fixé mon front comme s'il m'était poussé un troisième œil, il se relève et se carapate, entraînant son acolyte avec lui.

Je retiens ce dernier par le bras.

— Hey ! Attends ! C'est quoi une magiki truc ? Pourquoi il ne fallait pas que je la mange ?

C'est moi, ou ça sonne bizarre comme phrase ?

— À cause de toi, le monde entier est en péril. Nous sommes tous morts, conclut-il avant de prendre ses jambes à son cou à son tour.

Heu... Okay.

J'imagine que j'ai dû prendre une dose allégée. De leur côté, ils n'en étaient sûrement pas à leur coup d'essai. Ou bien je résiste vachement bien aux effets de la drogue.

J'avoue qu'elle se présentait sous une jolie forme, mais ça en reste là. Une attente si longue pour un si bref plaisir... on croirait assister aux prouesses sexuelles de Lucky Luke. Je suis sûre que ça vaut une fortune, en plus. Une chose est certaine, je ne serai jamais cliente des magiboules. 

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Bonne lecture à tous !