Chapitre 12-1
Je croyais que mon séjour au refuge se révélerait divertissant après ce premier rapprochement avec Aaron. Grossière erreur !
J'ignore quelle mouche l'a piqué, mais cet empaffé a passé son temps à me fuir comme la peste après m'avoir offert le baiser du siècle.
Chaque fois que je tentais une approche, il amorçait un demi-tour au moment où il me voyait pénétrer dans son champ de vision. Et si, par malheur, je réussissais à l'aborder malgré tout, il prétextait un truc à faire avant de déguerpir aussi-sec.
Je n'ai jamais eu le droit au corps à corps bestial que Sven m'avait si bien vendu peu avant.
Apparemment, notre échange de salive n'a pas été au goût de mon Apollon. Vu son comportement de vierge effarouché, j'ai bien compris que je ne l'intéressais plus.
Il aurait pu se contenter de me le dire.
Si l'expérience lui a déplu, je peux l'entendre. Moi aussi il m'est déjà arrivé de ne plus être attirée par des mecs après avoir tâté le terrain, mais j'ai toujours mis un point d'honneur à me montrer honnête envers eux dans ces cas là.
Ok... la pilule ne passe pas toujours bien et j'ai parfois dû user de subterfuges pour avoir la paix, mais uniquement en dernier recours.
Je ne suis pas du genre à m'accrocher pour rien. Je finis toujours par trouver mon bonheur ailleurs de toute façon. Aaron l'aurait su s'il s'était contenté de me dire en face qu'il n'y avait pas moyen.
Bref, ainsi délaissée, j'ai voulu me rabattre sur la documentation des différentes espèces de démons existantes pour pallier à mon ennui. Malheureusement, là encore, j'ai fait chou blanc.
J'ai fouillé la bibliojungle à la recherche de mon bonheur mais, c'est comme si la moitié des étagères avaient été vidées de leurs contenus entre temps. Les filigays auraient pu choisir un autre moment pour leur inventaire, franchement.
Dans mon malheur, je suis tout de même parvenue à remettre la main sur la baguette d'hypnose. Aaron l'avait oubliée dans sa chambre. Je suis tombé sur elle alors que je cherchais mon beau brun. Je vérifiais s'il ne s'était pas planqué sous son lit, à tout hasard.
Quoi qu'il en soit, si je suis la seule à pouvoir utiliser les objets magiques, il est normal que ce moyen de défense me revienne.
La baguette s'est d'ailleurs révélée très rapidement utile. Je m'en suis servie presque aussitôt son acquisition effectuée, pour freezer les deux filigays qui ont voulu me barrer la route au moment où je quittais la propriété.
Probablement des espions infiltrés.
Comme quoi, je n'étais pas plus en sécurité au refuge.
N'en pouvant plus de tourner en rond, j'ai décidé de m'accorder ces vacances que je m'étais tant promises. Aaron et Sven peuvent être rassurés, j'ai pris mes précautions : je ne suis pas repassée par mon appartement, et je n'ai pas revu Marge non plus, que je savais probablement surveillée.
J'ai simplement chargé cette dernière d'envoyer un message à Sven pour le rassurer et le prévenir que je partais prendre le large quelques temps. Je l'aurais bien fait moi-même, mais je n'ai pas pensé à prendre son numéro.
Ma valise licorne étant déjà bouclée, il m'a suffit de redemander à Enzo de jouer les chauffeurs pour me conduire à la gare. J'ai passé le trajet avec un bob sur la tête, pour cacher mon tatouage aux possibles filigays que j'aurais eu le malheur de croiser sur ma route.
Par souci de sécurité, j'ai mitraillé un bon nombre d'inconnus dès que j'avais le moindre doute sur leur identité. Si beaucoup de clichés se sont révélés peu flatteurs, tous correspondaient à la réalité.
Il n'y a pas à dire, j'ai mis le paquet pour ne pas me retrouver en danger inutilement. Aaron peut être fier.
Mon comportement discret a d'ailleurs porté ses fruits, puisque cela fait maintenant trois jours que je me prélasse au soleil dans cet hôtel luxueux sur la côte. Et, aucun gros méchant à l'horizon.
Le propriétaire est un ami, il me tanne chaque été pour que je vienne séjourner dans son établissement. Gratuitement. Je n'aurais jamais les moyens de me payer une chambre ici.
Alors que je suis justement sur le point de rejoindre la suite qui m'a été gracieusement allouée, j'entre en collision avec une masse imposante au détour d'un couloir.
L'homme qui m'a foncé dessus comme un boulet de canon me rattrape de justesse en voyant que je tangue dangereusement sous l'effet de sa charge.
Il semble très agité.
Après un dernier coup d'œil affolé par-dessus son épaule, il m'entraîne avec lui dans un local d'entretien, à deux pas de notre position, et ferme la porte à clé sans perdre de temps.
Qui met un verrou à l'intérieur de ce genre d'endroit ?
Un peu sonnée par tout cet enchaînement quelque peu étrange, je l'observe d'abord avec confusion.
Il porte des lunettes de soleil, mais son look est loin de celui du touriste de base. Même si les clients de cet hôtel sont plutôt soignés en règle générale et semblent éviter les célèbres chemises hawaïennes, on en croise rarement des comme lui.
Il est tout de noir vêtu, comme s'il cherchait à se fondre dans la masse mais qu'il n'avait pas compris qu'à cette saison, la plupart des gens privilégiait les shorts et les t-shirts à manches courtes, le tout dans des tons clairs, pour ne pas suffoquer de chaleur.
Mon inspection achevée, je commence à paniquer en réalisant qu'un parfait inconnu m'a enfermée avec lui dans un mini cagibi et qu'il me bloque l'accès à la sortie.
Je m'apprête à hurler pour qu'on vienne me sauver mais ce pervers pose sa main contre ma bouche pour m'empêcher d'émettre le moindre son.
À partir de là, je ne réponds plus de moi, je me débats à coups de poings et de griffes pour le faire lâcher prise, seulement il m'a tout l'air d'être un adepte de la musculation. Mon acharnement n'a aucun effet, si ce n'est celui d'éjecter ses lunettes.
En désespoir de cause, je lui mords la paume.
Il me lâche et jure en silence, secouant sa main en me fusillant du regard.
Je m'écarte précipitamment et lui jette mon sac, mon pass de chambre, mon portable, et un tampon qui traînait dans ma poche.
— Tenez ! Prenez-tout ! Il n'y a peut-être pas grand-chose de valeur dans le lot, mais je vous jure que c'est tout ce que j'ai !
Il fronce les sourcils et m'observe comme s'il y avait méprise. Puis, lumière semble se faire sur son visage.
— Je n'ai pas l'intention de vous dévaliser, affirme-t-il.
Malheureusement, ça ne me rassure pas du tout. C'est bien ce que je craignais. S'il ne compte pas me voler, alors il veut sans doute me violer !
En louchant sur mon tampon gisant au sol, il me vient une idée.
— Je... j'ai mes règles ! bafouillé-je pour calmer ses ardeurs.
Il a l'air étonné par mon intervention et je me rends compte que ce n'est clairement pas ce qui arrêtera un violeur.
Il faut que je trouve autre chose, et vite !
— J'ai une hépatite... C ! je précise, peu sûre de moi.
Mince, c'est la B ou la C qui est sexuellement transmissible ?
J'ai soudain comme un doute, le stress m'empêche de réfléchir correctement.
— Et le sida ! ajouté-je donc avec précipitation. Oui, voilà, j'ai le sida aussi. Je les cumule.
Je me pince les lèvres. J'ai un peu honte de me servir des séropositifs comme moyen de protection. Je les plains réellement, mais ma survie passe au dessus de mes états d'âme.
Merde ! En parlant de protection... et s'il décidait d'utiliser un préservatif ?
— J'ai un piercing au minou. Les capotes n'y résistent jamais. Elles finissent toutes éventrées, finis-je donc de le dissuader.
Le type louche me regarde encore plus perdu qu'auparavant. Puis, il semble réaliser où je veux en venir.
— Je n'ai pas non plus l'intention de vous violer, s'amuse-t-il de ma réaction.
Après quoi, je le vois lentement passer sa main sous son blouson de cuir noir.
Il stoppe net son geste en avisant mes yeux qui s'écarquillent et qui manquent de se révulser.
Je comprends enfin.
Terrifiée, je place mes mains devant moi en signe d'apaisement. Dans le même temps, je tente de me fondre au mur qui se trouve dans mon dos... et qui est inexistant. À la place, je trébuche dans un seau de serpillière posé contre une étagère.
Je me remets droite sans le quitter des yeux une seconde.
— Je ne suis absolument pas la victime idéale, l'informé-je le plus calmement possible. Je suis une invisible. Tout le monde s'en fichera si vous me tuer. Vous ne trouverez pas dans ma mort la gloire que vous recherchez. Vous pourriez vous débarrasser de mon corps sans que personne ne s'aperçoive de ma disparition.
Ce n'est qu'en terminant ma phrase que je me rends compte à quel point je viens de me griller toute seule.
Si ça se trouve, c'est exactement ce qu'il cherche, une invisible. Pour commettre son méfait sans être inquiété. C'est vrai, quoi, les psychopathes ne veulent pas forcément faire les gros titres. Si ?
Merde, pourquoi je ne suis pas profiler.
— Mais j'ai quand même des proches ! tenté-je de me rattraper in extremis. Qui tiennent à moi, et qui me chercheront. Ils vous retrouveront ! Mon père est flic. Il fait partie du FBI !
Ok, on est en France. Le FBI n'a rien à foutre dans l'histoire, mais avec un peu de chance il n'y fera pas gaffe.
Mon geôlier se fait alors un genre de facepalm.
C'est bon signe, ça ?
Il faut que je trouve quelque chose de plus convaincant. Au cas où...
— En plus, vous ne pourrez jamais sortir d'ici avec un cadavre sous le bras. Surtout le mien. Tout le monde me connait dans l'hôtel. Enfin, laisser mon corps ici ne serait pas plus indiqué ! m'empressé-je de le dissuader. L'odeur finirait par se faire sentir. Mais, même sans cela, on tomberait dessus bien avant. Des femmes de ménage vont sans doute débarquer d'ici peu. Et puis, il y a des caméras dans le couloir. On vous reconnaîtra. Non, le mieux, c'est de me laisser vivre. Je ne dirais rien. Je le jure. D'ailleurs, je ne vous ai pas bien regardé. Je suis malvoyante.
Oh ! Mais j'y pense ! J'ai encore mieux que les mensonges pour l'arrêter ! Il me suffit de lui dire la vérité !
— Attendez ! Ce n'est pas le pire ! Si vous me tuer, c'est l'apocalypse assurée ! Sachez que je ne suis pas normale !
— Ouais, je m'en suis aperçu, me complimente-t-il, probablement dans le but de m'amadouer.
— Ce que je veux dire, articulé-je pour obtenir toute son attention. C'est que je porte en moi le pouvoir de sauver le monde... ou bien de le détruire. C'est au choix. Et la Synthèse n'a pas encore lieu. Si vous laisser l'Opium s'échapper avant le jour fatidique, le FBI sera le cadet de vos soucis. Les Cairebéroces vous prendront en chasse. Mais de toute façon, vous serez mort avant. Parce que les démons auront mangé vos entrailles.
Voilà. Ça devrait suffire à lui faire peur.
Dans le doute, il vaut mieux mettre toutes les chances de son côté. Je suis plutôt satisfaite de moi sur ce coup. Je sais qu'Aaron n'aime pas trop que je divulgue la chose, mais c'était un cas de force majeure. Il comprendra.
Oh non ! Et si ce sale type était déjà au courant justement ?!
Il se pourrait fort bien que ce soit un Cairebéroce, lui aussi. Et que son but soit justement de libérer l'Opium avant le jour de la Synthèse... Pour devenir le plus puissant de tous les gros vilains et relâcher la horde de démons sur Terre...
Je suis peut-être en train de mener mon premier combat de super-héroïne et je ne le sais même pas !
Si seulement je pouvais récupérer mon portable discrètement pour le prendre en photo et m'assurer que ce n'est pas un Cairebéroce...
Quoi que... il pourrait tout aussi bien être un simple larbin filigay. Auquel cas il apparaîtrait identique sur le cliché. En y regardant de plus près, ses yeux sont verts et non oranges, et même s'il possède une carrure impressionnante, elle n'est pas comparable à celle d'Aaron. Peu de chance que ce soit un de ces gardiens gonflés aux hormones magiques.
***
Alors, des idées sur l'identité de ce mystérieux inconnu ? Lâchez-vous, faites-moi rire XD
La suite demain, ou peut-être même ce soir si je vois qu'il y a eu beaucoup de lectures d'ici là. ^^
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