Chapitre 1


« CÔT ! CÔÔÔT ! CÔÔÔÔT ! »

Neuf heures du matin.

Je me redresse en sursaut et j'envois valdinguer la godasse que je tiens à la main tout droit sur mon réveil qui se trouve à l'autre bout de la pièce et qui m'explose actuellement les tympans.

J'ai dû placer cet objet de malheur à grande distance de mon lit en m'apercevant que j'avais des tendances somnambules et que je me relevais la nuit pour l'éteindre.

J'attends, fébrile, la confirmation insonore de mon exploit matinal...

« CÔÔÔÔÔT ! »

Loupé. Je retire mon masque de nuit —un bandeau vert sur lequel apparaissent deux gros yeux de Yoda globuleux— et je foudroie du regard mon ennemi juré qui imite de plus en plus mal le bruit de la poule.

Il faudra que je songe à changer la sonnerie. La prochaine fois, je testerai le bruit de la grenouille. Ça ne pourra pas être pire que la chèvre de toute façon, j'en garde encore un souvenir effrayant.

« CÔÔÔÔÔÔÔÔÔT ! »

C'est qu'il me donnerait presque l'impression de m'engueuler ce con.

Je sors du lit avec beaucoup de grâce... entendez par là que je me vautre littéralement en me prenant les pieds dans le drap. Je me retrouve face contre le sol à humer la douce odeur de mes chaussettes de la veille.

Heurk

Je les repousse délicatement du bout des doigts et je m'aide de mes deux bras pour me relever toujours aussi gracieusement. J'agrippe le meuble buffet à ma gauche, me voilà enfin stabilisée.

Au fait... pourquoi je dormais avec une chaussure, moi ?

Bof... Encore un mystère dans ma vie qui demeurera irrésolu, j'en ai bien peur.

J'atteins mon réveil en une dernière enjambée. Il faut dire que ma chambre n'est pas très grande.

Après m'être assurée que l'outil du diable ne me hurlera plus dessus, je me retourne pour fouiller dans mes placards à la recherche d'une ÉNORME tasse pour mon petit déjeuner.

Faut-il préciser qu'en plus d'avoir une chambre toute petite, la pièce fait office de cuisine, salle à manger, salon et... salle de bain. Les architectes de mon studio avaient vraiment le sens de la praticité en décidant de mettre la douche dans un placard de la cuisine. Entre l'évier et les plaques à gaz. Il me suffit d'ouvrir une porte et d'enjamber l'énorme bac qui se trouve là pour faire trempette.

Qui n'a jamais rêvé de prendre sa douche pendant qu'il bat des œufs en neige ?

Je mets enfin la main sur ma tasse fétiche : un énorme cylindre bleu de 500 ml avec une anse en forme de bite et l'inscription « je vais être mamie » sur le devant. Résultat d'une erreur d'usinage qui m'a été largement profitable puisqu'elle m'a coûtée moins d'un euro.

Je baille aux corneilles en appuyant sur le bouton de la bouilloire pour la mettre en route.

A peine debout, je suis déjà lessivée. En repensant aux horaires de merde qui m'attendent en ce beau samedi ensoleillé : 10h/20h, après avoir passé ma semaine à répondre au téléphone de 12h à 14h puis de 16h30 à 20h30, je suis soudain saisie d'une grande flemme communicative.

Qui disait que le métier de télé-enquêtrice était fait pour moi, déjà ?

Bref, je décide de me faire porter pâle.

Après avoir retournée toute la pièce à la recherche de mon Smartphone, que je trouve finalement dans la poubelle, je compose le numéro de l'entreprise qui vient tout juste de m'embaucher. Je pianote des doigts sur la table en attendant la tonalité.

« Allo, patron ? Oui, c'est Kali. Juste pour vous prévenir que je ne pourrai pas venir aujourd'hui. [...] Je fais une crise. [...] Une crise d'anémone. [...] Oui, c'est ça. Des moustiques m'ont vidée de mon sang, cette nuit. [...] Que voulez-vous, c'était une attaque en règle. Ils s'y sont mis à quinze, je n'ai rien pu faire pour les arrêter. [...] Ah ? On dit Anémie ? Bof, mon mot était plus joli. [...] Ok. Bisous, à bientôt [...] Ah ? D'accord. Bon, bah, à la prochaine alors. »

Je raccroche, libérée d'un poids. Un poids qui payait mes factures, mais tant pis. Je retrouverais bien quelque chose tôt ou tard. Mon sourire Colgate a eu raison de plus d'un employeur. Certains ont même réussi à me garder toute une semaine.

Ce n'est pas tant que je travaille mal. C'est juste que je me lasse vite.

Je fais un bond d'au moins deux centimètres lorsque mon téléphone se met à sonner comme un dingue alors que je le tiens toujours dans ma main.

‟ JE SUIS UNE PIZZA

QUI VEUT RENTRER DANS TON ESTOMAC ″

Je me marre toute seule en entendant la nouvelle musique que s'est auto-attribuée Margarita, ma Best Fucking Friend, en guise de sonnerie. Je prends le temps d'écouter les premières notes avant de décrocher.

— Salut, ma couille ! J'adore ta...

— Kaka ! T'es où ?! m'houspille-t-elle sans prendre le temps de me saluer. Ça fait un quart d'heure que je poireaute à t'attendre. J'espère que t'es en chemin, vieille pisseuse !

Merde. On avait rendez-vous ?

— Ne me dis pas que tu as oublié qu'on se voyait ce matin ?

— Quoi ? Mais non ! Enfin ! Pour qui me prends-tu ? glapis-je faussement choquée.

— Tu sais que cet événement est important pour moi. C'est LE lieu où je suis certaine de le revoir. Le seul, Kali ! Si je ne me montre pas sous mon meilleur jour ce soir, c'est mort. Définitivement mort. L'été sera fini et adieu Monsieur Parfait. Je ne le reverrai pas, j'aurais raté l'occasion de ma vie, et mon mari me sera passé sous le nez. Comme ça... Pschiiitt ! En un éclair au chocolat.

Merde ! La Beach Party ! Je l'avais complètement zappée.

Ce soir a lieu la dernière fête d'été organisée par la ville. Cette année, la municipalité a fait importer des tonnes de sable pour en recouvrir la grande place et y proposer diverses animations tous les week-ends d'août. Margarita et moi y avons passés quelques soirées monumentales et il se trouve qu'elle est tombée raide dingue d'un des musiciens du groupe qui se produit sur scène chaque samedi. Elle est persuadée qu'il s'agit de l'homme de sa vie.

La dernière fois qu'elle a eu ce genre d'intuition, elle s'était entichée du vendeur de poulets qui tenait un stand sur le marché. Leur idylle a duré trois jours.

Mais bon, je ne refuse rien à ma BFF. Alors, si elle a besoin de mes conseils mal avisés pour trouver LA tenue qui lui permettra de le mettre dans son lit, je réponds présente. Même si les magasins et moi, ça fait dix.

Comme quoi... je n'aurais pas pu me rendre au boulot de toute façon.

— Alors ? T'es bientôt là ? insiste-t-elle.

— Oui, oui. Je suis en route, mais il y a un peu de circulation. T'entends pas les klaxons ?

— Kali... tu te déplaces à pied.

— Oui, bah justement. Ces cons d'automobilistes bloquent tous les passages piétons. Impossible de traverser pour rejoindre la bouche de métro. A croire qu'ils se sont passé le mot.

— Elle est sur le même trottoir que ton immeuble, cette putain de bouche de métro !

— Ah, bah c'est pour ça que je ne la voyais pas ! Ah ! Merde, faut que je te laisse. Un piano à queue vient de s'écraser pile poil devant moi. Non mais t'y crois, toi ? Qui s'amuse encore à ça, de nos jours ? A tout de suite, bella mozarella !

— T'es vr...

Je lui raccroche au nez avant de l'entendre me traiter de tous les noms d'oiseaux qui lui passent par la tête — Dieu sait qu'elle en connaît un paquet — et je fonce dans mon placard prendre ma douche.



♣♣♣♣♣

J'espère que cette première rencontre avec Kali vous a plu.

N'hésitez pas à me donner vos impressions en commentaires ;)

Je poste la suite demain. Là, il est un peu tard.

Bye les marshmallows !


PS 1 : Un des détails loufoques de ce premier chapitre est une histoire vraie, saurez-vous deviner lequel ?

PS 2: ne me remerciez pas pour la musique, c'est cadeau :D

"Je suis une pizza" par Le Grand JD

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