Le jour où je l'ai rencontré.
Ce prof est plus efficace qu'une boîte entière de somnifères.
J'ai plié le bout de papier à nouveau et je l'ai posé sur sa table quand le prof a reporté son attention sur les premier rang de la salle de classe.
Il nous faut une tasse de café serré là.
Je m'étais fait un nouvel ami.
Quand l'heure fut terminée, il s'est présenté en se plantant devant ma table.
—Je m'appelle Charles, a-t-il déclaré en tendant sa main vers moi.
—Thomas, ai-je dit en la serrant, même si c'était une drôle de manière de se saluer à mes yeux.
Dans les couloirs, tout était presque silencieux. Les élèves ne chahutaient pas entre eux comme j'en avais l'habitude. La discipline pesait sur leurs épaules. Cela ne m'aurait même pas étonner de voir un colonel militaire débarquer.
—Ça fait longtemps que t'es ici ? ai-je demandé, en chuchotant.
Il a fait non de la tête.
—Juste un an, m'a-t-il répondu sur le même ton. Tous les autres sont là depuis des lustres.
J'ai regardé un peu autour de moi, les murs n'avaient aucune couleur, c'était fade. Tout était fade.
—T'habites dans le coin ?
—Yes, a-t-il déclaré d'une voix un plus forte en souriant et j'ai pu voir encore une fois l'écart entre ses deux dents de devant. Juste pas loin, à deux kilomètres d'ici, je viens à pied tous les matins.
Au repas du midi, on s'est assis tout les deux face à face dans le réfectoire et j'aurais été incapable de décrire à quel point le repas était écoeurant. Et comme nous n'avions pas faim, Charles m'a amené à son endroit préféré de toute l'école.
—La bibliothèque est toujours vide à la pause du midi. Les autres, ils préfèrent vachement plus aller réviser dans les salles de permanence ou jouer au foot.
—Ça leur arrive de s'amuser ?
Ma touche d'humour l'a fait rire joyeusement. Il m'a traîné par la main jusqu'à une haute étagère. La section astronomie.
—C'est mon endroit préféré-préféré au monde entier je crois. Même ma chambre ne fait pas le poids.
—L'astronomie...
—C'est passionnant.
Il a pris un livre dans les rayonnages et à son geste, j'ai su qu'il devait l'avoir tenu entre ses doigts plus d'une fois.
—Regarde le système solaire, c'est tellement magnifique. J'ai pleuré quand Pluton a été catégorisée en tant que planète naine même si je n'avais que quatre ans. C'était ma planète favorite.
Il s'est assis par terre, caché parmi les rayonnages et je l'ai rejoint. Il a suivi du doigt la liste des noms des astres du système solaire. Et puis j'ai vu ses yeux briller.
—On est vraiment minuscule par rapport à elles, pas vrai ? ai-je dit et il a vigoureusement hoché la tête.
—Il y a tellement de choses plus grandes que moi que j'ai l'impression de ne même plus exister. Et pourtant c'est le cas ! La science est époustouflante !
J'ai tourné la page pour découvrir une page complète sur les étoiles.
—Proxima Centauri...
—Proxima du Centaure, s'est-il exclamé. Tu te rends compte que si on arrivait à contrôler un moteur à combustion nucléaire, on pourrait atteindre dix pourcent de la vitesse de la lumière et l'atteindre en seulement trente six ans.
—C'est rapide ?
—C'est extrêmement rapide ! Avec nos moyens actuels, on l'atteindrait en soixante-dix-huit mille ans. C'est extra long ! Le moteur atomique ça réduirait le temps de...
Il a remis l'une de ses mèches blondes derrière son oreille en réfléchissant.
—Quatre-vingt-dix-huit virgule huit pour cent !
J'ai contemplé les schémas et tous les nombres étalés sur le papier en essayant d'adopter le même regard que lui, avec les étoiles qui se reflétaient dans ses yeux comme si d'un simple coup d'œil, il pouvait se retrouver en suspension entre la Lune et Mars.
—Je passe tellement de temps ici que j'ai fini par connaître ses pages là par cœur.
Il a remis le livre à sa place après l'avoir fermé avec soin. J'ai tourné ma tête de l'autre côté pour inspecter le rayonnage, des pages et des pages d'archives scientifiques et des revues et magazines sur le sujet. Biologie, psychologie, anatomie, chimie et autres.
—Je connais personne d'aussi passionné que toi, tu sais.
Il m'a souri.
—J'ai la meilleure moyenne en sciences, a-t-il répondu sans une once d'orgueil, si j'avais pu aller à la fac, j'aurais voulu devenir astronome.
Son visage s'est assombri.
—Mais y'a la ferme alors c'est mort.
J'ai vu ses doigts suivre les sillons du carrelage avec soin.
—Tes parents tiennent une ferme ?
—Yes, avec des champs et tout et tout, je suis condamné à devoir y travailler toute ma vie. Je déteste ça.
J'ai gardé le silence et il a fait de même. J'ai entendu un sifflet, le bruit sourd d'un ballon qu'on tape mais aucun rire comme si c'était une compétition serrée.
—Je déteste cette école, ai-je dit.
—Moi aussi.
La cloche a sonné, signalant la fin de notre moment de liberté.
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