Suite chapitre 5
L'homme finit par sortir de sa torpeur pour s'avancer plus près de moi. Je peux ressentir qu'il boue de rage, cela tombe bien, je suis dans le même état que lui.
- Qu'est-ce que tu crois ? Que nous étions tous heureux de partir à la guerre ? Ce n'est pas mon cas, j'ai dû quitter ma famille, arrêter mes études...
Un rire cynique m'échappe alors que je secoue la tête. Il pense vraiment que ses mots ont de la valeur à mes yeux ?
- Tes études ? Parce qu'en plus t'es un bourge ? Excuse-moi je t'ai mal jugé. T'as vraiment dû mal dormir sur le fin matelas de mon frère. Ta mère aussi était une riche ou bien elle a écarté les cuisses devant le plus offrant ?
- Leck mich am Arsch !
Je n'ai aucune idée de ce que cela signifie mais je n'attends pas plus longtemps pour baisser la tête et venir percuter sa hanche de mon épaule afin de le plaquer au sol. Je tombe sur lui puis bascule lamentablement sur le côté en tentant de chercher le sol de ma main droite. Frantz en profite pour se redresser et arme son poing avant de s'arrêter de bouger. J'observe sa main et sens mon corps se tendre en prévision de l'impact du coup qui s'apprête à tomber. Cependant, celui ne vient pas, me faisant donc dévier le regard vers ses yeux verts.
- Ce combat n'a rien d'équitable.
- Parce que je pourrais te faire tuer si tu oses m'en mettre une ?
L'allemand pince ses lèvres en regardant un instant mon bras manquant avant de baisser son poing. Je me redresse à mon tour en position assise et regarde droit devant moi. J'espère que ce connard se rend compte de sa chance. Sans que je ne m'y attende, ses mains s'approchent de moi et déboutonnent les premiers boutons de ma chemise. J'ai un moment d'absence avant de le repousser et de me relever.
- A quoi tu joues ? Ne me touche pas !
- C'est juste pour t'aider, j'ai vu que tu n'y arrivais pas tout seul alors...
- On n'a pas besoin de toi ici ! Je suis revenu et tu vas vite dégager.
Un ange passe entre nous alors que ses yeux verts me détaillent longuement. Semblant chercher si je suis sérieux ou non. Son visage se défait ensuite le temps d'un instant et je crois lire l'expression de la pitié dans chacun de ses traits.
- Vous étiez trois hommes et deux femmes Antoine. Bien sûr que vous avez besoin de moi, ce n'est pas contre toi.
Mon corps se crispe en l'entendant alors que mon attention se fixe soudainement sur l'un de ses mots. Et que des idées viennent tenter de me faire dérailler.
- Deux femmes ? Mais Pauline n'est pas une femme ! C'est une petite fille !
Les larmes de ma sœur me reviennent en mémoire alors que des scénarios odieux se déroulent dans ma tête. Qu'est-ce qu'il lui a fait ? Ce boche en a après ma sœur ?
- Si tu as osé la toucher, je te jure que...
Le brun me coupe en venant plaquer une de ses mains sur ma bouche. Énervant encore davantage mes sens et mes envies de meurtres. Ne lui ai-je pas dit de ne pas m'approcher ?
- Ne dis pas ce genre de choses ! J'ai une sœur du même âge. Jamais je ne pourrais être attiré par Pauline. Je ne suis pas un dégénéré. Tu essaies de dévier la conversation. Tu ne peux pas te débarrasser de moi. Ça serait stupide et égoïste.
- Égoïste ?
- Exactement ! Simplement pour ton ego ou ton confort ou je ne sais quoi d'autres. Si tu veux sauver ta famille, il faut que je reste. Vous avez besoin de moi Antoine.
Je me redresse d'un bond et me recule de deux pas comme si sa présence près de moi pouvait me brûler. Il a tort, il ne raconte que ce qui l'arrange. Bien sûr qu'il préfère travailler ici que d'être envoyé à la mine ou travailler jusqu'à épuisement dans des usines.
- Tu les as tués !
Son regard se trouble alors que les battements de mon cœur s'accélèrent davantage dans ma poitrine. L'allemand s'apprête à dire quelque chose, me corriger certainement. Mais sa vérité ne m'intéresse pas. A mes yeux, ses mains sont souillées de leurs sangs.
Je quitte la pièce et claque la porte derrière moi. Maman et Pauline sont certainement réveillées depuis le temps. Cependant, aucune d'elle ne sort de sa chambre. J'en profite pour dévaler les escaliers et récupérer le butin qui m'attend sur la table. La bouteille de vin à peine entamée.
Je ne prends pas le temps de prendre un verre et file me réfugier dehors. Assez loin du porche pour que personne ne puisse me trouver. Et je bois. J'en ai besoin, il faut que ma respiration se calme. Que mon cœur cesse de vouloir transpercer ma poitrine. Je ne veux pas mourir.
J'ai commencé à boire dans les tranchées. L'alcool nous réchauffait, nous donnait du courage avant les attaques. Nous avions le droit à une demi bouteille par jour. Avec certains de mes camarades, nous préservions parfois nos rations durant plusieurs jours. Pour tout oublier le jour convenu. Cela ne plaisait pas au commandant, Louis en a fait les frais.
Je lève ma bouteille vers la lune et me mets à boire. M'imaginant que Guillaume puisse faire de son côté la même chose. Depuis que cet obus est tombé à mes côtés, je ne parviens plus à croire en Dieu. Pourtant, j'aimerais tant qu'il le sauve. Mais pourquoi lui y aurait droit et pas nous ? C'est fini, personne ne reviendra, je ne suis pas réellement revenu.
Je souris tristement avant d'effacer cette grimace pour placer le goulot contre mes lèvres. Fermant les yeux, je bois jusqu'à manquer de m'étouffer.
Mon ventre est vide. Le pinard me fera certainement de l'effet une nouvelle fois. Ainsi, j'arriverais peut-être à trouver le sommeil. J'en ai tant besoin. Il faut qu'un brouillard m'enveloppe et rende flou mes cauchemars, qu'il me cache de mes angoisses.
Peut-être que je pourrais enfin oublier tout à nouveau. Les cris, les balles, les morts et les yeux verts.
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Hey ! Chapitre plus court que les derniers. J'espère que ce n'est pas trop frustrant. Je devrais revenir très vite ;)
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