Chapitre 8 : Trop d'étapes
Une fois qu'il eut rejoint le reste du groupe, Ahmés leur rapporta tout ce qu'il avait appris. Sieg et Udia lurent en même temps les documents rapportés et leurs mines s'assombrirent à mesure qu'ils prenaient conscience de la situation.
– Mais que s'est-il passé pendant ces quatre millénaires ? demanda l'écarlate sans s'attendre à une réponse. Je n'avais pas remarqué de discrimination entre les différents démons à l'époque. Et vous ? Vous aviez lu quelque chose à ce sujet ?
– Mais non ! s'écria la chercheuse en se tirant les cheveux. La seule chose qui me vient à l'esprit, c'était que les Rochechairs faisaient de meilleurs guerriers et les Cendressangs de plus compétents mages, mais ces derniers ne traitaient pas les premiers comme des larbins !
– Se pourrait-il que ce n'est qu'une discrimination propre à l'armée ? suggéra Anoro. C'est une chose qui peut trop facilement arriver.
– Quelque chose me dis que non, répondit Ahmés en secouant la tête. La façon que ces officiers parlaient de Rochechairs civils, je pense que c'est la société entière comme ça. Ou au moins, c'est le cas dans ce royaume, je ne sais pas pour d'autres.
– De ce que je lis ici, nous sommes dans une nation appelée Dredia, développa Sieg en scrutant un document. Après, reste à savoir s'il existe d'autres pays habités de démons ou si le reste du monde est peuplé d'autres espèces.
– Attendez, je crois que j'ai trouvé un plan du pays ! déclara le musicien en fouillant la pile de documents. Ah oui ! Voici !
Le défunt tendit la carte à Udia qui la pris et haussa un sourcil en la lisant.
– Ah, je vois que ma théorie est peut-être avérée... Quoi qu'un peu tordue...
Alors que l'on se demandait ce qu'elle insinuait, la chercheuse présenta la carte à Sieg qui plissa des yeux en essayant de voir ce qui devait l'intéresser. Ses paupières finirent par s'ouvrirent en grand et il prit à son tour la carte, la pivotant pour qu'elle soit à l'envers.
– Bon sang ! Si on oublie les villes et certains fleuves, d'un point de vue purement géographique, ce pays est presque identique à Griganar ! Quelques montagnes sont différentes certes, mais de façon générale, c'est le même pays, sauf que les points cardinaux sont inversés !
– J'avoue que je n'avais pas vu l'inversion des positions venir, mais malgré ce détail, ça correspond à ma théorie, annonça Udia. Les deux mondes sont comme des miroirs l'un de l'autre, quoi de plus normal qu'ils soient similaires.
– Ouais, c'est sûr... Dans les deux, je suis pas normale...
Sieg se mordit la lèvre et se tourna vers Bélial qui était assise en retrait du groupe, la mine basse. Apprendre que les Âmessombre comme elles étaient traquées et éliminées fut un choc pour la jeune femme qui quelques heure plus tôt se faisait une joie d'en apprendre plus sur ce qu'elle était. Une fois de plus, le destin se jouait d'elle et lui imposait une épreuve à surmonter qui semblait dresser le monde contre elle.
Se sentant coupable d'avoir délaissé sa partenaire alors qu'elle était en plein doute pour étoffer son savoir, l'épéiste se rapprocha de la barbare et prit ses mains dans les siennes.
– Tout va bien se passer. Même si ce n'est pas idéal vu comment ils sont traités, tu pourras toujours prétendre être une Rochechair. J'ai l'impression que c'est ce que font les autres Âmessombres pour leur sécurité.
– Alors je dois encore cacher ce que je suis... se morfondit Bélial. Je pensais que je pouvais être moi même ici, mais au final, j'étais mieux à Danatal... Là-bas au moins, tout le monde s'en fous que je sois une démone...
– Et nous y retournerons bientôt, la rassura le bretteur en embrasant son front. Mais si nous voulons que les personnes qui nous y attendent restent en sécurité, nous devons arrêter Saga ici. Je sais que c'est injuste, mais je te demande juste d'endurer ceci un moment. Je ferais tout pour t'aider à le supporter.
Bélial leva la tête, un léger sourire sur les lèvres.
– T'es sûr de ce que tu dis ? Parce qu'il y a du monde autour de nous et tu es assez pudique...
Comprenant où sa partenaire voulait en venir, le bretteur roula les yeux vers le ciel avec un rictus amusé.
– Bah voyons, évidement que tu penses à ça... Attends donc que nous trouvions une chambre avant de...
– Houla, je vous arrête tout de suite ! s'empressa de dire Udia. Bien que j'adorerai voir une relation entre un humain et une démone, je vous rappelle que vous devrez faire semblant d'être une Rochechair et un Cendressang ! Si la discrimination est aussi répandue qu'on le craint, qui sait comment serait vue une relation entre deux démons de castes différentes ?
– Peut-être que non... commenta Farca en se massant le menton. Comme vous l'avez dis, la nature des parents ne décide pas quel sorte d'enfant naîtra, et avec seulement un démon sur dix qui naissent Cendressang, même si les deux en sont, les probabilités qu'ils aient un Rochechair sont élevées. Vu comme ça, il est possible qu'au sein d'une famille...
– Pour Le Moment, Nous Ne Pouvons Qu'Émettre Des Théories. Nous Devons Regrouper Plus D'Information Avant De Décider Si Sieg Et Bélial Peuvent Coucher Ensemble Ici.
Un silence gênant s'installa alors qu'Adam était fixé après ce qu'il venait de déclarer. Sieg fut le premier à prendre la parole, lentement et délibérément.
– Je pense que la chose aurait pu être formulée différemment, mais Adam a raison. De façon générale, Tant que nous ne savons pas comment est structurée la société, nous devrons faire profile bas. Par contre, nous devons vite apprendre comment nous intégrer ici parce que sinon, nos recherches ne risquent pas d'avancer.
– C'est clair, grommela Farca. Déjà que dans le monde de la lumière, presque personne ne savait pour l'existence des portes alors qu'il y en avait six, je n'ose pas imaginer le calvaire que ça va être de localiser celle de l'avarice ici...
– Vous me faites marrer, de parler de tout ça maintenant... Mais je vous rappelle qu'on a un autre problème plus urgent...
Tous les regards se tournèrent vers Lorelya qui était adossée à un mur et avait suivi la conversation avec un air consterné. L'archère frappa le mur derrière elle avant de reprendre.
– Pour rappel, nous sommes dans une caverne dont la seule issue donne sur un forteresse bondée de soldats qui ont pour la plupart la même force physique que Bélial. Même si je veux bien qu'elle est plus puissante que la moyenne d'entre eux avec son statut d'Âmessombre, ils doivent être quoi ? Une centaine ? Vous voulez qu'on fasse comment pour les gérer ? Ahmés peut rendre tout le monde invisible, oui, mais nous sommes plus de trente ! Alors à moins qu'il peut en plus nous rendre intangibles, il suffit qu'un couillon nous rentre dedans pour que la discrétion parte en fumée !
– In-quoi ? grogna Bélial.
– Tu te souviens de quand Lainabe passait à travers les murs ? lui souffla Sieg.
– Ah ça ! Ouais, non, personne ici peut faire ça...
– Et se faire passer pour des soldats n'est pas une bonne idée non plus... grommela Farca. Je pense que quelqu'un se rendrait compte de quelque chose si une trentaine de soldats que personne n'a jamais vu avant se mettaient à déambuler dans la forteresse sans savoir où aller...
– Et ne parlons pas de la porte ! s'exclama Ahmés. Vous ne l'avez pas encore vue, mais non seulement elle a l'air presque impossible à crocheter, elle doit faire un sacré vacarme en s'ouvrant ! Rien que ça, ça risque de nous trahir !
– Splendide... marmonna Sieg en couvrant ses yeux de sa main. Nous sommes depuis à peine plus d'une heure, et nous n'arrivons pas à aller plus loin que cette caverne, et nous ne parlons même pas de la forteresse après... Pourquoi j'ai l'impression qu'elle a été bâtie ici à l'origine pour surveiller le portail ?
– Il nous faut donc trouver un moyen de partir sans se faire repérer, résuma Anoro. Si nous déclenchons un incident ici, nous sommes sûrs d'être pourchassés...
– Seulement s'ils savent ce qui leur est arrivé... précisa Lorelya. Si nous pouvons juste tous les neutraliser en même temps... En mettant quelque chose dans leur nourriture, par exemple...
– Non, ça ne neutraliserait qu'un tiers d'entre eux, intervint Sieg. Comme il n'y a pas de jour ou de nuit ici, j'ai l'impression que les démons vivent selon trois cycles qui se répètent basés sur les lunes. À cause de ça, il n'y a pas un seul instant de la journée où la surveillance serait plus relâchée.
– Et si nous empoisonnions l'air plutôt que la nourriture ? suggéra Farca. Contrairement à la bouffe, tout le monde a en permanence besoin de respirer, alors nous sommes sûr de tous les avoir en même temps !
– Oh, magnifique... grinça Sieg. La première chose que nous allons accomplir dans ce monde sera un acte de terreur...
– Tu as une meilleur idée, peut-être ? ronchonna l'alchimiste. Parce que moi, je ne vois pas...
– Non, effectivement... grommela Sieg en se pinçant l'arrête du nez. Bon, Lorely, je sais que tu peux faire pousser des fleurs avec un pollen soporifique capable d'assommer Bélial. Tu penses que tu pourrais...
– Houla non ! Si ça avait marché contre Bélial, c'est parce qu'à l'époque, j'avais fait poussé les fleurs devant son visage ! Le pollen ne peut pas se propager loin, alors même si on progresse par section, il suffit qu'une personne soit trop loin d'un endroit où je peux faire pousser des plantes pour qu'il ne soit pas affecté. Et ne même sans ça, ce n'est pas comme si je serais capable de cibler la forteresse entière d'un seul coup, ça fait trop pour moi !
– On ne va quand même pas passer le reste de notre vie dans cette caverne ! s'emporta Udia. Vous n'avez vraiment pas d'autre idée ?
– Attendez... commenta Farca. Pour le moment, on parle de faire passer tout le monde en une fois... Mais si on fait ça en plusieurs fois... Ahmés, tu as bien dis que la caverne donne sur le haut de la muraille, pas sur une salle c'est bien ça ?
Le musicien hocha la tête et l'épéiste comprit où voulait en venir l'alchimiste.
– Mais oui ! Pourquoi je n'y avais pas pensé ! Ahmés peut créer des nuages de sable sur lesquels des personnes peuvent se tenir ! Je ne pense pas qu'il pourra en faire un assez large pour tout le monde, mais s'il ne doit transporter que quelques personnes à la fois...
– Je peux transporter cinq personnes à la fois, moi inclus. Pour Adam, je devrais peut-être revoir le calcul, mais je devrais être capable de nous faire voler jusqu'en bas de la montagne. Par contre, je risque de tomber à court d'énergie au bout de trois voyages...
– T'inquiètes, j'ai des potions de mana fait maison ! déclara la sang-mêlée. Tu risques d'avoir la chiasse si tu en bois trop d'un coup, mais avec elles, tu devrais pourvoir tenir le temps qu'il faudra !
– Je ne suis même pas sûr que je peux avoir la chiasse dans mon état... grommela le musicien. Mais sinon, ça me semble être une bonne solution. Reste la porte qu'il faudra ouvrir et refermer entre chaque voyage au cas où des gardes passent devant... Comme je l'ai mentionné, elle risque de faire du bruit quand elle bouge.
– On ne va quand même pas être mis en échec par une saleté de porte ! s'énerva Sieg en se levant. Allons la voir que nous nous fassions une idée de comment la gérer !
Le groupe suivit son meneur jusqu'au dit obstacle où tout le monde se mit à parler à voix basse.
– Mouais... grommela Farca en étudiant la porte. Tu aurais pu nous dire que le machin était tout rouillé... Même pas sûr que le machin peut encore être ouvert... Ils ont dû l'abandonner depuis des millénaires...
– Peut-être que nous n'aurons pas besoin de la bouger... marmonna Lorelya en examinant la roche autour de la porte. Ahmés, si tu lances une illusion, combien de temps elle peut tenir sans que tu restes à ses côtés ?
– Vu comme ça ? Une petite heure. Mais je pense que je peux faire un aller-retour en moins de dix minutes.
– Alors si on détruit une petite partie du mur, juste assez pour que même Adam puisse s'y faufiler, et que tu le caches avec un sort...
– Et tu veux faire comment pour creuser un passage sans bruit ? s'énerva Farca. Parce qu'avec mes bombes...
– Pas besoin de ça, j'ai mieux, déclara Lorelya en se concentrant.
Des racines poussèrent du sol et s'infiltrèrent difficilement dans le mur. En forçant sur ses pouvoirs, la verdoyante parvint à propager les racines dans la roche, la fragilisant de l'intérieur. Quand elle entendit les premiers bruits, l'archère demanda au musicien de couvrir l'endroit d'une illusion. Cinq secondes plus tard, une partie du mur se brisa, dévoilant un épais nœud de ronces qui s'enfonça dans le sol pour libérer le passage.
– Et voilà ! déclara fièrement Lorelya. En s'accroupissant, même Adam devrait pouvoir passer !
Sieg hocha la tête avec approbation. Ils allaient enfin pouvoir avancer dans leur mission. Il aurait juste souhaité qu'ils n'aient pas besoin d'autant d'efforts pour faire plus de cent mètres.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top