Chapitre 64 : Le cataclysme après la tempête
Épuisée, Farca se laissa tomber en arrière et s'allongea au sol, bras et jambes étendus et lâcha le plus lourd soupir de sa vie. Peu importait le nombre d'ennemis dignes des plus épiques des légendes que leur équipe neutralisait, l'alchimiste n'arrivait pas à se faire à cette vie qui était dorénavant sienne. Cependant, plus que la puissance grandissante de leurs adversaires, ce fut la stagnation de sa propre force qui lui donnait horreur.
Alors que ses compagnons démontraient qu'ils étaient capables de se surpasser, d'atteindre de nouveaux sommets, la naine ne savait pas comment dépasser ses propres limites. Bien qu'une de ses bombes avaient été vitales pour terrasser Narcission quelques mois plus tôt, dorénavant, ses explosifs ne faisaient qu'au mieux ralentir le genre de cauchemar auxquels étaient confrontés les Déicides. Il viendrait un jour où la sang-mêlée serait complètement dépassée par les défis qui les attendaient.
Farca tourna la tête et vit Sasine soigner Sieg et Raya, ayant si bien épuisé leurs forces qu'ils ne pouvaient pas soigner leurs propres blessures d'eux même et se sentit encore plus dépitée. Même son rôle de soigneuse ne rivalisait plus avec les capacités de ses compagnons, capables de guérir des plaies en quelques secondes alors que son savoir médical imposait un temps de convalescence. Et si elle ajoutait à cela le fait qu'elle avait de plus en plus souvent besoin d'être sauvée, la naine commençait à croire que sa présence sur la ligne de front devenait plus un danger pour ses compagnons qu'une aide.
– Question : Comment Te Sens-Tu ?
L'alchimiste se redressa et dévisagea Adam qui la fixait minutieusement, ayant été intrigué de a voir ainsi affalée par terre. Le gardien lui proposa son aide pour se lever, mais Farca la refusa et se tint debout pour dépoussiérer les vêtements.
– Ouais, ça va, je pensais juste à des trucs... Disons que j'ai besoin réfléchir à l'avenir...
Adam pencha sa tête sur le côté.
– Arrêtes-Moi Si Je Fais Erreur, Mais Tu Me Fais Penser À Ce Que Tu Avais Dis À Port-Écume.
Farca détourna le regard et fixa l'horizon. Une fois par le passé, la naine avait envisagé de partir, ne s'étant plus sentie apte à épauler ses alliés en apprenant la véritable identité de Sieg et Raya. Certes, elle avait changé d'avis et l'avenir avait prouvé qu'elle avait fait le bon choix car ses compagnons n'auraient pas fait long feu sans elle, mais elle commençait à ressentir la même impuissance qu'à cette époque. La sang-mêlée se doutait qu'elle saurait toujours apporter son soutien aux autres Déicides dans les combats à venir, mais elle ne savait pas comment évoluer pour y arriver.
L'alchimiste fut tirée de ses pensées en entendant des rires et se tourna vers Bélial qui avait rejoint Raya et Sieg et les enlaçait en jubilant.
– Et voilà, c'est comme ça qu'on fait ! s'exclama la démone. Tant qu'on est ensemble, on peut tout faire !
Cependant, plutôt que partager la réjouissance de la barbare, l'épéiste et la lancière affichaient des mines sombres qui n'échappèrent pas à Farca qui fronça les sourcils. En les regardant de plus près, il lui sembla que l'écarlate attendait quelque chose de la déesse qui était hésitante à parler. Après quelques secondes, Raya secoua la tête et se dégagea de l'étaient de Bélial.
– Il faut que nous parlons de quelque chose, c'est important. Je crois que j'ai enfin compris pourquoi Saga veut à ce point tuer Bélial.
Plusieurs Déicides écarquillèrent les yeux en fixant la lancière qui continuait de regarder la barbare qui était perdue.
– Quand nous avons attaqué Tarkar ensemble, ce n'était pas mon pouvoir qui l'a empêché de se soigner. Et tu as bien vu quand...
Un bruit sourd interrompit les explications de Raya et tout le monde dirigea leur attention vers la dépouille du champion. Assis par terre et adossé contre l'immense carcasse qu'il avait contrôlé, Tarkar scruta les Déicides en haletant. Lorelya s'apprêta à encocher une flèche mais son ancêtre l'arrêta d'un geste de la main. L'écarlate voyait que l'homme-dragon ne représentait plus une menace et que son temps était compté.
Bien qu'il était incapable de soigner sa blessure fatale, Tarkar arrivait à prolonger ses derniers instants en canalisant son énergie divine dans les parties encore saines de son corps. Son souffle était entrecoupé de sifflements pénibles, signe que les dégâts qu'avaient subis l'empêchait de parler. Ses yeux brillaient toujours d'un faible éclat qui ne lâchaient pas Raya, lui faisant comprendre qu'il désirait autant que Sieg comprendre la nature du pouvoir qui avait causé sa perte. La déesse hocha la tête dans sa direction avant de réclamer à nouveau l'attention de ses amis.
– Bel, je ne sais pas si tu t'en es rendue compte, mais quand tu as attaqué les têtes de Tarkar, elles n'ont pas pu récupérer des blessures que tu leur a infligées. À la façon qu'il a réagi face à ça, je suis sûre que ce n'était pas parce qu'il avait décidé de les délaisser, tu l'as privé de sa capacité de guérison.
– Hein ? s'étonna la démone. Mais qu'est-ce que tu racontes ? Comment j'aurais pu faire un truc pareil ? Tu oublies que c'est pas le premier crevard avec de l'énergie divine que j'affronte, et j'ai jamais pu...
– Sauf que tu ne les avais jamais blessés, pas vrai ? la coupa la lancière. Du moins, pas comme tu l'as fait ici. Je n'ai pas tous les détails du combat contre Valence, mais le seul moment où tu lui as fait mal, c'est quand tu l'as décapité, non ? Contre Narcission, il n'avait pas d'énergie divine donc toutes vos attaques avaient marché, mais Saga... Il doit encore avoir de l'énergie divine en lui après son séjour dans le domaine divin, ce qui doit lui donner la capacité de se soigner. Avant notre combat contre lui à Qalb-Alsahra, il se moquait de te savoir en vie, mais après le combat contre lui, quand vous avez avec Sieg réussi à l'empaler sur son épée avec votre énergie combinée, il a changé d'attitude. Si je ne me trompe pas, je pense qu'il n'a pas pu guérir aussi facilement cette blessure que les autres qu'il avait reçu. Ça veut dire qu'il a alors compris que...
Les vibrations magiques furent trop soudaines pour que les utilisateurs de magie du groupe puissent les ressentir à temps. Dans une impulsion arcanique qui repoussa personnes proches de Raya, Saga se téléporta juste derrière elle et lui attrapa le bras pour l'empêcher d'être propulsée loin de lui. Surprise, la déesse se tourna vers le mage qui attrapa sa tête entre ses mains.
– Désolé, mais j'ai vraiment besoin que tu n'en dises pas plus...
La lancière tenta de se libérer mais l'arcaniste ne lâcha pas sa prise sur elle et insuffla une grande quantité de magie dans sa tête. Raya se mit à hurler de douleur et s'agita en vain.
Horrifiée de voir sa plus précieuse amie agoniser entre les mains de son ennemi juré, Bélial bondit vers eux mais se heurta à une barrière magique. La démone serra son poing afin de le frapper mais des guerriers en armure apparurent autours d'elle et la repoussèrent avec leurs boucliers. La barbare tenta de forcer le passage, mais de nouvelles barrières se dressèrent et la percutèrent pour lui faire perdre l'équilibre.
Sieg se rua vers Saga, maudissant le fait d'avoir épuisé son énergie divine et sa mana, mais fut lui aussi bloqué par l'apparition de guerriers devant lui. Lorelya tenta d'intervenir à son tour mai fut plaquée au sol par un lourd poids qui écrasait son dos. L'archère sentit une main de métal s'enserrer autours de son cou et vit du coin de l'œil Kira qui l'immobilisait.
– Vous-Êtes Priés De Garder Vos Distances Si Vous Ne Voulez Pas Que Je Tranche Sa Tête.
Les Déicides se figèrent dans leurs actions alors qu'encore plus d'ennemis se matérialisaient. Furieuse d'être ainsi utilisée pour faire pression sur les autres, la verdoyante commença à faire pousser des plantes mais le destructeur la dissuada de continuer en resserrant d'avantage sa prise sur elle. Lorelya même sa peau être entaillée, lui prouvant que la menace était à prendre au sérieux.
Après une agonie qui semblait avoir duré des siècles, Raya cessa de se débattre et son corps devint flasque. Saga cessa de l'abreuver de magie et la prit dans ses bras pour la retenir. Il fixa son visage inconscient avec un soupçon de tristesse.
– Je ne peux pas me permettre de te laisser mourir, mais je peux par contre me passer de ton esprit...
– Raya ! s'égosilla Bélila qui fit un pas vers l'arcaniste avant d'entendre un cri de douleur de la part de Lorelya. Qu'est-ce que tu lui a fait, connard ?
– Oh, rien par rapport à ce qui t'attend... répondit Saga en confiant Raya à un de ses soldats. J'avoue que j'ai eu peur quand j'ai vu que mon idiot de frère est allé risquer sa vie à affronter Tarkar pour tes beaux yeux, mais quand je vois le résultat final, je ne peux pas m'empêcher de lui être reconnaissant pour son inconscience. Avec les images du combat que Tarkar a diffusé de partout, guetter le moment où vous seriez le plus affaiblis a été aisé, et comme le terrible champion avait déclaré vouloir garder Rotsala en vie, je savais qu'il ne serait pas en danger sans mon intervention. Mais je dois reconnaître que je suis déçu, je pensais qu'un guerrier aussi légendaire aurait au moins réussi à tuer deux ou trois d'entre vous. Comme quoi, on n'est jamais mieux servi que par soi-même...
Avec un grognement, Tarkar tenta de se lever mais deux soldats lui attrapèrent les épaules et le forcèrent à rester assis. Saga adressa au champion un sourire narquois avant de se détourner de lui.
– J'ai calculé qu'après un tel exploit, Sieg n'aurait plus assez de magie pour faire son difficile et que ça vaudrait aussi pour la plupart des autres. Certes, je n'avais aucun moyen de savoir si Lorelya était encore capable d'utiliser ses pouvoirs, alors j'ai été obligé de la neutraliser. Mieux encore, elle me sert à vous dissuader d'être irresponsables ! Mais celle qui me posait vraiment le plus de problèmes...
Saga caressa le visage de Raya qui ne reprenait toujours pas connaissance, geste qui donna envie de vomir à Bélial.
– Je suis le mieux placé pour savoir que le savoir est l'outil le plus utile qui soit. Et avec ce qu'elle a compris ici, je ne pouvais pas prendre le risque de la laisser parler. Par contre, elle n'est pas obligée d'être la seule à survivre ici. Et c'est pourquoi...
D'un geste vif, l'arcaniste lança un sort à sa droite et frappa de plein fouet Ahmés qui redevint visible, l'illusion qu'il avait laissé là où il était avant se dissipant. Le musicien percuta violemment le sol et fut rejoint par deux guerrier qui lui braquèrent les bras.
– Allons, laissez-moi vous laisser une porte de sortie... ricana le mage. Après tout, je sais comment vous fonctionnez, et une fois vos astuces connues, je n'ai aucun mal à les déjouer. Mais voyez-vous, la seule qui doit mourir ici, c'est Bélial. Vous autres, aussi insupportables que vus soyez, vous n'avez aucun moyen de ruiner mes plans. Je ne vais bien évidement pas prendre le risque de vous proposer de me rejoindre, mais si vous restez tous bien sagement assis pendant que je tues la démone et que je récupère mon frère, vous serez libres de partir. Mieux encore, ceux qui voudront retourner dans le monde de la lumière auront droit à un aller simple et sûr ! Après tout, si vous quittez celui-ci, je n'ai plus de raison de me méfier de vous ! Toi, par contre...
L'ombre de Saga crépita de magie et Soren en fut expulsé en couinant. Le loup roula au sol et tenta de se redresser sans succès.
– Tu vas venir avec moi, parce que je suis très curieux de comprendre pourquoi tu es encore en vie, j'étais sûr que mon sort avais détruit chaque parcelle de ton corps.
L'arcaniste fixa Basile qui sursauta, intimidé par le regard faussement amical qui le scrutait.
– Franchement, de tout les Déicides, tu es bien celui qui a le moins de raisons de m'en vouloir. Certes, j'ai prêté des hommes aux vampires qui ont attaqué ton peuple, mais au-delà de ça, je n'ai aucune raison de m'en prendre à ton pays. Et je peux même te proposer un marché pour être sûr que je ne ferais rien contre les tiens ! Dis moi où se trouve l'essence de Flegmon, et je te fais le serment que, quoi qu'il arrive dans ce monde, les homme-dragons rouges seront épargnés. En tant que futur souverain, tu dois faire passer les intérêts de ta nation avant le reste, non ?
L'invocateur resta muet, doutant qu'il pouvait croire aux promesses de l'arcaniste, mais dos au mur comme ils étaient, quel autre choix lui restait-il ? Si saga obtenait ce qu'il désirait ici, quelles chances resteraient-ils aux Déicides de le vaincre ? En perdant Sieg, Soren, Bélial et peut-être même Raya, les cinq autres avaient-ils la moindre possibilité de se dresser contre lui ? Et avec personne pour lui barrer la route, Saga serait libre d'agir à sa guise. Une fois qu'il mettrait la main sur les deux Déchus qu'il lui manquait, il n'aurait plus la moindre raison de respecter ses engagements avec qui que ce soit.
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