Chapitre 60 : Duel de légendes

Aux quatre coins du monde des ténèbres, personne ne pouvait quitter des yeux ou les écrans magiques qui dévoilait le déroulement du défi de Tarkar. Même si d'ordinaire, l'événement n'était jamais manqué par personne tant il était important aux yeux de tous, ce fut la première fois que les spectateurs étaient maintenus en haleine. Depuis toujours, l'issue des combats avait été connue d'avance, personne n'osant douter de la défaite de Takar. Les parieurs ne parrainent que sur la durée des combats, estimant combien de temps le guerrier choisi tiendrait face au champion éternel.

Et pourtant, alors que même la surprise au début de l'affrontement n'avait pas troublé les certitudes de tous, une pensée étrange commençait à croire. Une idée folle et inimaginable se propageait telle l'invasion d'une armée d'insectes dévorant tout sur son passage. La possibilité était insignifiante, trop irréaliste pour être prise au sérieux, mais maintenant qu'elle avait pris racine dans les pensée, elle semblait impossible à arracher et ignorer.

Dans le palais de Tarkar, l'homme-dragon évaluait la situation avec fascination. Pour la première fois depuis qu'il était devenu le champion de Fauvia, son cœur s'emballait à l'idée d'un combat, son corps frémissait de plaisir à l'idée d'être poussé jusqu'à ses limites et même au-delà. Il n'avait presque pas envie de tuer son adversaire, de peur que jamais plus il ne rencontrerait de guerriers de sa trempe. Il voulait que l'instant dure éternellement, mais sa longue vie lui avait appris que tout devait prendre fin à un moment ou un autre.

– Aurait-on peur ? demanda Sieg, toujours nimbé de ténèbres qui dévoraient la mana à sa porté pour la lui donner. J'imagine que tu as perdu l'habitude de te dresser face à une véritable menace, alors je comprendrais si tu avais envie de renoncer au combat...

Un sourire carnassier étira les lèvres de Tarkar. Et maintenant, il osait le charrier ? L'écarlate avait tellement gagné confiance en lui même qu'il ne doutait plus un seul instant de sa victoire ? Face à un guerrier qui n'avait jamais connu la défaite pendant des millénaire ?

Tarkar avait admiré de nombreuses personnes. Il en avait envié aussi. Mais il n'avait jamais eu autant envie de vaincre son adversaire. Ce bretteur qu'il avait d'abord pris de haut avait atteint un tel niveau, démontré un tel potentiel, qu'il voulait prouver sa propre valeur. Alors qu'il avait passé l'éternité au sommet du monde, intouchable et invincible, il découvrait par-delà l'horizon une nouvelle montagne, plus haute que celle sur laquelle il régnait, et le désir de la conquérir le dévorait.

– Peur ? ricana Tarkar. C'est le contraire, putain ! J'ai l'impression de renaître ! Je ne m'étais même pas rendu compte que j'étais comme mort jusqu'à maintenant ! Chaque jour qui se ressemble, sans que rien ne change ! Je me suis abandonné à tous les plaisirs possibles pour tromper mon ennuis, mais au final, qu'est ce que ça valait ? La meilleure nourriture ? C'est bien un instant, mais ça ne me rassasie pas ! Les vins les plus exquis ? Même l'ivresse ne me fait pas oublié que je suis assoiffé de plus ! Les plus belles femmes ? De loin la meilleure distraction et celle qui me donne le plus de plaisir, mais au final, mon corps réclame plus !

– Tu tombes mal, j'ai déjà quelqu'un dans ma vie... se moqua Sieg en haussant les épaules. Si nous nous étions rencontrés quelques mois plus tôt...

– Non, ça n'aurait pas été pareil ! s'écria le champion. Si tu es allé aussi loin, c'est pour elle, justement ! Parce que tu as dans ta vie une chose à laquelle tu ne renonceras jamais ! Toutes les personnes qu'on m'a envoyé étaient résignées, elles n'avaient pas de raison de se dépasser, mais pas toi ! À tes yeux, la défaite est inacceptable, c'est la victoire ou rien, pas même la mort ! Rien que pour ça, tu as tout mon respect ! Pour être honnête, si...

Tarkar s'arrêta, surpris par ce qu'il venait de dire, avant d'éclater de rire.

Si ! Bordel, si j'arrive à gagner ! Enfin un combat que je ne suis pas sûr de gagner ! Bref, si je gagnes, je te promets de ne pas te tuer ! Au contraire, tu vas rester ici et t'entraîner avec moi jusqu'à ta mort ! Oh, ne t'en fais pas, tu ne seras pas un prisonnier ! Après tout, tu seras le deuxième guerrier le plus puissant du monde, mon égal, tu mériteras les mêmes éloges que moi ! Gloire, fortune, femmes, tu auras tout ! Enfin, presque...

Le sourire de Tarkar s'élargit en voyant l'épée de Sieg dégager une quantité faramineuse d'énergie magique et divine, créant des bourrasques éthérées qui balayèrent la salle du trône. Derrière les ténèbres qui masquaient une partie du visage de l'écarlate, l'homme dragon vit une fureur sourde capable d'embraser le monde.

– Et bien oui, je dois te garder motivé, pas vrai ? Alors la seule façon pour toi de récupérer ta belle, c'est de me surpasser, que ce soit aujourd'hui ou à l'avenir ! Qu'en dis-tu ?

– Ce que j'en dis ? ragea Sieg en changeant sa posture de combat. J'en dis que j'ai bien envie de fermer ta grande gueule !

– Bien dis ! Alors viens et montre moi ! Montre moi ta force ! Ta hargne ! Ton talent ! Prouve au monde pourquoi le monde des ténèbres a raison de te craindre depuis quatre mille ans, Raiziak !

Pendant plusieurs secondes qui s'égrenèrent comme des siècles, plus aucun démon n'osa respirer. Nombreux d'entre eux pensèrent à une blague de mauvais goût, alors que d'autres se remémoraient leurs cauchemars d'enfant. Ceux qui avaient pu découvrir des représentations des neuf Sauveurs et s'étaient bercés dans l'illusion qu'ils n'avaient qu'un simple descendant sous leurs yeux comprirent toute l'étendue de leur méprise.

À Eclipisa, un des ministres de Sirocion en perdit l'équilibre, tombant sur ses fesses et se mettant à reculer en haletant.

– Non, ce n'est pas possible... Il ne peut pas être le Raiziak... Il a vécu il y a si longtemps... Ce monstre doit-être mort et enterré...

– Ah, vous croyez ? se moqua Lorelya avec un sourire mesquin. J'ai plus de huit-cents ans et Sieg est mon arrière-grand-père... À votre avis, quel age doit-il avoir pour que ce soit possible ?

– Bah, laisse-les... ricana Farca. Tu vois bien qu'ils se font déjà assez dessus comme ça, on peut leur laisser encore l'illusion qu'ils sont en train de rêver...

Déstabilisée par cette révélation, Zania observa Bélial et guetta ses réactions. En réalisant que la jeune femme était un modèle de calme, ne dévoilant aucune surprise ou peur face à la révélation de l'identité de son partenaire, la capitaine de la garde comprit que la Ténèbraile était déjà au courant et avait accepté l'écarlate tel qu'il était.

– Nous devons nous préparer à l'éliminer ! s'exclama un ministre encore debout. Si cette menace revient, qui sait de quoi elle serait capable !

– Exactement ! Nous devons assurer la sécurité d'Eclipisia ! renchérit un autre. Et puis, avec trois Ténèbrailes présent, peut-être...

Un rire réprimé cessa les palabres des ministres qui se tournèrent vers les Déicides avec incompréhension.

– Pouvons-nous savoir ce que vous trouvez de si drôle ? Nous parlons d'un désastre capable d'extinction !

– Sieg, commettre un génocide ! pouffa Farca en tentant vainement de contenir son amusement. On voit que vous ne connaissez pas l'animal !

– Mais votre peur est bien révélatrice... détailla Ahmés. Après tout, vous venez de passer de Sieg n'a aucune chance de revenir vivant à si Sieg revient, c'est la fin de tout. Reconnaîtriez-vous enfin la possibilité qu'il puisse l'emporter ?

Choqués par cette analyse, les ministres se dévisagèrent, réalisant qu'en apprenant l'autre identité du bretteur, ils avaient envisagé la potentielle défait de Tarkar et ses conséquences.

– Cependant, ce n'est pas ça qui nous amuse le plus ici... soupira Raya en haussant les épaules avec dédain.

– Comment ? Mais qu'est-ce qui...

– La Réponse Est Évidente. Vous Pensez Que Si Une Guerre Devait Opposer Sieg À La Race Des Démons Devenait Inévitable, Bélial Rejoindrait Votre Cause. Une Erreur De Calcul Monumentale.

Sidérés, les ministres dévisagèrent Bélial qui leur adressa à peine un regard en coin avec un mépris absolu.

– Quoi ? Je vous rappelle que vous avez pas hésité à m'abandonner aux mains de Tarkar ! Et vous êtes surpris que si je devais choisir, je resterais avec la seule personne qui se bat pour moi ?

Alors que les ministres d'Eclipsia digéraient la révélation que l'on venait de leur faire, Sieg et Tarkar reprenaient le combat. Ayant vu que ses lames de pierres ne tiendraient pas face à son adversaire, l'homme-dragon se battait à mains nues, se servant de ses écailles comme bouclier pour encaisser les attaques de l'épéiste tout en faisant pleuvoir ses coups sur lui. L'écarlate quand à lui se servait des lames dans ses mains pour dévier les assauts du champion, restait physiquement sur la défensive pendant que les lames qu'il invoquait autour de lui s'abattait sur le colosse, sondant son corps à la recherche d'une potentielle faille dans son armure.

La majorité des spectateurs à travers le monde ne comprirent pas ce qui se passait, les deux combattants se mouvant si vite qu'ils avaient l'impression de voir deux tornades, une noire et une rouge, se heurter entre elles tout e dévastant la salle du trône qui leur servait d'arène. Les rares personnes avec des sens assez affûtés pour distinguer les mouvements des deux ouragans malgré leur vélocité réalisèrent qu'aucun des combattants ne ciblait le sol, signifiant que l'impact de leurs assauts créaient des déflagrations qui détruisaient tout autours d'elles.

Après un moment, Sieg remarqua quelque chose dans la posture de Tarkar et se retint de rire en réalisant combien il avait été aveugle alors que la solution était évidente. Non seulement le champion, plissait les yeux, limitant l'ouverture qui permettrait à l'écarlate de l'aveugler de nouveau, mais il gardait ses coudes et genoux légèrement repliés, lui permettant de rapidement serrer ses bras et ses jambes si une lame menaçait de s'approchait de ses jointures. Avec l'exception de cibles telles que le cou ou la taille, la garde avait les mêmes faiblesses qu'une armure lourde, les jointures ne pouvaient pas être complètement protégées. Certes, l'homme-dragon avait bien des écailles, derrière les genoux et aux autres endroits vulnérables, mais le bretteur supposa qu'à cause de leur emplacement, elles offraient une défense plus moindre.

Durant une esquive, Sieg bondit en arrière et sembla aux yeux de beaucoup sauter dans les airs pour prendre de la hauteur. Rapidement, il devint évident qu'il matérialisait des lames sous ses pieds pour se créer des appuis. Impressionné par cette technique qu'il savait improvisée, Tarkar se mit à rire.

– Ah, tu veux un combat dans le ciel ? Ça me va !

Le champion déploya ses ailes et prit son envol, rejoignant l'écarlate qui saisit sa chance. Les bras et les jambes de l'homme-dragon s'étant relâchées durant le vol, ses coudes et genoux s'étaient desserrés, ouvrant assez sa garde pour que Sieg puisse matérialiser des lames dans ses articulations. Tarkar grimaça en réprimant un cri de douleur alors que le bretteur fondait sur lui avec la ferme intention de planter ses lames dans ses yeux avec assez de force pour atteindre le cerveau.

Mais pour la première fois depuis un moment, Sieg vit l'âme de Tarkar se mouvoir avant son corps, et ce qu'il vit le surprit grandement. Précipitamment, l'épéiste se désengagea et recula vivement alors qu'un immense bras velu et musclé poussait du milieu du torse du champion et manquait de saisir sa gorge. Alors qu'il ricanait, des tentacules émergèrent des bras et jambes de Trakar pour agripper et retirer les lames qui bloquaient ses membres principaux.

– Je savais que tu y arriverais ! s'exclama Tarkar comme un enfant sur le point de recevoir un cadeau qu'il attendait. Quoi, tu croyais qu'être le champion de la déesse des bêtes me rendait juste plus fort ? Je peux altérer mon corps comme je le veux, m'adapter à toutes les situations ! La dernière fois que je m'en suis servi, c'est quand j'affrontais encore des armées entières, liguées contre moi dans le but de me tuer ! Alors sois honoré, parce que je reconnais qu'il faut au moins ça pour te vaincre !

Tarkar tendit sa main vers le bretteur, ses doigts s'allongeant en des formes serpentines qui grossirent et devinrent aussi larges que le torse du bretteur. En voyant des crocs s'écarter au bout des appendices fondant sur lui, Sieg s'écarta à leur passage et les trancha de ses lames. Avec un grimace, il vit à l'avance le reste du plan de l'homme-dragon et se recula d'avantage pour éviter de se faire happer par les nouveaux membres qui poussaient par dizaines sur chacun des serpents qui l'avaient manqué.

Sachant qu'il se retrouverait vite encerclé, l'écarlate se dépêcha de rejoindre la terre ferme, faisant pirouetter des épées autours de lui pour repousser les tentacules qui fondaient sur lui. Une fois arrivé au sol, Sieg prit appui sur ses jambes et se retourna pour faire face au champion.

Et sentit ses chances de victoire s'étioler.

Pendant que l'épéiste avait été occupé de s'échapper des assauts de Tarkar, ce dernier avait profité du répit pour se préparer. Le corps de l'homme-dragon était devenu un titanesque masse de formes changeants, comme une boule de chair, d'écailles et de fourrure qui n'avait de cesse de croître. Ayant perdu sa capacité à rester dans les airs, la masse s'écrasa au sol, le passant au travers et dévastant tous les étages du palais qu'il traversait comme une pierre tombant au travers d'un feuille de papier mouillée. Des pattes et tentacules apparurent et s'agitèrent dans tous les sens, dévastant le palais d'avantage. Des têtes de divers espèces poussèrent et ciblèrent Sieg de leurs regards affamés.

– Alors ? grinça une tête de canidé. Que dis-tu de ça ?

– Avec cette forme, je pouvais affronter des milliers de guerriers sans difficulté ! clama une chouette. Même d'autres élus de déités ne pouvaient que tomber contre moi !

– Et maintenant, je veux savoir ce que toi, tu vas faire ! s'impatienta un dragon. Montre moi toute l'étendue de ta ruse ! De ta créativité ! De ta détermination ! Prouve que tu mérites d'être reconnu comme étant mon seul et unique rival !

– C'est terminé... se lamenta un ministre à Eclipsia. Je ne peux que reconnaître que Sieg a une force qui dépasse l'entendement, mais même lui ne peut rien contre une telle menace...

– Je commençais réellement à croire qu'il pourrait gagner... avoua un de ses collègues. Mais face à un tel défis, même un guerrier formidable comme lui ne peut que démontrer ses limites.

– Ça me fait mal de le reconnaître, mais ils ont raison... grommela Raya. Sieg est surtout réputé pour sa vitesse et son adresse, mais ici, ça ne lui permettra pas de gagner. Je pense que le vrai corps de Tarkar est quelque part au milieu de cette ménagerie qui n'arrête pas de s'étendre, Sieg ne pourra pas l'atteindre juste en tailladant à l'aveugle...

– Il doit bien y avoir une solution ! paniqua Basile en dévisageant ses compagnons. Sieg peut continuer à se battre en volant l'énergie de son adversaire, il pourrait...

– Quoi, l'avoir à l'usure ? cracha Farca. Tu viens de le dire, la seule chose qui lui permet de rester dans ce combat, c'est la mana qu'il est en train de voler à Tarkar, et il n'a pas l'air prêt d'être à court ! Leurs chances étaient égales quand ils faisaient à peu près la même taille, mais là...

– Bordel, on ne peut vraiment rien faire ? ragea Lorelya en frappant le dossier du siège de Bélial. Si ça continue comme ça, Sieg va juste être écrasé par la différence entre leurs forces !

Sans un mot, Bélial se redressa en soupirant de la rambarde avant de se tourner vers les Décicides qui virent son regard. L'éclat qui y brillait dissipa leurs inquiétudes, dévoilant la détermination de la jeune femme qui refusait de se laisser abattre.

– Vous voulez aider Sieg ? décréta-t-elle d'une voix ferme. Alors Raya et Ahmés ont intérêt de se bouger pour réparer leur connerie.

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