Chapitre 50 : Accusations
Sieg réfléchissait à toute vitesse, mais il ne parvenait pas à entrevoir une issue à la situation désastreuse dans laquelle ils se trouvaient. Certes, ils avaient Saga juste sous les yeux avec une escorte très réduite, et leur équipe était au sommet de leur puissance, mais avec un Ténèbraile dans la poche, l'arcaniste venait de s'assurer le soutien de tous les démons du monde des ténèbres. Pour le moment, personne n'agissait, mais les Déicides pouvaient se retrouver à tout moment face à une armée trop vaste pour eux.
Tyrian remarqua l'expression peinée de l'écarlate et savoura le moment. Le démon n'avait jamais réussi à digérer la défaite qu'il avait connu face au bretteur et avait impatiemment attendu une occasion de se venger. Cependant, il n'oubliait pas la présence de Saga qui souhaitait récupérer son frère et lui avait interdit de lever la main sur lui. Bien que Tyrian avait déjà obtenu ce qu'il désirait le plus du mage, il avait parfaitement conscience que le trahir trop tôt se retournerait contre lui. Le nouveau Ténèbraile se devait donc de se montrer aussi prudent que patient s'il voulait avoir une ouverture pour se débarrasser de son plus grand ennemi tant qu'il continuait de porter le masque d'un allié.
Avec grâce, Saga désigna Tyrian et s'adressa à toute l'assemblée.
– Mes chers seigneurs, c'est un immense privilège pour moi de vous présenter son Altesse Tyrian de Sombresang, légitime et unique héritier du noble trône d'Eclipsia ! À part la déshonorable Bélial, il est le seul survivant des démons ayant vécu dans le monde de la lumière ! Ce n'était que par chance que j'ai pu le sauver des griffes de cette furie et ses compagnons quand ils ont rayé son village natal de la carte pour des richesses !
– Ferme-là ! rugit Bélial qui se serrait jetée sur le mage si ses compagnons ne la retenaient pas par crainte des représailles. C'est toi qui nous a attaqué ! T'as retourné le cerveau de Tyrian et tu l'as poussé à nous trahir ! Il a même tué son père à cause de toi ! Je ne vais pas...
– Assez ! tonna Tyrian en s'avançant avec un regard noir sur Bélial. Tes mensonges ne serviront à rien ici, personne ne croira une honte à notre race comme toi ! Tu t'es détournée du peuple démoniaque pour assouvir tes désirs aux côtés des humains et les autres races inférieures du monde de la lumière ! Tu vas même jusqu'à te souiller en partageant le lit de l'un d'entre eux alors que je t'avais même offert de partager ma vie avec toi ! Tu déshonores tous nos ancêtres !
Ayant vu à l'avance l'acte de sa partenaire, l'écarlate attrapa le bras de la barbare pour la retenir et l'empêcher d'attaquer Tyrian. Les réactions de la cour ne lui avaient pas échappé, bien des monarques avaient commencé à discuter entre eux et les bribes de conversation qu'il avait pu capter n'auguraient rien de bon. Leur équipe était couvert par des regards suspicieux et méprisants. Toute leur société était basée sur le respect de l'autorité du Ténèbraile, alors même si les dires de Tyrian ne reposait pas sur des preuves, son statut à lui seul suffisait à gagner le soutien des monarques qui l'avaient déjà accepté comme futur souverain suprême sans même le connaître. De toute façon, les Déicides n'avaient pas non plus avec eux de preuves que Saga et Tyrian étaient une menace.
Les Déicides formèrent instinctivement un cercle, ne laissant aucun angle mort en prévision d'une attaque qui semblait inévitable à ce stade. En relative sécurité au centre de la position, Farca fouillait son sac pour préparer ses bombes. Adam se posta délibérément le plus près possible de Saga et Tyrian, non seulement pour encaisser le plus gros de l'assaut des adversaires les plus puissants, mais pour retenir Bélial s'il la voyait tenter quelque chose de risquer. Bien qu'il ne comprenait pas entièrement le concept, le gardien savait que la haine que la jeune femme ressentait pour ces deux là était sans limite, pouvant la pousser à prendre des risques déraisonné si sa rage venait à prendre le dessus.
Dans un dernier élan de désespoir, Sieg s'adressa à Sirocion pour plaider leur cause.
– Votre Vénérable Majesté ! Je vous conjure de nous laisser une chance de prouver nos intentions ! Faites nous passer l'épreuve que vous souhaitez, nous nous y soumettrons ! Il doit forcément rester une option pour nous de prouver que nous ne sommes pas les monstres que Saga et Tyrian nlous accusent d'être !
– Silence, vaurien ! gronda un monarque. Nous t'avons assez entendu, nous ne nous laisserons...
– Il suffit, Seigneur Haja...
Le silence se fit dans toute la salle du trône. Bien que l'ordre n'avait été adressé qu'à une seule personne, tout le monde s'est senti visé et jugea bon de se taire. Le Ténèbraile se leva de son trône et dévisagea Sieg, y lisant toute sa détresse. Dans d'autres circonstances, il aurait apprécié de voir le visage d'un tel ennemi de son peuple déformé par la la peur et le désespoir, mais il n'était pas dupe. Sirocion avait aisément réalisé que Saga et Sieg partageaient les mêmes traits, dévoilant ainsi un lien de parenté dont il commençait à deviner la nature. Si ses doutes s'avéraient exacts, le mage qui se présentait comme le loyal vassal de son successeur était sans le moindre doute le mage le plus puissant de toute l'histoire du monde de la lumière, une menace que même ses ancêtres se devaient de craindre et respecter.
Sirocion resta pensif en reportant son attention sur Tyrian qui lui adressait un sourire suffisant. D'un coup d'œil, il pouvait lire en lui toute son ambition et sa détermination. Un démon comme lui ne reculerait devant aucun moyen pour obtenir ce qu'il désire, le Ténèbraile n'en doutait pas. Il avait aussi du mal à imaginer Bélial trahir les siens comme on le clamait, mais peu importe la version des faits qu'on lui apportait, personne n'avait de preuve formelle pouvant damner l'autre parti. Tout ce qu'il avait, c'était la nature d'un des accusateurs que même lui, ne pouvait ignorer. Si Tyrian avait été désigné comme son successeur, il ne pouvait rien y faire, l'avenir de leur race reposerait bientôt sur ses épaules.
– Malheureusement, avec la disparition des cloches de la vérité, il n'existe aucun moyen de prouver qui ici ment ou non... décréta Sirocion. Nous n'avons que vos paroles pour départir du vrai du faux. Cependant, si les... Déicides n'ont que la parole du prince Basile pour porter du crédit à leurs accusations, ils sont confrontés au futur souverain de tous les démons, alors je pense que nous savons tous où tout ceci va nous mener...
Un murmure commença à se répandre mais fut coupé court quand Sirocion leva la main pour réclamer le silence.
– Pour le moment, les Déicides seront gardés sous surveillance avec interdiction de quitter la résidence à laquelle ils seront assignés. Tant que je serais là, nous prendrons le temps d'enquêter sur cette affaire. Cependant, quand Tyrian prendra ma relève, ce sera à lui de décider la marche à suivre.
Sieg serra les dents. Sirocion reconnaissait déjà Tyrian comme le prochain Ténèbraile, ce qui le rendait déjà légitime aux yeux de tous. Comment protéger les siens alors qu'un monde entier se liguait contre eux ?
– Un moment, le vieux... intervint Tyrian. Je demande à ce que le dénommé Sieg nous soit remis.
La demande prit de court le bretteur qui scruta le démon du coin de l'œil, apercevant son sourire mesquin.
– Je sais que tu as décrété qu'ils devaient êtres gardés sous surveillance, et ça, ça ne me dérange pas. Pour le moment. Par contre, j'ai promis à mon conseiller que nous essayerions de sauver son frère qui a subit un sort de contrôle mental pour le retourner contre les siens...
Bélail se plaça entre Sieg et Tyrian, adressant au dernier le regard d'un animal en fureur prêt à déchiqueter ses adversaires. Saga approcha de l'autre direction et tendit les bras vers Sieg qui resserra sa prise sur son arme.
– Tu n'imagines pas combien ça m'a brisé le cœur quand tu t'es retourné contre moi sans prévenir, petit-frère. Je ne peux que me blâmer de ne pas avoir réalisé plus tôt que ces gredins avaient usé de si vils moyens sur toi, mais tout va bien ! J'ai trouvé le moyen de dissiper le sort qui t'accable ! Bientôt, tu redeviendras enfin toi même. Tu pourras même dire la vérité au Seigneur Sirocion. Je suis sûr qu'il sera clément en voyant que tu n'étais pas maître de tes actes...
Le plan de Saga devenait de plus en plus net aux yeux de Sieg. Bien que le bretteur ne pensait pas que c'était la raison première de ses recherches, il devinait que l'arcaniste allait usé de techniques de contrôle mental pour le retourner contre ses amis et les condamner. Si une telle chose venait à arriver, Tyrian n'aurait pas à attendre d'avoir les pleins pouvoirs pour faire exécuter les Déicides sans autre forme de procès.
Saga était sur le point de gagner, et à part un combat contre des probabilités désastreuses, aucune solution semblait se présenter.
– Oh, et il n'est pas le seul que je veux récupérer ! s'exclama Tyrian en se tournant vers la porte principale. Nous souhaitons aussi Adam. Pas vrai, Kira ?
À l'entente de ce nom, le gardien focalisa toute son attention sur l'ouverture grande ouverte où se tenait une armure qui semblait focaliser toute son attention sur lui. Depuis leur première rencontre chez les Sylvériens, Adam avait souvent pensé à l'Arme Destructrice Automatique Magique, l'envers de l'Arme Défensive qu'il était. Saga avait trouvé et nommé Kira, lui laissant toutes les opportunités qu'il désirait de dévaster ce qu'il désirait.
Si Adam était fasciné par les émotions des mortels, Kira les méprisait et les trouvaient inutiles, se considérant parfait dans sa condition d'arme sans âme. Le destructeur ne parvenait pas à comprendre les pensées du défenseur et était persuadé qu'il pouvait rectifier les erreurs qui s'étaient glissées dans ses pensées en le reformatant lui même.
Alors que le gardien était en plein trouble en se retrouvant ainsi face à ce qui était comme un frère de métal pour lui, les autres Déicides ne purent que constater qu'un nouvel ennemi de taille venait de s'ajouter à l'équation.
Bélial réfléchissait à une tactique de combat, mais elle n'en trouvait aucune qui leur donnerait la victoire. Quoi qu'elle visualisait, ses compagnons seraient tous massacrés et son partenaire lui serait de nouveau arraché, mais pour l'ultime fois dans ces circonstances. Si le combat n'était pas une option, que lui restait-il ? La barbare avait grandis en pensant que l'affrontement était la meilleure façon de régler les problèmes. Les mois passés aux côtés des Déicides lui avaient appris que des approches plus subtiles étaient souvent requises, mais elle n'arrivait pas à en trouver.
– Fort bien, j'accepte ces conditions, décréta Sirocion sans laisser à personne le temps de réfléchir. Au nom de mes ancêtres, je déclare...
Bélial écarquilla les yeux. Il lui restait une solution, bien que terriblement risquée. Mais au diable les périls si ses amis risquaient le pire.
– Il se passera quoi si je réussi l'épreuve du miroir ? s'égosilla Bélila en s'adressant à Sirocion.
La consternation de la cour fut à son comble. Saga et Tyrian fixèrent la barbare sans comprendre. Le Ténèbraile arqua un sourcil, intrigué par l'intervention de Bélial. La jeune femme se sépara du reste des Déicides, évitant de peu d'être retenue par Sieg et 'approcha du trône.
– On m'a dit que le miroir des ancêtres permet d'être jugé par les siens, non ? Alors si je dois être punie ou non pour les trucs que Saga m'a accusée, mes ancêtres sont les mieux placés pour le décider. N'oublie pas qu'on m'accuse quand même d'avoir massacré mon village, alors si je suis coupable, c'est pas comme si je pouvais revenir.
La suggestion suscita moult échanges entre les souverains présents. Certes, c'était abrupt, mais une telle solution restait envisageable. En voyant que l'idée séduisait la cour, l'arcaniste s'apprêtait à prendre la parole, mais Cinder s'était rapproché de lui pour l'en dissuader.
– Vous risquez de vous mettre en mauvaise position si vous vous opposez à sa proposition... murmura la princesse. Le miroir des ancêtres est une de nos traditions les plus sacrées et elle est parfaitement en droit d'y faire appel. Certes, cette option n'est généralement pas ouverte à des roturiers comme elle, mais comme elle est déjà ici et que l'affaire est de taille, à moins de fournir une preuve irréfutable de sa culpabilité, vous ne convaincrez personne de refuser sa demande. Par contre, ça ne veut pas dire que tout est perdu...
Saga fronça les sourcils en invitant Cinder à continuer.
– Voyez-vous, passer l'épreuve consiste à être jugé par tous ses ancêtres, pas juste ceux que nous avons connus. Même si sa famille directe pourrait la défendre ou non contre vos accusations, elle ne sera pas seulement estimée sur ce point là. Si de moins en moins de démons se risquent à passer l'épreuve, c'est parce que chaque nouvelle génération a de plus en plus d'ancêtres à convaincre. Et comme les mentalités et les meurs évoluent au fil des âges, les chances de leur plaire à tous sont minimes.
Un sourire mauvais étira les lèvres de Saga. Il voyait l'attrait de laisser son plus grand obstacle faire un tel pari. Surtout en sachant que Bélial risquait de ne pas plaire à ses ancêtres d'avant la guerre du Crépuscule. Comment pourra ient réagir des démons qui avaient vécus en suivant les codes du monde des ténèbres face à une descendante autant affectée par le monde de la lumière ?
Saga opta donc pour laisser les choses suivre son cours et croisa les bras. Sirocion médita un moment avant de rendre sa décision.
– C'est entendu, nous procéderons donc ainsi. Bélial de Sombresang passera l'épreuve du miroir et sera jugée par ses ancêtres. Cependant, sachez que sa réussite ne disculperait pas les Déicides de toutes les accusations. Si elle revient, je consentirais simplement à les laisser libres de leurs mouvements le temps de l'enquête, ce qui inclut d'aller avec qui ils désirent...
Ce dernier point fut appuyé par un regard adressé à Saga dont le sourire se dissipa. Bien qu'il aimait ses chances, il n'aimait pas savoir qu'il risquait de perdre une telle opportunité de récupérer Sieg. Pour le moment, il décida de ne rien dire.
L'écarlate s'empressa de rejoindre sa partenaire et lui attraper le bras.
– Il doit y avoir une meilleur solution ! Tu l'as entendu, le danger est...
Bélial attrapa le col de Sieg et le hissa à elle pour l'embrasser. La scène choqua plusieurs démons avec des idées bien arrêtées sur les relations avec d'autres races, mais la barbare s'en moqua et ricana et fixant son bien-aimé.
– Tu t'inquiètes trop ! Tu sais bien que j'écoute jamais les autres quand je veux vraiment un truc ! Alors mes ancêtres ont intérêts de pas me faire chier s'ils veulent pas que je leur colle une raclée ! Soient ils m'acceptent comme je suis, sois je les remets à leur place, c'est aussi simple que ça !
Époustouflé, Sieg soupira en secouant la tête et ricana. Il se tourna d'un quart en sentant une main se poser sur son épaule et croisa le regard de Raya.
– Tu croyais quoi ? Après moi, tu es le mieux placé pour savoir que quand elle a une idée en tête, elle n'en démordra pas. Surtout quand c'est pour ceux qu'elle aime.
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