Chapitre 4 : L'étendue de l'ignorance
Après une brève attente, les Déicides et Anoro furent invités à pénétrer la tente d'Udia, les plongeant dans dans un fatras de documents qu même Farca trouva aberrant. Des piles de livres s'inclinaient les unes sur les autres dans un équilibre précaire. Le sol était tapissé de notes diverses froissées et noircies par un piétinement perpétuel. à peine assez d'espace avait été aménagé pour un lit de camp et une large malle d'où des vêtements fripés dépassaient.
Assise sur le bord de sa table qui servait aussi de bureau de fortune, la chercheuse accueillit ses invités. Elle avait troqué sa robe déchirée contre un pantalon belge et une chemise blanche recouverte d'un veston noir. D'un coup d'œil, Sieg comprit que l'elfe avait l'habitude de voyager, ayant choisi cette tenue pour son confort et sa liberté de mouvement.
En entrant, Adam cogna involontairement une des piles qui entraîna la suivante dans sa chute, débutant une réaction en chaîne que le groupe suivit du regard dans un silence consterné jusqu'à ce que le dernier livre ne s'effondre. Le gardien regarda tour à tour le désastre qu'il avait causé et leur hôte qui ne semblait pas perturbée.
– Protocole D'Excuses Enclenché !
– Oh ne vous en faites pas, ça m'arrive au moins une fois tout les trois jours... soupira-t-elle en haussant les épaules. De toute façon, je devais tout réorganiser. Quoi que si je vais explorer le monde des ténèbres, je vais devoir laisser la plupart d'entre eux ici...
– Oui, effectivement, ce ne serait pas pratique de trimbaler autant d'ouvrages dans un territoire inconnu... confirma Ahmés en ramassant un livre pour le feuilleter, son regard s'illuminant avant de se tourner vers Udia. Même si je vois que certains de ces livres sont plus là pour passer le temps que pour vos recherches. Je constate que vous avez des goûts très... passionnés...
Farca fixa la couverture du livre qui fascinait Ahmés et s'empourpra en reconnaissant le titre. L'alchimiste le connaissait bien car, bien qu'elle ne l'avouerait à personne, elle avait elle même en sa possession plusieurs volume de cette série érotique très populaire à Griganar. Udia remarqua la réaction de la naine et ne put s'empêcher de sourire.
– Que voulez-vous, j'ai laissé mes amants chez moi, et mes collègues ici sont du genre à trembler comme des feuilles dès qu'une femme leur adresse la parole. Certes, ils me voient plus comme une chercheuse que comme une femme à proprement parlé, mais je sens que si je les invitait à...
– Et si nous abordions un autre sujet ? coupa Sieg en se pinçant le nez. Aussi passionnant que soit le sujet, nous ne sommes pas ici pour parler de toutes vos passions... Une seule nous intéresse, étant donnée qu'elle va nous être utile pour notre expédition...
– Ah oui, bien sûr ! s'exclama Udia avant de se retourner vers son bureau et fouiller la paperasse à la recherche d'un ouvrage. Alors d'abord, si j'en crois les notes que j'ai ici, ce portail ci est connecté à une montagne dans le monde des ténèbres, alors je doute que nous déboulerons directement dans un village en arrivant. Ça nous permettra d'y installer un camp temporaire pour prendre nos repaires et décider notre marche à suivre. De toute façon, nous devrons éviter de trop nous approcher des locaux vu que nous risquons de sortir du lot avec nos apparences...
– Ah, mais nous y avons réfléchi ! s'exclama Ahmés en glissant sa nouvelle trouvaille sous son bras avant d'extirper un pendentif de sa poche. Je me suis inspiré du collier de Conora de notre amie Bélial pour façonner cette merveille ! Certes, je ne suis pas doué en création d'objets magiques, mais les illusions, ça me connaît !
Le musicien se passa le collier au cou, son apparence s'altérant sous les yeux émerveillés de la chercheuse. Des cornes se dessinèrent sur son front, similaires à celles de Bélial, alors qu'une queue se matérialisa derrière lui. Son teint se fit aussi plus sombre.
– Oh, pas mal ! s'extasia Udia en joignant ses mains. J'espère que vous en avez pour tout le monde !
– Et comment ! ricana Farca en sortant son propre exemplaire de sa poche. Par contre, nous hésitons encore à modifier nos tailles pour plus ressembler à Bélial. Nous sommes tous un peu petits pour des démons normaux...
– Certains d'entre nous plus que d'autres... commenta Lorelya en ignorant le regard agacé de la naine.
– Décidément, votre ignorance est bluffante... soupira Udia en croisant les bras avant de s'adresser à Sieg. Vous là ! Vu que vous avez pris part à la guerre du Crépuscule, vous avez bien dû voir quelques démons qui ne donnent pas l'impression de se cogner la tête dès qu'ils passent une porte, non ?
L'écarlate médita sur la question, fouillant ses souvenirs.
– Oui, maintenant que vous en parlez... La plupart des démons étaient aussi robustes que Bélial, mais je me souviens d'en avoir aperçu quelques un qui avaient à peu près la même taille que des humains... Ils étaient moins robustes, mais ils se battaient principalement avec leurs pouvoirs obscurs, pas leurs corps...
– Des Cendressangs, acquiesça Udia. En clair, il existe trois différents types de démons. Les Cendressangs que nous avons cité sont les plus petits, mais leurs pouvoirs sont les plus développés. Ils font en général d'excellents mages. Les Rochechairs, le type le plus commun et dont vous avez du en rencontrer le plus durant la guerre, sont grand et très robustes, mais avec un faible pouvoir en comparaison des Cendressangs. Pour vous donner une petite idée, sur dix démons, huit seront des masses de muscles, et deux des intellectuels.
– Une minute, je ne comprend pas, intervint Farca. Vous nous avez dis qu'il y avait trois versions des démons, mais d'après votre ratio, il n'y a de la place que pour deux.
– Ravie de voir que quelqu'un suit ! répondit Udia avec un large sourire. C'est parce que le troisième type, les Âmessombres, sont d'une rareté incroyable ! Seul un démon sur plus de mille naissent comme tels, avec la robustesse des Rochechairs et les pouvoirs des Cendressangs. Ils disposent de plus de facultés que les autres démons, notamment avec la capacité de guérir leurs blessures en se servant de leur pouvoirs.
Sieg haussa un sourcil avant de se tourner vers Bélial dont les yeux s'élargissaient.
– Ces pour ça que dans mon clan, y avait que ma mère et moi capables de nous soigner toutes seules ?
– La mère et la fille qui sont des Âmessombres ? s'écria Udia en se ruant vers Bélial pour l'admirer de nouveau. De ce que j'ai lu, il est déjà assez rare qu'une famille a plus d'une Âmessombre sur cinq générations ! Il faut que vous compreniez que la sorte de démon qui naisse est entièrement aléatoire ! Deux familles qui n'ont eu que des Rochechairs depuis des générations ont quand même une chance de produire des Cendressangs en s'unissant, par exemple. Tout est une question de probabilité, pas d'héritage.
– Je n'aurais jamais suspecté ça... souffla Sieg qui se sentit honteux pour son ignorance. Mais ça expliquerait pourquoi seule une poignée de démons étaient vraiment redoutables... Mais sinon Bélial, dans ton clan, il y avait des démons qui devaient naître plus petits que les autres, non ?
– Ouais, c'est vrai... avoua la démone avec un air songeur. Ils étaient pas aussi balèze que les autres, mais ils étaient pas inutiles au combat... Maintenant que j'y pense, ils savaient mieux utiliser leurs pouvoirs que les autres...
– Ce qui devrait aussi être votre cas ! s'emporta Udia en palpant les muscles de la barbare. De ce que j'ai lu, les Âmessombre sont capables de grandes choses ! Certains développent même des talents uniques que personne d'autre ne possède !
– Voilà qui expliquerait ton sens du combat inégalable, exposa Sieg. La façon que tu arrives à t'imaginer les prochaines actions de tes adversaires dès que tu comprends leur façon de te battre... Même avec ma nouvelle précognition et mon expérience, je n'arrive pas à prévoir les prochaines actions de mes ennemis aussi précisément que toi !
Bélial fixa sa main un moment, n'ayant jamais suspecté qu'elle aurait pu être aussi différente du reste de son clan. Une lueur d'espoir naquit dans cette réalisation.
– En clair, je suis peut-être encore plus forte que je le pense, c'est ça ?
– Et comment ! s'écria Udia. Vu vos muscles, je pense que vous avez poussé au maximum votre potentiel physique, mais si vous ignoriez que vous aviez plus de pouvoirs que les autres, voilà un aspect que vous pourriez plus développer !
– Maintenant que j'y pense, à part faire des armes et se recouvrir avec de l'obscurité, les autres ne pouvaient pas faire grand chose... Mais moi, j'ai frapper des esprits et créer des trucs énormes...
– Toucher ce qui est intangible ? Oui, il me semble que ce n'est pas quelque chose de commun à tous les démons... marmonna Udia. Enfin, gardez à l'esprit que ce n'est ps comme si j'avais lu un guide complet sur le sujet. Si vous voulez vraiment en apprendre plus... Et bien, vous vous rendez au bon endroit pour ça !
Bélial serra son poing en souriant avant de se tourner vers le bretteur.
– T'entends ça ? Je vais devenir encore plus forte !
– Vu ce qui nous attend, c'est une excellente nouvelle.
– Bon, j'ai bien parlé, mais je pense que c'est votre tour, déclara Udia en frappant dans ses mains. C'est équitable, non ? Après tout, je vous ai appris que votre taille ne sera pas un problème.
Les Déicides échangèrent un regard avant de se mettre d'accord pour partager leur savoir.
– Que souhaitez-vous savoir ? demanda Ahmés.
– Oh, tant de choses ! jubila Udia. Mais en premier lieu, je ne peux pas oublier ce que vous avez dis à propos des dieux d'or, et surtout le fait que deux d'entre vous ont porté une de leurs âmes !
Bélials se crispa, de vieux souvenirs lui revenant avec le confort de lames acérées. Sieg posa sa main sur l'épaule de la jeune femme qui se ressaisit.
– Ouais, Raya... C'était comme une grande-sœur pour moi... Elle m'aidait quand elle le pouvait, m'apprenant plein de trucs sur le monde... Sans elle, j'aurais été pommée quand mon clan a été massacré... Mais des connards en avaient après elle...
– L'Ordre de la Première Vérité... continua Sieg. Un culte surtout actif à Legenia qui cherche à ramener les dieux d'or pour établir un nouvel ordre mondial. Le pire, c'est qu'ils comptent enchaîner leurs dieux pour s'en servir comme des esclaves, abuser leurs pouvoirs. Alors ils traquent les porteurs des dieux d'or et tentent de forcer leur éveil après avoir couvert leurs corps de sorts pour les asservir. Ils ont bien failli réveiller Raya en moi, mais heureusement, les autres ont empêché ça. Même si j'aurais préféré une solution moins terminale...
– Hé, t'es pas resté mort longtemps ! se défendit Farca. Il n'y avait que comme ça que Raya pouvait quitter ton corps et ne pas effacer ton esprit !
– Oui, je sais... marmonna Sieg. Par contre, c'était la dernière fois que je te laisse mener le groupe...
– Ramener des dieux dans ce monde ! s'extasia Udia. Voila un sujet de recherche fascinant ! Enfin, si on n'oublie que les hôtes sont sacrifiés, visiblement...
– Oui, je confirme, ce n'est pas vraiment une expérience plaisante... grommela l'écarlate.
– J'imagine... répondit Udia avant de se tourner vers Lorelya. Et sinon vous ? Je n'ai jamais entendu parler d'elfes vertes...
La verdoyante détailla la chercheuse longuement avant de hausser les épaules.
– Quand j'étais petite, des humains m'ont agressée avant de me couper une oreille, expliqua Lorelya en découvrant le côté droit de sa tête pour exhiber une cicatrice. Mais à ce moment là, une dryade est venue à mon secours et a remplacé mon sang avec sa sève. Depuis, je suis connectée à la nature et je peux faire appel à son pouvoir.
– Fascinant... Enfin à part la partie sur l'agression, c'est horrible... Mais qu'une dryade puisse partager son pouvoir avec une autre race... Vous êtes un être unique au monde !
– Et encore, vous dîtes ça sans savoir qui est son arrière-grand-père... ajouta Farca en fixant Sieg.
Udia suivit le regard de l'alchimiste avant de comprendre ce qu'elle insinuait et détailler tour à tour le bretteur et l'archère.
– Oui, j'ai eu une aventure d'une nuit avec Larya, reine des elfes sylvériens avant la fin de la guerre du crépuscule, soupira Sieg. Enfin, à l'époque, elle n'était pas reine, le clan n'existait pas. Bref, sans que je le sache, j'étais devenu père, et j'ai une descendante...
– Mais votre équipe entière est fascinante ! s'écria Udia avant de reporter son attention sur Farca, Adam et Ahmés. Avec un soupir, la naine désigna ses compagnons avant de se présenter.
– Mort-vivant musicien et lubrique lié au monde des morts. Être artificiel de métal qui veut des émotions. Sang-mêlée nain-humain douée en alchimie.
– ... et en vol-à-la-tire... ajouta sournoisement l'écarlate.
– Splendide ! Et vous ?
Ayant demeuré silencieux jusque-là, Anoro se sentit gêné de devenir ainsi le centre de l'attention et se racla la gorge.
– Moi ? Je ne suis qu'un soldat chargé d'escorter les Déicides. Navré, mais je ne peux pas vous dire à quelle nation j'appartiens.
– Déicides... répéta Udia en se retournant vers les autres. Un nom intéressant... J'imagine qu'il y a une histoire derrière lui ?
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