Chapitre 39 : Sombre avertissement
– Wadro ! Réveillez-vous ! Vous devez absolument venir, il se passe quelque chose d'important !
Avec un grognement, Wadro émergea de son sommeil et dévisagea Anoro qui venait de faire irruption dans sa chambre en criant. Le démon se passa la main dans ses cheveux, redoutant déjà la réponse à la question qu'il ne pouvait pas s'empêcher de poser.
– Bon, quel Déicide a fait quoi ? Bélial a mis un coup de boule à la mauvaise personne ? Lorelya a passé la nuit dans le lit d'une noble ? Ou ils ont trouvé Farca dans la salle des coffres qui est soudainement plus vide que dans leurs souvenirs ?
– Non, les Déicides n'ont rien fait de travers cette fois-ci, expliqua le capitaine en jetant au démon ses vêtements. Par contre, ce qui vient d'arriver... Vous comprendrez mieux quand vous verrez ça de vos propres yeux. C'est lié à Saga !
Cette dernière phrase n'eut pas l'effet escompté sur l'Âmesombre qui s'habilla mollement. Enragé de voir le démon aussi mou, Anoro ordonna à un soldat de rester avec lui et le guider à la salle du conseil dès qu'il serait prêt. Une fois ses ordres donnés, Anoro s'empressa de sortir et courir à travers les couloirs.
Rapidement, il arriva devant deux portes en pierre que les soldats draconniques postés devant ouvrirent pour le laisser entrer. Anoro fit deux pas dans la pièce et s'arrêta brusquement en fronçant les sourcils, ne sachant sur quoi interroger en premier les personnes assises autour d'une large table. Devait-il s'enquérir de la présence du loup blanc aux yeux rouges qui se frottait à la cuisse de Sieg ? Demander des détails sur l'humaine qu'il ne connaissait pas aux yeux dorés ? Ou tout simplement fixer la pierre brillante au centre de la pièce qui semblait accaparer l'attention de tout le monde ?
– Excusez-moi pour mon retard, je me suis dépêché d'aller réveiller Wadro. Il n'est pas loin derrière moi, mais avant ça, je vois que nous avons de la compagnie...
– Oui, je suppose... soupira Sieg. Alors, tout d'abord, je vous présente Soren, un vieil ami que je ne pensais plus revoir. Et là-bas...
La femme désignée par l'écarlate se leva et adressa un sourire apaisant au soldat.
– C'est un plaisir d'enfin faire correctement votre rencontre, Anoro. J'ai beau vous connaître depuis aussi longtemps que Bélial, c'est la première fois que nous pouvons nous parler en face à face.
Le capitaine se souvint de la signification des yeux dorés et écarquilla les siens en détaillant la déesse.
– Raya ? Je ne pensais pas que... Mais comment ?
– On s'en fout de comment, je suis trop contente qu'elle est là ! s'exclama Bélial en se levant à son tour pour serrer dans ses bras son amie. Et devine quoi ? Elle vient de récupérer ses pouvoirs de Sieg, et avec, elle a totalement éclaté un vampire ! Par contre, je lui en veux encore un peu d'avoir embrassé mon Sieg pour ça...
– Je t'avais déjà dis que je n'avais pas eu le choix, c'était la seule solution pour sauver tout le monde ! se défendit la lancière.
– Je ne serais pas le premier à m'en plaindre... soupira Lardzar en frottant les bandages qui faisaient le tour de son cou.
Wadro arriva à cet instant et haussa un sourcil en voyant ce qui se passait. Il balaya la salle du regard et releva deux absences.
– Où sont Farca et Lorelya ?
Les mines basses des Déicides présents ne rassurèrent pas le démon qui pressa leur meneur pour plus de détails.
– Lainabe les a attaquées par surprise, expliqua le bretteur. Il a pris en traître Lorelya et Farca et possédé la première pour attaquer la seconde. Farca est à l'infirmerie dans un état critique, nous ne sommes pas sûrs que...
– Essayez de ne pas m'enterrer trop vite...
Surpris, Wadro et Anoro se retournèrent en s'écartant. Plusieurs visages s'illuminèrent Quand l'alchimiste s'avança péniblement dans la salle du conseil, la moitié de son torse couvert de bandage. Elle était soutenue par Lorelya et Sasine qui veillèrent à ce qu'elle ne tombe pas tant la naine était faible.
– Tu aurai du rester alitée, s'inquiéta Sieg. C'est un sale coup que tu t'es pris.
– Ouais, je sais, tout le monde n'arrête pas de me le répéter... Mais vu que c'est ce crevard de Lainabe qui m'a plantée, j'imagine que Saga est derrière tout ça... Au fait, il a fait comment pour posséder Lorelya ? Nos sceaux devaient nous protéger de ce genre de conneries, non ?
– Saga a trouvé une parade, exposa Ahmés. De ce que j'ai compris, il aurait fait des recherches dessus en apprenant que Sieg ne pouvait pas être contrôlé.
– Et merde.. grommela Lorelya. Il a quoi en tête bordel ?
L'elfe et la naine remarquèrent la lancière que Bélial serrait dans ses bras avec affection, intriguées par sa présence. Farca fut la première à comprendre et manqua de s'étrangler.
– Bordel, Raya ? C'est toi ? Je savais qu'on finirais par tomber sur toi, mais je ne pensais pas que ce serait aussi rapide...
– Décidément, tu es bien la plus intelligente d'entre nous... ricana la déesse en se libérant de l'emprise de la démone pour s'approcher de la sang-mêlée. Et sinon, j'ai deux-trois mots à te dire, toi... Parce que tu as du bol que t'a pas complètement foiré ton plan la dernière fois...
– Quoi, t'avais vraiment envie de te réincarner en Sieg ? Je veux bien qu'il soit beau gosse, il n'a pas l'air d'être ton genre...
La déesse et la naine se dévisagèrent un instant puis ricanèrent en tapant chacune le poing tendu de l'autre.
– Je me disais bien qu'on s'entendrait à merveille... commenta la lancière.
– Ouais, tu ne te laisses pas démonter et j'aime ça. Bon, et pour le clébard à côté de Sieg ? C'est le fameux Soren, c'est ça ? Décidément, il s'en est passé des choses, pendant que j'agonisais...
– Affirmatif ! Nous Avons Aussi Récupéré La Pierre De Flegmon.
Avec des yeux aussi ronds que les lunes, Anoro, Farca et Lorelya dévisagèrent Adam avant de reporter leurs regards sur le centre de la table où brillait toujours une mystérieuse pierre. L'alchimiste monta sur une chaise et fixa de plus près l'objet, distinguant une pierre en son centre qui raviva de vieux souvenirs.
– Putain de chiasse de merde... cracha Farca en s'affalant sur sa chaise. Vous êtes sérieux ? On a vraiment réussi à reprendre ça à Saga ? Mais comment ?
– Avec beaucoup de chance... reconnut Raya. Lainabe me l'avait confiée pour éviter qu'elle ne soit perdue, mais Radan et les autres bras cassés qui nous accompagnaient m'ont attaquée en traître et récupéré la boîte où elle était cachée. Ce n'est que par hasard qu'ils se sont fait chopés par les gardes avant qu'ils aient pu s'échapper.
– Ah ouais, Radan... grommela Farca. Lui, j'espère vraiment ne plus le recroiser... Il doit encore me haïr pour son frère...
– Il n'arrêtait pas d'en parler... avoua Lorelya. Oh, et tu ne devineras jamais qui d'autre faisait parti de notre petit groupe...
– Votre petit... répéta Farca avant de blêmir. Ne me dis pas que tu avais rejoint l'armée de Saga ?
– C'était ma seule chance de rejoindre le monde des Ténèbres et vous retrouver, expliqua Raya. Et pour ça, ce bon vieux Trévor m'y a aidée, et nous avons même recruté au passage les bandits qui avaient essayé de vendre Bélial en esclavage à Griganar.
– De quoi ? Mais je suis restée inconsciente combien de temps, moi ?
– Franchement ? Même pas deux heures... lui révéla Ahmés. Mais je te comprends, ça fait beaucoup au réveil... En tout cas, tout ce beau monde et le vampire que notre radieuse Raya a massacré sont tous enfermés dans les geôles du palais. J'ai veillé personnellement à ce que la cellule de Lainabe l'empêche de s'échapper.
– Bon maintenant que tout le monde sait ce qui s'est passé, peut-être devrions nous parler de ce que nous allons faire de cette choses, intervint Blaso en désignant la pierre devant lui. Je n'ai pas besoin que mes mages l'analysent pour me dire que cette chose renferme quelque chose d'aussi perverti qu'un Déchu. Et vu jusqu'où est allé Saga rien que pour aider un allié, je n'ose pas imaginer ce qu'il serait prêt à faire à mon royaume pour la récupérer si elle reste ici.
– Ne t'en fais pas, nous n'allons pas faire l'erreur de laisser cette horreur là où Saga peut le trouver, le rassura Sieg. Nous devons déterminer ce que nous devons en faire exactement, parce que Saga ne s'arrêtera jamais de la traquer, il lui faut les sept Déchus pour ses plans. J'aimerais juste savoir ce qu'il mijote exactement...
– Décapite ta petite traînée et rapporte moi la pierre, et je me ferais une joie de tout t'expliquer...
Sidérée, l'assemblée fixa l'entrée de la salle du conseil où se dressait une figure qui arracha un hoquet de terreur à Bélial. Titubant tel un pantin désarticulé, le vampire qu'avait décapité Anoro s'avança, sa tête tenant à peine sur ses épaules avec l'aide d'une brume sombre.
– Sérieusement ? paniqua le soldat en tirant son épée. Même leur trancher la tête ne suffit pas à les tuer ?
– Si, ça a suffit... ricana le vampire décapité. Ce pauvre Foron a bien rendu l'âme. Cependant, le familier que ses maîtres avaient caché en lui est encore en vie, alors je me suis permis de... renforcer celui qui le contrôle pour que je puisse vous parler à travers ce cadavre... Je vous passe les détails, car je doute qu'il y a quelqu'un ici d'assez intelligent pour comprendre tous les détails de mes expériences...
– Saga... cracha avec venin Bélial en serrant les poings. T'as toujours pas les couilles de venir nous voir en personne ?
– Oh, mais c'est que j'ai peur... soupira le vampire défunt. Si tu savais ce qui t'attendait, tu ne serais pas si pressée de me revoir, petite sotte. Et toi...
Le cadavre aux yeux vitreux pointa maladroitement un doigt vers Raya qui empoigna sa lance, prête à intervenir.
– Oui, ces yeux... Ils avaient raison, tu es bien la déesse de la lumière... J'avoue que j'avais été surpris d'apprendre que tu étais cachée dans cette petite peste, et encore plus de découvrir que mon petit Rotsala t'avait laissé le posséder... Et maintenant, tu es devant nous, incarnée et en possession d'une partie de tes pouvoirs divins... Il y a bien des choses dont je voudrais m'entretenir avec toi en privé...
– Seulement si j'ai le droit d'avoir ma lance avec moi, ordure... lâcha la déesse.
– Que tu es belliqueuse ! s'exclama Saga. Peut-être que je devrais attendre un peu avant de m'entretenir avec toi... Quoi que... Maintenant que j'y pense, je ne suis pas si sûr que tu serais réceptive à ce que j'aurais à te dire... Peut-être que je devrais discuter avec toi devant le fait accompli...
Sieg fronça les sourcils, interpellé par le choix de mots de son frère. L'écarlate avait déjà compris que son frère avait des projets pour lui, mais il semblait aussi que le mage avait des vues sur Raya. Était-ce à cause du lien qui existait entre les dieux d'or et les Déchus qu'il essayait de rassembler ?
– Mais passons... déclara le vampire en se détournant de la lancière pour désigner la pierre. Vous avez quelque chose qui m'appartient et vous ne voulez vraiment pas que j'emploie la manière forte pour la récupérer. Ceci sera votre seul et unique avertissement : rendez-moi la pierre de Flegmon, ou je massacrerais autant de personne que je le voudrais pour remettre la main dessus. Oh, et bien sûr, comme je l'ai dis plus tôt, je veux aussi la tête de Bélial et mon petit frère, ça va de soi...
Soren grogna et s'approcha de Saga qui baissa la tête sectionnée du vampire pour observer le loup.
– Ah oui, toi... Tu ne m'as jamais beaucoup aimé... Comme quoi, tu as toujours eu un bon instinct... Et tu tombes à pic, tu vas me servir d'exemple...
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