Chapitre 34 : Loyauté bestiale
La peau encore à vif après son bain de lumière, Malnar se redressa en secouant la tête et examina ce qui se passait dans le couloir. Un homme à la peau sombre et aux longs cheveux de jais se tenait devant Lainabe, enchaîné au sol et incapable de se libérer. De l'entrée de la salle de banquet juste à côté d'eux, un homme-dragon enveloppé aidait une femme en armure qu'il reconnut rapidement à marcher, ayant passé son bras derrière ses épaules. Derrière cette scène, Bélial s'était approché d'Adam pour lui demander comme il se sentait. Sieg fut encerclé par des individus inquiets par son état qui furent surpris de voir son bras brisé se remettre en place de lui même, ne laissant plus aucune trace de blessure.
En un instant, le vampire comprit qu'il venait de perdre l'avantage. Il était désormais seul face à ses adversaires, le corsaire ne semblant plus en état de l'aider tant que personne n'éliminerait le musicien. Quant à Foron, il avait déjà senti sa présence se volatiliser, le laissant supposer qu'il avait soit été assommé, soit tué, et aussi problématique que ce serait, Malnar espérait secrètement que ce serait la seconde option. Et quand il pensait au reste des troupes, personne à part Lys lui serait utile, et elle était à présent à la merci de ses adversaires. Ça ne lui laissait donc plus qu'une seule option.
Le vampire concentra son pouvoir dans son bracelet, pensant un ordre qui devint sa volonté.
***
Deux kilomètres à l'est de Scurgia, les forces de soutien de l'opération se tenaient prêts à intervenir. Il ne s'agissait pas de combattants mais de guérisseurs chargés de panser les blessures des guerriers et de mages novices devant veiller au bon état de l'équipement magique. Installés dans un campement de fortune, ils patientaient, attendant d'avoir un retour des troupes sur le front. Cependant, si l'inquiétude régnait parmi eux, ce ne fut pas à cause de leur mission, mais plutôt de ce qui les accompagnait.
Dans une cage laissée en retrait du campement, couverte d'une bâche que personne n'osait retirer, une bête sommeillait. Son ronflement se fit entendre à des mètres à la ronde, puissant et sauvage, indiquant que le fauve était immense. Quand la créature ne dormait pas, elle se déchaînait dans sa cage, réclamant d'être libérée et d'être nourrie. À part les vampires, personne n'avait le courage de l'approcher, son aura bestial glaçant le sang des personnes qui osaient la côtoyer.
Dans le campement, tout le monde retint son souffle quand ils entendirent le ronflement s'interrompre soudainement, indiquant que la bête venait de se réveiller. Un hurlement résonna avant que la cage soit remuée par des chocs violents. Soudain, la porte de la cage s'ouvrit, plongeant l'équipe de soutien dans une panique absolue. La créature s'échappa sans hésiter une seule seconde, entraînant la bâche avec elle, ce qui masqua sa véritable forme aux bipèdes qui crurent leur dernière heure arrivée. Cependant, la créature les ignora et se mit à courir vers Scurgia. Son instinct lui hurlait de partir dans la direction opposée, de retrouver sa liberté, mais son collier enchaînait sa volonté, la pliant aux ordres de ses maîtres.
Arrivé à cinq cent mètres de la muraille de la cité, la créature sentit une odeur familière qui éveillèrent en lui d'antiques souvenirs. Des images d'un passé lointain lui remplirent la tête, alors qu'une fragrance qu'elle pensait perdue lui revenaient comme une averse de nostalgie.
Cette odeur balaya le dépit de la bête qui gagna le désir de suivre son origine. Arrivée devant le mur de la ville, la créature plongea dans l'ombre de l'édifice, fonçant en elle et gravissant l'obstacle comme un poisson nageant dans une rivière. Arrivée en haut, la bête émergea de l'ombre et atterrit sur les créneaux, humant l'air avant de poser son regard sur le palais. Que ce soit ses ordres ou son museau, tout le guidait vers cette forteresse de pierre.
***
Titubant, Malnar se redressa et toisa ses adversaires qui se dressèrent peu à peu face à lui, voyant en lui leur seul et unique menace. Toujours prisonnier, Lainabe tentait de se libérer, mais de nouvelles chaînes sortirent du sol et le restreignirent, le rendant d'autant plus inutile. Le vampire inspira, se refusant de faire une erreur en s'emportant. Il lui suffisait de gagner quelques instants pour renverser le court de cette bataille, se presser ne lui apporterait rien
– Vous me flattez ! Autant de guerriers juste pour moi ? Ça fait plaisir d'être pris au sérieux ! D'habitude, c'est plutôt l'opposé ! Par contre, tu me déçois, Lys. Je m'attendais à mieux de ta part...
Interpellé par cette dernière remarque, Sieg tourna son attention vers Basile et la femme en armure qu'il aidait et fut troublé. Pour une raison qui lui échappait, il avait l'impression de la reconnaître, mais il décida de laisser ce détail de côté pour l'instant.
– Vous avez aidé une de nos ennemies ? demanda l'écarlate en s'adressant au musicien et à l'invocateur. Non pas que je pense que nous devrions tous les tuer, vous pensez vraiment que nous avons le temps de...
– Je ne pouvais pas la laisser... répondit l'homme-dragon en baissant les yeux. Elle... Elle a aidé une enfant à s'échapper, et pour ça, ses alliés l'ont trahie... Alors oui, elle fait parti de l'ennemi, mais...
– Si ce que tu dis est vrai, tu n'as pas de raison de te blâmer, déclara Blaso. Elle a fait preuve d'honneur en se portant au secours d'une enfant, nous ne pouvons que la respecter.
Surpris, Basile regarda tour-à-tour son père qui semblait fier et son frère qui ne le fixait pas avec mépris pour une fois. De leur côté cependant, les Déicides furent moins prompt à laisser passer cet acte.
– Nous en parlerons plus tard... grommela Sieg en faisant signe à Ahmés de le rejoindre. Que quelqu'un la surveille. La dernière chose que nous voulons, c'est qu'elle se retourne contre nous au pire moment.
Lys tourna la tête vers Sieg qui eut une fois de plus la désagréable impression de la connaître sans pour autant savoir comment. Bélial fixa elle aussi la guerrière, ne sachant pas pourquoi elle l'intriguait elle aussi. Vaseuse, la blonde tenta de s'exprimer mais manqua encore de forces pour parler, se laissant faire alors qu'elle était confiée à des gardes.
– Bon, et maintenant, on va s'occuper de toi... déclara Sieg en faisant un pas vers Malnar. Par contre, j'ai une montagne de questions à te poser...
Le vampire se retint de jubiler. Tout ce qu'il voulait, c'était gagner du temps, et on lui en offrait plus que ce qu'il désirait.
– Je ne suis pas surpris ! Que veux-tu savoir ? Ce que projette de faire Saga ? Ce que Plasmia complote ?
– J'avoue avoir envie de le savoir... intervint Lardzar en s'approchant. Vous n'êtes pas ici juste pour m'assassiner et donner une raison à mon pays d'attaquer Fangia, pas vrai ? Votre attaque était trop chaotique et voyante, personne ne pourrait penser que les homme-dragons m'ont tué avec tant de preuves du contraire !
– Ah oui, c'est vrai... ricana Malnar en haussant les épaules. L'alliance que nous avons formé avec votre père demandait à ce qu'on fasse porter le chapeau de votre meurtre aux homme-dragons, mais voyez-vous, nous n'avons aucune intention d'honorer ce pacte. Pourquoi se contenter de juste déclencher une guerre alors que nous pouvons tout simplement éliminer tout le gouvernement de non pas une, mais deux nations...
Au bord de l'explosion après avoir entendu que Dredia avait formé une alliance avec Plasmia, Onyx fronça les sourcils en apprenant que les manigances des vampires étaient plus profondes que ce qu'ils avaient tous imaginé. Lardzar écarquilla les yeux, sentant ses jambes trembler.
– Deux nations ? Vous voulez dire...
Se délectant de l'expression paniquée du prince, Malnar se prit au jeu et écarta les bras.
– Nous devons vraiment remercier votre père pour nous avoir donné toutes les informations dont nous avions besoin pour plus facilement infiltrer le palais de Scurgia ! Mais au passage, nous avons aussi étudié la sécurité de son propre château, et je dois dire que nous avons trouvé plusieurs failles ! À l'instant où nous parlons, nos assassins doivent être en train de massacrer votre famille et tous vos ministres et généraux ! Et une fois que j'aurais repris le contrôle de la situation ici, deux pays se retrouveront sans tête pensante, les rendant vulnérables à une attaque !
– Alors c'était ça votre plan depuis le début... déclara Sieg. Vous avez profité de cette opportunité pour préparer une invasion... Mais nous n'allons pas vous laisser faire !
– Nous laisser faire ? Mais mon pauvre Rotsala, nous avons déjà gagné ! Ce n'est qu'une question de temps avant que tout le monde soit massacré ! Enfin, à part toi, évidement. Non seulement Saga nous a bien demandé de t'épargner si nous venions à tomber sur toi, mais j'ai très envie de t'offrir le cadeau que tu as refusé il y a quatre mille ans... Tu sais que tu m'avais blessé, d'ailleurs, en refusant de nous rejoindre ?
– Plutôt mourir comme un homme que de vivre comme un monstre !
– Oui, oui... soupira avec dédain Malnar. Tu me l'avais déjà dis à l'époque... Mais tu vois, cette fois, je ne vais pas te laisser le choix...
– Dans tes rêves crevard ! rugit Bélial en se dressant devant son partenaire. Je vais pas te laisse le toucher ! Tu le veux ? Tu devras d'abord me buter !
– Au risque de te surprendre, c'était mon plan depuis le début... se moqua le vampire.
Derrière les Déicides et les homme-dragons, le mur explosa, propulsant des gravas dans tous les sens. Choqués, ils se retournèrent et fixèrent avec horreur la créature qui venait tout juste de traverser trois mètres de roche pour les rejoindre. Dressé sur ses quatre pattes, un colossal loup blanc à la fourrure parcourue de lignes rouges grogna en examinant les personnes devant lui. Du haut de ses trois mètres, la bête posa ses pupilles rouges sur Sieg qui fut le plus surpris par l'apparition de la créature.
– Maintenant Soren ! hurla Malnar. Je t'ordonne de...
Le loup n'attendit pas l'ordre pour bondir. Il se rua vers les homme-dragons les plus proches avant de plonger dans l'ombre d'un d'entre eux. Se glissant d'une ombre à l'autre, Soren traversa la salle en évitant ses obstacles et sortit de l'obscurité en atteignant celle de Sieg. Bélial tenta de s'interposer, mais le loup fut plus rapide et rentra dans l'écarlate, le clouant au sol.
– Non ! Sieg ! hurla la démone.
– Ha ha ha ! Arrêtes, tu me chatouilles !
La panique générale laissa place à l'incompréhension. Le loup, ayant soudainement rapetissé à la taille d'un gros chien, léchait allégrement le visage de Sieg en remuant la queue avec énergie. Le bretteur lutta pour se redresser et caresser la fourrure du loup, un sourire éclatant sur le visage.
– Oui, oui, moi aussi, je suis content de te revoir mon vieux... Mais surtout, je suis heureux que tu ne m'as pas oublié...
– Et moi, j'espérais le contraire... marmonna Malnar en levant un bras où un bracelet se mit à briller. Soren ! Je t'ordonne de tuer tout le monde à part Rostala !
Le collier autour du cou de Soren s'illumina et infligea une violente douleur au loup qui recula en gémissant. La bête secoua la tête et se tourna vers les autres personnes dans la salle en grognant, grandissant à vue d'œil.
– Heu, Sieg ? demanda Bélial. Je suis contente que t'as retrouvé ton vieux pote et tout ça, mais là, tu dois calmer ton toutou...
– Arrête, Soren ! s'écria Sieg en se plaçant entre le loup et ses compagnons. Donne moi un instant, je vais retirer...
L'écarlate posa ses mains sur le collier et se prit une décharge d'énergie. La souffrance qui parcourut son corps était intense, mais il avait déjà vécu pire et s'accrocha.
– C'est inutile ! La magie qui garde Soren sous mon contrôle est trop puissante, tu ne pourras jamais le libérer avec la force brute ! Reste bien sage pendant que ton vieil ami massacre tes nouveaux !
– Si c'est la magie qui pose problème, j'ai ce qu'il faut... grinça le bretteur entre ses dents.
Les mains de Sieg se nimbèrent de magie de ténèbres qui absorba la magie qui déferlait du collier. Ayant endigué le flot de douleur qui l'agressait, l'épéiste infusa plus de magie dans le collier, pompant toute sa puissance. Le loup se débattit de moins en moins, l'influence du collier s'effaçant peu à peu. Avec un grognement d'effort, l'écarlate brisa l'objet et laissa ses débris tomber au sol avant de s'asseoir lourdement, épuisé. Abasourdi Malnar fixa Soren qui s'allongea aux côtés de Sieg en gémissant.
– Ne t'en fais pas, ça va aller... le rassura Sieg en lui caressant la tête. Ça en valait la peine pour te libérer.
– Bon, maintenant que ça, c'est réglé... ricana Bélial en faisant craquer ses phalanges, un regard mauvais posé sur le vampire. Si j'ai bien tout suivi, c'était ton dernier avantage, c'est ça ?
Furieux, Malnar observa ses adversaires s'approcher de lui avec confiance. Cependant, sa défaite n'était pas garantie. Le seul capable de suivre ses mouvements était Sieg, toujours assis par terre. Le vampire estima qu'il avait encore le temps d'effectuer une action avant que l'écarlate ne soit capable de l'intercepter. Après une rapide analyse, la cible idéale sembla évidente.
Se mouvant trop vite pour les sens de ses ennemis, Malnar se jeta sur Ahmés et lui arracha la tête d'un coup violent. Le musicien perdit le contrôle des sorts qui rendaient Lainabe impuissant, le libérant. L'assemblée se rendait à peine compte de ce qui se passait, Sieg et Soren se redressant pour intervenir, mais le spectre profita de la faible ouverture qui venait de s'ouvrir. Avant que l'écarlate puisse réagir, Lainabe passa à l'acte. Adam fut vif et dressa une barrière entre le fantôme et l'écarlate, mais le pirate passa au travers et s'infiltra dans son corps, en prenant possession. Après avoir cligné des yeux, Lainabe se saisit de l'épée de Sieg au sol et balaya l'air devant lui avec, forçant tout le monde à reculer.
– Putain, ça faisait si longtemps que j'attendais ce moment ! s'égosilla Lainabe. Après tout ce que ce crétin m'a fait, j'avais hâte de me venger !
Ayant recollé sa tête, Ahmés prépara un sort pour extirper Lainabe du corps de Sieg, mais il vit avec effroi du coin de l'œil Malnar qui avait saisi Lardzar par le cou, ses doigts s'enfonçant dans la chair du démon qui n'osa pas se débattre de peur de faire un mauvais mouvement.
– C'est à toi de voir... Tu peux libérer Rotsala, mais en échange, tu peux dire adieu au prince...
– Ne l'écoutez pas, libérez Sieg ! hurla Lardzar. Il compte me tuer de toute façon, alors faites au moins en sorte de protéger tout le monde !
Impressionné par le courage du prince, Ahmés hésita. Non seulement ils avaient encore besoin de lui, mais le musicien s'était attaché à Lardzar, voyant en lui futur grand souverain. Le défunt chercha de l'aide chez les autres, mais tous semblèrent désemparés, ne sachant pas quoi faire pour sauver la situation.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top