Chapitre 32 : Du sang dans les couloirs
Lassée d'écouter ses compagnons interroger Basile sur les esprits avec qui il s'était lié, Bélial s'absenta de ses appartements pour rejoindre la fête. La jeune femme fut quelque peu déçue que son partenaire ne se propose pas pour l'accompagner, même après avoir mentionné qu'elle visiterait peut-être une chambre ou deux sur le chemin.L'écarlate fut tellement absorbé par les explications de l'invocateur qu'il ne saisit le sens des mots de la barbare que cinq minutes après qu'elle s'en soit allée en claquant la porte.
Furibonde, la démone parcourut les couloirs du palais, intimidant assez les personnes qu'elle croisait pour qu'ils rasent les murs, même quand ils étaient plus robuste et solidement armés qu'elle. Quelque chose dans son expression dissuaderait même un dragon de lui chercher des noises.
Lorsqu'elle tourna à une intersection, elle freina son allure et plissa des yeux en voyant un homme-dragon allongé au sol avec une personne accroupie au-dessus de lui. Bélial s'approcha et l'individu avachi se redressa vivement et se retourna vers la démone. Un frisson parcourut la barbare quand deux yeux rouges perçants se posèrent sur elle, comme si elle était dévorée du regard. Le teint pâle et les cheveux blancs de la créatures ne firent qu'accentuer, non seulement ses pupilles, mais aussi le sang qui dégoulinait de sa bouche.
– Ah ! Enfin un morceau qui a l'air appétissant ! ricana le vampire en se redressant. Et moi qui m'inquiétait que je n'aurais que des lézards à me mettre sous la dent ! Rien de tel que du sang bien chaud pour se requinquer !
Horrifiée, Bélial fixa brièvement l'homme-dragon étendu au sol. Ses yeux vitreux étaient rivés sur le plafond et trahissaient l'absence de vie dans sa carcasse. La jeune femme secoua la tête et se mit en position de garde en se débarrassant de ses chaussures qui n'étaient pas adaptées au combat.
– Oh ? Mais c'est qu'elle veut rendre ça intéressant, en plus ! J'adore quand mes repas font encore preuve de courage au début ! Les voir passer de la défiance à la panique, les entendre me supplier de les épargner... C'est avec ça que je prends mon pied !
Bélial écarquilla les yeux quand le vampire disparut de son champ de vision. À part eux et le cadavre au sol, la pièce était intégralement vide, il n'y avait pas d'endroit où se cacher. Les seules options étaient un don d'invisibilité, de téléportation, ou...
Suivant son instinct, Bélial enroba son cou et ses épaules de ténèbres, protégeant son corps des canines du monstre qui ne parvinrent pas à égratigner sa peau. Sentant enfin sa présence, la furie pivota sur une jambe et essaya de faucher la créature derrière elle avec l'autre, mais son adversaire disparut de nouveau avec un rire sinistre.
– Bien joué ! Mais savoir te protéger ne veut pas dire que tu peux me toucher ! Tu n'as pas idée du nombre de démons que j'ai déjà étripé ! Quand aux démones... Ah, ce que j'ai hâte de te sentir frétiller !
Bélial tourna sur elle même, n'arrivant pas à retrouver la trace du vampire. Elle entendit un bruit de pas sur sa gauche et gratifia l'endroit d'un revers de la main. Son poignet fut attrapé et serré avec tant de force que la barbare ne parvint pas à s'en libérer. Son bras fut plaqué contre son dos et le vampire pressa son corps contre un mur. Bélial grimaça de dégoût quand elle le sentit se frotter à sans retenue, reniflant ses cheveux.
– On va bien s'amuser tout les deux... Et tu sais quoi, si tu arrives à me satisfaire, peut-être que je te transformerais au lieu de juste te tuer ! J'aime garder mes jouets s'ils ne m'ennuient pas !
– C'est con, parce que tu me gaves déjà abruti...
Des ténèbres émergèrent de la démone et s'enroulèrent autours du vampire. Le monstre jura et tenta d'arrêter la barbare en raffermissant sa prise sur son bras, au risque de le briser. Des filins obscurs entortillèrent les doigts de la main qui retenait la jeune femme et devinrent aussi aiguisés que des lames de rasoir, tranchant la chair et l'os sans mal. Libérée, Bélial déploya plus d'énergie, propulsant la créature contre le mur opposé où il fut restreint par les pouvoirs de la démone.
– T'es vraiment un gros naze en fait... cracha la barbare en massant son poing. T'es beaucoup plus rapide que moi, mais tu fais la connerie de te coller à moi ? À ta place, j'aurais continué à me tourner autours en m'affaiblissant jusqu'à ce que j'arrive plus à bouger. Sieg avait raison, en devenant plus forts, les vampires ont arrêté de réfléchir !
– Sieg... répéta le vampire avec un air pensif. Ah oui, je me souviens ! Lainabe avait dis que c'était comme ça que se faisait appeler... Qui déjà... Rotsala !
Le monstre ne put s'empêcher de jubiler en voyant la démone se figer d'effroi et le regarder avec panique.
– Alors ça veut dire que tu es la fameuse Bélial, c'est ça ? La petite traînée qui a vendu son corps à la brute qui a massacré tant de tes...
Les prochains mots du vampire ne quittèrent pas sa bouche, sa gorge se trouvant serré dans un étau plus dur que de l'acier. Ne relâchant pas sa prise sur le monstre, Bélial rapprocha son visage du sien et sonda son regard avec rage.
– Je pensais pas que je trouverais aussi rapidement une piste vers Saga ! gronda-t-elle. Tu vas me balancer tout ce que tu sais sur lui, sinon je vais prendre mon temps pour t'étriper !
– Oh que j'ai peur... se moqua péniblement le vampire. Mais aussi marrant que ce soit, je te propose autre chose...
– Tu crois que t'es en position de...
Le vampire ouvrit les yeux en grand et la jeune femme eut l'impression de sombrer dans un océan cramoisi. Ses muscles se détendirent sans qu'elle le veuille et elle eut du mal à penser, comme si une brume recouvrait son esprit pour le faire sombrer.
– Lâche moi.
Bien qu'elle voulut résister à l'ordre, la barbare retira sa main de la gorge du vampire qui fit craquer son cou.
– Parfait. Normalement, je n'utilise pas ce tour, ça m'empêche de profiter des réactions de mes jouets. Mais bon, je veux bien faire une exception pour toi... Enfin, jusqu'à ce que je sois libéré et que je t'aurais immobilisée. Je veux voir ta fierté se briser quand je te prendrais tout. Pour le moment, distrais moi en te déshabillant lentement. Et que ce soit excitant...
Révulsée, Bélial sentit ses mains bouger d'elles même et caresser sa peau. Ses doigts passèrent sous sa brassière et palpèrent ses seins sous eux. Bien que peu pudique d'ordinaire, la jeune femme ne désirait se trémousser ainsi que devant une seule personne et se dégouttait elle même d'agir ainsi devant un autre. Le plaisir malsain qu'elle vit briller dans les yeux du vampire lui donnèrent envie de les lui arracher et les fourrer dans sa gorge, mais aucun de ses muscles ne répondirent à ses supplications silencieuses.
La démone contrôlée fit glisser sa brassière jusqu'à son nombril avant que ses mains ne glissent jusqu'à ses hanches, jouant avec les fils qui retenaient sa jupe.
– Pour une brute, tu sais vraiment jouer de tes charmes... ricana le vampire. Une fois que tu seras nue, je veux que tu défasses ma ceinture et...
Une épée s'abattit sur le vampire, lui tranchant net la tête qui roula au sol. Bélial vacilla, sentant ses forces revenir et ses pensées s'éclaircir. Elle fut soutenue par deux soldats de Danatal qui lui demandèrent comment elle se sentait et l'aidèrent à remettre de l'ordre dans sa tenue. La jeune femme parvint à concentrer son attention sur Anoro qui essuyait son arme avec dégoût.
– Désolé pour notre retard, mais quand nous nous sommes rendu compte que quelque chose ne tournait pas rond, nous nous sommes dépêchés de tous vous retrouver. Un groupe est en train d'attaquer le palais, nous ne savons pas combien ils sont. Mais vu que je viens de tuer un vampire, je pense qu'on sait qui les a envoyés...
– C'est pire que ça ! le coupa la barbare. Ce monstre a parlé de Lainabe ! Et il savait que Sieg est Rotsala !
Alors que ses hommes ne suivaient pas entièrement ce que la démone insinuait, Anoro devint livide à l'entente du premier nom.
– Merde ! Mais alors, si Lainabe est impliqué...
– Ouais, ça veut dire que Saga est dans la combine aussi ! conclut Bélial en se mettant à courir. Je vais prévenir Sieg et Ahmés ! Allez chercher les autres, on se retrouve à la salle de banquet !
Le soldat voulut retenir la démone, mais elle fut déjà loin quand les premières syllabes atteignirent sa bouche. Voyant que les ordres ne pouvaient pas être discuté, Anoro se tourna vers ses troupes et leur intima de le suivre.
***
Ailleurs dans le palais, Lys s'enfonçait elle aussi dans le palais, regrettant amèrement de ne pas avoir abandonné le reste de son équipe. Quand ils avaient rencontré leur premier homme-dragon après s'être téléporté dans le château, Trévro n'avait pas pu s'empêcher de hurler de panique, alertant tout les gardes dans un rayon de dix mètres, forçant le groupe à affronter plus de guerriers que prévu dès le début de ce qui aurait du être une infiltration. Quatre d'entre eux ne furent utiles qu'en attaquant ensemble un unique ennemi, forçant la lancière et Radan à neutraliser leurs adversaires. Le demi-orque était plus que disposé à achever les gardes blessés ou juste assommés, mais la blonde le retint avec un argument qui lui fit froid dans le dos.
– Je te rappelle que les vampires veulent annexer Fangia pour agrandir leur garde-manger, alors mieux vaut garder un maximum d'ennemi si tu ne veux pas qu'ils n'aient pas envie de grignoter sur leurs alliés.
Le message étant passé, la troupe décida de ne tuer qu'en cas de dernier recours, ne désirant pas finir un jour sur le menu de leur prétendus alliés. Laissant Bénice conjurer un miracle pour endormir leurs adversaires battus, ils s'enfoncèrent plus loin dans le palais avec pour objectif de rejoindre les appartements de la famille royale et de leurs invités. Bien qu'ils avaient décidé d'épargner le plus d'homme-dragons possible, leurs ordres restaient clairs : ils étaient là pour assassiner toute une liste d'individus.
Lys n'aimait pas ce genre de mission, préférant des affrontements plus loyaux. Cependant, elle n'était pas encore en position de s'opposer ouvertement aux pratiques des forces de Saga. Elle devait encore acquérir quelque chose grâce à eux.
Après avoir parcouru une cinquante de mètres, Rdan perdit l'équilibre dans sa course et tomba en avant. Un pilier de terre s'éleva pendant sa chute et vint rencontrer sa mâchoire dans un choc violent qui lui brisa deux dents. Le bouche en sang et à peine capable de cracher des insanité, il chercha du regard un coupable et le vit à travers une porte ouverte. Intriguée par ce qui se passait, Lys s'avança et dévisagea la petite fille recroquevillée dans le noir entre un placard et le coin d'un mur, regardant avec effroi les intrus qui venaient de la trouver. La guerrière n'eut aucun mal à deviner que l'enfant avait réagi par panique et ne prenait pas pleinement conscience de ce qu'elle venait de faire. Le demi-orque cependant n'était pas disposé à analyser le comportement de la gamine.
– Alors toi, je vais te transformer en sac ! hurla la brute en se relevant. Tu n'imagines pas...
– Laisse tomber, elle n'en vaut pas la peine, l'interrompit Lys en lui attrapant le bras. Nous devons...
– Mais tu vas arrêter de te prendre pour la cheffe ? hurla Radan en se libérant d'un coup sec. C'est la confiance que t'accordent les gradés qui t'ai monté à la tête ou quoi ? Je sais que tu es douée au combat, mais tu commences vraiment à me les briser ! Depuis que Lainabe t'a demandée de garder pour lui cette boîte, tu te comportes comme une vraie petite reine !
Instinctivement, Lys porta la main sur son sac dans lequel reposait l'objet en question. N'ayant pas voulu l'objet derrière lui et ne pouvant pas le confier à n'importe qui, le corsaire avait décidé de se tourner vers elle pour le conserver à sa place. Il ne pourrait pas veiller sur lui efficacement s'il devait changer de corps à posséder régulièrement, et tout le monde était certain que la lancière était prête à tout pour bien se faire voir et grimper les échelons. La décision n'avait pas ravi les autres recrues, surtout celles qui avaient plus d'ancienneté, mais la guerrière avait été sélectionnée pour veiller sur l'artefact que le spectre devait ramener à Saga en personne.
– Ce n'est pas le moment de parler de ça ! s'énerva Lys en essayant de faire avancer le groupe. Nous avons une mission, et tu sais que Lainabe ne tolérera pas...
Pensant voir une ouverture, la gamine se leva et se mit à courir vers une autre porte de la salle où elle se terrait pour s'enfuir. Radan la vit bouger du coin de l'œil et se rua vers elle en criant. Plus vive que lui, Lys se plaça dans son chemin en écartant les bras.
– Mais bordel, c'est qu'une gamine ! Oublies la et reste...
Une vive douleur dans son flanc lui coupa le souffle. Le cri horrifié de Bénice parvint à ses oreilles mais sembla distordu, comme si elle l'entendait à travers un mur. Lys baissa les yeux et vit la lance de Dodro s'enfoncer dans les interstices de son armure.
– Putain, ça fait du bien ! Depuis le temps que je rêvait de te fermer me clapet !
Dodro retira sa lance, prenant plaisir en entendant le cri de souffrance de Lys lors que son sang s'écoulait de sa plaie et formait déjà une mare sur le sol.
– Mais qu'est-ce que tu fais ? s'égosilla Trévor en regardant la guerrière tituber et s'appuyer contre le mur pour rester debout.
– Ce qu'il y a de mieux pour nous, expliqua Radan en posant sa main sur l'épaule du lancier. On veut tous gagner en influence dans l'armée de Saga, mais avec une peste comme elle qui attire toute l'attention, nos chances sont quasiment nulles. Par contre, si on arrive à accomplir la mission qu'on nous a attribué alors que même la fameuse Lys n'y a pas survécu, tu peux être sûr que les gradés vont nous prendre au sérieux.
Hésitante, Bénice tritura son sceptre. Elle voulait venir en aide à la lancière, un simple soin pouvant lui sauver la vie, mais deux de ses trois compagnons valides lui lançaient des regards noirs, comme pour la mettre au défis de se dresser contre eux. Dépitée, la prêtresse chercha du renfort du côté d'Erandel et Trévor, mais même l'ancien noble qui devait tant à la guerrière détourna le regard de la scène.
– Et on ne va surtout pas oublier ça ! ricana Radan en donnant un coup de pied dans la blessure de Lys.
La guerrière hurla de douleur et s'effondra au sol. Le demi-orque attrapa son sac et le fouilla pour récupérer la boîte que lui avait confié Lainabe.
– Si on raconte qu'on a risqué notre vie pour garder ça en sûreté, on va définitivement être récompensés !
Radan fixa la porte par laquelle la fillette s'était enfuie et jura en essuyant le sang qui coulait de sa bouche. Il ne savait pas s'il pourrait retrouver sa trace maintenant et n'avait pas le temps de s'amuser à la traquer. Il se consola en se disant que si elle survivrait à l'attaque, ce ne serait que pour finir dévorée tôt ou tard par les vampires. Dans tout les cas, elle allait payer pour ce qu'il avait subbi.
– Allez, on s'en va. On a encore une mission à finir.
Agonisante, Lys tendit la main vers son équipe qui s'éloignait, aucun d'entre eux n'osant lui adresser un regard. La lancière frappa le sol de son poing de rage et tenta de ramper en avant. Elle ne pouvait pas mourir ici et maintenant. Elle n'avait pas encore accompli ce pourquoi elle avait tout risqué. Mais alors que sa vue se troublait et que le peu de forces qui lui restait la quitter, elle dû se rendre à l'évidence que sa quête n'irait pas plus loin. Frustrée, la lancière laissa ses pensées dériver, un visage familier la berçant alors qu'elle sombrait dans les ténèbres.
– La dame est là ! C'est elle qui voulait pas qu'on me fasse du mal !
Encore à moitié consciente, Lys sentit qu'on la retournait sur le côté. Elle crut distinguer un homme-dragon au visage bouffi et une figure presque féerique aux longs cheveux aqueux qui la regardaient.
– S'il-te-plaît, Sasine, soigne la ! Elle a risqué sa vie pour sauver une des miennes, je ne peux pas la laisser mourir comme ça !
– Tu es sûr de ce que tu fais ? Elle a beau avoir protégé la petite, elle reste...
– Oui, et alors ? Elle fait parti de l'armée ennemi, mais non seulement elle a secourue une enfant, ses alliés l'ont trahie ! Je ne peux pas rester sans rien faire !
Quelque chose d'aqueux enveloppa la plaie de Lys qui sentit sa douleur s'atténuer. Elle crut d'abord que c'était un signe qu'elle ne tiendrait plus très longtemps, mais après quelques secondes, elle sentit ses forces revenir. Ses pensées devinrent aussi plus nettes, lui permettant de réaliser qu'elle connaissait une des voix qu'elle venait d'entendre. La guerrière se tourna d'un quart et distingua les traits d'un homme au teint basané qui la surveillait avec prudence.
– Bon, je vais faire confiance à Basile... soupira Anoro. J'espère juste que tu ne vas pas nous le faire regretter...
Épuisée, Lys ferma les yeux et se laissa aller. Finalement, sa quête avait encore une chance d'être accomplie.
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