Chapitre 3 : Aveux d'ignorance

Udia dévisagea Sieg un instant avec des yeux ronds avant d'éclater de rire en se serrant le ventre.

– Mais bien sûr ! Un Déchu, rien que ça ! Décidément, vous aimez bien plaisanter !

La chercheuse croisa le regard de l'écarlate et se statufia quand il vit son sérieux et son agacement briller avec noirceur.

– Hein ? Attendez... Vous... Vous n'êtes pas sérieux ? Mais... Les Déchus ne sot qu'une légende ! Au même titre que les dieux d'or ! Aucun document officiel ne peux attester pleinement de ce qui s'est passé pendant l'ère du Chaos !

– Et pourtant, c'est bien vrai... soupira Sieg en se frottant la nuque. J'en sais quelque chose, vu que la déesse d'or de la lumière a passé une bonne journée dans ma caboche. Et avant ça, elle est restée quatre ans avec elle...

Udia suivit l'indication du bretteur et fixa Bélial qui se relevait devant la tombe de sa mère en essuyant ses larmes.

– Je ne sais pas si vous vous payez ma tête ou si vous êtes sérieux... souffla l'elfe en détaillant la démone. Je veux dire, affirmer que vous avez côtoyé une déesse antique sans pouvoir fournir de preuve...

– Je sais, c'est à dormir debout, mais il ne ment pas...

Udia et Sieg se retournèrent vers Lorelya qui s'approchait d'eux. La chercheuse resta bouche bée devant la teinte émeraude de l'archère qui ignora sa réaction et la dépassa pour regarder en bas avant de grimacer.

– Houla... Elle va être intenable après ce que vous avez fait...

– Nous ne savions pas ! se défendit Udia avec maintenant une pointe d'agacement. Et ne me dîtes que vous allez vous aussi...

– Quoi, vous déclarer qu'il vous dis la vérité et que les Déchus et les dieux d'or sont bien réels ? grinça la verdoyante en adressant un regard sévère à sa congénère. Un psychopathe y a assez cru pour attaquer mon village avec une armée pour ouvrir la porte qui s'y trouvait, alors je trouve le sujet assez sérieux. Et de toute façon, qu'est-ce que nous en avons à faire que vous nous croyez ? Ce n'est pas comme si nous avions besoin de vous ! Vous êtes dans notre chemin, alors soyez gentille, dîtes à vos hommes de ne pas nous emmerder si vous ne voulez pas vous prendre une droite !

– Tu devrais vraiment laisser la diplomatie à Sieg... grinça Farca en arrivant à son tour, talonnée d'Adam et Ahmés. Et si ça ne marche pas, je pense que Bélial serait plus que ravie de prendre la relève...

– Je me doute bien, mais je veux lui épargner cette peine... indiqua Lorelya en faisant un signe de tête vers la falaise.

Intriguée, Farca s'approcha du bord et lâcha un juron en nain avant de fixer Udia qui commençait à en avoir assez.

– Oui, j'ai bien compris que nous avons fait une erreur, vous n'allez quand même pas tous me casser les pieds avec ça !

– Nous non, mais elle... commenta le musicien en se massant le menton. J'ai vu Bélial assommer des gens pour beaucoup moins, alors un conseil, faites-vous petite. Comme l'a indiqué notre amie, nous ne sommes pas là pour vous de toute façon.

– Et que cherchez-vous à faire dans les parages avec une petite armée ? s'inquiéta Udia en apercevant des soldats investir le village abandonné, faisant grimper l'inquiétude de ses collègues. Je ne pense pas reconnaître leurs couleurs...

– Tant mieux, parce que si c'était le cas, vous auriez eu des problèmes... ajouta Sieg. Croyez-moi, vous ne voulez pas parler de notre présence à qui que ce soit, c'est mieux pour tout le monde.

– Mais que venez-vous faire ici au final ? s'emporta Udia en agitant les bras. Avant de voir les soldats, je pensais que vous accompagniez juste votre amie pour qu'elle se recueille, mais maintenant, j'ai l'impression que vous préparez une guerre !

– En un sens, vous avez bien raison... soupira Lorelya en posant une main sur l'épaule d'Udia. Écoutez, le moins vous en savez, le plus...

Les yeux de la chercheuse s'éclairèrent en devinant les intentions de ses invités indésirés. Elle se dégagea de la prise de la verdoyante et marcha vers Sieg pour lui saisir le bras.

– C'est pour le portail, c'est ça ? Ne me dîtes pas... Non... Mais si... C'est la seule réponse qui fait sens... Vous allez essayer de le rouvrir et aller dans le monde des ténèbres, c'est ça ?

Un effarement général fut partagé par les Déicides qui se regardaient pour déterminer s'ils devaient juste tout nier ou menacer l'elfe de se taire. Bélial arriva au groupe à ce moment-là et ne fit preuve d'aucune candeur.

– Ouais, c'est ça ! Sieg va ouvrir le portail pour qu'on aille là-bas et empêcher un connard de trouver le dernier Déchu. Ça te pose un problème, ou tu veux cracher sur mes objectifs en plus des habitudes de mon peuple ?

– Merci pour la discrétion... grommela Farca.

Udia examina la démone avant de reporter son attention sur le bretteur qui se pinçait l'arrête du nez en sifflant.

– Mais... Comment pourriez-vous... Vous n'êtes pas...

Elle se tut soudainement en plissant des yeux. L'elfe attrapa le visage et le tourna dans tous les sens à la surprise générale du groupe. Anoro ne pouvait que se demander ce qui se passait en voyant le ménage alors qu'il les rejoignait.

– Impossible ! s'écria Udia en se reculant, les mains posées devant sa bouche. Vous...

La chercheuse fouilla son tablier pour en extirper un journal aux pages jaunies et à la couverture de cuir craquelée. Elle tourna les pages avant de trouver ce qu'elle cherchait et caler le livre à côté du visage de l'écarlate en guise de comparaison.

– Mais oui ! Vous êtes le portait craché du Raiziak !

Sieg perdit ses couleurs en entendant un nom qu'il n'avait plus entendu depuis fort longtemps. Il arracha le journal des mains de la chercheuse et fixa une gravure le représentant, bien que plus jeune. Mais ce qui sidéra vraiment l'écarlate fut le texte autours.

– Mais c'est en démonique ! s'exclama l'épéiste en faisant tourner les pages. C'est le journal de Farar, un général du monde des ténèbres qui a combattu pendant la guerre du Crépuscule il y a quatre mille ans ! J'avais entendu des rumeurs sellons lesquelles ce journal existait, mais jamais...

– Oh putain... Je croyais que vous étiez un descendant, mais c'est plus que ça, pas vrai ?

Pas un regard ne quitta Udia alors qu'elle marchait en se frottant la tête. Ils savaient qu'ils devaient l'arrêter, mais le choc de la situation les figeait sur place.

– Je veux bien imaginer que vos ancêtres auraient partagé leur savoir au fil des générations, mais le Raiziak... Pardon, Rotsala, le plus jeune des Neuf Sauveurs qui ont combattu les démons, n'avait que dix-neuf ans à la fin du conflit, quand les dieux les ont invités dans le domaine divin... Même s'il avait eut un enfant, il n'aurait pas eut le temps de lui apprendre quoi que ce soit... Et surtout pas comment fonctionne les portails vers le monde des ténèbres, vu qu'ils ont été fermés à ce moment-là ! Alors la seule réponse qui fait sens... C'est incroyable, et pourtant... Vous êtes Rotsala, n'est-ce pas ? Le Rotsala ! Vous avez quitté le domaine divin parce que vous aviez senti que le monde était en danger, pas vrai ?

Pour seule réponse, l'elfe n'eut que des regards vitreux. Personne ne savait comment réagir face à cette déduction qui dépassait l'entendement. Après quelques secondes, Farca finit par tirer la manche d'Ahmés pour qu'il se penche vers elle.

– Je ne sais pas pour toi, mais elle commence vraiment à me faire peur, là...

– Je dois reconnaître qu'un tel esprit de déduction fait peur...

– Et si j'ai raison... continua Udia en ignorant le manque de réactions de son publique transi. Ça voudrait dire que vous ne mentiez pas ! Les Déchus sont bien réels et menacent de revenir ! Alors les dieux vont ont mandé de...

Bélial fut la première à se réveiller et à charger la chercheuse pour l'attraper par le col de sa robe qui se déchira partiellement quand la barbare la hissa vers elle pour coller son visage devant le sien.

– Alors écoute moi bien toi ! Les dieux ont rien demandé à Sieg ! Et oui, c'est comme ça qu'il s'appelle maintenant, alors tu peux oublier Rotsala ! Ces connards de dieux, tout ce qu'ils ont fait, c'est enfermé mon partenaire dans une prison dorée avec ses faux amis qui ont passé leur temps à le torturer ! Si mon homme est ici, c'est parce qu'il a décidé d'arrêter son frère quand il a compris qu'il allait faire une grosse connerie ! Franchement, les dieux, je les emmerde presque tous ! Il y avait que Raya qui était sympa, mais j'ai l'impression que c'est la seule qui n'est pas un tocard ! Alors dis encore une fois...

– Je crois qu'elle a compris... intervint l'écarlate en posant sa main sur le bras de la démone pour l'inviter à reposer l'elfe tremblante.

Une fois lâchée, Udia essaya de remettre de l'ordre dans sa tenue qui exposait à présent plus que ce qu'elle voulait et baissa les yeux. Cependant, plutôt que se calmer, son esprit s'échauffait de nouveau.

– Son frère... Vous voulez dire... Tosagaram, l'arcaniste qui a scellé les portails ? Le plus grand mage de toute l'histoire ? Mais... Pourquoi cherche-t-il a rassembler les Déchus ?

Sieg leva les yeux au ciel en réprimant un cri de frustration. Entre l'esprit d'analyse de la chercheuse et les révélations faites par la barbare, l'écarlate ne voyait plus comment noyer le poisson.

– Honnêtement, nous cherchons encore à comprendre ses intentions... admit finalement l'épéiste. Nous avons deviné que Saga a besoin des Déchus, ou plus précisément de leur essence divine, mais pourquoi, nous l'ignorons. Mais peu importe de quoi cela peut s'agir, notre seule certitude est que les deux mondes ne pourront pas le supporter. C'est pourquoi nous devons trouver la porte qui cache Cupidor, le Déchu de l'avarice, avant que Saga ne l'ouvre ! Et oui, c'est pour ça que je vais ouvrir le portail vers le monde des ténèbres, parce que nous devons l'arrêter avant qu'il ne soit trop tard !

Udia but les paroles de l'écarlate en hochant la tête. Quand il eut finit, elle redevint pensive.

– Cette histoire est incroyable... Un antique héros qui revient en ourdissant un projet qui pourrait tout détruire... Son frère qui s'allie aux descendants de ses ennemis d'antan pour l'arrêter... Une quête qui va se finir dans le monde des ténèbres que personne n'a foulé depuis des millénaires... C'est... C'est...

Udia se mit à jubiler en sautant sur place comme une puce. Elle écarta les bras, oubliant que sa pudeur ne dépendait plus qu'un d'un vêtement déchiré et se tourna vers Sieg qui eut un mouvement de recul.

– Moi qui pensait que la pus grande découverte que je pouvais faire ici était de trouver des preuves que des démons avaient bien vécus ici après la fin de la guerre, alors qu'ils avaient tous été renvoyés chez eux quand les portails ont été scellés ! Je n'en avait pas cru mes yeux quand j'ai justement trouvé un de ces portails, mais maintenant... Je rencontre une démone bien vivante, un héros de la guerre du Crépuscule, mais même ça, ce n'est rien face à la perspective d'aller moi même dans le monde des ténèbres ! Mes recherches vont faire un bond prodigieux !

– Hein ? lâcha Sieg qui n'osait pas regarder Udia dont la poitrine était à présent visible. Mais enfin, vous ne pouvez pas venir avec nous ! Nous n'allons pas là-bas pour des vacances ! C'est l'avenir du monde qui...

– Justement ! l'interrompit Udia en dressant un indexe sous le nez du bretteur. Le journal de Farar n'est pas le seul ouvrage en démonique que j'ai pu déchiffrer ! Et oui, ça veut aussi dire que je comprend le démonique, comme vous je suppose ! Bref, j'ai pu recouper bien des informations sur le monde des ténèbres qui doivent vous manquer, je pourrais vous aider !

– Navré, mais c'est non ! déclara Sieg en croisant les bras. Je ne remet pas en doute votre savoir, mais nous ne pouvons pas...

– De quelle couleur est leur soleil ?

L'écarlate se tut et dévisagea Udia qui l'observait avec un air supérieur, les poings sur ses hanches.

– Hein ? Mais... Heu...

– Vous ne le savez pas, c'est ça ? ricana la chercheuse avec un ton suffisant.

– Disons que je n'y ai jamais réfléchi... bafouilla l'épéiste. Mais bon, ce n'est pas le genre de détail qui...

– Oh que si, parce que c'était une question piège ! Si nous sommes dans le monde de la lumière, c'est justement parce qu'il y a un soleil ! Mais pas dans le monde des ténèbres ! Là bas, l'une de leurs seules sources de luminosité sont leurs trois, oui, trois lunes qui dansent dans le ciel noir ! Alors si vous demandez aux résidents de ce monde quand le jour va se lever, ils vont vous prendre pour des fous ! Et ça, ce n'est qu'un des détails que vous avez besoin de savoir pour ne pas attirer l'attention et passer pour des intrus ! Vous pensez encore que vous pouvez vous passer de moi ?

Anoro et les Déicides fixèrent Sieg qui restait muet. Ils avaient plus d'une fois discuté pendant leur voyage jusqu'ici de leur manque d'information sur la situation politique du monde des ténèbres qui avait certainement évoluée au cours des millénaires. Mais maintenant, ils découvraient que leur ignorance concernait aussi l'ordre naturel de ce monde. Un tel manque d'information ne pourrait que leur nuire.

– Alors oui, bon, ce que je sais date d'il y a quatre mille ans... continua Udia en se retournant pour s'éloigner, les mains jointes dans son dos. Mais bon, c'est toujours mieux que rien, non ?

Bien qu'il souhaitait refuser, Sieg ne put trouver d'argument valable. Dépité, il chercha une autre alternative chez ses compagnons qui n'étaient pas plus avancés que lui.

– On peut y réfléchir ? finit-il par répondre. De toute façon, nous ne partons pas dans l'heure, nous devons faire le point avant...

Avec un large sourire étirant ses lèvres, Udia frappa dans ses mains et invita le groupe à la suivre.

– Dans ce cas, suivez-moi, vous pourrez vous installer dans ma tente pour en discuter. Enfin, ce sera après que je me sois changée, évidement !

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