Chapitre 28 : Prouver sa valeur
La salle de banquet du palais, tout comme chaque pièce du palais, se formait d'une caverne ornée de cristaux luminescents et couverte de tapis et tenture pour rendre l'ambiance moins austère. Les chaises étaient couverts de coussins pour le confort de leurs occupants, entourant la large table de pierre où un festin particulier se présentait à ceux qui allaient en profiter. Avec trois cycles de vie différents se superposant les uns aux autres, un tiers des personnes dînait, un autre déjeunait, et le dernier s'éveillait à peine et cherchait quelque chose de moins lourd à manger.
Les visiteurs du monde de la lumière commençaient à reconnaître les différents plats que celui des ténèbres offrait et virent que trois repas très différents reposaient sur les assiettes disposées aux quatre coin de la table, chaque personne se servant en fonction de ses besoins et ses envies. Si aucune différence notable existait entre les menus que se façonnaient ceux qui déjeunaient et ceux qui dînaient, ceux qui entamaient leur journée tendaient à éviter la viande et les plats lourds en faveur d'aliments plus légers.
Cependant, ce ne fut pas la nourriture qui intéressa la plupart des Déicides. À droite de Blaso, installé sur un trône en bout de table, une chaise demeurait vide, et comme Basile était assis à sa gauche, son occupant attitré semblait évident.
– C'est bizarre, Onyx n'est normalement pas en retard... remarqua Blaso. Il devrait pourtant avoir déjà fini son premier entraînement de la journée...
Farca garda le regard rivé sur son assiette, sentant qu'elle se mettrait bientôt à suer. Sieg, Lorelya et Udia se dévisagèrent, évaluant s'ils devraient prendre les devants et donner leur version des faits avant le prince. Bélial cependant, ne prit pas le temps dévaluer les risques d'une telle décision.
– Bah de ce que j'ai entendu, il doit encore être en train de récupérer. Farca est peut-être la moins balèze d'entre nous, quand quelqu'un s'en prend à elle ou une personne qu'elle connaît, elle a aucune pitié !
La naine s'étouffa alors que des regards pleins de reproches se posaient sur la démone. Le roi plissa les yeux qu'il posa sur l'alchimiste qui se sentit embarrassée.
– Je peux savoir ce que tu as fait à mon fils exactement ? Et tu as intérêt d'avoir une bonne raison pour ton acte, sinon je serais contraint de...
– Si tu me...
Blaso se tourna vers son fils pour lui adresser un regard froid qui calma le peu d'ardeur dont il faisait preuve.
– Hé bien ? demanda le monarque. Tu as à parler, je t'écoute. Un membre de la famille royale ne devrait pas se laisser intimider aussi facilement.
Stressé, Basile se racla la gorge et osa croiser le regard de son père.
– J'étais dans la bibliothèque quand Onyx est arrivé et a commencé à harceler nos invités. Il ne croit pas leur histoire et est sûr que ce sont des espions de Dredia. Il s'est mis à les menacer et à même levé la main sur Farca. Cependant, ce n'est que quand il a promis de faire du mal à... Udia, c'est ça ? chercha à vérifier le prince, obtenant la confirmation de l'elfe. Ce n'es que quand elle était en danger que Farca a soufflé une poudre sur lui pour l'empêcher d'aller plus loin.
– Un simple mélange qui irrite les voies respiratoires ! s'empressa d'ajouter l'alchimiste en levant les mains. Rien de fatal, je ne suis pas une meurtrière ! Les effets se dissipent en vingt minutes !
Blaso hocha la tête avant de poser son menton sur ses mains jointes.
– Je pense que je comprends... Pour quelqu'un qui est supposé avoir étudié les particularités de la politique, Onyx n'a jamais été capable de tact et discernement... Il n'arrive pas à comprendre que même quand on se doute que l'autre parti se joue de nous, il ne faut pas s'emporter et prendre de décisions hâtives. Sans oublier qu'il vient pratiquement de cracher sur mon autorité en vous traitant comme des criminels alors que je vous ai ouvert mes portes.
– Oui, vous nous avez laissé assez de corde pour nous pendre nous même si vous nous prenez la main dans le sac...
Blaso observa l'expression neutre de Sieg, évaluant que le bretteur n'avait pas dis ceci pour être vexant mais pour indiquer qu'il comprenait le fonds de la pensée du monarque.
– Exactement, mais il semblerait que ce soit mon fils qui se soit pris les pieds dans cette corde et en a fait un nœud embarrassant. Surtout que ce n'est pas n'importe quel groupe qu'il a pris pour cible, et ça, c'est inacceptable. Il aurait pu venir nous voir dans la salle du conseil pour m'exposer ses craintes et s'adresser au prince directement, ou chercher vos soldats postés non loin, mais à la place, il s'est rendu à la bibliothèque, alors que ses appartements et la salle du conseil se trouvent de l'autre côté du palais. Ça veut dire qu'il a décidé de s'en prendre à ceux qu'il estimait le moins capable de se battre, et donc des proies faciles à intimider et maltraiter. Ce simple choix montre la lâcheté de ses intentions, et ça, je ne la laisserai pas passer. J'écouterais sa version des faits quand il arrivera, mais après ce que vous m'avez indiqué, il a intérêt d'être convainquant...
Comme pour faire écho à cette déclaration, une porte s'ouvrit violemment et le prince Onyx apparut, suivi de sa suite, et adressa un regard haineux à Farca avant d'oublier qu'il était en présence de son roi.
– Gardes ! Saisissez cette criminelle ! Elle a tenté de m'assassiner ! Je savais que nous ne pouvions pas...
– Tu vas la boucler, petit con ?
Le rugissement de Blaso fit vibrer bien des tympans, imposant un silence pesant sur l'assemblée. Onyx perdit son aplomb et scruta son père avec incrédulité.
– Ton frère et ton agresseuse m'ont déjà fait part de leur version des faits... annonça le roi avec un ton rempli de reproches. J'ai très envie d'entendre la tienne...
Onyx se ressaisit et exposa ce qui lui était arrivé. Farca se retint de rire en entendant le prince révéler avec assurance que quand il était entré dans la bibliothèque, il avait surpris son groupe en train de manigancer quelque chose en conversant à voix basse, chose qu'elle se retint de démentir en dévoilant qu'ils s'étaient à peine levés à ce moment là pour aller manger. Ensuite, Onyx se serait confronté aux suspects qui se seraient devenus agressifs et l'aurait menacé pour qu'il les laisse seul. Et là, sans provocation, Farca aurait hurler Mort à Fangia ! Avant de cracher un venin à son visage, déclaration qui eut raison des nerfs de la naine qui éclata de rire avant de voir les regards posés sur elle.
– Pardon, mais... J'ai craché du venin, vraiment ? Je sais que j'ai une langue acérée, mais là, c'est quand même assez spécial...
– Alors comme ça, ils se seraient montrés menaçants ? demanda Blaso avec un regard plein de soupçon vers son fils. Et tu t'es senti en danger ? Face à deux femmes non rodées pour le combat et leurs... Trois gardes, c'est ça ? Alors que vous étiez cinq de nos plus vaillants guerriers ? Et tu démens leur version selon laquelle tu étais l'agresseur ?
Onyx grimaça, adressant un regard noir à Farca et udia avant de se tourner vers Basile qui sursauta en réaction.
– Toi ! Tu étais présent ! Dis à Père ce qui s'est vraiment passé ! Et ne t'avises pas à mentir si tu ne veux pas...
– Tu perds ton temps, il m'a déjà raconté ce qu'il a vu, intervint Blaso en se levant de son siège. Je sis déçu, fils. Je pensais que tu comprendrais l'importance de traiter nos invités avec respect, mais il semblerait que tu as encore beaucoup à apprendre. Soit juste reconnaissant que nos invités n'ont pas l'intention de nous tenir rigueur pour ton comportement. Cependant, ça ne veut pas dire que tu ne seras pas sanctionné. Pour t'éviter de recroiser la délégation de Dredia et causer un incident diplomatique, tu partiras quand la lune bleue se lèvera pour rejoindre la frontière nord et inspecter nos fortifications. Tu devrais en avoir fini bien après...
– Tu te fous de moi ? Explosa Onyx en pointant un doigt accusateur vers Lardzar. Tu ne vois pas qu'ils sont en train de mijoter quelque chose ? Ils sont en train de nous diviser, c'est évident ! Je ne peux quand même pas partir alors que...
– Si je puis me permettre...
Les deux homme-dragons dévisagèrent Sieg qui se levait en se raclant la gorge. Grâce à son épée, Venwë Fëa, il venait de voir l'âme de Blaso bouger avant son corps, révélant à l'écarlate que le roi avait l'intention de mettre une droite monumentale au prince qui n'aurait fait qu'envenimer la situation. Souhaitant éviter un différent familial qui ne pourrait pas être réparé, il décida de trouver une autre solution.
– Prince Onyx met en doute nos bonnes intentions. Ne devrions-nous pas le convaincre nous même au lieu de simplement l'écarter ? Un jour, peut-être que l'entente entre Fangia et Dredia dépendra de la relation qu'il entretiendra avec prince Lardzar, alors nous ne devrions pas l'envenimer...
Le roi devint pensif, regardant tour-à-tour Sieg et son fils qui fixait l'écarlate avec stupeur.
– Qu'en dis-tu, Onyx ? Qu'ont besoin de faire nos invités pour te prouver qu'ils ne nous mentent pas ?
Onyx hésita, n'arrivant pas à imaginer ce qui pourrait le convaincre de la bonne foi des représentants de Dredia. Udia se pencha vers le prince pour chuchoter dans son oreille.
– Dîtes, vous n'auriez pas amené avec vous la cloche dont parlait Sieg... Vous savez, celle qui sonne quand...
– Non, je ne pouvais pas... Visiter quelqu'un en emportant un tel objet et vu comme une grave insulte, comme si nous ne faisions pas confiance à nos hôtes. Aucun diplomate ne voyage avec ce genre de chose. Et les homme-dragons n'utilisent pas ce genre de dispositifs, alors nous ne pourrons pas compter dessus.
– Et encore une fois, les coutumes à deux balles nous empêche d'être logiques... grommela Farca en nain.
– Nos invités pourraient remporter nos épreuves des trois héros... suggéra timidement Basile. Mon frère ne se permettrait pas de douter d'individus qui...
Il ne termina pas sa phrase, intimidé par le regard sombre de son frère.
– Tu ne penses pas sérieusement ? Les épreuves des trois valeurs ne peuvent être que passés par nos plus valeureux guerriers, aucun étranger n'a jamais été autorisé à les passer !
– Il y a un début à tout... soupira Blaso. S'ils réussissent, me promets-tu au moins de ne plus harceler nos invités ?
Abasourdi, Onyx étudia l'expression sérieuse de son père ne voyant pas une once de plaisanterie dans ses traits.
– Bah, très bien ! finit par capituler le prince. Laissons les essayer, j'ai hâte de les voir échouer !
– Parfait ! s'exclama le roi avant de se tourner vers ses convives. Quand la lune dorée se lèvera, vous participerez à trois épreuves. Une seule personne pourra s'essayer à chaque épreuve, alors je vous conseil de bien décider lesquels d'entre vous se dresseront contre chaque défi.
Le roi fit signe à un garde d'approcher avant de murmurer dans son oreille et le congédier.
– Quand nous aurons fini de manger, nous vous remettrons un document expliquant quelles sont les trois épreuves. Cela vous convient-il ?
Lardzar se leva pour critiquer cette décision mais Sieg leva la main pour le dissuader d'intervenir.
– Si c'est ce qu'il faut pour prouver à Onyx que nous ne sommes pas ses ennemis, nous ne nous défilerons pas.
Lardzar décida de se fier au bretteur, mais il se sentait tout de même gêné qu'une telle décision soit prise sans qu'il ne soit concerté. Quand le repas fut terminé et que les invités étaient guidés vers leurs appartements, le prince interpella l'écarlate.
– J'espère que vous savez ce que vous faîtes. Vous risquez beaucoup de choses en acceptant de jouer leur jeu.
– Ne vous inquiétez pas, nous sommes habitués à ce genre de situations... le rassura le bretteur. De plus, nous allons vite savoir ce qui nous attends et donc nous y préparer, c'est bien plus que ce à quoi nous sommes habitués.
– Et dire que le prince aurait été envoyé loin si tu n'avais rien dis... se morfondit Farca. J'espère que ça ne va pas se retourner contre nous...
– Nous n'allons pas tarder à le savoir... déclara Sieg en voyant un garde s'approcher en tenant un rouleau de parchemin. Les règles des épreuves, je suppose ?
– Exactement, répondit le garde en lui tendant le parchemin. Je vous conseil de bien réfléchir, parce qu'elles ne seront pas faciles.
– Voyons voir ça...
Sieg déplia le parchemin et commença à le lire, vite rejoint par les Déicides. Ils relurent plusieurs fois les règles, sidérés par ce qu'ils découvrait.
– Houla... lâcha enfin Farca. Ils sont sérieux ?
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