Chapitre 26 : Rapprochements culturels

Le prince s'avança, n'osant pas adresser un regard à la cour qui l'entourait, guettant avec autant d'avidité que leur monarque ses prochains mots.

– Tu as vu juste, Blaso, je suis Lardzar, et mon père m'a envoyé pour préserver la paix entre nos deux peuples. Du moins, officiellement. En réalité, j'ai presque dû supplier mon père de me laisser venir, et je ne doute pas que s'il a accepté, ce n'est que parce qu'il espère que je ne revienne jamais de cette mission.

Blaso haussa un sourcil, intrigué par la franchise de son interlocuteur. Il ne s'était pas fait d'illusion quand aux véritables motifs de Xerec, mais il avait imaginé que son fils aurait été soit trop sot, soit trop imbus de sa personne pour se rendre compte qu'il n'était qu'un pion. En prouvant qu'il avait conscience de sa condition, Lardzar venait de dévoiler qu'il avait plus de valeur que ça.

– Pour résumer, tu es ici pour, finalement, aller contre les intentions de ton père... Tes intentions n'ont donc pas le soutien de ton pays, et tu penses arriver à mener à bien ces négociations ?

– Absolument. Après tout, la dernière chose que tu veux, c'est que je sois la cause de cette guerre. Je ne doutes pas que tu as toi aussi très envie d'affronter les armées de mon père pour laver les affronts que ma nation t'a infligé récemment. Mais tu n'es pas stupide, tu sais que si tu es désigné comme la cause de ce conflit, tu perdras beaucoup de tes alliés. C'est pourquoi je sais que ma sécurité est garantie tant que je suis ici. Au final, mon escorte n'est ici que pour veiller à ma sécurité sur mon chemin jusqu'ici ainsi que pour mon retour.

Le roi frappa son trône de son poing et éclata de rire.

– Ah, tu m'as bien mieux cerné que ton crevard de père ! Je dois avouer que je comptais te garder enfermé dans une cellule pendant trois jours avant de te renvoyer chez toi en disant que tu n'avais pas réussi à me convaincre, mais tu me plais ! Si Dredia avait un gars comme toi à sa tête, je pense que nos pays pourraient même envisager une alliance !

– Je rejoins ton sentiment, déclara Lardzar en s'inclinant. Et pour être moi même honnête, si je survis, je tiens à profiter de la nomination du prochain Ténèbraile pour corriger la direction que prend ma nation.

– Soit en le devenant toi même, soit en lui léchant les boules... ricana Blaso. Toi, tu vas faire un roi prometteur, je le sens...

Pendant que le représentent de Dredia menait efficacement ses négociations avec le souverains de Fangia, Bélial s'éloigna sur reste du groupe qui restait concentré sur leurs échanges. La jeune femme avait eu pour consigne de ne pas intervenir durant la conversation sans y avoir été invitée, chose qu'elle comprenait mais elle s'ennuyait ferme.

La barbare scruta du regard la cour du roi, détaillant ses membres. Elle releva qu'ils étaient tous robustes et bien entraînés, lui indiquant que leur peuple valorisait la force physique, tout comme son clan. Quelques personnes remarquèrent qu'elle les observaient attentivement et lui rendirent le regard avec curiosité.

– On peut t'aider ? demanda à voix basse l'un deux.

– Bah en fait... Je me demandais si vous êtes tous des guerriers ici... Dans mon village, tout le monde savait se battre, mais j'ai appris que pas tout le monde vivait comme ça...

Après une plus minutieuse inspection de la jeune femme, son interlocuteur réalisa qu'il s'était mépris sur son compte. Ayant d'abord cru qu'elle n'était qu'une simple servant présente pour le plaisir du prince qui avait une réputation qui s'étendait même jusqu'ici, il réalisait que ses muscles étaient aussi développés que ceux d'homme-dragons, révélant qu'elle était formée au combat. Comprenant qu'il s'adressait à une véritable guerrière, il se détendit et se montra plus amical.

– Tu ne dois pas connaître beaucoup de choses sur notre peuple alors... Les homme-dragons sont des guerriers nés, notre sang ne vibre que pour le combat. Cependant, ne vas pas penser que nous ne sommes que des brutes qui nous attaquons au premier venu. Nous tempérons notre force par un code d'honneur qui fait notre fierté. Si un combat n'a pas de valeur à nos yeux, nous n'y prenons pas part.

Fascinée, Bélial pressa l'homme-dragon avec plus de question auxquelles il se fit une joie de répondre. Réaliser que celle qu'il avait prit pour une pimbêche uniquement intéressé par son apparence était en réalité une âme-sœur de son peuple lui avait apporté une satisfaction notable.

– Dîtes-le nous si on vous fait chier, on attendra que vous ayez terminé pour continuer...

L'homme dragon sursauta et reporta ses yeux remplis de panique vers le trône. Bélial se retourna à son tour et vit qu'elle était devenue le centre de l'attention de la pièce. Farca et Sieg lui faisaient les gros yeux alors que le reste des Déicides semblaient déjà se préparer à un éventuel conflit. Lardzar fixait la jeune femme avec un mélange d'étonnement et de curiosité alors que Blaso fulminait.

– Je me vois comme un roi plutôt détendu quand il s'agit du protocole, mais là, nous sommes en train de parler de choses importantes. Alors je n'ai pas envie de bruit de fond.

– Oups, pardon ! s'excusa Bélial en se frottant l'arrière de la tête. Je voulais juste en savoir plus sur vos habitudes ! Depuis que j'ai quitté mon village, j'avais jamais rencontré d'autre peuple vraiment guerrier comme le tien, alors j'ai été curieuse !

Blaso plissa des yeux. Il s'était attendu à ce que la démone fonde devant lui, intimidée par son rang comme le faisait d'ordinaire les représentants d'autres races, mais elle osait encore croiser son regard et lui sourire avec un air légèrement embarrassé.

– Je te demande de l'excuser, elle est ici pour ma sécurité, expliqua Lardzar. Bélial n'est pas...

– Bélial, hein ? répéta le roi sans cesser de dévisager la démone. Approche, je veux te regarder de plus près...

La barbare guetta une réaction de son chef qui lui adressa un simple hochement de tête pour donner son accord. Le silencieux échange n'échappa à Blaso qui identifia vite Sieg comme étant une personne d'autorité. Sereine, Bélial s'approcha de Blaso et s'arrêta trois mètres devant lui, un poing sur la hanche et une expression blasée sur le visage.

– Voilà, tu me vois mieux ? T'as quelque chose de particulier à, me demander ?

Blaso se leva de son trône et descendit les marches qui le séparait de la démone. Cet acte sidéra sa cour qui ne le voyait que très rarement quitter son siège si l'audience n'était pas levée. Le roi détailla le physique de la jeune femme, impressionné par ses formes qui reflétait son entraînement assidu. Cependant, ce qui le fascinait le plus, c'était son regard, farouche et indomptable. Elle se moquait d'être devant le souverain d'une nation, ou même le membre d'une autre race, elle le regardait comme un égal, non pas par manque de respect, mais parce qu'à ses yeux, personne lui est ni supérieur, ni inférieur.

– Hé bien ! Au début, j'ai cru que tu n'étais qu'une des concubines de Lardzar, mais je vois que tu as bien plus à offrir... Mais s'il a bon goût, je ne doute pas qu'il finira par te proposer de devenir une de ses amantes... De ce que j'ai entendu, les démons de haute naissance ont l'habitude de coucher avec de nombreuses femmes, ça augmente leurs chances de produire une Âmessombre. Enfin, de nos jours, ce sont les Cendresangs qui sont voulu chez vous...

Bélial pouffa de rire avant de désigner Lardzar derrière avec de son pouce.

– Ouais, non, je risque pas de dire oui. Il est sympa et tout, mais je suis pas intéressée ! J'ai déjà un homme dans ma vie, et je suis très heureuse avec lui !

Instinctivement, Blaso tourna son attention vers l'écarlate, guettant ses réactions qui confirmèrent ses suppositions. Soudain, il vit quelque chose d'anormal qui lui indiqua que l'on cherchait à lui cacher quelque chose.

– Hé, toi en rouge ! cria le roi. Ta queue fait souvent des tours de magie comme ça ?

Surpris par la question, Sieg baissa le regard et se mordit la lèvre en voyant que l'illusion de sa queue de démon passait à travers le flanc de Farca et ressortait au centre de son torse. Le bretteur échangea un regard avec Ahmés qui ne put que hausser les épaules avec embarras.

– Bon, de toute façon, nous devions surtout cacher nos vraies apparences à Dredia, ce ne sera pas requis ici... soupira Sieg en retirant son talisman.

Blaso regarda sans rien dire l'épéiste prendre forme humaine, vite imité par plusieurs de ses compagnons. Il fut étonné par Lorelya qui vira au vert, mais ce ne fut pas la seule teinte de peau qui le choqua. Même Bélial retira son propre talisman, ce qui eut pour effet d'assombrir sa peau.

– Mouais, je commence à comprendre... grommela Blaso. C'est vrai qu'à Dredia, les humains sont traités comme des esclaves, alors c'est normal que vous vous fassiez passé pour des démons. En tout cas, vous n'aurez pas à vous cacher ici, Fangia traite votre race avec respect. Vous n'en rencontrerez pas beaucoup à Scurgia parce qu'il y fait trop chaud pour vous, mais dans beaucoup de villes et villages, les homme-dragons et humains vivent côte-à-côte sans problème.

Blaso marcha vers Sieg qui étudiait ses mouvements et posa son doigt contre son torse.

– Par contre, je n'ai jamais vu d'humains avec une peau aussi sombre. Et c'est la même chose pour Bélial, les démons ont normalement un teint beaucoup plus clair. Quand je vous vois, je ne peux pas m'empêcher de penser que vous avez un sacré secret...

Sieg resta prudent, ne sachant pas s'il pouvait se risquer à avouer les origines de son équipe si ouvertement. Il chercha conseil chez le prince qui se racla la gorge et interpella le roi.

– Cela peut sembler incroyable, mais Sieg ci présent ainsi que ses compagnons nous viennent du monde de la lumière.

Blaso écarquilla les yeux et fixa intensément l'écarlate, comme s'il venait juste de se changer en une chaise chantante.

– C'est vrai ça ? Toi et tes amis venez du monde de la lumière ?

Voyant qu'ils ne pouvaient plus marche arrière, le bretteur se retint de grogner d'exaspération et décida de jouer franc jeu.

– Prince Lardzar a raison, nous ne venons pas de ce monde. Dans le cas de Bélial, elle est la descendante des démons qui se sont retrouvés coincés chez nous à la fin de la guerre du Crépuscule. Mon nom est Sieg, c'est un honneur de te rencontrer, roi des homme-dragons rouges.

Intrigué par cette révélation, Blaso dévisagea ses invités, s'attardant plus longuement sur Lorelya, avant de s'arrêter sur Adam. Le colosse lui laissait une drôle d'impression, comme s'il était dévisagé par un objet capable de le juger. Poussé par sa curiosité, l'homme-dragon fit quelques pas vers le gardien.

– Toi, tu es clairement le plus spécial d'entre vous... Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai l'impression que tu es ni un humain, ni un démon, et encore moins un homme-dragon...

– Protocole De Salutations Enclenché ! Je Suis Adam, L'Arme Défensive Automatique Magique. D'Après Mes Calculs, Si Tu As L'Impression Que Je Suis Différent, C'est Probablement Parce Que Je Ne Suis Pas Un Être Organique Comme Vous Tous.

Le roi n'eut aucun mal à croire la déclaration du gardien, son timbre métallique et monocorde ne pouvant pas provenir de cordes vocales.

– Hé bien, j'en fais, des rencontres singulières ! Des visiteurs d'un autre monde... Un homme de métal... Je crois ce que vous me dîtes, mais c'est justement ça qui me pousse à me poser des questions...

– Comme ce qui peut nous avoir pousser à forcer d'ouvertures des portails entre les mondes pour venir ici, n'est-ce pas ? soupira Sieg. Une question sensée à laquelle je vais apporter une réponse, aussi farfelue soit-elle...

Blaso garda le silence pendant tout le récit de Sieg. À plusieurs reprises, ses traits trahirent son étonnement ou ses doutes face à ce qui lui était raconté, mais pas une seule fois il n'interrompit l'écarlate. Quand ce dernier eut terminé son récit, le roi s'éloigna, les mains serrées dans le dos, plongé dans ses pensées.

– Quelqu'un chercherait à ramener les Déchus et en aurait déjà récupéré au moins cinq ? Si c'est vrai et que le dernier se trouve dans le monde des ténèbres, votre présence ici devient logique. Je ne vais pas aller jusqu'à dire que je te crois sur parole, mais au moins, je vais garder à l'esprit ce que je viens d'apprendre. Si une telle menace devenait réelle, je ne voudrait pas que ma nation soit rayée de la carte parce que j'ai été trop borné pour ne pas envisager cette éventualité.

Le roi se dressa de toute sa stature et regarda ses invités avec résolution.

– Je vais vous autoriser à visiter la bibliothèque royale pendant votre visite ici. Je suis conscient que vous êtes ici pour assurer la sécurité de Lardzar, mais je m'engage personnellement à veiller à ce que rien ne lui arrive. Si ça peut vous rassurer, certains d'entre vous pourrons continuer de l'escorter, mais si le danger des Déchus est réel, c'est ça qui doit être votre priorité. De mon côté, je demanderais à mes érudits de mener leurs propres recherches. Si vous apprenez quoi que ce soit d'importun sur le sujet, je vous ordonne de m'en faire part, et j'en ferais de même de mon côté.

Pendant que Sieg remerciait le souverain pour son aide, Farca ne cacha pas sa joie d'apprendre que son temps serait moins passé à surveiller le prince et assister à d'interminables réunions et plus à éplucher des ouvrages qu'elle ne connaissait pas. Udia partagea la même satisfaction, contrairement à Bélial qui était pour le moment plus intriguée par les coutumes du peuple de Fangia.

– Mouais, moi, je préfère aller surveiller les environs... déclara Lorelya. Passer mes journées enfermée, que ce soit dans une bibliothèque ou dans une salle de conseil, ça ne m'intéresse pas... Je serais plus utile si je garde l'œil ouvert...

– Sage décision, lui répondit Sieg. Nous ignorons ce qui peut arriver, alors nous devons rester vigilants.

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