Chapitre 18 : Mise à l'épreuve

En constatant qu'il faisait maintenant bien plus chaud que quand elle était à Ypratis, Lys remisa son manteau en fourrure dans son sac. Elle hésita à changer ses bottes avant de se dire qu'elle ferait mieux de se montrer sous son meilleur jour au lieu de se déchausser en plein milieu du passage.

La lancière ignora encore une fois ses compagnons qui firent bien moins de manières, se changeant sans hésiter malgré les regards amusés qu'on leur lançait. La guerrière profita de l'accalmie pour mieux observer les lieux, réalisa en regardant derrière eux qu'ils n'était pas exactement dans une caverne mais plutôt sous un renfoncement d'une falaise. Elle s'approcha de l'ouverture vers l'extérieur, admirant le paysage qui s'étendait sous un ciel sombre baigné d'une lueur bleutée. En levant les yeux, Lys admira une magnifique lune bleue, un astre bien plus large que celui qu'elle connaissait.

– Pas mal comme vue, pas vrai ? ricana le gardien du portail en s'approchant d'elle. La première fois que j'ai vu une des lunes d'ici, c'était la rouge, et je n'en suis pas revenu ! La dorée est pas mal non plus, mais celle-ci est ma préférée des trois.

– Trois lunes ? s'étonna Lys. Il y a combien de soleils alors ?

– Zéro, le jour n'existe pas ici, expliqua le gardien. Tout le monde vit selon le rythme qu'il a choisi ici, alors si vous êtes réveillés que depuis quelques heures, je vous conseillerais de vous coucher en même temps que la lune rouge. Bon, suivez moi. On va vous faire passer des tests d'aptitudes.

Lys suivit le gardien, cachant mal son dégoût de voir les quatre autres la rejoindre. Leur guide leur fit traverser une large partie du campement, passant non loin d'un regroupement d'individus qui s'étaient s'étaient réunies pour converser loin des oreilles indiscrètes. Lys leva les yeux en direction de la falaise, observant à nouveau les cabanons qu'elle y avait remarqué en se demandant pourquoi le campement avait principalement été installé à la verticale, délaissant ainsi les centaines de mètres carrés disponibles à même le sol. À la place, elle pouvait apercevoir des petites tourelles de métal ornées de pierres sombres éparpillées de partout pour un usage qui lui échappait complètement.

Le gardien s'arrêta non loin d'un bataillon en plein entraînement et héla une personne en charge qui se dirigea vers eux. L'homme portait une simple armure en cuir et tenait sous son bras un casque, laissant ses cheveux longs tomber jusqu'à ses épaules.

– Ah, des nouvelles recrues ? s'exclama-t-il en détaillant tour-à-tour les visages inconnus. On va voir ce que vous valez ! Déposez vos affaires dans un coin et...

– Ne pouvons-nous pas prendre le temps de nous reposer ? Nous venons de loin quand même !

Lys ne blâma pas l'entraînement pour le regard méprisant qu'il posait à présent sur Trèvor. Se retenant d'enfoncer l'ancien noble en précisant qu'ils n'avaient presque pas marché de la journée, la guerrière laissa tomber son sac au sol et s'avança en s'étirant.

– Ignorez le boulet, je suis sûre que vous allez finir par l'envoyer éplucher des patates dans l'espoir qu'il se taille accidentellement les veines... Moi, je suis prête, qu'attendez-vous de nous ?

L'entraîneur haussa un sourcil, s'attardant sur la lancière avant de sourire. Il voyait en elle du potentiel, mais il se devait tout de même s'en assurer.

– Commençons par un test d'endurance, déclara-t-il en désignant deux tourelles espacées de cinquante mètres. Je veux que vous fassiez vingt aller-retour entre elles en courant. En fonction de votre performance, je saurais déjà si vous avez le potentiel de rejoindre les forces d'élite ou si vous êtes bonne pour le bas de l'échelle.

– Vingt aller-retours ? paniqua Bénice en regardant tour-à-tour les deux repères. Mais... ça fait deux kilomètres, non ?

– Pour les mages et les prêtres, je n'en demanderais que le quart, précisa l'entraîneur. Même si vous aurez moins à vous dépenser physiquement que les autres, vous avez quand même besoin d'avoir une certaine base.

Bénice fut à peine rassurée par cette remarque. Trèvor et Erandel échangèrent un regard désespéré alors que Dodro se réjouissait d'avance en plantant sa lance dans le sol, près de celle que Lys avait délaissée.

– Pas de problème ! ricana le guerrier en baissant le regard vers Lys qui avait décidé de changer de bottes en prévision de la course. Hé ! Je te parie trois pièces d'argent que je les fini avant toi !

– Non mais franchement, tu as quel âge ? soupira la lancière en secouant la tête. Concentre toi au lieu de faire le malin, ça t'évitera de te faire recaler...

– Dis tout de suite que tu as peur de perdre ! se moqua Dodro en croisant les bras. Mais si l'argent ne te suffit pas, que dirais-tu que le perdant doit obéir à un ordre du gagnant ?

Sous son casque, Lys roula les yeux vers le ciel, ayant prédis cette évolution. Elle se massa la nuque en se retenant de lui dire de retourner jouer avec ses billes plutôt que d'ennuyer les adultes et le toisa.

– Bon, quand je t'aurais bien humilié, tu arrêteras de m'adresser la parole sans que je ne le fasse en premier, vu ? Je commence à en avoir assez de tes conneries...

– Pas de problème ! Et que je t'aurais fait mordre la poussière, je peux te promettre que l'on va passer de splendides nuits ensemble, toi et moi...

Ne réagissant pas à cette proposition qu'elle avait vu venir de bien loin, Lys haussa les épaules et ignora Dodro en se dirigeant vers la tourelle la plus proche. Le pari n'avait échappé aux oreilles de personne, une petite foule s'étant rassemblée pour observer la chair fraîche. La coutume voulait de toute façon que les nouvelles recrues soient observées pour les juger et savoir si elles méritaient le respect ou s'ils feraient de bons larbins.

Les cinq nouveaux s'alignèrent au pied d'une tourelle. Trèvor, Bénice et Erandel cherchaient à se motiver alors que Dodro trépignait d'impatience en jetant des regards en coin à Lys qui l'ignorait avec un air blasé.

– Bon, cinq tour pour la petite demoiselle, vingt pour le reste ! rappela l'entraîneur sous les acclamations plus ou moins inspirées des troupes. Prêt ? Partez !

D'une puissante détente, Dodro laissa vite derrière lui ses trois camarades les moins athlétiques qui avaient décidé de ménager leurs forces. Il se sentit fier de son excellent départ, mais son sourire s'envola quand il réalisa que Lys était déjà trois mètres devant lui et continuait de mettre de la distance entre eux. Voyant que la lancière n'était pas à prendre à la légère, il pressa l'allure, mais la distance entre eux ne cessa de se creuser. Il força sur ses jambes, sentant déjà ses muscles hurler sous l'effort qu'il leur imposait, mais rien n'y faisait, l'avance de la guerrière gagnait toujours en importance. Elle tourna autour de la tourelle et repartit en sens inverse. Même sous son casque qui masquait le haut de son visage, Dodro vit qu'elle était sereine alors qu'il commençait déjà à suer et était au bord d'haleter.

– Trop prévisible... lâcha Lys en passant à sa hauteur.

Dodro tenta de se calmer, la pique de Lys l'ayant enragé. Cependant, il demeurait assez lucide pour tenir compte de plusieurs détails qui lui prouvaient que la lancière était loin de prendre la course au sérieux. En plus de la facilité avec laquelle elle courrait, elle portait encore son armure en partie en métal alors qu'il n'avait lui même qu'une tenue assez légère. Si même avec une charge supérieure elle le distançait aisément, il n'osait pas imaginer ce que ça donnerait si elle décidait de se débarrasser de son poids-mort.

Dépité, le guerrier ralentit l'allure, ne voulant pas s'épuiser et risquer d'échouer l'épreuve par stupidité. Il restait plus rapide que les deux autres hommes, sans même parler de la prêtresse, mais les commentaires qu'il entendait de la foule attisèrent sa colère. Après avoir fanfaronné ouvertement, voilà qu'il semblait déjà abandonner. Après le cinquième tour de Lys alors qu'il n'en était qu'au milieu de son troisième, ses nerfs cédèrent et le guerrier décida faire peser la balance dans son sens.

Sans ralentir sa course, il attendit que Lys se rapproche de lui avant de s'écarter pour le dépasser par la gauche. Quand elle fut à ses côtés, Dodro donna dans coup de pied vers ses chevilles, cherchant à la faire tomber et potentiellement assez la blesser pour qu'il puisse finir ses tours avant elle. Avec du recul, il se serait rendu compte que ce geste invaliderait leur concours aux yeux des spectateurs, mais son désir de vengeance lui embrouillait les esprits, il désirait simplement la voir tomber de son piédestal.

Contre toutes ses attentes, son pied ne brassa que de l'air. Lys avait bondi juste à temps, évitant sans peine l'action du lancier qui la regarda avec effarement. Lys atterrit plus loin et s'éloigna, mais il fut certain d'entendre un ricanement de sa part qui prouvait qu'elle se jouait encore de lui. Hors de lui, Dodro serra les dents pour ne pas hurler et ne quitta pas sa rivale des yeux. La foule avait commencé à le huer mais il ne s'en rendit pas compte, se focalisant plus que sur une seule chose.

Quand Lys commença à courir dans l'autre sens, Dodro se précipita vers elle. Ses intentions étaient prévisibles mais ce détail ne lui importait pas, il voulait uniquement qu'elle paye pour l'humiliation qu'il était en train de subir. Le guerrier chargea sa rivale, se préparant à lui mettre un coup d'épaule qu'il espérait dévastateur. Bien qu'elle portait des pièces en métal, elle restait plus menue que lui et donc un contact aussi violent serait plus dévastateur pour elle que pour lui.

Mais une fois de plus, la tentative de vengeance ne porta pas ses fruits. Ayant évidement vu la charge venir, Lys avait accélérer sa course en prévision de sa rencontre avec Dodro. Quand elle fut à la bonne distance, la lancière sauta de nouveau mais s'éleva plus haut dans les airs. Elle posa ses mains sur les épaules du guerrier et prit appui sur elles en profitant de son élan pour se propulser au-dessus de lui et le dépasser aisément. Perdant l'équilibre à cause de sa posture et la pression qu'il venait de subir, Dodro s'étala au sol sous les rires de la foule.

Après avoir craché la poussière qui avait envahi sa bouche, Dodro chercha l'entraîneur du regard, espérant qu'il houspille Lys pour l'avoir mis au sol. Malheureusement pour lui, l'homme ne faisait que le fixer avec suffisance.

– Je ne vais pas t'engueuler pour avoir essayé de tricher, c'est quelque chose que Maître Saga encourage. Par contre, ça veut aussi dire que je ne vais rien lui dire à elle si c'est son talent qui a déjoué tes combines à deux ronds. Alors lève-toi si tu ne veux pas échouer le test !

L'entraîneur délaissa alors Dodro et héla Lys.

– Vous, vous pouvez arrêter, je n'ai pas besoin d'en voir plus. Athlétique comme vous êtes, je suis sûr que vous pourriez me faire une petite centaines de tours avant de devoir faire une pause. Allez voir Mino là-bas, il vous testera au combat. Même si j'ai l'impression que vous allez le passer haut-là-main, on va essayer de suivre un minimum les règles.

Sous les applaudissements des troupes, Lys fit un détour pour récupérer ses affaires et s'éloigna sans adresser un seul regard à ses quatre compagnons de route qu'elle espérait ne plus avoir à côtoyer. Elle ne le dirait jamais à haute voix, mais elle était reconnaissante pour l'immaturité de Dodro qui tournait à son avantage. Avec ses pitoyables tentatives de la faire tomber, la guerrière avait eu deux occasions de briller et se faire remarquer pour son talent. Pour elle qui souhaitait vite se faire respecter et gravir les échelons, elle ne pouvait pas imaginer de meilleures conditions.

L'esprit léger, Lys vit un homme à la barbe brune fournie lui faire signe d'approcher, une épée en bois en main.

– Hé bien, on dirait que le vieux Hector a trouvé une perle rare, même par rapport- à d'habitude ! J'ai hâte de voir ce que vous valez ! Qui est volontaire pour...

– Moi ! Je veux l'affronter !

Mino se tourna d'un quart vers le demi-orque qui venait de prendre la parole. Lys détailla en silence le guerrier qui s'approchait d'elle, tenant dans une main une hache en bois et une lance simple dans l'autre.

– Toujours aussi motivé à ce que je vois, Radan ! s'extasia Mino. Toi aussi, tu as hâte de voir ce qu'elle vaut ?

– Non, j'ai déjà compris qu'elle est balaise... Et c'est pour ça que j'ai hâte de me frotter à elle, ça va me permettre de m'améliorer ! Si je veux que Maître Saga me laisse rejoindre l'équipe d'extermination, je dois prouver que je suis assez fort !

– L'équipe d'extermination ? demanda Lys en penchant sa tête sur le côté.

– Ouais ! lui répondit Radan avec un sourire mauvais. Tu as entendu parler des Déicides ? C'est une bande d'emmerdeurs qui n'arrêtent pas de se mettre dans le chemin de notre maître, alors il a décidé de former une troupe d'élite pour les neutraliser. Et comme une d'entre eux a buté mon frangin, je dois en faire parti pour le venger ! Et je ne suis pas le seul motivé ! Si la mission réussit, le Maître nous récompensera tous !

– Ah vraiment... susurra Lys en laissant sa langue glisser sur ses lèvres. Voilà une opportunité que je ne vais pas laisser passer...

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